Le 1/4 d'heure américain

 

Hello les jeunes!
Voilà, après moult réflexions et observations, (parce que je suis super observatrice et réfléchie comme fille moi ... ) j'ai remarqué un phénomène étrange et récurrent dans les fics largojoyistes, à savoir qu'il y avait toujours un moment, où le Largo, dans toute sa masculinité de héros jeune premier, prenait Joy a parte pour lui faire une déclaration d'amour, généralement profonde, afin de faire taire tous les doutes de la jeune femme quant à une relation avec lui, éternel coureur de jupons.
Seulement voilà, je proteste avec véhémence et indignation ! (z'avez vu comme j'y ai mis la conviction dans ma protestation ? Hein ? ) Dois-je vous rappeler, inénarrables romantiques largojoyistes auteurs de fics (très bonnes par ailleurs) que nous sommes au 21è siècle, en 2003 ? Et vous savez quoi ? En 2003, il n'y a plus de prince charmant qui se plie en quatre pour faire la cour à sa belle, pas plus qu'il ne se triture les méninges pour exposer de sublimes déclarations d'amour à sa dulcinée ! Soyons un peu réalistes deux secondes : aujourd'hui, pour avoir ce qu'elles veulent, les femmes doivent aller le chercher !
D'autant plus que dans le cas de Joy, cela commence à devenir désespérant. Il faut qu'elle se bouge ses petites fesses maintenant, car elle se retrouve devant un cruel dilemme, à savoir choisir entre les réponses à choix multiples mentionnées, confère ligne suivante :
a) elle renonce aux hommes et se fait nonne défenderesse de la veuve et de l'orphelin
b) elle vire sa cuti (ce qui serait assez drôle dans un autre contexte, mais ce n'est pas le propos pour l'instant)
c) elle attend patiemment qu'une des superbes femmes, ultra sexy et sûre d'elle, que Largo rencontre en permanence, ne le lui pique définitivement.
d) elle se décide à le conquérir MAINTENANT son Largo au lieu de nous emmerder avec ses états d'âme !
Alors Miss Arden, quel est votre choix ?
Euh ... J'hésite ...
QUOI ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
Non, non, non non, j'hésite pas, vous énervez pas ! Réponse d)
C'est votre dernier mot, Joy ?
Oui, Jean-Pierre, c'est mon dernier mot.
Ben fallait le dire tout de suite bécasse !
Et cela est l'objet de cette courte histoire.

*******

" Bon, j'y vais ou j'y vais pas ? " se demanda Joy pour la énième fois de la journée.
La jeune femme, installée à son poste de travail au bunker, demeurait immobile depuis une heure, l'air rêveur, tambourinant sans cesse de ses ongles manucurés son plan de travail, sans prêter attention aux soupirs d'agacement poussés par Kerensky, à intervalles réguliers.
Prise d'une insomnie la nuit précédente, la jeune femme, allongée dans son lit, contemplant le plafond, avait tenté désespérément de trouver des moutons à compter pour s'endormir, afin d'oublier le sujet qui l'angoissait et qui lui filait ses atroces insomnies plusieurs nuits par semaine.
Ce sujet angoissant, cauchemar des cauchemars, manque parmi les manques, sommet des sujets à prises de tête, numéro 1 au Top 50 des besoins vitaux de l'être humain, quintessence de la frustration, c'était l'abstinence forcée. Joy n'avait plus de vie sexuelle. Ah oui, c'est atroce quand ça arrive, hein ?
Et c'était particulièrement atroce pour elle, parce qu'elle était vraiment, mais alors, vraiment, vraiment, vraiment en manque cruel d'activité sexuelle. Et le sexe est très important pour quelqu'un comme elle. Vous voyez, quand on fait un boulot où l'on risque sa vie tous les jours, les montées d'adrénaline sont très fréquentes et qui dit montées d'adrénaline dit après, besoin de se défouler.
Il existait deux choses au monde qui permettaient à Joy de se défouler : le sport et le sexe. Et elle en avait vraiment, mais alors vraiment marre de faire du sport. Si quelqu'un venait lui parler de sport, elle lui arrachait les yeux. Elle faisait tellement de sport qu'elle aurait pu participer aux JO et remporter toutes les médailles sans même se doper.
Conclusion qui s'imposait : il fallait qu'elle se remette au sexe. Hélas, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas eu de liaison, qu'elle commençait à se demander comment elle faisait avant ... Enfin, non, je vous vois venir, pas au niveau de la technique ... De ce côté-là, rien à craindre, elle avait des souvenirs assez précis ... Non ce qui l'handicapait surtout, c'était de trouver le mâle qui allait avec l'activité sexuelle. Car il en faut un, c'est indéniable. Techniquement, c'est difficile de faire sans ... Mais, n'entrons pas dans les détails graveleux, voulez-vous ?
Or, et c'est un problème de taille pour Joy, elle ne savait plus comment attraper un homme. Cela faisait si longtemps qu'elle n'en avait plus cherché ... Où les dégotait-on maintenant ? Hum ? Dans quel type d'endroit ? Hum ? Et comment faisait-on déjà le tri entre ceux qui sont déjà mariés, déjà fiancés, déjà petite-amiesés, et ceux qui sont barjos, soporifiques, maniaques et creux comme une assiette vide ?
Le chantier qui l'attendait la décourageait ... Et puis elle n'avait ni l'envie, ni le temps avec son travail, de faire la chasse aux rencontres providentielles ... Non, il fallait qu'elle se concentre sur la sphère précise de ses connaissances. Parmi les ex-petits amis, à oublier, voire à prohiber tout de suite : déjà casés, ex de la CIA. Mauvaise idée.
Concernant ses amis ... Ben elle n'avait pas d'amis. Donc ça réglait le problème.
Et parmi ses collègues de travail ?
Largo ?
Non, non ... Trop de problèmes en vue.
Bon ... Kerensky ?
Oy, elle déraillait vraiment cette fois-là ... Jamais elle ne pourrait coucher avec un ex du KGB pour la simple raison que c'était contre-nature. Et puis, d'après le peu qu'elle savait sur son passé, elle semblait loin, mais alors très loin de son type de femme ...
Simon ?
Simon ...
Non, non ... Il a trop d'admiratrices chevronnées, dont certaines sont armées de pelle par ailleurs. Trop dangereux.
Euh alors ... Qui connaissait-elle d'autre au Groupe W ? Euh ah oui, John Sullivan ! Ah mais oui, mais oui, mais oui, mais oui, mais non. Définitivement non. Image paternelle. Une relation avec Sullivan tiendrait plus de l'inceste qu'autre chose ... Dommage, la différence d'âge ne la dérangeait pas plus que ça et elle aimait bien son genre trop sérieux mais qui a un bon fond ...
Oublions.
Euh ... Cardignac ?
Joy eut une soudaine envie de se donner une triple paire de baffes. Non mais elle était tombée très bras pour pouvoir penser à laisser cet idiot la tripoter ...
Ses pensées dévièrent à nouveau vers Largo. Bon d'accord, ça ne serait pas facile avec lui mais il avait un avantage certain sur tous les autres candidats : elle éprouvait des sentiments pour lui. Et c'est aussi justement pour ça qu'elle hésitait.
Elle continua à tambouriner de plus en plus vite des doigts sur son bureau, obligeant son collègue Russe à arrêter net son travail pour la dévisager d'un air meurtrier. Et sans se rendre compte de l'agacement qu'elle provoquait, ses pensées continuèrent toujours à vaquer autour de son charmant patron. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait de tenter le coup mais, elle n'avait pas le cran d'aller jusqu'au bout de cette très agréable idée ...
" Bon sang de bonsoir Joy, tu ne vas pas te décider à me laisser travailler ! " rugit soudain la voix de Kerensky.
Elle sursauta et fixa le Russe droit dans les yeux.
" Hein ? Quoi ? Comment ? "
Il soupira.
" Bon, je ne sais pas ce que tu as, et pour être franc ça m'est égal. Alors sors d'ici, règle ton problème et ne reviens que lorsque cela sera fait. Pigé ? "
Joy fit la moue et allait répliquer d'une de ces manières cinglantes dont elle avait le secret à son collègue, quand elle se rendit compte qu'il s'agissait là d'une perche à prendre qu'on lui tendait désespérément. Si elle était incapable de ce décider, quelqu'un le ferait à sa place, pile ou face !
" Tu crois que je dois le faire ? " demanda-t-elle.
Kerensky eut un regard vide.
" Faire quoi ?
- T'occupes, dis-moi juste oui ou non. "
Il haussa les épaules.
" Euh ... Oui ... " répondit-il au hasard, sans grande conviction.
Joy se leva aussitôt de son bureau.
" Tu sais quoi, Kerensky, t'as raison ! Je suis adulte, alors, je vais le faire !
- Euh ... Tant mieux ... marmonna un Georgi dans le flou le plus complet.
- Merci beaucoup Kerensky. Ton aide m'a été précieuse, j'avais besoin de ce coup de pouce.
- Je recommence quand tu veux ... " marmonna-t-il avec dérision.
Joy sourit et quitta le bunker pour prendre l'ascenseur qui la mènerait à l'appartement de Largo. Mais alors que les étages défilaient, elle prit conscience d'un nouvel obstacle de taille. Kirstie. Oui, Kirstie, puisqu'elle n'a pas encore été présentée aux nobles lecteurs de cette histoire, est la dernière petite copine de Largo. Un mannequin, très gentille mais pas une lumière, à classer dans la catégorie poule éphémère tendance Kleenex, avec qui Largo sortait depuis 48 heures, ce qui était d'une longévité exceptionnelle pour une poule éphémère à tendance Kleenex. Joy se dit qu'en attendant un jour ou deux, le temps qu'elle se mette hors jeu de la course, elle pourrait aborder Largo plus facilement.
Cela dit, il y avait toujours le risque que Largo la remplace aussitôt par une autre poule éphémère, voire, et c'était plus inquiétant, par une conquistadora (rivales plus dangereuses car à fortes personnalités) à longévité variable, selon le degré de la force de caractère. Or Joy, maintenant qu'elle avait pris sa décision, ne se sentait plus vraiment d'attendre indéfiniment, pas plus que de guetter un créneau entre deux donzelles pour alpaguer son milliardaire de patron.
Il fallait donc qu'elle se débarrasse elle-même de Kirstie. Opération délicate s'il en est, aux chances de réussite difficile à évaluer puisque jusqu'à présent inédite. Et oui, personne n'avait jamais tenté l'éjection-remplacement d'une copine de Largo, comme si ses conquêtes faisaient paisiblement et docilement la queue, prenant un ticket, et il s'agissait là d'une première inaugurée par Joy. Elle haussa les épaules en se disant qu'il lui suffisait d'avoir un peu de cran, et étant donné l'état de frustration dans lequel elle se trouvait, elle n'en manquait pas.
Elle parvint à l'étage où se situait l'appartement de Largo et émergea de l'ascenseur. Puis, elle débarqua sans frapper dans le penthouse. Largo se tenait assis derrière son bureau, son regard oscillant entre une pile de dossiers désespérément haute qui l'attendait, et la plastique parfaite de Kirstie qui visiblement tentait de le convaincre d'aller dîner en ville.
" Kirstie j'adorerais mais là tu vois ... Joy ? "
La garde du corps s'avança sûre d'elle et prit par la main Kirstie.
" Oh Mon Dieu, Kirstie, vous voilà enfin !
- Pourquoi vous me cherchiez ? s'étonna-t-elle.
- Mais oui, mais oui ! Vous n'avez pas entendu les informations ? Le monde de la mode est en ébullition ! Un attentat terroriste a détruit toute la collection automne-hiver de Gucci !
- Quoi ? s'écria Kirstie. Mais c'est horrible ! Il n'y a pas de blessés ?
- Non non, rassurez-vous, ce sont les rouleaux de taffetas qui ont tout pris. Mais il y a un grand ralliement pacifiste de mannequins à Rome, vous devez prendre l'avion au plus vite et les rejoindre tout de suite ! Ils vous attendent !
- Joy, mais qu'est-ce que tu racontes ? intervint Largo, hésitant entre la consternation et l'envie d'éclater de rire.
- Largo, tu mettrais en doute les informations très sérieuses d'un membre éminent de ton Intel Unit ? poursuivit-elle d'un air innocent.
- Euh non mais ...
- Bon, alors prenez vos affaires Kirstie, et foncez à l'aéroport ! poursuivit Joy en tendant son manteau et son sac à main à la jeune mannequin. On a besoin de vous !
- Euh oui, oui, mais vous êtes sûre, vous ... ?
- Oui, oui ... Vous avez votre passeport au moins ? continua Joy en prenant Kirstie par le bras pour la raccompagner à la porte.
- Oui ... Je l'ai toujours sur moi, mais et Largo ?
- Oh lui ? Ne vous inquiétez pas ! Sa petite amie prendra soin de lui ! "
Kirstie écarquilla les yeux en même temps que Largo.
" Quoi ? s'écrièrent-ils en chœur.
- Oh ? Largo ne vous l'avait pas dit ? s'amusa Joy. Il a été élevé dans le respect de la polygamie !
- Joy ! protesta Largo.
- Quoi ? hurla Kirstie.
- Oh vous êtes contre peut-être ? Bah ne vous en faites pas Kirstie, une femme aussi belle que vous trouvera rapidement chaussure à son pied. Allez, bon voyage ! "
Joy poussa Kirstie hors de l'appartement et referma la porte derrière elle, étouffant un soupir. Largo, resté cloué sur son fauteuil lui lançait un regard totalement consterné.
" Joy ? Je peux savoir ce que tu viens de faire ? " s'exclama-t-il, en tentant de garder son calme.
La jeune femme haussa les épaules et le rejoignit à son bureau.
" Euh ... Je crois que je viens de faire fuir ta petite amie.
- Mais pourquoi tu as fait ça ? "
Joy eut une moue désapprobatrice.
" Tu veux que je te fasse un dessin peut-être ?
- Je dois t'avouer que là, j'aimerais, oui ! "
Joy fit alors le tour du bureau, tourna le fauteuil de son patron vers elle et se pencha au-dessus de lui, prenant appui sur les accoudoirs.
" Je l'ai fait pour que tu sois à nouveau libre Largo.
- Pour que je ... "
Largo s'arrêta net. De la colère, son visage prit une expression troublée.
" Euh ... Joy ... Est-ce que je comprends bien ce que je crois que tu veux me faire comprendre ? "
Pour toute réponse, la jeune femme s'assit au-dessus de lui à califourchon et l'embrassa passionnément. Au début surpris, Largo n'eut même pas l'idée de la repousser, et finit par profiter amplement de cet élan passionné en rendant son baiser à la jeune femme, la serrant plus fort contre lui. Ils ne se séparèrent qu'à bout de souffle. Joy eut un sourire satisfait et l'embrassa à nouveau, à la différence près que cette fois-ci, une fois le premier flux brutal de testostérone résorbé, Largo se mit à réfléchir et la repoussa brusquement.
" Ca y est ! J'ai compris ! s'écria-t-il. Tu as encore bu de l'eau contaminée au LSD ? Hein ? C'est ça ?
- Mais non, idiot ! soupira la jeune femme.
- Alors, des amphèts dans la nourriture de la cafétéria ?
- Non, Largo, rien de tout ça ! J'ai juste changé d'avis sur notre relation ! "
Le jeune homme eut un regard sceptique. Puis il l'écarta de lui et quitta son fauteuil pour faire quelques pas dans la pièce afin de réfléchir. Elle posa ses poings sur ses hanches, dubitative, et le regarda s'interroger.
" Bon, je peux savoir ce qu'il se passe ?
- C'est trop facile tout ça Joy. Je cherche le piège.
- Il n'y a aucun piège !
- Ah non, ah non ! Je me méfie avec toi maintenant ! Avec n'importe quelle autre femme, ça m'aurait été parfaitement égale, mais tu es mon amie Joy. Il faut que je reconsidère ça avec plus d'attention et de recul.
- Que tu ... ? Hey ! protesta-t-elle. Tu serais gentil de ne pas parler de moi comme d'un dossier que tu dois étudier pour un Conseil d'Administration !
- Oui ben désolé pour le manque de romantisme mais là, je ne suis pas d'humeur !
- Comment ça pas d'humeur ?
- Je suis très en colère !
- Et pourquoi ? "
Largo croisa les bras contre son torse pour se donner de la contenance.
" Et bien déjà, je n'ai pas trop aimé ton attitude avec Kirstie.
- Je sais que je n'ai pas été délicate, mais j'avais envie de faire vite avant qu'elle ne réagisse ... Et ce n'est pas de ma faute si ta copine avait le cerveau conservé dans le formol !
- Joy !
- Mais quoi ? De toute façon tu l'aurais plaquée d'ici deux jours à tout casser ! J'ai juste avancé l'échéance !
- Joy, tu n'avais pas le droit de me faire rompre à ma place !
- Bon d'accord, d'accord, je te présente mes plus plates excuses, ça ne se reproduira pas. Maintenant on pourrait arrêter de parler de mademoiselle poule éphémère numéro 26 pour se concentrer sur toi et moi ? "
Largo hocha la tête, signe qu'il était d'accord. Mais il ne dit rien.
" Et bien ? s'impatienta-t-elle.
- Et bien quoi ?
- Vas-y, déballe ce que tu as sur le cœur !
- Commence toi ! Après tout c'est toi qui a pris l'initiative de tout ça !
- Mais je n'ai rien de particulier à dire !
- Ah bon ? Tu es sûre mademoiselle " tu es mon patron, je suis ton employée ", mademoiselle " notre relation finira par tomber dans la routine ", ou encore mademoiselle " tu n'es pas mûr pour une relation ", ou encore ... Qu'est-ce qu'il y avait encore ?
- Ca va, laisse tomber ! C'est fini tout ça.
- Fini ?
- J'admets, je me cherchais des excuses pour éviter d'avoir une relation avec toi. Bon, je l'ai dit, tu es content ?
- Assez oui. "
Largo et Joy continuèrent à se dévisager l'un l'autre, fulminant. Puis Joy tenta de se calmer, la situation était délicate, il s'agissait de tout faire pour qu'elle ne termine pas en impasse. Elle se décida à lui sourire.
" Alors où est le problème Largo ?
- C'est toi le problème. Qu'est-ce que tu imagines ? Que tu peux débarquer comme ça, à m'embrasser comme une déesse, en espérant qu'on fera table rase et qu'on recommencera tout comme par le passé ? Je ne suis pas d'accord ! Ce n'est pas aussi facile ! J'ai des sentiments moi aussi ! Je suis un grand sensible, pas une machine ! "
Joy retint son envie de rire devant l'émouvant plaidoyer de son ami et lui lança un sourire ravageur.
" Alors tu trouves que j'embrasse comme une déesse ? " dit-elle d'un air taquin.
Largo parut s'en offusquer.
" Joy, je suis très sérieux ! Je ne veux pas que tu joues au yo-yo avec moi, d'accord ? On s'est tournés autour sans arrêt depuis qu'on se connaît et à chaque fois que je faisais un pas vers toi, toi tu reculais ! C'est toi qui m'a toujours fermé la porte au nez ! C'est toi qui m'a plaqué pour des raisons idiotes alors que notre relation en était à peine à ses balbutiements ! C'est toi qui ...
- Ok, ok, mea culpa ! Je suis désolée, mais je n'étais pas sûre de moi et je ne voulais pas me laisser aller. Mais maintenant je suis décidée ! "
Largo secoua la tête d'un air sceptique.
" Je ne sais pas Joy. Ce changement est trop soudain pour que je me permette de le prendre au sérieux. Tu sais à quel point notre amitié compte pour moi, tu sais qu'après ce qu'il s'est passé entre nous, notre relation n'a plus jamais été la même ! Nous n'avons pas retrouvé notre complicité. Et tu sais quoi ? J'ai peur que cette fois-ci, si ça ne marche pas, ça ruine totalement tout ce qui existe entre nous. Je ne veux pas te perdre Joy !
- Je vois.
- Quoi " tu vois " ? Qu'est-ce que tu vois ?
- C'est très clair.
- Ah non, ne joue pas à ça ! Qu'est-ce qui est très clair ?
- Que là, c'est toi qui cherche des excuses. Si tu ne veux pas de moi, dis-le tout de suite Largo et ne me fais pas perdre mon temps !
- Ne sois pas ridicule, bien sûr que j'en ai envie !
- Alors où est le problème ?
- Le problème, c'est que je suis presque sûr que tu finiras par faire demi-tour, alors je préfère limiter les dégâts maintenant. "
Joy se mordit la lèvre et convint en son for intérieur qu'il était temps qu'elle change de tactique.
" D'accord.
- D'accord ? répéta-t-il méfiant.
- Je vais te prouver que je ne ferai pas demi-tour ... "
Largo allait demander des précisions, quand il remarqua que la jeune femme s'approchait de lui très dangereusement, un sourire peu recommandable au visage.
" Joy ... commença-t-il sur un ton de reproche.
- Oui ? sourit-elle alors qu'elle était de plus en plus proche de lui.
- Ne crois pas que tu m'auras en me faisant ton regard de biche ...
- Mais quel regard ? " demanda-t-elle innocemment en s'arrêtant juste en face de lui, le frôlant complètement.
Le jeune homme masqua son trouble et regarda en l'air.
" Ca ne marchera pas ...
- Qu'est-ce qui ne marchera pas ? fit-elle tout en laissant ses mains parcourir le torse de Largo.
- Notre situation est trop complexe pour être réglée par le sexe.
- Mais, on n'a jamais essayé ... " murmura-t-elle en se collant contre lui.
La jeune femme commença à embrasser son patron dans le cou et celui-ci, de plus en plus troublé, tentait vainement de garder le fil de ce qu'il voulait lui dire.
" Arrête Joy ... Je te connais, tu vas regretter ce que tu fais ...
- Oui, oui ... Je le regrette vachement ... ironisa-t-elle en lui mordillant l'oreille.
- Joy, je ne vais pas me laisser avoir ... Notre ... Notre amitié ... bafouilla-t-il, malmené par les caresse des lèvres de Joy sur sa peau. Elle ... Compte énormément pour moi et ... Oh ... Mes sentiments pour toi ... Me ... Me compliquent la tâche et ... Un peu plus bas ... " finit-il par lâcher, guidant les baisers de la jeune femme dans son cou.
Puis Largo finit par se ressaisir et s'écarta avec fermeté de Joy.
" Non, non, non ça ne va pas arriver.
- Largo, soupira Joy, je sais que tu n'as jamais su sur quel pied danser avec moi, mais cette fois-ci j'en ai assez. Je regrette de t'avoir plaqué, je le regrette amèrement. Voilà, c'est ce que tu voulais entendre ? "
Le milliardaire parut réfléchir un instant.
" Tu veux un bébé c'est ça ? lança-t-il subitement, pris d'une sorte d'éclair de lucidité.
- Hein ? s'écria Joy, hébétée.
- Oui je sais, c'est forcément ça ! C'est ton horloge interne qui te parle et tu cherches un homme avec lequel tu pourrais assurer ta descendance !
- Ne raconte pas n'importe quoi !
- Ah mais je suis très lucide ! Le mois dernier j'ai rencontré une femme qui voulait à tout prix coucher avec moi pour avoir un enfant de milliardaire : selon elle il n'y en avait aucun en stock dans les banques de sperme ...
- Largo, je te respecte, tu sais. Je ne te prendrai jamais pour une banque de sperme ambulante ! Je ne veux pas d'enfants ! "
Largo eut l'air déçu par ce qu'elle disait.
" Comment ça, tu ne veux pas d'enfants ? s'interrogea-t-il.
- Mais si ! rectifia-t-elle.
- Quoi tu veux un enfant ? s'écria-t-il d'un air catastrophé.
- Mais non ! Et ... Oh et puis arrête de m'embrouiller, je le vois bien que tu essaies de gagner du temps ! Tu veux qu'on mette les choses à plat ? Tu veux une déclaration ? Et bien c'est d'accord ! Si je suis ici devant toi, c'est parce que j'ai envie de toi et que je t'aime ! Je t'admire, je te respecte, alors tu vas me faire le plaisir d'arrêter tes jérémiades et tes caprices de milliardaire et tu vas me faire l'amour, là, maintenant, et passionnément ! "
Largo allait protester, bafoué dans sa fierté, lorsque soudain, il se rendit compte du ridicule de la situation. Il avait devant lui une magnifique jeune femme qu'il adorait, dont il était même complètement fou et il se disputait avec elle parce qu'elle souhaitait reprendre leur relation là où ils l'avaient laissée. Sa crise de paranoïa avait poussé la jeune femme, une jeune femme qu'il désirait ardemment, à lui ordonner, voire à lui commander de lui faire l'amour !
Il sourit. Son sourire s'élargit de plus en plus. Puis il finit par sombrer dans un éclat de rire. Joy, déstabilisée par ce changement d'humeur, se vexa légèrement.
" Quoi ? "
Largo ne répondit rien, toujours occupé à rire.
" Mais quoi ? " s'impatienta-t-elle.
Il calma nerveusement ses rires et secoua la tête signe qu'il n'y avait rien.
" Excuse-moi Joy. C'est juste que j'ai envie de toi depuis le premier jour. Et au moment où tu te laisses aller, je fais le con ! "
Joy lui rendit ce sourire.
" Ne t'en fais pas, je suis habituée. Écoute Largo, je comprends tes hésitations, mais je te promets que cette fois-ci ce sera différent. J'admets être venue ici sur un coup de tête, mais maintenant je sais ce que je veux. C'est une évidence. Et je te veux toi. "
Largo fut touché par les mots de la jeune femme. Il lui sourit et prit sa tête entre ses mains.
" Moi aussi ... C'est toi que je veux. "
Il déposa un bref baiser sur ses lèvres, puis un deuxième et un troisième.
" Et maintenant ? demanda-t-elle entre deux baisers.
- Maintenant ?
- Qu'est-ce que tu comptes faire ? articula-t-elle tandis qu'il laissait à ses lèvres un bref répit.
- Dans l'immédiat ? sourit-il. Je comptes te faire l'amour, là, maintenant, et passionnément ... "
Encore un baiser, plus long, plus langoureux cette fois.
" Et après ? demanda-t-elle dans un souffle.
- Je te ferai l'amour une deuxième fois, et encore, et encore, et encore ... "
Elle eut un rire qu'il étouffa en l'embrassant longuement.
" Jusqu'à quand ? poursuivit-elle, un sourire radieux aux lèvres.
- Jusqu'au jour où l'on ne s'aimera plus ...
- Et si ce jour ne vient jamais ? murmura-t-elle.
- Et bien ... hésita-t-il en caressant lentement son dos et en plongeant la tête dans sa nuque. Et bien il sera toujours temps de te faire un bébé ... "
Ils partagèrent un rire tendre et s'embrassèrent passionnément, de plus en plus passionnément, trouvant lentement mais sûrement le chemin de la chambre à coucher ... C'était la fin du quart d'heure américain ...

FIN