par Sophie
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Comment toujours, un immense merci à Ally, correctrice
patiente et avisée mais avant tout amie toujours présente
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Largo reprenait lentement ses esprits. Il était encore sous le coup du
stress provoqué par son affrontement avec le docteur Turner. Peu à
peu les choses se mettaient à leur place dans sa tête et même
s'il ne comprenait pas encore clairement les motivations du docteur Turner,
ça n'avait plus tellement d'importance. Après l'avoir désarmée,
il avait trouvé ce qu'il fallait pour lui lier les mains et maintenant,
ils revenaient vers la partie habitable de la station. Ils longeaient les couloirs
gris en silence. Largo tenait fermement le bras de la femme, bien décidé
à ne pas la laisser s'échapper. Il contraignait son esprit à
se focaliser sur des éléments concrets pour repousser la fatigue
qui le gagnait. Il songeait à ce qu'il allait maintenant advenir du projet
Arctique. Il faudrait convaincre le conseil de laisser une chance à la
station, trouver un nouveau responsable scientifique, fiable celui là
! Largo repoussa ces pensées. Il serait toujours temps d'y voir clair
un peu plus tard. Comme pour mettre un point final à ses réflexions,
il dit à voix haute :
- "Tout sera redevenu normal d'ici quelques heures."
Puis, songeant à ce que la situation avait d'anormal, il enchaîna
:
- "C'était quoi votre drogue ?"
Elle ne répondait pas plus qu'elle ne le regardait. Elle avançait.
Largo sentit la rage le submerger : elle continuait à se jouer de lui
tandis que bon nombre de gens, à commencer par Joy, souffraient des effets
cette saloperie. Il laissa libre cours à sa colère et, d'un geste
brusque la plaqua au mur, son bras gauche appuyé contre sa poitrine la
privant de tout mouvement. Sans lui laisser une seconde pour réagir,
il sortit de sa poche l'arme qu'il lui avait confisqué et la posa contre
sa carotide.
- "Dites moi ce que c'était !"
Elle plongea son regard dans le sien et comprit que même s'il avait étonnement
bien résisté aux effets de son cocktail, il était tout
de même susceptible de manquer de contrôle sur lui même. Elle
ne pouvait pas se permettre de le pousser dans ses retranchements, surtout pas
avec le froid du canon d'une arme contre son cou.
- "Du phencyclidine et un hallucinogène, le néostigmine."
Elle n'ajouta rien. Largo relâcha la pression et continua à la
questionner. La tension et l'inquiétude étaient perceptibles dans
la voix du jeune milliardaire.
- "Qu'est ce que ça provoque ?"
- "Ca ne fait qu'amplifier les émotions de base surtout la peur,
la rage, la passion
"
Tandis que Turner lui livrait ces explications, ils avaient atteint le coude
du couloir et Joy se tenait là, immobile. Largo lâcha la scientifique
et resta un instant interdit : la dernière fois qu'il avait croisé
Joy éveillée, il en avait été quitte pour des bleus
et des bosses ! Prudemment, il demanda :
- "Joy, comment tu te sens ?"
Elle ne répondit pas mais avança vers lui: Il se rendit compte
qu'elle n'était toujours pas dans son état normal. A chaque pas
qu'elle faisait vers lui, il en faisait un en arrière, s'attendant à
une réaction violente de sa part.
- "Joy
" tenta-t-il une seconde fois.
Alors qu'il reculait toujours, elle prit son élan et se jeta sur lui.
L'impact l'amena dos au mur contre lequel il prit appui. Sans lui laisser le
temps de réagir, Joy emprisonna ses lèvres sous les siennes. Largo
était stupéfait. Spontanément, sa main gauche vint étreindre
le dos de la jeune femme tandis que la droite, toujours alourdie du revolver
de Turner restait immobile. Il savait que Joy était droguée, mais
Turner avait dit
amplifier
L'espace d'un instant, Joy rompit leur baiser, laissant le temps à Largo
de conclure à voix haute la pensée qui venait de se former dans
son esprit :
- "La passion ?"
La jeune femme ne lui laissa pas le temps de poursuivre, à nouveau sa
bouche prit possession de la sienne. Cette fois, il ne se laissa pas surprendre
et répondit à son baiser avec ardeur tout en se laissant glisser
sur le sol, entraînant Joy avec lui.
De manière confuse, il entendit une course dans le couloir et se douta
que Turner essayait de filer. Un instant il fut tenté de se libérer
de l'étreinte de Joy pour partir à sa poursuite mais, de toute
façon, sans arme et dans une base au milieu de l'Arctique, elle n'irait
pas bien loin. Et puis surtout, il ne se sentait pas le courage de résister
à la fougue de Joy. La sensation de son corps chaud et souple contre
lui l'électrisait. Assis par terre, il perdait pied. A califourchon sur
lui, elle avait entrepris de le débarrasser de tout ce qu'elle jugeait
superflu. Son épaisse chemise n'était déjà plus
qu'un souvenir gisant au milieu du couloir. Joy venait de glisser ses mains
sous son pull qui n'allait pas tarder à suivre le même chemin.
L'ardeur de la jeune femme le gagnait et Largo posa les mains au creux de ses
reins, l'attirant plus près de lui. Sans doute plus par défi qu'inconsciemment,
elle se mit à onduler contre ses hanches, provoquant chez lui une tension
difficilement supportable. Un soupir rauque lui échappa. A son tour,
il entreprit de découvrir le corps de sa partenaire et ses mains se glissèrent
sous plusieurs épaisseurs de vêtements pour atteindre la peau douce
de son dos. Alors que ses doigts parcouraient les flancs de Joy, elle rompit
leur baiser et rejeta le haut de son corps en arrière comme pour mieux
savourer ses caresses. Ce faisant, elle s'appuya plus pesamment contre le bassin
de Largo qui sentit son excitation grandir davantage. Ses mains se crispèrent
et Joy gémit doucement. Alors il poursuivit son exploration. D'un lent
mouvement, il remonta le long de son ventre jusqu'à atteindre sa poitrine.
A travers la dentelle de sa lingerie, il entreprit de caresser ses seins, s'attardant
sur les pointes érigées qui se tendaient plus encore sous ses
doigts. A travers le brouillard qui avait envahi son cerveau, Largo percevait
le souffle court de Joy. Alors que sa bouche s'était égarée
dans le cou de la jeune femme, il releva la tête et croisa son regard
Ce fut comme un électrochoc. Il réalisa brutalement qu'elle n'agissait que sous l'impact de cette drogue. Ce n'était pas Joy que Largo tenait dans ses bras, c'était une poupée sans âme et sans volonté qui n'en avait que l'apparence. Et il ne voulait pas de ça. Si jamais leur relation devait un jour dépasser le stade de l'amitié, ils en seraient tous les deux conscients et ce serait en adultes consentants qu'ils prendraient cette décision. S'il cédait maintenant, il ne pourrait plus jamais se regarder dans une glace et ne pourrait plus jamais la regarder en face non plus. A regret, il abandonna la peau de la jeune femme et, posant ses mains sur sa taille, entreprit de l'éloigner de lui. Quand leur corps s'écartèrent, il eut l'impression d'un immense vide. Il avait froid, il se sentait mal et sa frustration tournait à la douleur. Il aurait voulu hurler mais il prit sur lui. Plus il s'écartait, plus Joy se débattait, cherchant désespérément sa bouche, la chaleur de son corps. Il allait céder, il fallait qu'il agisse Alors, en désespoir de cause, il la repoussa violemment et se releva d'un bond. Sans se retourner, il partit à grandes enjambées, l'estomac noué et les larmes aux yeux Il passait devant les bureaux quand une voix l'assaillit :
- "Bordel, mais tu étais où ? Je suis tombée sur
celle-ci qui prenait ses jambes à son cou alors que je partais à
ta recherche. Heureusement que j'étais là
Comment tu t'es
débrouillé pour qu'elle te file entre les pattes ?"
Simon
Il allait devoir donner le change. Largo se retourna et entra dans
le bureau de Turner. Avec soulagement, il constata que la scientifique y était,
assise sur une chaise, la mine déconfite.
- "Un truc à régler."
Turner lui lança un regard mi-moqueur, mi-inquisiteur. Avant qu'elle
puisse dire quoi que ce soit, Largo enchaîna à l'attention de Simon
:
- "Bon, tu as les clés du bureau ? On la laisse là et on
file préparer nos affaires. On va pouvoir rentrer et les autorités
se chargeront d'elle."
- "Et Joy ?" demanda Simon, inquiet.
- "Elle va bien, je l'ai retrouvée. Elle va nous rejoindre."
Répondit Largo, coupant court à la conversation.
Joy, justement, avait vu s'éloigner Largo. Assommée, elle s'était
appuyée au mur, ramassée sur elle-même, ses bras entourant
ses genoux repliés. Peu à peu, alors que les battements de son
cur reprenaient un rythme normal et que les effets des alcaloïdes
se dissipaient, elle prenait conscience de ce qui s'était passé.
Des sentiments contradictoires se bousculaient dans sa tête. La honte
La frustration
Quelque part un certain plaisir d'avoir osé faire
ça
Mais tout à coup, la colère recouvrit tout le
reste, d'autant plus intense qu'elle ne savait pas exactement contre qui la
diriger. Elle s'en voulait, en premier lieu : elle était une pro et elle
aurait dû mieux se maîtriser, savoir résister. Mais, après
tout, ça n'était pas seulement sa faute, cette satanée
Turner et son esprit dérangé
Si elle ne l'avait pas droguée,
rien de tout cela ne serait arrivé. Et puis, dans le fond, il y avait
aussi Largo
Elle était furieuse contre lui aussi, moins pour ce
qu'il avait fait que pour ce qu'il n'avait pas fait
Après tout,
qu'avait-elle de moins que toutes les filles qui défilaient dans son
lit ? En toute honnêteté, elle devait admettre que quoi qu'il eût
fait, elle lui en aurait voulu, mais à cet instant, elle n'avait pas
envie d'être honnête, elle aurait juste voulu être une femme
comblée dans les bras d'un homme qu'elle désirait. Elle poussa
un profond soupir. Elle allait oublier ça. Elle allait contraindre Largo
à l'oublier et tout redeviendrait comme avant. Mais pour cela, il fallait
qu'ils rentrent à New York. Elle se releva et se dirigea vers le cur
de la station.
Lorsqu'elle entra dans la pièce, Largo et Simon bouclaient leur sac.
Largo s'était douché et changé. Elle se dit qu'elle devrait
en faire autant. Son regard croisa celui, interrogateur, du jeune homme. Ils
ne dirent rien
A dessein ou spontanément, Simon intervint alors
pour désamorcer la tension naissante : il recula et éleva ses
deux mains devant son visage
- "Non, non, divine déesse, ne me frappe pas, je suis à tes
ordres ! Ne m'assomme plus à coups de téléphone, ça
fait trop mal et ça abîme mon brushing."
Joy fit mine de s'avancer, menaçante
avant de sourire.
- "Non, finalement, je vais garder ça pour une prochaine fois
Quand part-on ?" demanda-t-elle avec autant de naturel que possible.
- "Un hélico vient nous chercher d'ici une demi heure pour rejoindre
le jet."
- "Parfait j'ai juste le temps de préparer mes affaires."
Le départ se fit dans le calme. Ils laissèrent la base entre les
mains des techniciens de la station en leur promettant du renfort rapidement.
Ils décollèrent en fin de journée. Largo profita du vol
pour appeler Sullivan et le mettre au courant des derniers déroulements
de l'affaire. Pendant ce temps, Joy, les yeux mi-clos, feignait de sommeiller
tout en profitant des derniers rayons du soleil.
- "Je pense que le projet Arctique sera de nouveau sur pieds dans un mois
ou deux. Oh, et en ce qui concerne l'équipe, vous leur accordez tous
les crédits dont ils vont avoir besoin. Bon, on devrait être à
New York dans un peu moins de deux heures, John
Oui
Au revoir."
Largo passa ses mains sur son visage. Il se sentait vidé. Simon intervint
:
- "Ben tu vois, je suis pas mécontent d'être sorti de ce frigo.
Trop de malades, de déglingués, de flingues, pour finir, de poison
dans l'air. Il y en a suffisamment à New York. Ah, au fait, Kerensky
est arrivé à remonter la piste du fric versé à Turner.
Ca vient d'un cartel américain de pétrole."
Largo confirma :
- "S'il y a une chose dont ils ne voulaient pas, c'est bien d'une nouvelle
source d'énergie
Ils n'avaient pas envie d'acheter le résultat
de ses recherches, ils voulaient seulement les détruire."
- "Il m'a dit qu'il avait refilé toute l'affaire au FBI et à
la police canadienne. Et autre chose, à propos de ce qu'il s'est passé
dans le couloir, quand on s'est battus
"
- "Je suis vraiment désolé" répondit Largo, réellement
contrit.
Simon éleva une main en signe de protestation :
- "Non, non, je voulais juste que tu saches que j'avais retenu mes coups
sinon je te jure que j'aurais fini par te massacrer."
Largo rit, peu convaincu.
- " Je l'aurais fait !' rétorqua Simon avec véhémence.
- "C'est ça
"
- "Oui"
De derrière eux, Joy intervint :
- "J'ai retrouvé les dossiers, ceux des vraies recherches. Tu avais
raison, le processus est excellent." Dit-elle en regardant Largo.
- "Excellent
"
- "Ouais
"
Aucun des deux n'avait l'air de vouloir ajouter quoi que ce soit, aussi Simon
en profita-t-il.
- "Dans ton prochain jet perso, sois gentil, commande une salle de gym
et un petit jacuzzi s'il te plait."
Tout en prononçant ces mots, il quitta son fauteuil et disparut à
l'avant de l'appareil derrière un rideau. A son tour, Joy se leva et
d'un brusque mouvement, fit faire un demi tour au fauteuil de Largo. Les deux
mains sur les accoudoirs, les yeux rivés aux siens, elle lui expliqua,
d'une voix glaciale :
- "J'étais droguée, on est bien d'accord, il ne s'est rien
passé et on va tout oublier et tu n'as pas intérêt à
parler de tout ça à qui que ce soit.
Largo, éberlué, ne put que prononcer un pauvre "D'accord"
tandis que Joy regagnait son canapé. Malheureusement, sur le seuil de
la cabine, Simon avait assisté à la scène sans pour autant
en comprendre les tenants et les aboutissants. A son tour, il fit pivoter le
fauteuil de Largo et se pencha sur lui, à mi-voix, il commença
:
- Dis moi ce qu'elle t'a dit."
- "Rien"
- "Allez, arrête de me prendre pour une bille et dis moi ce qu'il
s'est passé."
Largo jeta un il sur Joy par dessus son épaule.
- "Hein ?" insista Simon
- "Je ne peux rien te dire. Allez, lâche moi !" rétorqua
Largo en se levant pour échapper à Simon.
Ils s'éloignèrent vers l'avant tout en continuant à se
chamailler :
- Ben non, t'es pas sympa. Je croyais que tu étais mon ami."
- "Tu as l'air d'en douter ?"
- "Mais non, mais un ami normalement ça dit tout ! Qu'est ce qu'il
s'est passé, qu'est ce que tu as fait ?"
Joy entendit les voix s'estomper. Elle se tourna vers le hublot, mélancolique