Blue Moon

 

Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent pas et c'est bien dommage ! Seul Sarah est à moi, c'est toujours un début !

Auteur : Scilia

Archives : www.bricbrac.fr.st

Résumé : Kerensky décide d'aider sa petite-amie dans son travail ce qui n'est pas sans conséquence…

Note de l'auteur : Un grand merci à Raf pour le soutien, les corrections, les rires,... A toutes les lectrices du bunker et aux nouvelles amies que je m'y suis faite. Bonne lecture !

***

Bunker - 18h

Kerensky écoutait la jeune femme lui parler de sa mission d'infiltration et ce qu'il entendait ne lui plaisait pas.

- Tu ne peux pas faire cela.
- Pourquoi ? Je ne risque rien, Mark sera là pour me couvrir, l'assura Sarah. D'après mon informateur, ce type passe le mercredi ou le jeudi au Blue Moon.
- Personne ne peut le faire à ta place ?
- C'est mon enquête et je ne vais certainement pas la laisser à un autre inspecteur.

Kerensky put lire une froide détermination dans le regard émeraude de la jeune femme. C'était une des choses qui l'avait attiré quand ils avaient travaillé ensemble pour retrouver Simon, enlevé par un groupe écologiste deux mois plus tôt.

- Ce n'est pas ce que…
- Si, c'est ce que tu as dis, Georgi ! Dit Sarah dont le ton monta d'un cran.
- Et si ce type ne vient pas ?
- J'aurais passé deux nuits déguisée en serveuse pour rien et alors ?
- Tu es déjà rentré dans un club de strip-tease ?
- Me balader en sous-vêtement n'à rien d'extraordinaire que je sache, j'en porte tous les jours !
- Si ce type se met à vous tirer dessus ?
- Eh bien, je riposterais !
- Tu vas cacher ton arme où ? Dans ton soutien-gorge ?
- Je vais te dire un truc, fit Sarah sèchement, reste bien au chaud derrière tes ordinateurs et laisse moi faire mon boulot de flic !

Kerensky ne répondit pas et la colère de Sarah retomba instantanément après qu'elle l'eut dévisagé. Elle comprit qu'il s'inquiétait pour elle et se demanda si elle devait en être flattée. Leur relation avait été claire dès le départ. Pas question de grands sentiments entre eux, juste deux adultes qui avaient envie de partager des moments de tendresse, rien de plus. Ils passaient leurs soirées ensembles, chez l'un ou chez l'autre, mais ne faisaient pas de projets et cela leur convenaient parfaitement. Sarah ne connaissait pas le passé de Kerensky contrairement à lui, qui avait fait quelques recherches sur la jeune femme. Il avait fait un taire un infime sentiment de culpabilité en se convainquant qu'il voulait juste s'assurer qu'elle n'avait aucun lien avec la commission adriatique. Il n'avait pas trouvé grand chose d'ailleurs, elle menait une vie ordinaire, si la vie d'inspecteur de police pouvait être décrite ainsi. Elle n'avait plus de famille, ses parents et sa sœur étaient morts dans un accident de voiture cinq ans plus tôt. Sarah ne lui avait jamais parlé d'eux et il n'avait vu aucune photo dans son appartement. Georgi en avait déduit qu'elle n'avait pas encore réussi à faire totalement son deuil.

- Je suis désolée, je voulais juste te prévenir que nous ne pourrions pas nous voir mais j'aurais mieux fait de téléphoner, fit-elle en soupirant.
- Cela n'aurait pas changé grand chose, répondit Kerensky en se levant.
- Peut être… quoi qu'il en soit, je dois y aller.


Georgi la laissa avancer jusqu'à l'escalier avant d'aller la rejoindre et de l'attraper par le bras. Elle se retourna vivement, le visage fermé, et ils se fixèrent un long moment.

- Faites attention à vous, inspecteur MacLane.
- Georgi, je ne…

Il la fit taire d'un baiser auquel elle répondit volontiers. Elle aimait beaucoup sa compagnie mais Sarah sentait que leur couple ne durerait pas longtemps s'il commençait à intervenir dans sa vie professionnelle. La jeune femme avait été surprise de découvrir autant de chaleur et de tendresse derrière cet homme qui semblait si froid, impassible, et distant.

- Oh, je crois qu'on dérange, fit la voix de Simon derrière eux.
- Oui.
- Non, répondit Sarah en même temps que Kerensky, je devais m'en aller.
- On ne vous fait pas fuir j'espère, dit Largo en entrant.
- Pas du tout, répondit-elle en quittant les bras de son amant, j'ai une longue nuit de travail devant moi.
- Bon courage, lança Simon avec un sourire.
- Merci.

Sarah lança un dernier regard à Georgi avant de sortir de son antre. Largo et Simon se regardèrent, apparemment il y avait un problème entre les deux amants. Largo avait apprécié la présence de la jeune femme à leurs cotés quand ils avaient retrouvé l'endroit où Simon était retenu prisonnier. Mais surtout, que la police ne leur mette pas de bâton dans les roues comme ils en avaient l'habitude. Simon avait, bien entendu, tenté de la séduire dès qu'ils avaient été en sûreté mais son charme n'avait pas agit, au plus grand plaisir de Joy qui en avait profité pour le faire enrager.

- Quelque chose ne va pas ? Demanda-t-il en s'approchant.
- Non, j'ai du nouveau concernant les renseignements que tu voulais sur les Japonais que tu dois rencontrer demain.
- Quelque chose d'intéressant ?
- Rien d'inhabituel, ton rendez-vous devrait être calme.
- Tant mieux, j'espère conclure cette affaire, leur puce est une merveille qui va nous permettre de…
- Largo, c'est pas que cela ne nous intéresse pas mais tu nous rabâches ça depuis deux jours, fit Simon en s'asseyant.
- Dis tout de suite que je radote !
- Légèrement, papy, lança le Suisse en souriant.
- Que faites-vous ce soir ? Demanda Kerensky coupant court à leurs chamailleries.
- Rien de spécial, pourquoi ?
- Je dois voir quelque chose au Blue Moon et…
- Attends, toi, tu vas aller dans un club de strip-tease ? Le coupa Simon.
- Quelque chose te dérange, répondit Georgi en lui jetant un regard assassin.
- Non, non, c'est juste que… c'est pas ton style, c'est tout.
- Très bien, j'en déduis que je n'aurais pas dû vous le proposer.
- Attends Kerensky, on va venir avec toi mais c'est quoi cette histoire ?
- Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus pour le moment, fit le Russe en se replongeant dans ses recherches.

***

Blue Moon - 23h

Une hôtesse plaça les trois hommes sur le coté de la scène où se déhanchait une superbe brune. Simon resta un instant bouche bée devant elle, avant que Largo ne l'entraîne à leur table.

- Je suis au paradis !
- Le problème avec toi, c'est que n'importe quel lieu où il y a une belle femme est le paradis, lâcha Kerensky cassant. Oh, juste une chose, si vous croisez Sarah, vous ne la connaissez pas.
- Euh… pourquoi on risquerait de la croiser dans un endroit de ce genre ? Fit Largo intrigué.
- Certainement parce qu'elle y est en mission, répondit Georgi en faisant signe à une serveuse.
- Salut mes lapins, vous voulez quoi vodka, whisky, champagne, moi ? Demanda-t-elle aguicheuse.
- J'opterais bien pour la dernière proposition, annonça Simon.
- Je crois que l'on va se contenter de champagne, répondit Largo.
- Ben quoi… c'est elle qui a proposé ! S'exclama le suisse une fois la serveuse repartie.
- Elle ne va pas aimer.
- Qui, moi ? Attends Larg', tu me connais !
- Je parlais de Sarah, dit le milliardaire en dévisageant Kerensky.
- Vous voyez le type brun au bar ?

Les deux amis se retournèrent pour voir un homme, passablement éméché, loucher sur le décolleté d'une des entraîneuses du club.

- C'est le type qui est censé la couvrir en cas de pépin.
- Je vois. Donc tu vas justifier notre présence par le fait que son partenaire ne tient pas bien l'alcool ? Demanda Largo.
- Non, par une pure coïncidence, Simon nous a entraînés dans ce club.
- Hey, je n'y suis pour rien pour une fois !
- Je suis certain que tu me rendras ce petit service autrement je serais obligé de révéler certaines choses qui…
- Ok, ok, abandonna Simon en sachant à quoi il faisait allusion.

Largo les dévisagea sans comprendre, la musique cessa et il regarda la brune quitter la scène. Simon reconnu les premières notes d'une chanson de Madonna, Don't tell me, et regarda la strip-teaseuse suivante arriver en tenue de cow-boy sur la scène. Un chapeau et des lunettes cachaient son visage, elle avait nouée les deux pans d'une chemise en jean au-dessus de son nombril et un jean serré, bordé de franges, complétait sa tenue. Elle avança d'une démarche féline et ôta son chapeau, libérant une cascade de cheveux roux. Largo crut que Kerensky allait s'étrangler avec sa coupe de champagne quand il l'a reconnu mais il n'en fit rien. Son visage était un parfait masque d'impassibilité, Largo n'avait aucune idée des sentiments qu'il ressentait.

- Wahoo, elle est mignonne, s'exclama Simon quand elle retira son jean d'un geste sec, faisant découvrir un string de dentelle noire.
- Simon…, fit Largo gêné.
- Quoi, tu vas pas me dire que… oh merde ! S'écria-t-il en reconnaissant Sarah.

La jeune femme descendit de la scène pour aller aguicher un type d'une cinquantaine d'années, elle se dirigea inconsciemment vers la table des trois hommes. Une expression de surprise passa rapidement sur son visage en voyant les trois membres de l'Intel Unit. Elle se dirigea vers Kerensky et s'assit sur ses genoux. Elle joua un moment avec lui devant toute la salle et le quitta, en lui murmurant quelques mots à l'oreille, quand il glissa un billet de 50$ à son string. La musique s'arrêta et Sarah retourna vers les coulisses en s'arrêtant pour récupérer les billets de ses admirateurs.

- Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
- Qu'ils ont fait chou blanc, le type n'est pas venu, et de l'attendre chez elle.
- Oh oh, fit Simon.
- Rentrez avec la limousine, je vais prendre un taxi, annonça le Russe en se levant.
- On peut te déposer si tu veux.
- Non, profitez donc encore un peu du spectacle.
- J'ai l'impression que ça va être houleux, dit Simon avant de reporter son attention sur la danseuse suivante.

***

Appartement de Sarah - minuit

Kerensky sortit de la ruelle quand il la vit arriver au volant de sa voiture. Il la vit inspirer profondément avant de sortir et de le chercher du regard. Ils montèrent, sans échanger un mot, jusqu'à l'appartement de la jeune femme.

- Je peux savoir ce que tu faisais là-bas ?
- J'y ai été invité par Simon et Largo.
- Ce soir, comme par hasard, fit Sarah en lui jetant un regard noir.
- Tu ne devais pas être serveuse ?
- Une fille a été malade et ils m'ont demandé de la remplacer, je pouvais diff… ne change pas de sujet !
- Ce n'est pas le cas ! Et Mark aurait été à la hauteur pour te couvrir si ce type avait été là ? Fit Kerensky avec une pointe de colère dans la voix.

Sarah ne sut que répondre. Mark avait agi avec insouciance, ce qui aurait pu leur coûter très cher en cas de danger.

- Il a des problèmes avec sa femme.
- Cela ne justifie pas le fait qu'il ne fasse pas son boulot et que tu sois en danger !
- Je n'étais pas…
- Non, mais tu aurais pu l'être. Ce n'était pas à moitié nue que tu aurais pu…

Kerensky arrêta la main de Sarah avant qu'elle ne le gifle. Ils étaient aussi en colère l'un que l'autre. Lui, parce qu'il n'avait pas accepté qu'elle joue les strip-teaseuses et elle, parce qu'il se mêlait d'une partie de sa vie à laquelle il n'aurait pas dû avoir accès.

- Donne-moi le nom de ce type, je le retrouverai.
- Non ! Dit-elle en se dégageant brusquement.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est mon travail, bon sang ! J'ai apprécié ton aide quand on a eu besoin de localiser Simon mais je refuse que tu te mêles de…

Kerensky eut un léger sourire. Ils se ressemblaient énormément même si la jeune femme n'en avait pas conscience. Son sourire décupla sa colère.

- Sois franc, qu'est-ce qui t'a gêné que Mark ne soit pas d'attaque ou que je m'exhibe devant ces types ? Fit-elle glaciale.
- Tu veux la vérité… ni l'un ni l'autre, répondit-il sur le même ton.

Sa réponse la peina un peu, n'importe quel homme aurait répondu que voir sa petite amie se montrer ainsi était inconvenant mais pas Georgi. Elle lui tourna le dos pour qu'il ne voie pas sa réaction sur son visage. Sarah sentit les bras du Russe entourer sa taille.

- Mais j'aurais volontiers cassé la figure au premier type qui aurait montré trop d'intérêt pour toi, murmura-t-il à son oreille.
- Vraiment ? Fit-elle avec un petit sourire.
- Mmmm… dis-moi, tu as toujours ce que tu portais tout à l'heure ? Demanda-t-il en mordillant le lobe de son oreille.
- Pourquoi, souffla-t-elle en se sentant fondre sous ses caresses.
- Je ne serais pas contre une danse privée, susurra Georgi dans son cou.
- Cela ne change rien au problème, je ne veux pas que tu te mêles de…

Sarah ne finit pas sa phrase, elle frissonna quand elle le sentit caresser ses seins. Il la fit pivoter et captura ses lèvres. Georgi la souleva et la porta dans la chambre.

***

Le lendemain -lieu inconnu - 8h

- Les choses se sont-elles déroulées comme prévu, demanda un homme caché dans la pénombre.
- Tout à fait, Winch et ses deux amis étaient là, répondit l'individu qui était face à lui.
- Bien, vous savez qui est votre cible ?
- Oui.
- Pourquoi avoir mêler cette femme policier à cette affaire ? S'enquit une femme blonde sur sa droite.
- Elle sort avec le Russe et j'ai un vieux contentieux à régler, fit l'homme avec un sourire.
- Si tout se passe comme prévu, la mort d'un des proches amis de Winch devrait le déstabiliser assez longtemps pour que nos affaires en cours arrivent à leurs termes.
- N'oubliez pas ce que vous m'avez promis.
- Rassurez-vous, nous n'oublions jamais rien.

***

Appartement de Sarah - 11h

Kerensky regardait Sarah dormir. Elle était allongée sur le ventre, étreignant son oreiller. Il tendit la main et effleura sa cuisse, repoussant le drap qui dévoila son corps aux courbes parfaites. Leur liaison durait depuis deux mois et ils avaient fait l'amour un nombre incalculable de fois mais Georgi prenait toujours autant de plaisir à la posséder. Sa main effleura ses fesses avant de remonter lentement le long de son dos. Elle frissonna quand il arriva dans son cou et se rapprocha pour déposer des petits baisers sur sa nuque.

- Mmmm… tu ne veux pas me réveiller comme cela tous les matins ?
- Je suis à votre service, charmante demoiselle, répondit Kerensky avant de s'emparer de ses lèvres.
- Quelle heure est-il ? Demanda-t-elle s'étirant voluptueusement.
- Presque 11h, dit Georgi après avoir consulté le réveil.
- Je dois faire mon rapport à midi, annonça-t-elle avec une moue coquine.
- Ce qui me laisse largement le temps de te réveiller convenablement mais avant, nous devons finir notre conversation d'hier soir.
- Je te signale que c'est toi qui l'as avorté en me violant honteusement, dit-elle en riant.
- Tu m'as paru plus que consentante ! Plus sérieusement, laisses-moi faire quelques recherches sur l'homme que tu dois arrêter.
- Non, répondit Sarah en s'appuyant sur un coude, je ne veux pas t'appeler à l'aide chaque fois que j'ai un problème.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne fonctionne pas comme cela et que tu le sais très bien. Maintenant, si tu veux continuer sur ce genre de sujet, je préfère aller prendre une douche, conclu-t-elle en faisant mine de se lever.

Georgi la rattrapa par le bras et la fit basculer sur le lit, il se mit à califourchon sur elle et lui bloqua les poignets au-dessus de la tête.

- Tu sais que je viendrais ce soir ?
- Je le sais, je ne peux pas t'empêcher d'aller dans un lieu public.
- Je voulais juste que les choses soient claires.
- Elles le sont.
- Bien maintenant, je peux te montrer ce que je voulais dire par un réveil convenable, fit Georgi en l'embrassant.

***

Bunker - 12h

Joy soupira en tapotant sur le clavier de son ordinateur. Elle avait été surprise de ne pas trouver Kerensky en arrivant mais ne s'était pas vraiment formalisée de son absence. Depuis qu'il fréquentait cette inspectrice, il passait beaucoup moins de temps au bunker. Contrairement à elle, il avait une vie en dehors de son boulot même si elle doutait que leur couple dure bien longtemps. Ils étaient trop semblables et la jeune femme ignorait tout du passé de l'ex agent du KGB. Simon entra et s'assit face à elle. Joy vit qu'il était de mauvaise humeur et attendit qu'il parle en premier.

- Tu te rends compte, qu'est ce que j'ai de moins que ce type ?
- Quel type ?
- Paolo, Diego, Eraldo,… je connais même pas le nom de ce rital !
- Bon tu vas me dire ce qu'il y a avant d'incendier tous les prénoms italiens que tu connais ?
- Hier soir, on est allé au Blue Moon avec Largo et Kerensky. J'ai dragué une serveuse qui m'a donné rendez-vous après son service mais son ex s'est pointé et elle est partie avec !
- Bah une de perdu…
- Ouais… Kerensky n'est pas là ?
- Comme tu peux le voir !
- Zut, j'avais quelques trucs à lui demander.
- Comment se fait-il qu'il soit venu avec vous ? Le Blue Moon, c'est un club de strip-tease si je ne trompe.
- Sarah y bosse en couverture, il voulait vérifier qu'il ne lui arrivait rien. Elle a un corps… il doit pas s'ennuyer avec elle je t'assure !
- Qu'est-ce qu'il a son corps ?

Simon se tourna et vit Kerensky attendre sa réponse avec un regard assassin.

- Euh… il est superbe, parfait… hum, j'ai besoin que tu me fasses quelques recherches sur ces filles, dit-il en lui donnant une feuille, elles postulent pour un poste de secrétaire.
- Tu auras cela dans la journée.

Simon hocha la tête et se dirigea vers la sortie. Joy le regarda partir avec un petit sourire mais Kerensky le rappela.

- Tu es libre ce soir ?
- Même endroit ?
- Oui.
- Ça marche, fit Simon en couvrant son sourire, je préviens Largo.

Kerensky alla se servir un café et se mit devant son ordinateur sous l'œil inquisiteur de Joy.

- Tu viens de découvrir que j'étais la 8e merveille du monde ?
- Non loin de la, je me demande juste ce que fait un flic dans ce genre de club.
- Elle fait son job.
- En dévoilant son corps ?
- Hum… si je te disais que c'est une sorte d'art.
- Je ne te croirais pas.

Kerensky eut un fin sourire en imaginant Joy danser, comme l'avait fait Sarah au club, qui s'effaça dès qu'il s'aperçu qu'elle le regardait.

- Viens avec nous, tu pourras le vérifier par toi-même.
- Que je vienne avec vous dans un club de strip-tease ?
- Tu as peur peut être, insinua-t-il sans en avoir l'air.
- Pas du tout, à quelle heure ?
- 22h au penthouse.
- Je serais là, dit-elle en se replongeant dans ses recherches.

***

Blue Moon - 18h

L'homme referma la porte du petit bureau et s'assit derrière. Grand, brun, plutôt bel homme d'après ses nombreuses conquêtes, il ouvrit le tiroir fermé à clé de son bureau et en extirpa un dossier gris assez épais. Il avait mit du temps à la retrouver mais elle allait bientôt payer pour ce qu'elle lui avait fait. Il avait passé cinq ans derrière les barreaux par sa faute, l'inspecteur MacLane, qui l'avait coincé alors qu'il revendait quelques kilos de cocaïne à celle qu'il prenait pour un nouveau client. Elle avait exhibé sa plaque avec un sourire avant de lui passer les menottes. Ce qu'elle ignorait, c'était qu'il était venu avec son frère Eddy et que ce dernier n'avait pas voulu rester inactif. Elle l'avait tué sans montrer le moindre remord et il la haïssait pour cela. Il vérifia son arme, un Smith et Wesson acheté au marché noir, et visa la porte de son bureau. Il ferma les yeux et vit avec plaisir la scène où elle le reconnaîtrait avant qu'il ne la tue d'une balle dans la tête. Le contrat avec la commission serait un simple extra comparé à la mort de cette garce. Il rangea arme et dossier dans le tiroir et retourna dans la salle. Il devait parler à une fille qui menaçait de le quitter.

***

Commissariat central - 19h

- MacLane, dans mon bureau ! Hurla le capitaine Donovan.

Sarah quitta sa place et fit une grimace à une collègue avant d'entrer dans le bureau de son supérieur. Il lui fit signe de s'asseoir pendant qu'il terminait une conversation téléphonique. La jeune femme laissa son regard errer sur le mur, vers une photo en particulier, celle de son père et de Donovan à leurs sorties de l'académie de police. Qui aurait pu prévoir que la carrière du sergent MacLane allait être avorté, trente ans plus tard, par un stupide accident de voiture ? Sarah sentit son cœur se serrer et cela dû se voir sur son visage car le capitaine lui parla doucement.

- Il te manque toujours autant, n'est ce pas ?
- Vous ne m'avez pas fait venir pour cela il me semble, répondit Sarah en reportant son attention sur son supérieur.
- Tu sais que cela ne marche pas avec moi ?
- Vous n'êtes pas mon parrain pour rien, fit-elle avec un sourire. Venons en au fait, que vouliez vous ?
- Savoir où tu en étais pour Dawson.
- Il n'est pas venu hier soir et j'ai eu le privilège de m'exhiber sur scène, annonça-t-elle avec une petite moue.
- Tu as fais un…
- Oui, le coupa-t-elle, mais je ne devrais pas avoir besoin de réitérer l'expérience ce soir.
- Bien. J'ai conscience que tu ne dirais jamais du mal d'un de tes collègues mais…Peters semble un peu " fatigué " en ce moment.
- Mark va très bien et fait un excellent boulot.
- Tu es certaine ? Tu es consciente qu'il est ton partenaire et qu'il est censé te couvrir en cas de…
- Parfaitement mais pourquoi cette question ?
- J'ai eu quelques échos de la soirée d'hier, avoua le capitaine.
- Pardon ? L'interrogea Sarah en sentant que la réponse ne lui plairait.
- Meyers était au club hier soir, je ne lui ai rien demandé, rajouta le capitaine en prenant les devants.
- Evidement ! Alors que vous a-t-il raconté d'intéressant ?
- Principalement que Mark est resté au bar sans te surveiller et que tu n'es pas rentrée seule.
- Ma vie privée ne vous regarde pas et je vais aller voir Meyers pour mettre les points sur les i !
- Cela ne sert à rien, il n'est pas là. Je le connais ?
- Non.
- Tu veux en parler ?
- Non.
- Sarah…depuis la mort de tes parents, je me sens responsable de toi.
- Merci de te soucier de ma santé mais je suis une grande fille maintenant !
- C'est sérieux ?
- Si la question est : vais-je bientôt te conduire à l'autel, la réponse est non. Je dois y aller, conclut-elle en se levant.
- Tiens-moi au courant.
- Bien sur, capitaine !

***

Bunker -20h

Kerensky était seul et finissait de vérifier la liste des secrétaires de Simon. Il sourit en repensant à Joy et à la manière dont il l'avait piégé à propos du Blue Moon. Elle n'avait pas peur, c'était certain, mais il savait qu'elle aurait mille fois préféré passer la soirée ailleurs. Son portable sonna, interrompant ses pensées. Il appuya sur une touche de son clavier pour mettre le haut-parleur.

- Oui.
- Tu n'as jamais pensé à dire quelque chose du genre " Kerensky, que puis je pour vous ? " quand tu décroches ? S'exclama Sarah.
- Très américain comme réflexion, fit Georgi en souriant.
- Disons juste que ça fait moins " porte de prison ", répondit-elle en riant.
- Tu m'appelles pour me donner un cours sur la manière de répondre au téléphone ou tu avais quelque chose de particulier à me dire ?
- Je viens de t'envoyer, par email, la photo du type que je dois arrêter et non, je n'ai pas changé d'avis. Je veux juste que tu puisses le reconnaître.
- Pourquoi ?
- J'ai un mauvais pressentiment.
- Mark ne sera pas là ?
- Si mais… Meyers, un collègue, m'a suivi hier soir.
- Et ?
- Et il est du genre à profiter de la faiblesse d'un collègue pour faire avancer sa carrière.
- Je vois.
- On est bien d'accord, tu ne fais aucune recherche avec la photo que je t'ai envoyé, tu te contentes de mémoriser le visage de ce type, ok ?
- Je pourrais quand même…
- Non, tu ne peux pas ! Ecoutes, te savoir là pour me couvrir me permettra d'être un peu plus à l'aise. Je n'ai pas envie que Mark est des problèmes, sa vie est déjà assez compliquée en ce moment.
- Protéger ton partenaire ne l'aidera pas, Sarah.
- Je ne peux rien faire d'autre pour l'instant, avoua-t-elle.
- Tu es seule juge.
- Merci, alors à tout à l'heure.
- Entendu.
- Georgi…, commença Sarah d'une voix hésitante.
- Oui ?
- Non, rien. A ce soir, fit-elle en raccrochant.

Kerensky coupa la communication et resta un moment immobile, cherchant ce qu'elle n'avait pas osé lui dire.

***

Penthouse - 21h45

Largo était au téléphone avec Sullivan, en déplacement à Washington, et regardait Simon parler avec animation dans son portable. Ils terminaient leurs conversations quand Kerensky les rejoignit.

- On y va ? Questionna Largo à ses deux amis.
- Pas encore, il manque quelqu'un, fit Kerensky en s'asseyant.
- Il manque quelqu'un, s'étonna Simon.
- J'espère que cela ne vous dérange pas, j'ai proposé à Joy de se joindre à nous.
- Joy… Notre Joy ! S'exclama Largo avec surprise.
- Tout à fait, répondit le Russe avec un fin sourire.
- Alors là, je sais pas comment tu as réussi ton coup mais j'ai hâte de voir sa tête quand…
- Quand tu tireras la langue comme le loup de Tex Avery ? Demanda une voix froide derrière lui.
- Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ce genre de truc ?
- Sans doute parce que tu es le seul à faire des gaffes, répondit Largo en souriant.
- Au fait, voilà la photo de la personne que Sarah doit arrêter ce soir, Mickael Dawson.
- Il a une sale tête, fit Simon en la regardant.
- Et je ne te parle pas de son casier : proxénétisme, revente de drogues,…
- Charmant garçon, commenta Joy.
- Bien sur, nous ne sommes pas censés intervenir mais…
- Ne t'inquiètes pas, on ne va pas la laisser s'amuser sans nous, fit Simon en lui donnant un coup de coude.

Kerensky hocha la tête en guise de remerciement et l'Intel Unit se prépara à aller au club.

***

Blue Moon - 22h30

- C'est pitoyable de voir ses filles se trémousser comme des objets.
- Ce serait des hommes, tu ne dirais pas la même chose, Joy, lança Simon avec un sourire en coin.
- Je réagirais pareil, qu'est-ce que vous trouvez de…

La phrase resta en suspens, Joy venait d'apercevoir la cible de Sarah. Son coéquipier était au bar, dans un état un peu moins pitoyable que la veille, et le remarqua aussi. Sarah était à l'autre bout de la salle, en train de servir du champagne à une table de cadres qui fêtaient la promotion d'un des leurs. Kerensky darda un regard mauvais sur l'un des hommes qui avait les mains baladeuses. Sarah réussie à s'en débarrasser et revint vers le bar. Elle jeta un coup d'œil sur la salle et aperçu Dawson se diriger vers une salle privée. Mark la consulta du regard et elle hocha discrètement la tête. Elle posa son plateau, passa près de lui et attrapa l'arme qu'il lui donna avec discrétion. Simon et Largo ne s'aperçurent pas du geste qui n'échappa pas aux deux ex agents.

- On devrait bientôt avoir de l'animation, lança Joy doucement.

Sarah suivit le même chemin que Dawson et entra dans la salle. L'Intel Unit la regarda disparaître derrière la porte, Mark sur ses talons.

***

Salon privé

Sarah ne vit tout d'abord personne dans la pénombre. Des canapés bordeaux couraient autour de la pièce, de grandes tentures pourpres cachaient les murs, les lumières étaient plus que tamisées et après quelques instants, Sarah constata que la pièce était vide. Elle resserra sa prise sur son arme et longea le mur de gauche, Mark était à coté d'elle. Ils essayaient de faire le moins de bruit possible tout en avançant. Sarah savait que cette première salle donnait sur une autre. Elle allait faire signe à son équipier de la suivre quand elle se retrouva projetée à terre, une main en bâillon sur la bouche. La jeune femme tenta de se débattre mais son adversaire était plus fort qu'elle. Sarah chercha son arme à tâtons mais ne la trouva pas.

- Il est temps de payer MacLane, murmura son adversaire en se penchant à son oreille.

Sarah chercha à identifier la voix mais elle ne lui disait rien. Elle espérait que Mark n'avait pas subi le même sort et allait l'aider quand elle entendit un râle sur sa gauche. Elle crut suffoquer en découvrant Mark, la gorge tranchée, tendre la main vers elle.

- Je ne pouvais pas prendre le risque d'attirer du monde ici en le tuant avec une arme à feu.

Le regard de l'homme était froid, il était vraisemblablement habitué à tuer et lui en voulait pour une raison qu'elle ignorait.

- J'ai l'impression que tu ne te souviens pas de moi pourtant, moi, je ne t'ai jamais oublié. Je vais t'aider… tu m'as arrêté il y a cinq ans parce que je dealais. Non, tu ne vois pas ?

Sarah secoua la tête et essaya de le mordre. Il sourit en sortant son couteau qu'il pressa sous la gorge de sa proie.

***

Salle principale

Kerensky regarda une nouvelle fois sa montre. Ils étaient partis depuis quinze minutes, ce qui aurait largement dû suffire à arrêter Dawson, à moins qu'il n'ait fait preuve de résistance.

- Joy…
- Je te suis, Georgi.
- Et nous ? Demanda Simon.
- Vous restez ici et vous empêcher quiconque de nous suivre, ordonna Kerensky.
- Vous êtes certain que c'est une bonne idée d'y aller à deux ? Demanda Largo.
- Non, mais on n'a pas mieux !

Kerensky se leva, vérifia que personne ne portait attention à eux avant de se diriger vers la salle privée.

***

Salon privé

- Alors MacLane, tu ne sais toujours pas qui je suis ? Eddy, ça te dit rien non plus ?

Sarah se força à chercher dans ses souvenirs. Les gens qu'elles avaient arrêtés étaient nombreux et retrouver qui il était quasiment impossible. Le problème, c'est qu'il n'allait certainement pas apprécié qu'elle ne le reconnaisse pas. Elle décida de bluffer pour laisser le temps à Kerensky de s'apercevoir que quelque chose clochait. Elle se posait néanmoins une question, où était Dawson ?

- Tu as tué Eddy… tu l'as tué parce qu'il essayait de m'aider et que tu voulais absolument me coffrer. Pourquoi ? Rugit-il.

Les souvenirs continuaient à remonter lentement à la surface. Sarah se rappelait une histoire de drogue pour laquelle elle s'était fait passer pour un acheteur de Cyrius. Une fausse identité créée par le FBI, une dizaine d'années plus tôt, afin de démanteler un cartel de Cuba. Le FBI avait décidé de conserver cette couverture. Cyrius avait plusieurs propriétés, des intermédiaires qui permettaient de couvrir son inexistence, plusieurs comptes en banque,… Frank Parker… ce nom lui revint brutalement en mémoire. Eddy Parker était son frère et elle l'avait tué, il avait raison, mais en état de légitime défense.

- Bien, je lis dans ton regard que tu sais qui je suis, je vais pouvoir te tuer maintenant, fit-il avec un sourire sadique.

***

Salle principale

Largo et Simon regardèrent leurs deux amis disparaître en espérant qu'il n'était pas trop tard. Le jeune milliardaire se demanda brièvement comment réagirait Kerensky s'il arrivait malheur à la jeune femme. Ils n'avaient pas l'air d'être amoureux mais le fait qu'elle réussisse à l'arracher du bunker était tout de même un signe. Largo n'avait jamais vu, même quand Georgi flirtait avec Marissa, cet éclat dans ses yeux bleus chaque fois qu'il regardait Sarah. Largo avait déjà remarqué ce genre de regards chez quelqu'un d'autre. Il n'y avait pas vraiment prêté attention au début mais ils étaient là et il se demandait ce qu'il devait en penser. Il devait lui parler mais n'osait pas, il n'arrivait pas à trouver les mots alors qu'ils venaient si simplement avec d'autres femmes.

- Largo, tu peux redescendre sur terre deux minutes ?
- Pardon ?

Largo tourna la tête vers Simon et aperçut la lueur rouge d'un viseur laser. Il attrapa Simon par le col de sa chemise et le projeta au sol, sous les tables, quand une balle les frôla.

- Hey, c'est là-bas qu'ils devaient tirer pas ici !
- Apparemment quelqu'un en profite pour nous tendre un piège, répondit Largo en essayant de repérer le tireur.

La bouteille de champagne explosa juste au-dessus de leur tête, suivit d'un verre.

- Il faut trouver une autre cachette !
- Comment cela se fait que personne ne remarque que quelqu'un nous tire dessus ! S'exclama Simon.
- Aucune idée… je crois qu'il n'y a qu'un endroit où on sera provisoirement en sécurité, fit Largo en indiquant le salon privé.
- C'est de la folie !
- Tu as une autre idée, vieux frère ?
- Joker ! A cause de cette fichue musique, personne n'a rien remarqué ! C'est dingue ça, on se fait canarder quand même !
- Il doit avoir un silencieux. Aller, on y va !

***

Salon privé

Kerensky se releva en faisant un petit signe négatif à Joy pour lui apprendre que l'équipier de Sarah était mort. Il n'y avait aucune trace de la jeune femme et aucune porte visible. Joy se retourna vivement vers la porte d'entrée et vit Largo et Simon entrer en courant.

- Vous savez ce que cela veut dire, ne pas bouger ! Fit-elle agaçée.
- C'est quand même pas de notre faute si y a un malade qui a décidé de nous prendre pour cible ! S'écria Simon.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Il a raison Joy, confirma Largo, qu'est-ce que vous avez trouvé ?

La garde du corps s'effaça et les deux hommes purent découvrir le corps sans vie de l'inspecteur Peters. Largo détourna les yeux et observa Kerensky qui soulevait les tentures à la recherche d'une porte dérobée.

- J'ai trouvé, annonça-t-il en se retournant.
- Bien, on y va, dit Largo.
- Une petite minute, tu ne vas nul part toi, répliqua Joy. Je n'ai aucune idée de ce qu'il y a derrière et je ne pourrais pas de protéger convenablement si…
- Tu crois que c'est le moment de jouer au petit chef ? Demanda Simon.

Joy toisa les trois hommes. Rien ne prouvait que les sbires du patron du club ne les attendaient pas derrière. D'un autre coté, elle ne voyait pas comment ils auraient pu être au courant de leur présence.

- Ce n'est pas que je n'aime pas discuter avec toi mais je ne crois pas qu'on est le temps de tergiverser, fit Kerensky de plus en plus inquiet pour Sarah.
- Très bien mais vous restez derrière nous.
- A vos ordres, GI Joy ! Répondit Simon en faisant le salut militaire.
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Largo en voyant le Suisse fouiller l'inspecteur Peters.
- J'ai perdu mon arme en venant ici et je doute qu'il en ait encore besoin, répliqua Simon en sortant un 9mm du holster de l'inspecteur.
- Ça y est, tout le monde a fait ses courses, pas de pause pipi, fit Kerensky avec une ironie mesurée qui ne fit rire personne.

***

Sous-sol du Blue Moon

Sarah tomba lourdement à genoux sur le sol de béton. Parker la tenait en joue depuis qu'ils avaient emprunté le couloir, caché derrière une tenture du salon privé. Il l'avait fait passer dans son bureau avant de lui faire descendre un étroit escalier, dissimulé par la bibliothèque.

- Bien, maintenant que nous sommes tranquilles, je vais pouvoir m'occuper de toi.
- Allez-y, tuez-moi !
- Tu n'as pas peur de la mort, demanda Parker en l'attrapant par les cheveux.
- Cela ne fera pas revenir votre frère et non, je n'ai pas peur de mourir.

Parker la considéra un moment avec étonnement. Il s'était attendu à ce qu'elle le supplie de lui laisser la vie, pas à cette insouciance flagrante. Il ne voulait pas lui rendre service, il voulait la faire souffrir.

- Et te soucies-tu de la mort d'un certain Kerensky ?
- Si jamais vous…
- Bien, fit Parker en la giflant. Je savais que tu n'étais pas aussi insensible que tu veux le faire paraître. Il faut pourtant que tu saches qu'à cette heure-ci, l'un des deux amis de Winch est mort.
- Je ne vous crois pas !
- Je ne peux, hélas, t'en donner la preuve mais quelle importance puisque tu vas pouvoir le constater toi-même quand tu seras dans l'autre monde, dit-il en riant.

Sarah ne comprenait pas. Qui aurait pu vouloir tuer Georgi ou Simon ? Parker avait pourtant l'air sérieux, ce qui signifiait qu'il avait un complice. Qui ? Dawson ? Et surtout, pourquoi ? Qu'on veuille tuer le milliardaire, elle pouvait le comprendre mais l'un de ses amis… Parker la menaçait toujours de son arme, le regard empreint de folie. Sarah avait souvent pensé, contrairement à ce que s'imaginait Parker, aux conséquences de ces actes quand elle se trouvait obligé de supprimer une vie. Elle ignorait si Eddy Parker méritait de mourir mais il avait une famille qui en avait souffert par sa faute. Et pourtant, elle ne pouvait pas se laisser aller à ce genre de sentimentalisme. La première et dernière fois qu'elle l'avait fait, elle avait failli perdre pied avec la réalité tellement la culpabilité l'avait dévoré. Sarah se souvenait parfaitement de ce jeune de 15 ans, elle n'avait jamais pu oublier son visage. Elle avait seulement appris à vivre avec sa mort sur la conscience. Sarah ferma les yeux un instant. La situation n'était pas si absurde que cela en fait. Parker était peut être l'ange vengeur de ses victimes. La sensation de froid quand l'arme de Parker se posa sur sa tempe la fit brusquement revenir à la réalité. Elle était flic et il n'y avait aucun ange vengeur. Parker était un malade et elle n'était absolument pas responsable de sa folie.

- Une dernière volonté ?
- Euh… suicidez-vous et tuez-moi ensuite ?

***

Bureau de la direction

L'Intel Unit avait rapidement parcouru les portes du couloir dont une menait directement sur la rue et une autre dans ce bureau. Sarah était introuvable, au grand dam de Kerensky. Joy inspectait une dernière fois le bureau avant d'en conclure qu'elle avait suivit quelqu'un, ou avait été emmené de force, à l'extérieur quand elle remarqua quelque chose de brillant sur le sol.

- Kerensky.

Le géant Russe s'approcha et ramassa un bracelet en argent. Il n'eut pas besoin de le contempler longtemps avant de le reconnaître, il appartenait à Sarah. Il se rappelait encore la discussion qu'ils avaient eue sur le symbole qui y était gravé, une chouette croisée avec un phénix. Sarah le considérait comme un porte-bonheur et ne l'aurait jamais ôté de son plein gré… à moins qu'elle n'eut voulu leur laisser un indice, songea-t-il. Il passa sa main le long du mur, devant la bibliothèque et sentit un léger courant d'air.

- C'est à elle, il y a une porte derrière, annonça-t-il, légèrement soulagé d'avoir retrouvé sa trace.
- Il faut trouver le mécanisme d'ouverture, répondit Joy en examinant la pièce.
- Et… c'est censé ressembler à quoi ?
- Simon, si on le savait…, commença Largo.
- Ok, ok, c'était juste histoire de parler. Ca pourrait être ça, fit-il en prenant une petite statuette de bronze.
- Oui mais il ne se passe rien, comme tu peux le voir, fit Largo amusé devant l'air déçu de son ami.

Kerensky et Joy firent le tour de la pièce, chacun partant de son coté, mais revinrent bredouille. Le Russe trouva un coupe-papier en argent posé sur le bureau et essaya de l'introduire à l'endroit où il sentait de l'air passer mais la lame se brisa.

- Vous ne trouvez pas bizarre que la moitié de ces livres traitent de comptabilité et de gestion sauf un ? Demanda Joy avec un sourire en coin.
- Il s'appelle comment ? S'enquit Largo.
- Les hauts de Hurlevent.
- Pas du tout le genre de bouquin que lirait le patron de ce club, si vous voulez mon avis, commenta Simon.
- On ne le voulait pas, fit Kerensky en regardant Joy tirer sur le livre.

La bibliothèque bascula lentement et leur fit découvrir un escalier de pierre qu'une faible lueur éclairait.

- Restez là, ordonna Joy à Simon et Largo.
- Qu'est-ce qu'elle a dit ? Fit le Suisse en souriant.
- Aucune idée, répondit Largo en haussant les épaules.
- J'ai dit que vous ne bougiez pas d'ici, répéta Joy exaspérée.
- C'est marrant, ça doit être la musique de tout à l'heure, je n'entends rien.
- Ou alors les coups de feu, le bruit est terrible même avec un silencieux, renchérit Simon.
- Laisses les venir, Joy. On aura peut être besoin d'eux.
- Ah ben la, j'ai entendu ! Fit Simon en armant son 9mm.

Joy leva les yeux au ciel et suivit Kerensky qui s'était déjà engagé dans l'escalier. Simon et Largo échangèrent un sourire de connivence avant de les suivre.

***

Sous-sol du Blue Moon

- Je ne savais pas que les flics avaient de l'humour mais n'y compte pas, il n'y aura qu'une autre mort ici… la tienne, fit-il avec un rire sadique.
- Vous êtes conscient de ce que vous risquez en tuant un flic ? Tenta Sarah.
- Personne ne le saura, on retrouvera ton corps dans un terrain vague et quand tes collègues m'interrogeront, je dirais que je t'ai vu partir brusquement pour suivre Dawson.
- Où est-il celui la ? Demanda Sarah exaspérée qu'il ait pensé à tout.

Sa déclaration n'étonnerait personne étant donné son caractère impétueux et ses manières un peu brutales de mener ses enquêtes. Donovan, son capitaine, trouverait peut-être cette histoire bizarre en apprenant la mort de Mark mais il ne pourrait rien prouver.

- Il a du finir sa mission à l'heure qu'il est, je me demande lequel il a choisi. Oh, tu te demandes comment il a fait pour retourner au club sans que tu ne le voies ? Il y a une issue de secours dans le couloir que nous avons empruntés mais, tu ne pourras jamais le vérifier, termina-t-il avec un sourire.
- Vous êtes malade, Parker.
- Oui mais moi, je vais rester en vie, répliqua-t-il en appuyant sur la détente.

***

Escalier menant au sous-sol (quelques secondes plus tôt)

- Eh bien maintenant on sait qui nous a tiré dessus, chuchota Simon.
- Oui mais cela ne nous explique pas pourquoi, murmura Joy.
Kerensky faisait fi de la discussion de ses amis, une seule chose captait toute son attention, la main qui tenait l'arme braquée sur la tempe de Sarah. Il s'avança sans faire de bruit, de manière à voir Parker de profil. La jeune femme croisa son regard tandis qu'elle continuait à faire parler son agresseur. Joy avait prit position, elle aussi, mais à l'opposé du Russe, non sans avoir auparavant demandé à Largo et Simon de rester en arrière.

- Oui mais moi, je vais rester en vie, répliqua-t-il en appuyant sur la détente.

La scène leur sembla durer une éternité alors qu'elle se déroula en quelques minutes. Kerensky tira quelques secondes avant Parker. Sarah agit au même moment, en le déstabilisant d'un coup de pied dans les mollets. Le tir de Parker se perdit dans le fond de la pièce tandis que celui de Georgi atteignit sa cible à l'épaule. Parker se retourna vers lui, tentant de reprendre son équilibre, et tira de nouveau avant de s'écrouler sur le sol. Joy apparu derrière lui et hocha la tête quand le Russe la remercia d'un regard. A la grande surprise de Simon et Largo, qui avaient suivit toute la scène, Sarah se précipita sur Parker.

- Où est-il ?

Parker ne répondit pas, se contentant de sourire en voyant le regard déstabilisé de la jeune femme.

- Où est Dawson, répéta-t-elle en hurlant.

Kerensky s'étonna de la voir s'emporter au sujet de ce Dawson. Il comprenait qu'il faille le retrouver et l'empêcher de tuer Simon ou lui-même mais il sentait qu'il y avait autre chose.

- Je n'ai pas vengé Eddy mais… Dawson le fera pour moi.
- Non ! Cria Sarah quand Parker rendit âme. Tu n'as pas le droit de mourir, espèce de…
- Sarah, calmes-toi, dit Kerensky en lui posant la main sur l'épaule.

Elle se releva brusquement et le défia du regard. Il ne comprenait pas, ou plutôt ne pouvait pas comprendre, ce que Dawson représentait pour elle.

- Merci, fit-elle froidement avant de récupérer l'arme de Parker.
- A votre service ma p'tite dame, fit Simon sur un ton qui ne fit sourire que lui.
- Il a dit vrai, Dawson a essayé de vous tuer ? L'interrogea Sarah.
- Oui, répondit Largo, il visait Simon.
- Ben ça change, d'habitude c'est toi qu'on essaye de tuer, répondit l'intéressé.
- Je suis désolée pour votre équipier, fit Joy sincère.

Sarah ne répondit pas, elle ne voulait pas penser à Mark maintenant. Il lui fallait retrouver Dawson mais était-il déjà parti ou allait-il tenter d'abattre sa cible quand ils retourneraient dans la salle ?

- Vous devriez partir par la sortie de secours, annonça-t-elle.
- Et te laisser seule ici ? S'étonna Kerensky.
- Je fais mon job, Georgi, ce qui n'est pas votre cas !
- On ne va pas recommencer cette discussion maintenant. Je reste.
- Nous aussi, assura Largo.

Joy et Sarah poussèrent un soupir en même temps. Les hommes étaient impossibles par moment. Les deux jeunes femmes se sourirent en remarquant qu'elles pensaient à la même chose.

- Très bien, restez si cela vous chante, capitula Sarah en cherchant un plan.
- On devrait se séparer en deux groupes, proposa Joy. Un fait le tour par l'extérieur et l'autre fait le chemin en sens inverse.
- Il veut tuer Georgi ou Simon, il faut les séparer. Simon, Largo et Joy feront le tour tandis que nous resterons à l'intérieur. Cela devrait le déstabiliser de vous voir arriver en même temps. Où était-il quand il vous a tiré dessus ?
- De l'autre coté de la scène, vers le bar, répondit Largo.
- Il y a une réserve là-bas, fit Sarah en réfléchissant, mais pas de sortie.
- Ça veut dire qu'il savait que nous devions venir.
- Oui, Simon. J'ai l'impression d'avoir été manipulé par mon informateur pour vous attirer dans ce piège. Qui aurait les moyens de réaliser ce genre de guet-apens ?

Tous les membres de l'Intel Unit avaient les même mots en tête : La Commission Adriatique.

- Une puissante organisation qui cherche à prendre le contrôle de mon groupe, expliqua Largo.
- Parker aurait travaillé pour eux ? Pourquoi ? Demanda Sarah.
- Cette organisation offre certains avantages en échange de la coopération de ses membres. Tu devais faire parti du marché, dit Kerensky, et nous attirer n'était pas difficile puisque nous sortons ensemble. Ils nous étudient depuis que Largo a reprit le groupe W donc ils savaient parfaitement que je ne resterais pas sans rien faire. Dawson t'attirait ici pour que nous y venions aussi et Parker te tuait, en récompense de l'aide qu'il leur a fourni.
- Tu parles de vous comme si vous étiez des animaux de laboratoire, répliqua Sarah.
- Connais ton ennemi avant de le terrasser, fit Largo, c'est extrait d'un haïku.
- Tu crois vraiment que c'est le moment de nous réciter ce genre de truc. T'en aurais pas un dans le genre " les gentils s'en sortent toujours " ?
- Ce que tu peux être…
- Dites les gars, je crois pas que se soit le moment pour ce genre de débat, les coupa Joy.
- Elle raison, reprit Sarah. On se laisse… dix minutes, le temps que vous fassiez le tour.
- Ok.

Le groupe remonta rapidement l'escalier pour se retrouver dans le bureau de Parker. Joy et Sarah synchronisèrent leurs montres. Kerensky et elle entrèrent dans le salon privé tandis que le reste du groupe empruntait la sortie de secours.

Salon privé

Sarah regarda le corps sans vie de Mark. Elle resta un long moment immobile, cherchant dans sa mémoire si elle n'avait pas commis une erreur qui avait aboutit à cette mort atroce mais elle dut se rendre à l'évidence, Parker ne leur avait laissé aucune chance. Sarah allait devoir affronter le regard de Margareth et les deux enfants de Mark et elle en était malade. Les choses n'allaient pas très bien entre Margareth et Mark mais Sarah savait qu'ils s'aimaient. La vie de flic était dure pour leur famille, pas d'horaires, aucune certitude qu'un collègue ne frapperait pas un jour à la porte pour annoncer une mauvaise nouvelle.. Elle sentit une main se poser sur son épaule et croisa le regard de Kerensky. Le Russe avait facilement deviner ses pensées mais elle le rassura d'un faible sourire. Elle savait parfaitement qu'il n'était pas temps de se laisser aller, la suite des événements dépendaient de sa concentration. Ils se postèrent près de la porte donnant sur le club, attendant que les autres soient en place.

- Merci de…
- Attends que nous ayons mis Dawson hors de nuire pour…, la coupa Kerensky.

Sarah ne le laissa pas finir sa phrase, elle le tira doucement par le col de sa veste et l'embrassa. Georgi répondit volontiers à son baiser enflammé. Elle glissa sa main sur son épaule et cessa aussitôt leur étreinte.

- Tu es blessé, constata-t-elle en regardant le sang qui maculait sa main.
- Parker, avant que Joy ne le tue, mais ce n'est pas grave.
- Georgi, pourquoi n'avoir rien dit ?
- J'ai connu pire, répondit-il en haussant les épaules qui ne lui tira aucune grimace contrairement à ce qu'elle s attendait.
- Pire ? Je ne savais pas que les informaticiens risquaient leurs vies chaque fois qu'ils allumaient un ordinateur, le taquina Sarah.
- Il y a des choses que tu ignores sur mon passé.
- Je ne vois pas ce tu aurais pu faire de si terrible, répliqua-t-elle septique.
- Ce n'est pas vraiment le genre d'endroit pour parler de cela.
- Non, tu as raison. Encore deux minutes, dit Sarah après avoir consulté sa montre.
- Sarah…

Elle leva les yeux vers lui et lut une question muette dans ses yeux.

- Une minute.
- Quand tu m'as appelé, après m'avoir envoyé la photo de Dawson, tu allais me dire quelque chose mais tu t'es rétracté au dernier moment.
- Je… il faut y aller, dit-elle en ouvrant la porte lentement.

***

Entrée du Blue Moon

Joy entra la première, son arme discrètement caché sous son blouson, suivit de Simon et Largo. Leurs regards se dirigea tout naturellement vers la réserve où était censé se trouver Dawson. Les clients, inconscients du danger, regardaient plusieurs filles se déhancher sur la scène. Largo lança un regard interrogateur vers Kerensky et Sarah qui était sur sa droite. Le russe répondit d'un signe négatif de la tête. Joy continuait son avancée sur la réserve, faisant semblant de se rendre au bar. La tension du groupe était palpable et semblait déplacé dans ce lieu où tout le monde semblait se divertir. Elle sourit au barman et commanda un verre en regardant distraitement la porte qui l'intéressait. Une des serveuses l'ouvrit et Joy put constater qu'elle était vide. La garde du corps fit signe au reste de l'Intel Unit que l'oiseau s'était envolé. Largo et Simon étaient assis à une table et attendirent que leurs amis les rejoignent, manifestement Dawson avait quitté le club. Kerensky, suivit de Sarah, se dirigea vers eux. L'inspectrice réfléchissait à toutes les possibilités de cachette qu'offrait le club quand elle se jeta brusquement sur le russe. Le bruit du tir fut à peine audible. Georgi sentit le poids de Sarah dans son dos. Elle devait avoir remarqué quelque chose et n'avait pas eu le temps de le prévenir. Joy bondit, se mettant à couvert derrière un mur, et tira plusieurs fois à travers la porte close menant au salon privé, provoquant l'affolement des clients et des strip-teaseuses. Le club se vida en un clin d'œil. Joy passa à coté de Kerensky sans lui jeter un regard et poussa lentement la porte, son arme braquée sur un éventuel agresseur. La porte buta contre quelque chose de dur, Joy força de tout son poids, jeta un coup d'œil et retourna dans la salle principale.

- Il ne reviendra pas, fit-elle laconiquement.

Elle s'aperçut que Largo et Simon fixaient étrangement Kerensky, toujours assis sur le sol. Joy baissa les yeux vers le Russe et découvrit une large tache de sang sur le sol.

***

Hôpital St Matthews - 4h du matin

Largo raccrocha le téléphone et revint vers ses amis qui étaient dans la salle d'attente. Le policier de garde au commissariat avait finalement accepté de le mettre en communication avec le capitaine Donovan. Du moins, à faire en sorte que le commissaire le rappelle à la cabine de l'hôpital.

- Son supérieur va arriver, fit Largo en s'asseyant.

Simon hocha la tête et se proposa pour aller chercher des cafés et quelque chose à grignoter. Ils étaient là depuis deux heures et risquaient de passer le reste de la nuit à attendre que l'opération soit terminée. Le Suisse partit, les épaules basses, laissant Joy et Largo en tête-à-tête.

- Tu crois que tout va bien se terminer ? Demanda Joy doucement.
- Bien sûr, les personnes de cette race ont la peau dure, fit Largo avec un petit sourire.
- Je ne peux pas m'empêcher de me dire que cela aurait pu être toi, murmura la jeune femme.
- C'est impossible, j'ai le meilleur garde du corps du monde.
- Largo, je suis sérieuse. Je ne m'attendais pas du tout à ce que Dawson fasse l'inverse de nous. J'étais persuadée qu'il était encore dans le club alors qu'en fait, il nous a vu sortir et qu'il a fait le tour.
- Hey, tu n'as pas à culpabiliser, affirma Largo en lui prenant la main.
- Si elle meurt…
- Sarah ne va pas mourir Joy, les médecins sont en train de faire ce qu'il faut pour cela, reprit-il doucement.
- Georgi… je ne lui avais jamais vu un tel regard…
- Il est amoureux d'elle, même s'il ne veut pas se l'avouer.
- Il a de bonnes raisons pour cela, assura Joy.
- Lesquelles ? Questionna Largo intéressé par le point de vue de la jeune femme.
- La peur de le perdre avec sa manie de se mettre dans des situations impossibles.

Joy se mordit la lèvre en constatant le lapsus qu'elle venait de faire. Largo lui caressa la joue doucement en se perdant dans ses yeux noisette. Il venait d'avoir la confirmation de ce qu'il supposait depuis longtemps déjà. Ses sentiments n'étaient pas à sens unique, elle les partageait. Du bout du pouce, il dessina les contours de ses lèvres, faisant frémir la jeune femme. Il se pencha lentement vers elle et captura ses lèvres pour un tendre premier baiser. Joy se sentit traverser d'une foule d'émotions contradictoires. Elle le voulait et en même temps avait peur de gâcher leur amitié. Elle avait aussi peur de ne pas être à la hauteur des femmes qu'avaient connu Largo. Ses histoires d'amour s'étaient limitées à un agent de la CIA qu'elle avait du piégé et son ex-mari, David, qui était plus préoccupé par lui-même que par elle. Joy décida de repousser toutes ses pensées. Elle voulait profiter de cet instant même si elle devait mettre fin le lendemain à leur intimité.

- Hum hum, fit Simon avec un large sourire.
- Tu ne devais pas aller chercher des cafés, fit Largo contrarié de le voir revenir si vite.
- Et à ton avis, qu'est-ce que j'ai dans les mains ?

Largo soupira et lâcha à regret la main de Joy. Kerensky surgit au fond du couloir et se dirigea vers eux.

- Du nouveau ? Demanda-t-il en s'asseyant face à Joy.
- Non, répondit Largo. J'ai prévenu son supérieur qui ne devrait pas tarder à nous rejoindre.
- Bien, commenta le Russe en s'adossant à son siège.
- Et ta blessure ? L'interrogea Joy.
- Rien de grave.

Kerensky ferma les yeux et revit lentement la scène qui s'était joué quelques heures plus tôt. Il s'était sentit projeté au sol par Sarah qui l'avait protégé du tir de Dawson. Ce qu'il n'avait pas comprit immédiatement, c'est la raison pour laquelle elle ne bougeait pas. Il s'était retourné et l'avait pris dans ses bras, constatant avec effarement qu'elle avait été blessée. Elle était encore consciente et lui avait sourit doucement en lui disant quelques mots, ceux qu'elle n'avait pas osés lui dire au téléphone. Il avait été stupide. Il connaissait ses sentiments pour elle et s'était leurré en se convainquant qu'il s'agissait juste d'une aventure. Et maintenant, il risquait de la perdre sans lui avoir dit qu'il l'aimait. Il se maudit pour son incapacité à dire ce qu'il ressentait. Toutes ces années, conditionné à ne pas faire voir ce qu'il éprouvait, avaient fait de lui un homme froid. " L'homme de glace ", c'était ainsi que Joy l'avait surnommé une fois. Elle n'avait pas tort mais il était trop tard pour changer.

- Largo Winch ? Demanda un homme d'une cinquantaine d'années.
- Capitaine Donovan, je présume, répondit le milliardaire en se levant.
- Exact. Comment va-t-elle ?
- Nous n'avons pas encore eu de nouvelles des médecins.
- Vous étiez avec elle quand s'est arrivé ?
- Tout à fait. Je vous présente mon garde du corps Joy Arden et le reste de mon équipe, Simon Ovronnaz et Georgi Kerensky.

Donovan sut immédiatement qui était Georgi. Myers, l'inspecteur qui avait suivit Sarah à la fin de son premier soir au Blue Moon, lui en avait fait un portrait détaillé. Les deux hommes se toisèrent du regard un court moment. Kerensky examina les cheveux poivre et sel de l'homme, ses yeux vert perçants qui lui rappelèrent ceux de Sarah, un début d'embonpoint arrondissait son ventre mais ne le faisait pas paraître moins impressionnant pour autant. Le capitaine, quant à lui, s'étonna du choix de Sarah. Les cheveux longs de l'homme étaient emmêlés, ses yeux bleus étaient froids mais ils exprimaient une telle inquiétude que les doutes de Donovan concernant le Russe s'envolèrent presque aussitôt. Chacun d'eux savait qu'ils avaient une place importante dans la vie de Sarah et qu'ils ne pouvaient donc pas être ennemis.

- Qui était Dawson ? Demanda Kerensky.
- Je ne suis pas habilité à vous répondre. Sarah vous l'expliquera si elle le souhaite, répliqua le capitaine.
- Vous savez aussi bien que moi qu'elle ne le fera pas et j'ai besoin de le savoir, avoua Georgi au grand étonnement du reste de l'Intel Unit.

Le capitaine soupira avant de s'asseoir. Cet homme avait raison, Sarah n'avait jamais reparlé de David après son assassinat. De même qu'elle avait fait abstraction de ses parents et sa sœur à leurs morts. Donovan sentait que Kerensky était à même d'aider la jeune femme et décida de lui faire confiance.

- Très bien. David Crawley était inspecteur dans le même service que Sarah. Ils ont fait équipe pendant un moment et, est arrivé ce que tout le monde attendait, ils sont tombés amoureux. Crawley a dut changer de service et est passé aux narcotiques. Il a enquêté en sous-marin sur Dawson pendant trois semaines… ils devaient se marier deux mois plus tard, fit le capitaine en soupirant… David ne s'est pas présenté pour faire son dernier rapport. Vous connaissez Sarah, elle a été directement chez Dawson sans que je ne puisse l'en empêcher… elle s'est fait capturer par les sbires de ce type. Je ne sais pas ce qui s'est exactement passé mais on l'a retrouvé dans un terrain vague, près du corps de David. Les choses n'ont plus été pareilles ensuite, elle s'est renfermée sur elle-même et est devenue la femme que vous connaissez.

Joy avait, inconsciemment, prit la main de Largo pendant que le capitaine parlait et la serrait doucement. Simon ne trouvait rien à dire pour une fois. Kerensky comprenait mieux certaines choses dans le comportement de la jeune femme, notamment sa peur de s'engager avec quelqu'un. Il semblait plus facile de perdre quelqu'un auquel on disait ne pas tenir que quelqu'un qu'on aimait. Le silence retomba sur la salle d'attente pendant que chacun était perdu dans ses pensées.

Un médecin vêtu d'une blouse bleue s'approcha d'eux une heure plus tard. Largo remarqua les traits tirés de la jeune femme et s'attendit au pire.

- Capitaine Donovan ?
- Oui, fit ce dernier en se levant.
- Je suis le docteur Elisabeth Green, je me suis occupée de l'inspecteur MacLane.
- Comment va-t-elle ?
- Ces personnes sont avec vous ? S'enquit le médecin.
- Oui, ce sont des amies de Sarah mais ne me dites pas que…
- Non, non. On l'a stabilisé pour le moment. Elle a perdu beaucoup de sang. La balle s'était logée dans un rein que nous avons dû enlever. Elle pourra vivre avec un seul rein, répondit le docteur Green en lisant la question muette de Donovan.
- Nous pouvons la voir ?
- Il y a autre chose dont je dois vous parler. Nous avons pu sauver la vie de l'inspecteur MacLane mais… pas le fœtus, annonça gravement le médecin

Kerensky se raidit en entendant les derniers mots.

- Un fœtus ? Répéta Donovan incrédule.
- L'inspecteur MacLane était enceinte d'un mois.

Donovan se tourna vers Kerensky, son visage était impassible. Le capitaine n'arriva pas à savoir s'il était au courant de la grossesse de Sarah. Il put par contre constater que les membres de l'Intel Unit ne l'était pas.

- Je suis désolée, dit le docteur, une infirmière viendra vous prévenir quand elle sera installée dans une chambre.
- Merci docteur, fit Donovan en s'asseyant.

Joy s'inquiétait pour le Russe. Il resta un moment immobile avant de donner un violent coup de poing dans le mur. Il sentit à peine la douleur et sortit de la salle d'attente sans un mot. Largo se leva pour aller lui parler mais Joy le retint par le bras.

- Laisses lui un peu de temps pour digérer la nouvelle, dit-elle doucement
- En tout cas, faut pas se frotter à lui quand il est en colère, constata Simon en regardant le trou dans le mur que Kerensky avait fait.

***

Chambre 312 - 6h du matin

Sarah ouvrit les yeux lentement. Elle n'arrivait pas à se souvenir de l'endroit où elle se trouvait. Ses pensées étaient embrouillées, elle se rappelait le club, d'avoir bondit sur Kerensky quand elle avait vu le laser rouge sur lui, d'avoir été dans ses bras et de lui avoir dit quelque chose bien qu'elle ne se souvienne plus quoi. La pièce où elle se trouvait était d'un blanc immaculé. Etait-elle au paradis, se demanda-t-elle brièvement avant qu'une onde de douleur ne la parcoure quand elle essaya de se redresser. Le souffle court, elle porta la main à son ventre et constata qu'elle avait un bandage. Un hôpital, elle était dans un hôpital mais où était les autres ? Une infirmière passa, changea le goutte-à-goutte et lui sourit doucement en lui disant de se reposer. Sarah hocha la tête tout en sachant qu'elle ne le pourrait pas tant qu'elle n'en saurait pas plus. Georgi… avait-elle réussi à le sauver ? Elle ferma les yeux un court instant, essayant de chasser la douleur qui remontait lentement à la surface. Quand elle les rouvrit, elle eut la surprise de voir une silhouette entrer dans sa chambre. Sarah le reconnu immédiatement et poussa un petit soupir de soulagement, il n'avait rien.

Kerensky avança dans la pénombre de la chambre. Elle le regardait et il la vit sourire doucement. Il s'était finalement décidé à venir la voir après s'être calmé en prenant l'air. Son épaule le faisait souffrir mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'il ressentait. Il avait été plus que soulagé d'apprendre que Sarah était vivante et allait s'en sortir mais la perte de ce fœtus l'avait ébranlé plus qu'il ne l'aurait imaginé. Georgi et Sarah n'avaient jamais parlé d'avoir des enfants puisqu'ils voyaient leur couple comme une simple aventure sans sentiment. Il n'était pas nostalgique et ne l'avait jamais été mais il n'avait pu s'empêcher, pendant les deux heures qu'il avait passé à marcher, de se demander à quoi aurait ressemblé leur enfant. Les années passaient et, même s'il s'était ingénié à ne pas se créer d'attaches, il commençait à sentir un léger regret de ne pas avoir eu de descendance. Le plus souvent, il noyait ce genre de pensées dans de la vodka mais pas cette fois. Savoir qu'il avait faillit être père… il ne trouvait pas de mot assez fort pour décrire ce qu'il ressentait.

- Comment te vas-tu, demanda-t-il en s'asseyant près d'elle.
- J'ai connu mieux, répondit-elle doucement.
- Je m'en doute.
- J'ai appris que tu avais fait la connaissance de Donovan.
- Oui, il m'a parlé de…
- David, je sais, le coupa Sarah. Si je ne t'en ai pas parlé, c'est…
- Sans doute pour la même raison que tu as omis de me parler de tes parents et de ta sœur, répondit Kerensky d'une voix douce.
- Je… comment… ?
- Là n'est pas vraiment la question, il y a des choses que tu ignores sur moi et…
- Georgi, je vais partir, murmura Sarah. J'ai prévenu Donovan qu'il aurait ma démission dès que je serais rétablie.

Le Russe la regarda étrangement, il s'était attendu à beaucoup de choses mais certainement pas à son départ. Sarah prit sa main et la caressa un court moment avant de reprendre la parole.

- Je… la seule chose qui m'a aidé à me lever ces dernières années, c'était l'espoir de tomber sur Dawson pour venger David et… il est mort. Je n'ai plus rien qui ne me retienne à New-York, conclut-elle doucement.

Kerensky sentit un courant glacé parcourir ses veines. Les traits de son visage se durcir et ses yeux froids se posèrent sur la jeune femme dont il espérait, quelques minutes auparavant, partager la vie pour les cinquante prochaines années. Il sentait la petite boite dans la poche de son pantalon et se sentit idiot. La première femme à qui il avait proposé le mariage avait refusé et l'avait trompé avec son meilleur ami, la seconde venait de répondre à sa question avant même qu'il ne la pose.

- Je vois, dit-il en se levant. Je vais te laisser te reposer, rajouta-t-il d'un ton sec.
- Georgi… ne sois pas en colère.
- Comment devrais-je être d'après toi ? Heureux ! J'ai cru que… et puis cela n'a pas d'importance, fit-il en se dirigeant vers la porte.
- Georgi Kerensky, ne sois pas un lâche, reviens ! Lança Sarah derrière son dos.

Le Russe s'immobilisa, la main sur la poignée de la porte. Le moins qu'il puisse dire, c'est qu'elle savait comment le faire réagir au quart de tour. Il se retourna lentement, laissant un rideau de cheveux masquer son visage et attendit qu'elle parle.

- A quoi t'attendais-tu ? A une fin du genre : ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ? Je ne suis pas comme cela, et toi non plus !
- C'est exact. Tu as fini ce que tu voulais donc tu vas quitter la ville et c'est moi que tu traites de lâche ! Pourquoi pars-tu ? L'interrogea-t-il rudement en revenant près du lit.

Sarah se fit l'impression d'être une enfant disputée par son père. Son regard n'exprimait aucune émotion, de même que son visage. Elle remarqua ses vêtements froissés, les cernes sous ses yeux et ses cheveux en bataille.

- Dawson est mort, il était responsable de la mort de David ! Je lui avais promis de le venger. Il lui a fait subir… tu ne peux pas imaginer l'état dans lequel je l'ai retrouvé.
- Cela ne répond pas à ma question, fit Kerensky sentant sa colère monter en voyant qu'elle évitait sciemment de répondre.
- Je te l'ai dis !
- Non !
- C'est ma décision, tu ne peux pas la respecter ? Les choses ont été claires dès le départ entre nous, il n'y avait aucun sentiment. Tu savais qu'un jour où l'autre, on cesserait de se voir. Tu savais que je ne voulais pas faire de projet et toi non plus ! Alors ne viens pas me faire le reproche de vouloir partir, je n'ai pas trahi mes paroles ni mes actes ! S'énerva Sarah.
- J'ai du mal à croire que j'aurai pu m'inquiéter autant pour toi si je ne t'aimais pas. J'ai du mal à croire que la perte de notre enfant me fasse autant de mal, s'il n'y avait rien de sérieux entre nous et j'ai du mal à ne pas penser que tu me fuis, maintenant que tu as accompli ta vengeance. Tu te mens à toi-même si tu essayes de te persuader que tu ne m'aimes pas !
- Qu'est-ce tu as dis, demanda Sarah d'une voix blanche.

Kerensky la regarda et comprit aussitôt. Elle n'était pas au courant qu'elle avait été enceinte. Il venait de le lui apprendre mais en plus, de lui dire qu'elle avait perdu cet enfant.

- Sarah, je croyais que Donovan t'avait mis au courant, reprit-il doucement.

Elle secoua la tête gravement. Notre enfant… Ces deux mots se bousculaient dans sa tête, elle attendait… non, rectifia-t-elle mentalement, elle avait attendu l'enfant de Georgi. Elle n'arrivait pas à déterminer si elle devait être malheureuse de cette perte ou s'en réjouir. La jeune femme n'avait jamais pris le temps de songer à avoir des enfants mais avec la vie qu'elle menait, avoir une famille pouvait être dangereux. Elle se rappelait encore les soirées ou sa mère cachait son inquiétude derrière une extrême gaieté car leur père était en retard. Elle se rappelait aussi l'homme qui les avait pris en otage, sa sœur et elle, pour se venger de leur père qui avait arrêté sa femme. Elles avaient eu de la chance et s'en était sorties sans dommage mais Sarah s'était dit ce jour-là qu'elle n'aurait pas d'enfants. Son travail l'en avait inconsciemment convaincu, elle voyait tous les jours des gosses paumées, droguées et pire encore. Avoir un enfant dans ce monde instable était égoïste. Elle ne savait plus qui lui avait dit cela mais Sarah avait trouvé l'idée vraie… sur le moment. Kerensky lui prit la main et elle leva les yeux vers lui. Il était inquiet même s'il essayait de le cacher derrière son masque d'impassibilité.

- Je suis désolé, murmura-t-il en s'asseyant au bord du lit.
- Je… je ne sais pas si… tu aurais voulu de cet enfant si… ? Demanda-t-elle en baissant la tête par peur de lire dans ses yeux quelque chose qui ne lui plairait pas.

Kerensky glissa la main dans sa poche de pantalon et en sortit une petite boite pourpre qu'il regarda un long moment en silence.

- Oui… si tu n'avais pas… Je n'ai pas compris immédiatement quand tu ne t'es pas relevé au club puis j'ai réalisé que je ne te l'avais jamais dit.
- Quoi ? Demanda Sarah en relevant la tête.

Pour toute réponse, Georgi lui mit la petite boite dans la main. Sarah la regarda longuement.

- Je ne sais pas faire… je vais te raconter une histoire avant que tu ne dises quoique ce soit, commença-t-il en détournant le regard. C'est l'histoire d'un petit garçon russe, enlevé à sa famille à l'âge de 6 ans, et amené illégalement aux Etats-Unis. Le garçon n'a pas d'amis, plus de famille, il vit dans un ranch en Idaho. Un ranch un peu spécial, un paravent du KGB. Le garçon grandit, entouré d'autres garçons, mais n'a toujours pas d'amis, c'est interdit par les gens qui s'occupent d'eux. A l'âge de 18 ans, on le renvoie en Russie, perfectionner sa formation dans sa " patrie ". Le garçon devenu homme obéit, il n'a pas le choix, ne sait rien faire d'autre, et devient un agent du KGB. Les années passent et il devient le meilleur, se voit confier des missions dangereuses mais aussi la formation d'agents russes chargés d'infiltrer les USA. L'homme aime une femme qui le trahie au moment même où un renégat parvient à lui échapper, il quitte la Russie et le KGB pour devenir consultant en sécurité ou plutôt, mercenaire. Un jour, trois hommes le retrouvent dans un club russe et lui offrent la chance de commencer une nouvelle vie. Il accepte et se retrouve, du jour au lendemain, travaillant pour le PDG d'une des plus grandes multinationales américaines. Un an et demi plus tard, un des nouveaux amis de l'homme se fait enlever. La police se mêle de l'enquête et une inspectrice l'aide à le retrouver. Il sent qu'il y a quelque chose entre eux, qu'ils sont sur la même longueur d'onde. La suite, tu la connais, conclu-t-il en levant les yeux sur Sarah.

La jeune femme avait les larmes aux yeux. Elle n'aurait jamais imaginé qu'il avait eu une enfance aussi… elle ne trouvait pas le mot adéquat mais elle comprenait beaucoup mieux ses réactions. Sa manière de se fermer dès qu'elle abordait un tant soit peu son passé, la barrière invisible qu'il instaurait entre lui et les étrangers, des réflexions qu'il lui avait faites. Elle saisissait aussi d'où il tirait ses connaissances sur les armes, l'informatique, … Une larme s'échappa mais Sarah ne s'en souciât pas. Elle caressa la joue de Kerensky, suivit le contour de son visage et se pencha vers lui. Lentement, elle déposa un baiser sur ses lèvres avant de se retirer aussitôt. Elle recommença plusieurs fois, se reculant dès qu'il tentait de répondre à ses baisers jusqu'à ce qu'enfin elle glisse sa main derrière sa nuque pour l'attirer à elle. Leurs langues se rencontrèrent brièvement avant de s'éloigner pour mieux se retrouver par la suite en un langoureux et passionné baiser. Ils se séparèrent quelques minutes plus tard à bout de souffle.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Sarah les joues en feu.
- Un présent, répondit Kerensky avec un sourire en coin.
- Georgi, si c'est-ce que je crois ce n'est pas…
- Tais-toi et ouvre-le, ordonna-t-il doucement.

Sarah obéit et leva, le cœur battant, le couvercle. Kerensky la vit retenir son souffle avant de caresser le médaillon en argent qui s'y trouvait. Elle leva un regard interrogateur vers lui.

- C'est la seule chose qui me reste de ma mère. Ce sont ses initiales, SK, Svetlana Kerensky et… je sais que nous avions décidé d'avoir une relation platonique mais j'ai dépassé ce stade depuis un bon moment, depuis que tu m'as parlé de ton enquête au Blue Moon en fait. Je ne te demande pas de m'épouser, du moins pas maintenant, j'aimerais juste que tu restes dans ma vie… je me sens comme un parfait imbécile capitaliste en te faisant part de mes sentiments.
- Je crois que c'est la plus belle déclaration que l'on ne m'a jamais faite mais..
- Pas de mais, les mais cela n'est jamais bon signe, expliqua-t-il.
- Il y en a un pourtant, je suis désolée. J'ai peur… peur de te perdre comme j'ai perdu David. Je sais que tu n'es plus un agent actif mais que se passera-t-il, si jamais une de tes anciennes connaissances décide de t'éliminer ou de tuer nos enfants ?
- Je suis conscient que c'est un risque à prendre. J'ai encore de nombreux ennemis mais cela peut arriver, comme cela peut ne pas arriver. Et j'imagine qu'il y a aussi pas mal de truands qui serait ravi de te tuer.

Elle hocha la tête doucement avant de porter sa main à son ventre. Georgi la regarda et vit une infime grimace de douleur passer sur son visage. Sarah releva la tête et le regarda, un léger sourire sur les lèvres.

- Tu as remarqué, demanda-t-elle en caressant le médaillon.
- Quoi ?
- Les initiales… j'ai les mêmes initiales que ta mère, fit-elle doucement. Enfin, rajouta-t-elle en voyant qu'il ne comprenait pas, si tu acceptes m'épouser.
- Que j'accepte de t'épouser, répéta Georgi en faisant mine de réfléchir.
- Oui et que tu apprennes à répondre un peu mieux quand tu décroches un téléphone.
- Je crois qu'on a des choses à négocier mais…
- Pas de mais, j'ai un ami qui m'a dit que ce n'était jamais bon signe, déclara Sarah en faisant la moue.
- Je t'aime.

Kerensky s'étonna que ces mots, qu'il n'avait pas dit depuis des années, lui viennent avec autant de facilité. Sarah prit son visage entre ses mains et l'embrassa tendrement.

- Je… je vous aime, Georgi Kerensky.

Des coups rapides furent frapper à la porte qui s'ouvrit immédiatement sur un énorme bouquet de fleurs.

- Livraison spéciale, fit Simon sur un ton de marchand de poisson.

Simon s'arrêta devant la table et posa la gerbe qui tenait à peine dessus. Largo et Joy apparurent dans l'encadrement de la porte, un peu gênés par l'arrivée de Simon.

- C'est pour vous, fit le Suisse.
- Ne le répétez à personne mais je m'en doutais un peu, répondit Sarah sur un air de conspiratrice.

Joy et Largo furent rassurés. Si la jeune femme plaisantait, c'est qu'elle avait accepté la triste réalité, du moins le temps de leur montrer une façade enjouée. Joy remarqua le médaillon qui pendait au cou de Sarah. Kerensky avait l'air aux anges et la garde du corps se demanda pourquoi. Le fait que la jeune femme soit sauvée ? Non, Joy sentait qu'il y avait autre chose et se promit de cuisiner le Russe dès qu'elle en aurait l'occasion mais elle n'en eut pas besoin.

- Merci pour votre aide, dit Sarah à Largo, Simon et Joy.
- Bah… en tant qu'ex-voleur, je suis toujours ravie de montrer aux flics comment on bosse.
- Hum… essayeriez vous de nous faire passer pour des incompétents ? Demanda Sarah en roulant de gros yeux.
- J'l'ferais plus m'dame, promis !

Sarah éclata de rire avant de s'arrêter brusquement en se tenant les cotes.

- Ne faites pas rire et j'oublie ce que vous avez dit

Largo remarqua le bras protecteur que Kerensky avait passé autour de la taille de la malade.

- On vous devait bien ce service, vous nous avez couverts quand Simon a été enlevé, fit Largo.
- Cela n'était pas la même chose. J'ai du mal à croire que tout cela n'était qu'un piège de la…
- Commission Adriatique, termina Joy en voyant qu'elle cherchait ses mots.
- Il n'y a donc rien à faire pour les stopper ?

Les quatre membres de l'Intel Unit se regardèrent. Ils luttaient contre la commission depuis plus d'un an et doutait que cela cesse un jour, les ramifications étant telles qu'aucun secteur n'était épargné.

- Pour en revenir à des choses un peu plus gaies, commença Kerensky.

Joy et Simon se regardèrent, c'était bien le Russe qui avait dit cela ?

- Tu es malade ?
- Non, pourquoi ?
- Tu as utilisé le mot " gai ", je croyais que c'était un terme qui n'existait pas dans ton vocabulaire.
- Il a changé de dictionnaire, fit Sarah avec un sourire malicieux.
- Ah parce que…
- Laisse-le parler, Simon, je suis curieux d'entendre ce que notre Russe préféré va nous annoncer, dit Largo en ne quittant pas le couple des yeux.
- Rien d'important en fait, simplement que cette demoiselle va devenir ma femme, fit Georgi comme s'il annonçait le dernier bulletin météo.

Largo, Simon et Joy en restèrent bouche bée pendant quelques secondes. Kerensky… se marier ? Ils avaient mal entendu. Joy fut la première à réagir en félicitant les futurs époux. Elle n'avait jamais imaginé le Russe en mari, et encore moins en père de famille, mais elle fut ravie pour lui. Sarah n'était peut-être pas exactement le genre de femme qu'il lui fallait mais son regard débordait d'amour, cela sautait aux yeux. Largo et Simon se mirent enfin à parler et les félicitèrent aussi. Le Suisse proposa d'aller chercher de quoi fêter la nouvelle et entraîna Largo avec lui. Joy sourit mais ne put s'empêcher d'avoir un pincement au cœur. Pourquoi Kerensky se mariait-il avant elle ? N'avait-elle pas droit à un peu de bonheur elle aussi ? Son téléphone portable sonna et elle s'excusa d'un sourire.

- Rejoins-moi dans le couloir, fit Largo avant de raccrocher.

Joy rangea son téléphone d'un air septique et laissa les deux tourtereaux ensemble. Elle ouvrit la porte et tomba nez à nez sur Largo qui l'attendait adossé au mur. Il lui lança un sourire charmeur avant de lui tendre la main. Joy hésita un court instant avant de la prendre. Le milliardaire sourit et l'entraîna dans les couloirs de l'hôpital jusqu'à un solarium désert. Il ne lui laissa pas le temps de parler et la plaqua contre lui pour l'embrasser passionnément.

- Je t'aime. Je sais que cela te fais peur, j'ai peur aussi mais j'en ai assez de vivre près de toi sans pouvoir t'embrasser quand j'en ai envie.
- Je vois. En fait, tu veux juste satisfaire une lubie de milliardaire, le taquina-t-elle.
- Joy… je suis très sérieux et je te demande de devenir ma femme.
- Le mariage est à la mode cette saison, on dirait. Va falloir qu'on trouve une copine à Simon, comme cela on pourra se marier tous les trois en même temps.
- Joy…
- Je… Largo, je t'aime mais…
- Arrêtes-toi à " je t'aime " cela me suffit.
- Non il y a un mais… on ne peut pas construire une relation sur un je t'aime, je l'ai déjà fait et je t'assure que cela n'a rien donné de bon, dit-elle en songeant à son ex-mari.
- Très bien alors le fait que tu n'ais pas eu de vraies expériences amoureuses n'est pas un problème pour moi car j'ai l'impression d'être un gamin boutonneux quand je suis avec toi. J'ai fais des erreurs, avec les femmes j'entends, mais il n'y a qu'une personne avec qui je veux partager le reste de ma vie et avoir des enfants. Je veux qu'ils aient ton sourire, je veux des dimanches matin en famille, comme nous n'en avons jamais eus ni toi ni moi, ou tout le monde vient dans notre lit pour un petit-déjeuner gigantesque. J'ai envie de te couvrir de cadeaux, de te faire l'amour, de goûter ta peau nacrée, conclu-t-il en lui caressant le bras.
- Largo…, fit Joy d'une voix légèrement tremblante, tu oublies que je veille sur ta sécurité. Je ne pourrais plus le faire si…
- Je ne veux pas te faire quitter ton " job " mais tu as un choix à faire. Etre heureuse avec moi en tant que Me Winch ou être l'insupportable garde du corps qui me suit partout.
- Tu as une drôle de manière de présenter les choses.
- J'essaye de te faire comprendre à quel point ce détail est dérisoire pour moi ? Je peux avoir un autre garde du corps mais il n'y a qu'une femme avec qui je veux passer le reste de ma vie.

Joy put lire dans son regard azur qu'il lui disait la vérité, elle y découvrit aussi tout l'amour qu'il lui portait. Elle leva la tête et se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Largo se retint de la brusquer et la laissa prendre l'initiative de se blottir contre lui. Leur baiser était tendre, délicat. Il la repoussa doucement en souriant.

- C'est un oui ?
- Oui, confirma Joy en lui souriant.
- Tu crois qu'on peut commander une femme pour Simon par Internet, demande Largo en la prenant par le bras pour la ramener près de leurs amis.
- Je ne sais pas pourquoi ? Demanda Joy intriguée.
- Eh bien, ton idée de faire un triple mariage n'était pas mauvaise, fit-il en souriant.
- Hmm, j'imagine la tête de Simon quand tu lui feras choisir sa femme sur catalogue. Ou peut-être devrais-je dire, pauvre femme !

Leur rire se perdit au détour d'un couloir tandis que le destin menait les quatre membres de l'Intel Unit vers une vie légèrement différente de celle qu'il connaissait jusqu'à présent mais… je suis certaine qu'ils ne vont pas s'en plaindre.

 

Fin