Dirty Dancing

par Brocéliande

 

C'était enfin l'été, et après une longue période de travail intensif, Largo avait décidé de prendre des vacances bien méritées. Il avait donc approuvé immédiatement l'idée de Sullivan d'organiser le congrès annuel des membres du Conseil de direction dans cet endroit retiré du monde qu'était la Pension Kellerman.
La voiture filait sur la route avec une cadence régulière ce qui avait finit par endormir ce cher Simon qui une fois n'est pas coutume avait veillé tard, passant la nuit à faire la fête. Joy quant à elle regardait défiler le paysage campagnard sans un mot. Largo profitait de ces quelques instants de paix que Cardignac ne manquerait pas d'interrompre une fois arrivé à destination, ne serait-ce que pour se plaindre du manque de confort des lieux.
En effet la Pension Kellerman était une sorte de complexe hôtelier, composé de bungalows qui s'organisaient autour d'un grand restaurant et de diverses salles d'activités : cours de danses, de peinture, de théâtre…
Les membres du conseil avaient été répartit en petit groupe afin de partagés plusieurs bungalows ; Largo n'avait pas oublié son idée de rapprochement. Ils avaient été inscrits d'office à toutes les activités proposées par l'hôtel, et Largo et Simon se délectaient par avance de voir les directeurs de filiales se dandiner sur la piste de danse. Simon avait même insisté pour que tous participent au spectacle de fin de saison organisé par l'hôtel.
Voilà qui promettait des réjouissances !


Arrivé sur place, ils furent accueillit par le directeur en personne, qui vint les saluer. Largo prit la main qu'il lui tendait et accepta de se faire guider à l'intérieur.
L'atmosphère des lieux était plutôt rustique, et dans un style dépassé de mode. On aurait pu croire être revenu dans les années soixante. En fait c'était là l'effet souhaité. Le décor, la musique, tous rappelaient ces années folles.
Afin de pouvoir se rafraîchir tous rejoignirent les bungalows qui leurs avaient été attribués. Pour des raisons de sécurité, Simon, Kerensky et Joy partageaient celui de Largo. Sullivan s'était vu attribuer en autre Buzetti et Cardignac. Alicia Del Ferril était cantonnée avec d'autres femmes. Joy en tant que membre féminin aurait dû normalement partagée le même bungalows qu'elles, mais Largo avait eut pitié de son garde du corps qui refusait d'être enfermée avec des oies capitalistes comme les avaient si bien qualifiées Kerensky.
Ils s'étaient donc arrangés pour laisser à Joy une chambre individuelle dans leur bungalow, si bien que Simon et Largo devaient partager le même lit.

Deux heures plus tard, tous se retrouvèrent dans la grande salle à manger. Des petites tables avaient été dressées spécialement pour eux. Tout le long du repas Largo fit mine d'ignorer les murmures de mécontentement de Michel Cardignac.

- Enfin cette fois il ne nous a pas confisqué nos téléphones, se plaignit-il à Alicia.

- Et nous ne sommes pas obligés de faire la cuisine, rajouta Buzetti.

- Il y a comme même cette histoire de cours de danse, rappela Alicia.

- Ne m'en parlez, j'ai essayé de prétexter des raisons médicales pour y échapper mais rien n'y a fait.

- C'est à se demander comment un tel énergumène peut diriger une entreprise telle que le Groupe W, lança Cardignac.

Simon sortit Largo de ses pensées en lui donnant une petite tape.

- Et vise moi un peu cette serveuse. Oh ! Je crois que je vais me plaire ici.

- Tu risques bien d'être le seul, répondit Largo.

- Allez, arrêtes de te prendre la tête à cause de ces orgueilleux et pense plutôt à faire la fête.

- Tu as raison. Je suis en vacance, et je compte bien en profiter.

- Bien dit ! Alors dès ce soir on commence les réjouissances.


Sitôt dit, sitôt fait. Les deux compères étaient désormais sur la piste de danse et y entraînaient toutes les jolies demoiselles de la pension. Simon au grand étonnement de ses amis finit même par inviter Alicia Del Ferril. Joy sous ses prières incessantes, accepta de danser avec Largo, tandis que Kerensky invitait la directrice du département "jouet".
Peu après le début du bal, un couple de danseurs professionnels fit son entrée afin de montrer un échantillon de ce qu'ils ne manqueraient pas d'apprendre dans les cours proposées par l'hôtel.
Joy qui s'était rassise à sa table, regarda avec beaucoup d'insistance le jeune homme. Largo s'en aperçut, et se surpris en constatant que cela l'énervait au plus au point. Il porta son attention sur le couple de danseurs afin de savoir ce qui attirait tellement sa garde du corps.
Il devait bien reconnaître que l'homme était plutôt séduisant. De plus, il portait sa partenaire avec beaucoup d'agilité, la rattrapant avec aisance alors que celle-ci s'élançait dans les airs, sa tête frôlant le sol de quelques centimètres. Mais même avec ses muscles, son costume élégant et sa maîtrise d'une danse telle que le mambo, Largo ne comprenait pas pourquoi Joy le fixait ainsi. Il ne méritait pas l'attention de SA garde du corps.
Mais son hostilité envers le danseur monta d'un cran, quand ce dernier repéra Joy, et lui lança un sourire à faire damner une Sainte ; sourire auquel Joy ne manqua pas de répondre.
Cette fois s'en était trop ! Largo se leva d'un bond, énervé plus qu'il ne l'aurait dû, et sortit de la salle d'un pas rapide.

Joy qui avait vu Largo s'en aller se leva à son tour pour le suivre. Il était de son devoir de s'assurer qu'il ne lui arriverait rien.
Largo se retourna en entendant un bruit derrière lui.

- Joy ? ! , s'étonna-t-il.

- Tu espérais peut-être quelqu'un d'autre, répondit un peu brusquement la jeune femme.

- Non, non, c'est juste que je croyais…

- Quoi ?

- Non rien, laisse tomber.

- Bien comme tu voudras. Qu'est-ce que tu fais ?

- Je rentre me coucher.

- Je t'accompagne.

- Si tu veux.


Prétextant la fatigue accumulée ces derniers temps et le trajet, Largo alla se coucher directement. Bientôt Simon et Kerensky rentrèrent à leur tour, et Joy décida d'aller faire un petit tour histoire de repérer les lieux.
Ses pas la conduisirent tout naturellement vers la partie de la propriété réservée aux employés. Guidée par une musique entraînante, elle arriva bientôt sur un petit pont en rondin. Elle le traversa et suivit le chemin qui montait, par un simple petit escalier de bois, directement aménagé dans la terre, vers une grande bâtisse d'où lui parvenait le bruit.
En entrant dans le bungalow aménagé en discothèque, Joy constata qu'il y avait là de nombreux couples qui se dandinaient plus qu'ils ne dansaient, sur une musique langoureuse. Elle fouilla la salle du regard jusqu'à ce qu'elle découvre ce qu'elle cherchait. Elle s'y dirigea sans hésiter.
En la voyant arriver vers lui, l'homme ne sembla pas surpris. Dés l'instant où il l'avait vu dans la salle de danse de l'hôtel, il avait su qu'elle viendrait le voir. Il l'accueillit alors avec un grand sourire, ouvrant les bras en grand pour la serrer contre lui.
Joy se laissa étreindre et embrasser, avant de s'écarter légèrement.

- Joy ! , s'exclama-t-il. Cela fait si longtemps.

- Sept ans, confirma la jeune femme.

- Tu es toujours aussi belle !

- Et toi toujours aussi dragueur !

- Que veux-tu ! On ne renie pas sa nature.

En guise de réponse Joy sourit.

- Alors qu'est-ce qui t'amènes à nouveau dans ce petit paradis ?

- Les affaires.

- Oh, oh !

- Et toi, tu ne voulais pas t'en aller dis-moi ?

- J'ai réfléchis, et j'ai compris que la danse c'est tout ce que j'avais. Alors je suis resté.

- Dis donc Johnny, tu ne crois pas que tu pourrais me présenter ton amie ! , les interrompit une voix grave.

Joy se retrouva vers le nouvel arrivant. C'était un homme d'environ 28-29 ans, 1m80, les cheveux brun qui l'apostropha d'un sourire charmeur.

- Va coucher Robbie. Elle n'est pas pour toi ! , le rembarra Johnny.

- Oh ! Je vois. Chasse gardée, répliqua ce dernier sarcastique, avant de s'éloigner.

- Méfies-toi de lui Joy, la conseilla son ami. Il n'est pas du genre à laisser tomber facilement. Et c'est un enfoiré de première.

- Je tacherais de m'en souvenir.

- Alors combien de temps restes tu cette fois ?

- Normalement jusqu'à la fin.

- J'espère que tu accepteras de venir à mon cours.

- C'est effectivement dans mon programme.

- Ton programme incorporait-il également un dîner chez moi, demain soir.

- Pourquoi pas. Je pense pouvoir me libérer.

- Justement quelles sont donc ces affaires qui te conduisent jusqu'ici ?

- Une nouvelle lubie de mon patron.

- Qui est … ?

- Largo Winch.

- Le Largo Winch du Groupe W !

- Celui là même.

Il eut un petit sifflement admiratif.

- Et bien dis moi ma belle, tu en as fais du chemin depuis la dernière fois !

- Que veux-tu j'ai changé, répondit-elle joyeusement.

- Et que pense ton père de ta nouvelle carrière ?

- On ne peut pas dire qu'il en soit enchanté, mais peu importe. Je n'ai plus aucun compte à lui rendre.

- Tu danses ? , demanda alors Johnny pour changer de sujet, car il savait que ce n'était pas l'un des favoris de la jeune femme.

- Pourquoi pas ! Mais je préfère te prévenir : ça fait un bail que je n'ai pas dansé ainsi.

- T'en fait pas c'est comme le vélo dit-on : ça ne s'oublies pas !

Il l'entraîna alors sur la piste de danse et la prit dans ses bras pour guider ses pas.
Joy se laissa faire et tandis que les mouvements lui revenaient tout naturellement, elle se remémora cet été 1992 où elle l'avait rencontré pour la première fois.


Largo ne dormait pas encore quand il entendit Joy rentrer enfin. Il jeta un œil sur le réveil à coté de lui et constata qu'elle s'était absentée près de deux heures. Qu'avait-elle bien pu faire pendant tout ce temps ? Énervé il tira brusquement les couvertures sur lui ce qui lui valu un grognement réprobateur de Simon qui dormait paisiblement.


Le lendemain matin tous se retrouvèrent pour le petit déjeuner dans la grande salle. Certains membres du conseil affichaient grises mines. Parmi eux, en autre, Cardignac, Buzetti et Del Ferril. Simon, quant à lui affichait un sourire radieux et même Kerensky semblait de bonne humeur. Largo était plus renfrogné et ne répondait que par monosyllabes aux questions que lui posaient ses amis.

- Dis-le si on t'ennuis ? , l'apostropha Simon.

- Hein ! Quoi ? Tu disais ? , demanda Largo en sortant de ses mélancoliques pensées.

- Rien, laisses tomber ! Si tu me disais plutôt ce qui ne va pas avec toi ce matin.

- Mais rien. Tout va bien, mentit-il.

- C'est ça et moi j'suis eunuque. Tu oublies que c'est à moi ton meilleur pote que tu t'adresses, alors ne me mens pas !

- Désolé, mais je n'ai pas très envie d'en parler maintenant.

- Très bien comme Monsieur voudra, répondit Simon d'un air faussement vexé.

C'est ce moment que choisit Joy pour faire son entrée dans la salle. Elle gratifia ses amis d'un large sourire avant de s'asseoir à leur table.

- Alors toi on peut dire que tu as passé une bonne nuit ! , lui lança Simon.

- Et oui, moi je n'ai pas eu à supporter tes immenses ronflements, le provoqua-t-elle gentiment.

- Hé ! Je ne ronfle pas !

- Tu en es bien sûr ? , le taquina-t-elle.

Comme toujours le Suisse était partit au quart de tour.

- Jamais personne ne s'est plaint avant, répondit-il fier de lui.

- Bien sûr tu t'es toujours sauvé avant que cela ne puisse arriver.

- Vous n'allez pas commencer dès ce matin, intervint Largo avant que Simon ne puisse trouver à répondre.

Joy et Simon se regardèrent un instant surpris par le ton de Largo, puis Simon fit signe de laisser couler car son pote ne semblait pas vraiment d'humeur, ce que Joy constata à ses dépends juste après.

- Vous ne devriez pas être à un cours de danse, lança Largo plutôt sèchement.

- Si, répondit Joy avec un ton tout aussi froid. D'ailleurs j'y vais de ce pas. Elle se leva brusquement. Simon tu viens !

- Allez-y, je vous suit gente demoiselle, répondit-il en se levant et en lui cédant le passage avec un petite révérence comique.

Joy sourit malgré sa soudaine mauvaise humeur suite à la remarque de Largo et précéda Simon vers la sortie.

- Si tu t'expliquais maintenant, lui demanda le Russe qui était resté à l'écart jusqu'à présent.

- Que veux-tu dire ?

- Je veux dire qu'hier tu riais et faisais la fête en pensant que ce séjour allait être drôle, et que ce matin tu sembles d'aussi charmante humeur que ce cher capitaliste de Cardignac.

Largo ne répondit pas.

- N'aurait-ce pas un rapport avec le fait que Joy se soit absentée pendant près de deux heures cette nuit sans dire où elle allait ? , tapa dans le mile l'ex-espion.

Cette fois encore Largo choisit de ne pas relever l'allusion du Russe.

- Tu ne devrais pas les rejoindre, lui répondit-il agacé par l'exactitude de ses propos.

- Bien comme tu voudras. Mais n'oublies pas que la jalousie n'est pas bonne conseillère.

Sur ce il sortit à son tour laissant Largo ruminer dans son coin.


Simon bavait devant la prof de danse alors que celle-ci leur montrait les premiers pas.

- Il s'agit d'un pas très simple pour commencer, dit-elle. Vous n'aurez qu'à suivre la musique et les indications que je vous donnerai.

- Moi je veux bien faire tout ce que vous me demanderez, tenta l'infatigable dragueur.

La jeune femme lui répondit par un charmant sourire qui acheva de convaincre Simon quant à la sympathie qu'il éprouvait pour elle.

L'heure qui suivie se passa donc entre les tentatives de dragues de Simon et les éclats des membres du conseil qui ne cessèrent de se marcher sur les pieds où bien de s'égosiller les uns sur les autres.
Kerensky se délecta donc de ce spectacle de capitalistes en déroute alors que Joy se débrouillait merveilleusement avec les pas de danse.

À la fin du cours, un homme entra dans la salle et discuta un instant avec le professeur avant de se tourner vers les élèves du moment. Un sourire s'afficha sur son visage alors qu'il venait de remarquer une jeune femme entourer de deux hommes radicalement opposé physiquement. L'un était aussi petit et brun que l'autre était grand et blond. Il se dirigea vers ce petit groupe et tapota l'épaule de Joy qui terminait de ranger ses affaires.

- Bonjour ma belle, dit-il alors qu'elle lui faisait maintenant face. Bien dormit ?

- Merveilleusement.

Il la prit alors dans ses bras et déposa un gentil baiser sur sa joue. Joy lui répondit par un sourire amusé.

- Hum, hum, se racla la gorge Simon afin de se rappeler au bon souvenir de son amie. Tu ne nous présentes pas ? , demanda-t-il alors qu'elle se retournait vers lui.

- Oh ! Pardon. Johnny Castle, voici Simon Ovronnaz et Georgi Kerensky.

- Vous aussi vous travaillez pour Largo Winch, demanda-t-il.

- Je ne dirais pas ça comme ça, répondit Simon. Disons plutôt que nous travaillons avec Largo.

Il y eut un petit silence puis Johnny s'adressa de nouveau à Joy.

- Il faut que j'y aille, j'ai un cours à donner. On se voit toujours ce soir.

- Je n'ai pas eu encore le temps de m'arranger, mais je viendrais dès que je pourrais.

- Bien alors à ce soir ma belle, ajouta-t-il en déposant un baiser sur sa joue avant de s'éloigner.

Quand il fut partit, Joy sentit le regard de Simon fixé sur elle. Elle se retourna donc vers lui prête à faire face aux flots de questions dont il ne manquerait pas de l'assaillir.

- Qui c'est ce type ?

- Johnny est un ami de longue date, répondit-elle en insistant bien sur son prénom pour faire comprendre au Suisse que "ce type" avait avant tout un nom.

- Comment l'as-tu rencontré ?

- C'est un interrogatoire en règle si je comprends bien.

- Parfaitement, alors maintenant réponds, ordonna Simon avec une voix qui se voulait très autoritaire tout en restant amicale.

- Il a été mon prof de danse, répondit-elle négligemment tout en prenant son sac et en sortant.

Simon une fois remis de cette révélation surprenante, ramassa prestement ses affaires et s'élança à sa suite.

- Joy attends ! , s'écria-t-il. Tu dois m'en dire plus.

Déjà il était à l'affût de nouveau potins. Joy sourit quand elle le vit accourir tout en la pressant de questions qu'elle ignora si superbement. Simon était au supplice de ne pas en apprendre d'avantage.

Kerensky sortit à son tour du cours de danse et les regarda s'éloigner en souriant. Décidément il n'était pas au bout de ses surprises pendant ce séjour. Il s'amusa encore un instant des tentatives du petit suisse (désolé j'ai pas pu m'en empêcher !) pour faire parler Joy, avant de rejoindre le bungalow. Voilà une histoire qui ne manquerait pas de ne pas plaire à Largo.


De son coté Largo assistait à un cours de théâtre avec Sullivan et Cardignac entre autres. Une fois la séance achevée, il se dépêcha d'aller rejoindre ses amis au bungalow comme cela avait été initialement prévu. Il y trouva donc Simon harcelant Joy de questions que celle-ci ignoraient tout en feuilletant un magazine assise tranquillement sur le canapé, et Kerensky qui pianotait sur son ordinateur sur la table du salon.

- Alors comment s'est passé votre cours de mambo ? , demanda-t-il gaiement bien décidé à faire oublier son comportement du matin.

- Surprenant, répondit le russe sans quitter son ordinateur des yeux.

- Oui c'est tout à fait le mot que j'emploierai, confirma Simon. Vois-tu nous venons de découvrir que notre chère petite Joy n'est pas étrangère en ce lieu.

- Je ne suis pas très sûr de te suivre, répliqua Largo. Je préfère de loin quand tu t'exprimes normalement.

- Joy est déjà venue ici !

- Mais pourquoi tu ne l'as pas dit ? , l'interrogea le jeune milliardaire.

- Ce détail n'avait aucune importance, répondit Joy tout en continuant sa lecture.

- Tout comme ce prof de danse peut-être ? Lui aussi n'est qu'un détail sans importance ? , insista Simon.

- Je ne vois pas ce que Johnny vient faire là dedans, mais cela ne te regarde en rien dans tous les cas.

- Qui est-ce ? , s'inquiéta Largo.

- Le prof de danse de mademoiselle, répondit Simon.

- Ex-prof, crut bon de préciser Kerensky qui jusqu'alors était resté en dehors de la discussion. Et d'ailleurs d'après ce que j'en ai vu, il ne devait pas être mauvais.

Joy fut surprise par ce qui semblait être un compliment détourné du Russe, mais préféra ne pas répondre.

- Allez Joy, dit moi si il y a eut quelque chose entre vous deux, la supplia de nouveau le petit brun.

- Simon, tu veux bien arrêter avec ça. Je t'ai déjà dit que cela ne te regardait pas, s'énerva cette fois Joy.

- Enfin Largo aide-moi, l'invita son ami à prendre partie. À nous deux je suis sûr qu'on arrivera à la faire parler.

- Je te trouve bien présomptueux. D'ailleurs un petit conseil : n'insiste pas trop ou je vais finir par m'énerver pour de bon.

- Mais enfin quand vas-tu te décider à nous parler un peu de toi ? , s'écria le Suisse. C'est vrai tu es encore plus énigmatique qu'une statue.

- Simon, si j'étais toi, j'écouterai le conseil de Joy, intervient Kerensky qui voyait déjà la jeune femme fulminer.

Brusquement Joy posa le magazine sur la table et se leva.

- Si tu n'y vois pas d'inconvénient, je vais faire un tour, dit-elle en s'adressant à Largo.

Ce dernier prit au dépourvu ne trouva rien à répondre et regarda donc la jeune femme prendre rapidement sa veste et se diriger vers la porte.

- Ne m'attendez pas pour ce soir, je ne dîne pas au restaurant de l'hôtel, lança-t-elle en quittant la pièce.

Largo encaissa cette dernière remarque avec un air sombre.

Tandis que la musique s'arrêtait, il pu entendre le bruit des pas d'une personne montant les escaliers. Il s'y dirigea pour accueillir un éventuel élève et fut surpris de voir Joy arriver.

- Joy ? Qu'est-ce qui t'arrives ? , demanda-t-il devant sa mine sombre.

- Rien, juste un petit différent avec Simon, répondit-elle alors qu'un sourire se dessinait sur son visage à la vue de son ex-prof de danse.

- Tu attends peut-être un élève ?

- Non je suis libre pour le reste de l'après-midi, enfin normalement.

- Je peux rester ?

- Bien sûr ! , répondit-il avec un grand sourire.

Il se dirigea ensuite vers la chaîne stéréo et lança une nouvelle chanson.

- Tu danses ? , lui demanda-t-il en lui tendant la main pour l'inviter.

- Avec joie, répondit-elle en retirant sa veste et en lui prenant la main.

Aussitôt il la prit dans ses bras et ils commencèrent à se mouvoir sur le rythme langoureux de la musique. Instinctivement les pas lui revenaient en mémoire au fur et à mesure de la mélodie, et Joy se laissa guider ensuite par son partenaire. Peu à peu le rythme s'accéléra et leurs mouvements s'intensifièrent pour devenir plus techniques. Joy se laissa porter par son compagnon et ferma les yeux avec la sensation de s'envoler. Johnny continua de tourner comme si la jeune femme n'avait été qu'une simple plume avant de la reposer doucement sur la piste. Puis le couple se sépara, avant de se retrouver dans une nouvelle étreinte plus lente. Enfin ils s'écartèrent sur les dernières notes. Joy était quelque peu essoufflée, ses joues avaient pris une teinte légèrement rosée, mais elle souriait.

- Woah ! Je crois que j'ai fini par perdre l'habitude de toutes ces danses, s'exclama-t-elle.

- Moi je trouves que tu défends encore très bien.

- J'ai eut un bon professeur.

- Merci.

Il y eut un petit silence. Johnny en profita pour aller éteindre la chaîne.

- Que dirais-tu d'aller faire un tour ? , proposa-t-il. Enfin si tu n'as pas d'autres obligations.

- Non moi aussi je suis libre.

- Alors dans ce cas, allons-y.

Il l'invita à le précéder dans les escaliers et une fois dehors la conduisit jusqu'au parking. Galamment, il ouvrit ensuite la portière et Joy prit place sur le siège passager. Il fit ensuite le tour du véhicule et s'assit derrière le volant.

Alors qu'il était sortit pour prendre l'air et se changer les idées, Largo arriva près du parking. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Joy monter en voiture avec ce danseur. Aussitôt sa mauvaise humeur refit surface et il shoota rageusement dans un caillou qui se trouvait sur son passage à ce moment-là. Il repartit ensuite la tête basse, en direction du bungalow.

Simon vit son pote revenir avec un air encore plus renfrogné que lorsqu'il était partit. Il décida alors de tout faire pour lui redonner le sourire.

- Tu sais cette petite prof de danse est vraiment sublime, lança-t-il. Je suis sûre que tu ne manqueras pas d'être de mon avis quand tu la verras.

- Simon, je n'ai pas envie de parler pour l'instant. Je vais aller me reposer.

- Hé ! Tu ne vas pas m'accuser d'avoir ronflé cette nuit et dire que tu n'as pas pu dormir tout de même.

- Non rassures-toi, je ne t'ai pas entendu.

- Ah ! Je préfère ça.

Largo se dirigea vers la chambre.

- Et attends tu ne veux pas aller faire un tour avec moi ? , demanda Simon.

- Non merci, je suis fatigué.

- Le cours de théâtre était si éreintant !

- Essayes de supporter Cardignac pendant toute une matinée et tu comprendras bien vite.

- Tu es sûre que ce capitaliste égocentrique est ton seul souci ? , lança Kerensky.
Largo choisit de ne pas répondre et quitta la pièce.

- Un à zéro pour l'ex du KGB, constata Simon.


La voiture s'arrêta devant l'allée centrale qui menait aux bungalows des membres du personnel de l'hôtel. Joy en sortit et contourna le véhicule pour parler au chauffeur qui n'était pas descendu.

- J'en ai pour quelques temps, alors ne m'attends pas car je dois aussi repasser au bungalow pour me changer.

- Bien, alors je compte sur toi pour 20 heures, lui rappela Johnny.

- Je serai à l'heure rassures-toi.

- À ce soir, lança-t-il avant de redémarrer.

Joy le salua d'un signe de la main avant de se diriger vers l'un des petits baraquements. Elle frappa et attendit qu'on l'invite à entrer ce qui se fit presque immédiatement.

- Bonjour, dit-elle à la jeune femme blonde qui s'avançait déjà vers elle pour l'accueillir.

- Joy, comment vas-tu ?

- Ça va, et toi toujours aussi en forme à ce que je vois !

- Et oui, je fais ce que je peux pour le rester, plaisanta-t-elle. Mais viens t'asseoir, on n'a pas eu le temps de discuter ce matin.

- Je suis désolé, j'aurai voulu rester pour te parler après le cours, mais il fallait que je me débarrasse de Simon avant.

- Le petit brun au sourire charmeur, se remémora Penny Johnson, professeur de danse à la pension Kellerman.

- C'est exactement lui, s'exclama Joy avec un petit rire. Mais un conseil, méfies-toi de son baratin, ajouta-t-elle en riant pour de bon.

- Bien je me le tiendrais pour dit.

Elles rirent un instant tout en parlant des tentatives de séduction de Simon, et Joy mit la prof de danse au courant des petites habitudes du Suisse dont elle lui conseilla gentiment de prendre garde.

- T'inquiètes pas, je pense pouvoir gérer la situation.

- J'en suis sûre. Et puis Simon est un type vraiment bien quand il laisse tomber son masque de tombeur professionnel pour redevenir lui-même, confia Joy plus sérieusement.

- À t'entendre je dirais que tu l'apprécies beaucoup.

- C'est un très bon ami, la détrompa Joy.

- Hum, hum. Alors dit-moi y a-t-il un heureux chanceux qui aurait enfin pu gagner ton cœur.

Joy soupira et fit un petit sourire à son amie.

- Oh ! Tu sais moi et les histoires d'amour…, commença-t-elle.

- Joy tout le monde a le droit d'aimer, l'interrompit Penny. Ne laisse jamais ton père te dire le contraire.

- Je ne vois plus mon père, lança l'ex agent de la CIA. Enfin pas depuis que je suis partie il y a quatre ans.

- Je suis désolé.

- Non il n'y a pas de quoi l'être, moi-même je ne le suis pas.

- Bien je constate que tu as encore trouvé le moyen de te défiler. Alors y a-t-il quelqu'un qui fait battre ton cœur ? , dévia la conversation la prof de danse.

Joy eut un sourire énigmatique et Penny dû se résoudre à accepter cette soi-disant réponse.


Près d'une heure plus tard, Joy revint vers le bungalow où elle était installée avec ses amis. Elle retrouva Kerensky comme elle l'avait quitté, c'est-à-dire penché sur son ordinateur entraîné dans une partie d'échec avec un joueur à l'autre bout de la planète. Cependant aucune trace de Simon ni de Largo !

- Simon est sortit pour découvrir les "beautés" des lieux, expliqua Kerensky en reprenant les mots du Suisse. Quant à Largo il est partit se reposer depuis près de deux heures.

- Qu'est-ce qui ne va pas avec lui ? , demanda Joy qui savait que Largo ne se reposait dans l'après-midi que lorsqu'il était vraiment préoccupé.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question.

- Peut-être mais tu es le seul présent, et de plus tu étais avec lui toute la journée.

- Largo n'a pas été du genre bavard.

- Mais tu lui as parlé ce matin ! Tu dois bien te douter de ce qui l'a mit dans en tel état. Je ne l'ai jamais vu de si mauvaise humeur, même après un conseil de direction.

- Tu n'aurais pas un dîner avec un certain danseur, lui rappela le joueur d'échec.

- Je suis venue pour me changer, répliqua la jeune femme.

Kerensky concéda enfin à lever les yeux de son écran et observa Joy. Ses habits étaient un peu défraîchis et par endroits encore humides. Ses cheveux eux-mêmes n'étaient pas tout à fait secs, pourtant il n'avait pas plut.

- Que t'est-il arrivé ? , demanda-t-il sans trop vraiment montrer un quelconque intérêt.

- Une petite baignade improvisée, répondit-elle tout aussi négligemment.

- T'as perdu ton maillot de bain !

- Non, juste l'équilibre.

Sur ce elle planta là le Russe et alla dans sa chambre pour en ressortir qu'une demi heure plus tard, douchée et changée.

Quand elle revint dans le séjour, Simon était de retour et Largo était débout. Tous deux discutaient tranquillement sur le canapé et ne s'aperçurent pas tout de suite de sa présence. Il fallut l'intervention du Russe pour qu'ils lèvent les yeux vers la jeune femme.

- Joy, Sullivan a laissé un message pour toi.

- Que veut-il ?

- Te voir demain matin. Il n'a rien dit de plus.

- Bien, merci.

-T'as pas peur d'avoir froid dans cette tenue, s'écria Simon tout à coup, ce qui lui valut un regard noir de l'intéressée.

Elle portait une petite robe d'été en viscose, très légère à fine bretelle et qui lui arrivait à mi cuisse.

- T'inquiètes pas pour moi, lui répondit-elle.

- C'est pour ton prof de danse tout ça ? , la taquina-t-il.

- Simon ! , le coupa Kerensky pour lui interdire d'aller plus loin, et dont le regard était tout aussi équivoque que celui de la jeune femme.

Largo dont la mine était redevenue sombre, se leva et repartit dans sa chambre. En passant devant Joy, il lui lança d'un air qui se voulait désinvolte :

- Passes une bonne soirée !


Joy et Johnny étaient installés confortablement dans le bungalow de ce dernier. Ils dînaient tout en se remémorant des instants de leur passé communs. Ils rirent beaucoup aussi de l'incident de cet après-midi.

- Je suis sûre que tu l'as fait exprès, l'accusa la jeune femme.

- Hé, ce n'est pas de ma faute si tu ne te souviens plus des pas, se défendit le professeur de danse.

- Je me rappelle parfaitement ce mouvement et à aucun moment tu n'es censé te reculer.

- D'accord, d'accord, j'avoue tout. J'avais très envie de me venger d'une certaine journée où je me suis retrouvé par ta faute les fesses dans l'eau.

- Hé c'était il y a dix ans ! , se défendit à son tour la jeune femme. C'était quoi ma quatrième, cinquième leçon à tout casser, et tu ne m'avais même pas expliqué correctement ce que je devais faire.

- Peut-être, mais j'ai comme même finit trempé jusqu'aux os.

- Oh ça oui ! Je m'en souviens parfaitement, répliqua Joy en éclatant de rire.

- Tu peux te moquer, mais tu n'avais guère l'air plus sèche cet après-midi, ajouta-t-il avant de se joindre à son hilarité.

Ils continuèrent à rire tout en terminant de dîner, puis allèrent sur la petite terrasse pour prendre un café à la belle étoile.

Le lendemain matin Largo se montra d'une humeur exécrable. Il n'avait que très peu dormit, et avait vu d'un très mauvais œil le retour de Joy à quatre heures et demi du matin. Il s'était volontairement levé plus tôt et était allé seul à la salle à manger. Alors qu'il avait terminé son petit déjeuner et s'apprêtait à quitter la table, il fut rejoint par Simon et Kerensky.

- Et bien Largo, tu es tombé du lit ?

- Non, mais cela aurait pu être le cas, tu prends tellement de place, répondit-il d'un ton mauvais.

- Ho, ho ! C'est encore pire que je ne le croyais.

- Je vous laisse !

- Largo attend. Reste un peu avec nous. Joy ne devrait plus tarder maintenant.

Largo fusilla son ami du regard.

- Je ne crois pas non.

- Elle s'est levée à 8H ce matin pour aller voir Sullivan, lui rappela Kerensky.

- Et puis on doit tous aller à un cours de théâtre, ajouta le Suisse.

- Je ne suis pas sûre qu'elle soit vraiment d'attaque.

- Qui ne sera pas d'attaque ? , demanda une voix de femme derrière eux.

Tous trois se retournèrent vers Joy qui venait juste d'arriver. Elle était tout simplement rayonnante, et son visage ne portait aucune trace de sa courte nuit.

- Largo pensait que tu n'arriverais pas à te lever après ta soirée d'hier, expliqua Simon.

- Contrairement à toi, mon cher, je n'ai pas besoin de dormir pendant des heures, le taquina-t-elle.

- Que te voulais Sullivan ? , demanda Kerensky pour dévier la conversation vers un autre sujet que la virée nocturne de Joy.

- Rien de bien important. Juste une question de sécurité. Je lui ai dit que tout était okay.

- Bien, alors déjeunons. Je meurs de faim, s'écria Simon. Largo tu restes, n'est-ce pas ?

- Ouais, ouais, répondit Largo en s'asseyant avec mauvaise grâce.

Pendant encore quelques jours, Largo fut d'une humeur massacrante. Simon et Kerensky avaient prit le parti de l'ignorer, mais Joy qui faisait généralement les frais de ses remarques acerbes, préféra alors éviter son irritable patron.

Les journées défilèrent donc dans un tourbillon d'activités diverses : danse, théâtre, pêche, jeu de plage…
Kerensky se délectait sans cesse des pitreries des éminents membres du prestigieux conseil du Groupe W. Quelles joies de voir ramper dans la poussière ces hyènes capitalistes.
Simon quant à lui, continuait de conter fleurette à tout ce qui portait une jupe dans un rayon de trois kilomètre. Bien évidement il poursuivait avec assiduité la ravissante professeur de danse. Il ne manquait aucun de ces cours et s'arrangeait pour rester toujours après la fin pour demander une précision sur un pas, un mouvement.
Joy passait beaucoup de temps avec les danseurs, Johnny en particulier. Plusieurs fois pendant les bals de l'hôtel, elle avait accepter de danser avec lui. Elle se rappelait encore les mines stupéfaites de ses amis quand ils la virent la première fois. Simon en était même resté sans voix, chose extraordinaire chez lui.
Puis peu à peu Largo devient moins renfrogné et finit par suivre les conseils de son ami qui le poussait à profiter au maximum de ses vacances. Il décida qu'il était temps pour lui de se reprendre en main.


Ce fut donc d'un pas décidé que le jeune PDG pénétra dans la salle de cours. Il se dirigea alors directement vers la jeune femme blonde.

- Mlle Johnson ? , demanda-t-il.

- Oui. Mais je vous en prie appeler moi Penny.

- Je suis Largo Winch, se présenta-t-il.

- Je sais qui vous êtes M Winch.

- Largo, s'il vous plaît.

- Bien. Que puis-je faire pour vous Largo ?

- Je voudrais apprendre à danser comme vous !

- Vous suivez déjà mes cours n'est-ce pas ?

- Oui, mais je voudrais en apprendre d'avantage. Etre capable de danser comme vous.

- D'accord je vois, déclara-t-elle comprenant ce qu'il voulait dire. Ce sont des danses très techniques et qui demande beaucoup d'entraînement.

- J'ai tout mon temps, je suis encore là pour quelques semaines.

- Bien dans ce cas, quand pouvez-vous commencer ?

- Maintenant !

- Alors en piste !


Les journées qui suivirent furent beaucoup plus tranquilles pour tout le monde. Les amis de Largo n'avaient plus à supporter sa mauvaise humeur, et Joy fut ravie lorsque Largo s'adressa à elle de façon toute à fait aimable. Il lui présenta même des excuses pour son comportement odieux et ils discutèrent ensuite pendant plusieurs heures sur la terrasse du bungalow. Ils avaient retrouvés leur complicité habituelle.
Largo continuait de suivre des cours particuliers, sans toutefois en avoir parler à qui que ce soit. Il ne voulait pas risquer les foudres de Simon qui ne manquerait pas de croire qu'il essayait de s'insinuer sur son terrain en draguant la charmante professeur de danse.

Une après-midi alors qu'il se rendait à l'un de ses cours, Largo vit Johnny entrer dans la salle de danse. Il le suivit et se fit le plus discret possible quand il l'entendit parler avec Penny.

- Alors pourquoi m'as-tu demandé de venir ? Je croyais que tu avais un cours cet après-midi.

- Oui, mais il se trouve que j'ai besoin de ton aide. Je ne peux pas montrer les portés sans quelqu'un d'autre.

- Je vois, Monsieur veut apprendre à danser comme les pros !

- Tu ne devrais pas parler de lui de cette façon. C'est un homme vraiment charmant.

- Je n'en doute pas. Mais fait comme même attention, il parait qu'il collectionne les conquêtes tout comme on collectionne les timbres.

- Je suis une grande fille. Je sais prendre soin de moi toute seule.

- Tiens j'ai déjà entendu ça quelque part. Tu n'aurais pas parlé avec Joy récemment ? , la taquina-t-il.

- Pourquoi dis-tu ça ? , feignit-elle l'innocence.

- Car elle m'a dit exactement la même chose quand je lui ai parlé d'elle et de son patron.

- Bon alors tu restes pour m'aider ou pas ? Il ne devrait plus tarder à arriver maintenant.

- D'accord. Mais ne compte pas sur moi pour jouer les carpettes devant ce milliardaire.

Largo fronça les sourcils, visiblement cet homme ne l'aimait pas beaucoup. Était-ce à cause de Joy. Si ils avaient une relation tous les deux, il n'appréciait peut-être pas qu'elle soit toujours avec lui-même si c'était pour le boulot. Largo sentit une pointe de jalousie l'envahir alors qu'il pensait que Joy pouvait être intime avec cet homme. Contrarié, il se décida enfin à signaler sa présence.

- Bonjour, lança-t-il en essayant de paraître naturel.

- Largo, répondit Penny. Tu connais Johnny.

- Oui. Bonjour, dit-il en se tournant vers l'homme que lui présentait Penny.

- Bonjour, répondit celui-ci de mauvaise grâce.

- J'ai demandé à Johnny de venir afin qu'il puisse t'expliquer correctement les différents portés.

- Parfait.

- Et bien allons-y, se manifesta le danseur. J'ai également un cours dans une heure.

- Cela devrait suffire, Largo apprend très vite, répondit la jeune femme.

Largo la remercia de ce compliment par un de ses sourires ravageurs dont il avait le secret.


Le cours se passa relativement bien dans la mesure où on pouvait sentir une tension presque palpable entre les deux hommes. Johnny montrait à Largo comment il devait s'y prendre et le corrigeait quand sa position n'était pas parfaite.

- Le maintient est très important. Quand vous portez votre cavalière, celle-ci doit être sûre de vos gestes. Certaines de ces figures sont très dangereuses et vous ne devez surtout pas faire de faux pas car c'est votre partenaire qui en subirait le plus les conséquences, expliqua d'une voix dure le danseur.

- Bien, répondit tout aussi sèchement Largo.

Penny sourit face à ce petit combat de coq. Si Joy avait été là elle aurait peut-être enfin ouvert les yeux sur les sentiments de son patron à son égard. En effet depuis que Penny avait parlé de Joy un peu plus tôt en disant comment elle avait appris de la même manière, les deux hommes n'arrêtaient pas de se provoquer mutuellement.

À la fin du cours Largo vit Johnny s'en aller et se dépêcha de prendre rendez-vous avec Penny pour le lendemain afin de le rattraper.

- Johnny ?

Ce dernier surpris se retourna et s'immobilisa pour laisser le temps au milliardaire de le rejoindre.

- Si vous avez un instant j'aimerai assez vous parler.

- Je suis très occupé, répondit le danseur pas très enthousiasme.

- S'il vous plaît, ce ne sera pas long.

- Je n'ai vraiment pas le temps.

- C'est au sujet de Joy.

À l'évocation du nom de la jeune femme, Johnny se renfrogna.

- Allons ailleurs. Suivez-moi !


Largo suivit en silence, Johnny jusqu'à un petit bungalow isolé. Ce dernier l'invita à entrer d'un geste de la main. Le jeune PDG s'exécuta et su aussitôt qu'il se trouvait chez le danseur.
L'endroit se composait d'une grande pièce qui faisait office de séjour et de chambre à coucher en même temps. La seule chaise disponible était encombrée par des vêtements, le lit était défait, les murs étaient nus de toute décoration, en résumée : la chambre typique du célibataire. Toutefois un juke-box trônait là parmi toute cette sobriété.
Johnny ne prit même pas la peine d'inviter Largo à s'assoire. Il n'avait pas envie de le voir s'éterniser.

- Si vous me disiez ce que vous me voulez ? , demanda-t-il finalement.

Largo ne répondit pas, ses yeux étaient fixes et sombres. Johnny suivit son regard et vit un soutien gorge qui traînait nonchalamment à coté du lit. Comprenant la réaction de Largo il déclara :

- Ce n'est pas à elle !

- Quoi !? , l'interrogea Largo en sortant brusquement de ses réflexions.

- Ce n'est pas à Joy, répéta Johnny tout en se dirigeant vers le lit pour ramasser la pièce de lingerie et aller la ranger dans un tiroir.

- Ah ! , paru soulagé le jeune homme.

- C'était donc ça ! Vous vouliez savoir si Joy et moi nous étions amants ?

- C'est que je… bafouilla Largo mal à l'aise. Il commença à penser que parler à Johnny n'était pas une si bonne idée.

- Il n'y a jamais rien eut entre nous. Nous sommes juste de très bons amis c'est tout.

- Ah bon ?

- Joy est une femme vraiment exceptionnelle, mais elle a toujours eu peur de montrer ses sentiments, de s'attacher.

- Joy est la meilleure femme qui m'ait été donné de rencontrer.

- Elle aussi vous apprécie beaucoup, répondit Johnny tout en insistant sur le terme "apprécier" comme pour sous-entendre bien plus.

- Apprécie ? , répéta Largo, n'osant comprendre.

- Largo si vous la faite souffrir…, le menaça le danseur.

- Ce n'est pas dans mes intentions, annonça-t-il tout en souriant. Finalement il ne regrettait pas d'être venu.


Ce fut le cœur plus léger que Largo quitta son hôte et reprit le chemin du bungalow qu'il partageait avec ses amis. Ainsi Joy avait des sentiments pour lui. Cette découverte eut pour faculté de faire naître en lui une étrange allégresse. Il arriva donc au bungalow tout souriant.

- Hé bien ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? , l'interrogea Simon en voyant sa mine joviale.

- Comment ça qu'est-ce qui m'arrive ? , fit mine de s'étonner Largo.

- Oh toi tu es amoureux ! , interpréta le Suisse.

- Non pas du tout, démenti le jeune homme avec un air qui ne convainquit personne.

- Allez dit moi tout ! Comment est-elle ? Qu'est-ce qu'elle fait ? Est-ce qu'elle a une copine ?

- Doucement Simon. Ne t'emballe pas.

- Quoi ? Tu n'as pas concrétisé ? Ne me dit pas que le grand séducteur ne sait plus comment faire !

- C'est un peu plus compliqué. Tu vois je sens que cette fois c'est bien plus qu'une simple amourette. Je n'ai pas envie de brusquer les choses. Je ne veux rien gâcher.

- Alors ça y est tu t'es décidé ! , s'écria Simon ravi.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler ?

- Joy ! Car c'est bien de Joy dont il s'agit n'est-ce pas ?

- Quoi !? Mais où va tu chercher une chose pareille ?

- Largo inutile d'essayer de me mentir. Tu sais parfaitement que tu ne peux rien me cacher. Tu oublies peut-être que je suis ton meilleur pote.

- Et qu'est-ce qui te fait croire qu'il pourrait s'agir de Joy ?

- Oh arrête Largo ! Il n'y a que toi pour être aveugle à ce point. Tu es dingue de cette fille et ce depuis la première fois où tu l'as vu, en plus Joy est aussi accro à ton petit derrière, si j'ose dire. Alors qu'est-ce qui te retiens encore ? Va-y fonce ! Déclares-toi ! Succès garantit où je ne m'appelle plus Simon le Tombeur de ces dames.

- Simon pour une fois s'il te plaît reste en dehors de ma vie sentimentale. Je ne veux vraiment pas tout gâcher avec elle, lança Largo avant de quitter la pièce pour aller s'écrouler sur son lit et ainsi laisser libre court à ses pensées. Bien sûr toutes celle-ci tournaient autour d'une certaine jeune femme brune aux yeux noisette et qui savait se battre et manier une arme avec autant de dextérité que de charme.

Les journées s'enchaînèrent ensuite avec le même train-train quotidien. Chacun vaquait à ses occupations tout en se pliant aux activités déclarées obligatoires pour tous au début du séjour par le grand patron et responsable Largo Winch.

Une après-midi alors que le temps était au beau fixe Joy, qui n'avait nullement l'intention de rester bien sagement à l'intérieur, décida d'aller faire une petite ballade. Elle quitta donc sans regret le bungalow où Simon palabrait au sujet de sa dernière conquête sans se soucier du fait que Kerensky ne l'écoutait même pas, tant il était absorbé par la partie d'échec qu'il disputait. Largo lui, s'était enfermé dans la salle de bain depuis qu'il était rentré de son parcours de golf avec Sullivan. Il avait finit par céder à son bras droit qui le suppliait d'apprendre à jouer sous prétexte qu'il s'agissait là d'un sport très en vogue chez les hommes d'affaires les plus puissants. C'était d'après l'Irlandais une façon d'approcher ces hommes et de leur parler "mine de rien" d'un éventuel contrat.
Ses pas la conduisirent devant ce petit bâtiment à deux étages dans lequel se déroulait les cours de danse particulier. Elle décida alors d'aller voir Penny.

Joy entra dans la salle de danse et attendit que son amie ait terminé son cours. Une fois la chose faite, elle s'approcha de la jeune femme blonde et la salua.

- Salut Penny !

- Oh, Joy ! Tu tombes à merveille. J'ai un immense service à te demander.

- De quoi s'agit-il ?

- Je dois absolument m'absenter, mais j'ai un cours à donner tout de suite. Pourrais-tu me remplacer ?

- Mais je ne sais pas si je…

- Tu es parfaitement à la hauteur. Tu es une très bonne danseuse et qui plus est tu as eut de très bons professeurs, argumenta Penny.

Joy sourit à cette remarque tandis qu'elle se remémorait les séances d'entraînement avec la jeune femme.

- Bien si tu penses réellement que je peux le faire, je veux bien essayer. Mais n'auras-tu pas d'ennuis avec ton patron ?

- Non, t'inquiète pas je lui expliquerais.

- Dans ce cas j'accepte.

- Géniale ! Merci beaucoup. Bon alors je te laisses. Tu sais où sont les CDS, fait comme chez toi.

- Attends, l'interpella Joy alors qu'elle s'élançait déjà vers la sortie. Tu ne m'as pas dit ce que je devais lui enseigner.

- Il sait ce qu'il y a à faire, tu n'auras qu'à lui demander !

Sur ce elle quitta la salle, laissant Joy au milieu de celle-ci complètement ahurie.


Une fois remise de sa surprise, Joy commença par se changer. Elle troqua ses vêtements par un collant de danse bleu marine et une petite brassière blanche. Deux minutes plus tard, l'élève se présenta.

- Joy ? Mais que fais-tu là ? , s'étonna Largo.

- Largo ? , s'exclama Joy tout aussi surprise. Tu prends des cours de danses ?

- Euh oui, répondit le jeune milliardaire légèrement gêné. Mais et toi ?

- Et bien figures-toi qu'aujourd'hui c'est moi le professeur, tenta-t-elle de plaisanter afin de détendre l'atmosphère.

- Penny n'est pas là ?

- Non elle a eu un empêchement et m'a demandé de la remplacer. Mais si cela te dérange tu peux annuler le cours et voir ensuite avec Penny.

- Non, non. Cela ne me dérange pas du tout. Si de ton coté tu es d'accord, alors pour moi il n'y a aucun problème.

- J'ai déjà dit à Penny que je la remplacerais, donc il n'y a pas d'inconvénient de mon coté.

- Parfait, alors il n'y a aucun problème.

- Aucun.

- Bien, bien.

- Largo tu es sûr que tout va bien ?

- Oui, oui. Commençons si tu veux bien.

- Entendu. Penny ne m'a pas dit où vous en étiez. Quel genre de danse étudiais-tu ?

- Le Mambo.

- Oh ?! Et bien va pour le Mambo.

Elle se dirigea vers la petite chaîne HIFI afin de sélectionner la musique adéquate. Largo ne pu résister et détailla la silhouette de sa garde du corps avec beaucoup d'intérêt. Cette tenue lui allait à merveille, pensa-t-il. Fasciné par cette superbe vision, il ne s'aperçut pas tout de suite que la musique avait commencé et que Joy le regardait désormais avec un drôle d'air.

- Je peux savoir ce qui tu rends aussi béat ? , l'interrogea-t-elle un peu sèchement pour le faire revenir à la réalité.

- Euh, non, rien, rien, bafouilla-t-il gêné de s'être laissé repérer.

- Dans ce cas, en position cher Monsieur, ordonna-t-elle.

Il obtempéra et elle vient se placer devant lui.

Joy tentait de rester concentrée sur la musique et les pas tandis qu'elle sentait le regard insistant de son partenaire.
Largo quant à lui ne pouvait détacher les yeux du corps de la jeune femme. Sa tenue délicieusement féminine, laissait apparaître son ventre ferme et musclé qui ondulait de façon provocante à chacun de ses mouvements. Il était comme hypnotisé.

- Ne regarde pas en bas ! , le réprima son professeur du moment. Regardes moi dans les yeux ! , lui ordonna-t-elle tout en posant sa main sur sa joue et en le forçant à relever la tête.

Mais tout en faisant cela Joy se dit que ce n'était peut-être pas une si bonne idée. En effet elle rencontra alors le regard bleu azur de son partenaire qui semblait briller d'une dangereuse manière et malgré elle, se sentit rougir.

Voyant la réaction de Joy, Largo esquissa un petit sourire. Il ne pouvait peut-être plus regarder son corps de rêve sans risquer de se faire de nouveau rouspéter, mais il pouvait en ressentir chaque parcelle à travers ses mouvements.
Furtivement il se rapprocha peu à peu de la jeune femme attendant avec anxiété sa réaction. Allait-elle le repousser ?

Joy prit peu à peu conscience de la promiscuité de leurs corps alors que Largo semblait se rapprocher doucement. Une vague de chaleur remonta tout au long de ses veines et vient surchauffer ses joues. Toutefois ses yeux n'avaient pas quittés ceux de Largo. Elle se sépara alors de lui et recula d'un pas.

- Aurais-tu oublié les premières règles ? , le questionna-t-elle.

Puis devant son regard surpris, elle décida de lui donner une petite explication. Elle s'astreignit à inspirer profondément avant de poser ses doigts sur ses poignets et l'obliger à ouvrir les bras. Puis lui désignant l'écartement ainsi obtenu, elle annonça :

- Ceci est ton espace de danse. Et ceci est mon espace de danse, ajouta-t-elle tout en procédant pour elle de la même manière que pour lui. Je n'envahi pas ton espace, et tu n'envahi pas mon espace. Compris ?

- Hum, hum, répondit le jeune homme tout en esquissant une petite moue friponne.


Joy peu convaincue par sa réponse fit à son tour une petite grimace dubitative.

- Bien, je crois qu'il est peut-être temps de passer à autre chose, déclara Joy avant de se diriger vers la chaîne HI-FI.

En la voyant s'éloigner Largo su qu'il devait agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. Sans prendre le temps de réfléchir plus que nécessaire, il attrapa le bras de Joy et l'obligea à s'arrêter. Puis d'un mouvement rapide il la fit pivoter vers lui et la serra dans ses bras.

- Largo ! , s'écria Joy, surprise par le geste de son patron. À quoi tu joues ?

- Justement, je ne joues plus, répondit-il avant de se pencher vers elle et l'embrasser.


Joy resta une seconde interdite, n'osant plus bouger. Puis lentement elle ferma les yeux et se laissa griser par l'étrange sensation des lèvres de Largo sur les siennes.
Largo voyant qu'elle ne réagissait pas, mais ne tentait pas non plus de s'éloigner, desserra son étreinte sans toutefois mettre fin à son baiser. Il voulait lui laisser l'initiative de la suite.
Joy ne tarda pas à comprendre les intentions de Largo, mais elle était partagée entre deux sentiments. D'une part elle voulait se laisser aller et ne plus réfréner son désir pour lui, mais d'un autre coté son professionnalisme ne pouvait se taire. Elle s'écarta alors du jeune homme et baissa la tête, n'osant pas le regarder immédiatement.
Largo déçu, ne fit pas de commentaire. Il prit partie de l'observer et d'attendre silencieusement son verdict.


Verdict qui ne se fit pas attendre très longtemps, puisque Joy releva rapidement les yeux vers lui.

- Je crois que ce n'est pas une bonne idée, lui annonça-t-elle très sereinement.

- Et pourquoi cela ne le serait pas ?

- Largo, je travaille pour toi.

- Ce n'est pas une excuse valable !

- Tu me paies pour te protéger, et c'est ce que je fais. Aussi j'ai besoin de garder les idées claires.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Que je ne pourrais pas faire ce pourquoi je suis là, si j'ai l'esprit embrouillé par tout autre chose.

- Serais-tu en train de me dire que je pourrais te déstabiliser, la taquina-t-il tout en se rapprochant d'elle avec un air empli de sous-entendu.

Joy eut tout à coup la curieuse impression d'être dans le mauvais film, celui où les rôles auraient été inversés. En général c'était elle qui fondait sur ses proies avec ce regard félin et assuré. Celui-là même qui lui permettait d'extirper tous les renseignements qu'elle désirait de Simon ou d'un autre.

- Ce n'est pas prudent, parvient-elle à dire tout en dissimulant son trouble, mais en fuyant le regard de son patron.

- Je me fous de ce qui est prudent ou non Joy. Je sais ce que je ressens pour toi, dit-il d'une voix douce tout en continuant de s'avancer lentement, et je suis sûr que toi aussi tu…

- Largo ! , l'interrompit-elle brusquement.

Elle avait joint le geste à la parole et sa main droite s'était élevée sur son chemin afin qu'il ne puisse plus s'avancer d'avantage vers elle.

- Tu ne comprends pas que comme ça je ne peux pas te protéger, déclara-t-elle brutalement.

Elle soupira, regrettant déjà de s'être emporté, puis fit quelques pas dans la pièce pour tenter de mettre encore plus de distance entre eux, et surtout pour calmer ses nerfs durement éprouvés à cet instant.
Tout en la regarda faire Largo ne pu s'empêcher de la trouver irrésistible. Il se dégageait de chacun de ses mouvements une telle sensualité, dont elle ne soupçonnait visiblement pas l'existence.
Elle finit par s'arrêter et se retourner vers lui. Elle prit alors une grande inspiration avant d'annoncer :

- Je crois qu'il serait préférable qu'on en reste là !

Mais ce n'était pas dans l'idée de Largo. Il avait mit tant de temps avant de se décider à se lancer pour lui avouer ses sentiments, si bien qu'il ne désirait en aucun cas "en rester là."

- Et moi je ne suis pas de cet avis. Pourquoi vouloir ainsi rejeter nos sentiments ? , tenta-il en nouvelle approche.

- "Nos" ?! Attend Largo, ne va pas croire que je…

- Joy ! , l'interrompit-il à son tour.

Il avait alors franchit l'espace instauré par la jeune femme, et qui les séparait. Il la tenait maintenant à bout de bras, lui refusant toute fuite.

- Ne crois tu pas qu'il sera peut-être temps d'arrêter de nous voiler la face ?

- Largo cesse ces enfantillages, tu veux !

- Ici je ne vois qu'une personne qui se comporte comme une enfant, et ce n'est pas moi.

Furieuse, Joy lui lança un regard noir. Puis elle se libéra de son étreinte et recula d'un pas.

- Pourquoi as-tu peur d'exprimer tes sentiments ?

- Tout cela n'a aucun sens !

- Très bien ! , s'exclama-t-il. Alors je veux que tu me regardes dans les yeux et que tu me dises très sincèrement que tu n'éprouves rien pour moi.

- Je trouve que cette conversation devient de plus en plus ridicule.

- C'est parce que tu as peur que tu t'éloignes ainsi, lui lança-t-il alors qu'elle se dirigeait vers l'autre coté de la salle de danse.

- Je n'ai pas peur.

- Ah oui ! Et bien prouve-le !

Joy s'arrêta net dans son élan. Elle se retourna vers Largo et resta une seconde à l'observer. Largo quant à lui attendait sa réaction avec appréhension. D'une démarche assurée la jeune femme s'approcha de lui et avant qu'il n'ait le temps de dire ou faire quoi que ce soit, elle l'attirait vers elle et l'embrassait avec passion.

- Satisfait ? , demanda-t-elle alors qu'elle s'écartait de lui.

- Whaou ! Laisse moi une petite seconde que je retrouve mon souffle, plaisanta-t-il.

- Au moins maintenant je suis fixé sur tes prétendu "non sentiments" à mon égards ! , s'exclama Largo ravi.

Puis il la prit dans ses bras et l'embrassa à son tour. Mais cette fois encore Joy mit rapidement fin à son baiser et s'écarta.

- Je ne sais pas ce qui m'a prit, s'excusa-t-elle. Je n'aurais jamais dû faire ça.

- Je n'ai pour ma part rien à redire sur ton geste.

- Largo, arrête ! Veux-tu rester sérieux une minute.

- Très bien. Je t'écoute. Qu'y a-t-il ?

- Je continue de penser que ce n'est pas une bonne idée. Ça ne pourra pas marcher entre nous.

- Et pourquoi ? Toi et moi on s'entend plutôt bien.

- C'est vrai…

- Mais… ?!

- Mais, il y a une chose qu'il faut que tu saches.

Elle fit une pause avant de reprendre.

- Je n'ai jamais été très douée, et jusqu'à présent toutes mes relations se sont soldées par des échecs.

Nouvelle pause.

- Je ne veux rien gâcher entre nous.

- Joy, donne nous une chance, la pria-t-il tout en prenant son visage entre ses mains et en l'obligeant à le regarder dans les yeux.

Il y eut un long silence qui parut à Largo une éternité.

- Très bien, déclara-t-elle enfin. Si il y une chose que j'ai apprise avec le temps c'est qu'il est préférable d'avoir des remords que des regrets.

Sur ce elle passa ses bras autour du cou de Largo et l'attirant vers elle, elle l'embrassa. Largo comblé par la décision de Joy la prit dans ses bras et la serra contre lui comme si malgré tout, il avait encore peur qu'elle ne s'enfuit.


- Je pense qu'il serait plus indiqué que nous gardions ça pour nous, du moins pour l'instant, annonça Joy.

- Le temps de savoir où cela va nous mener ?

- Exactement.

- Je comprends parfaitement. Du moment que tu me laisses te prendre dans mes bras et t'embrasser comme ça ; il joignit le geste à la parole en posant ses lèvres dans le creux du cou de la jeune femme.
Je suis prêt à faire tout ce que tu voudras.

Durant cet échange leurs voix s'étaient faites plus suaves, plus douces. Ils demeurèrent ensuite tendrement blottis l'un contre l'autre sans plus ajouter un seul mot.


Après cela, ils s'en tinrent à ce qu'ils avaient convenu. Ils se voyaient tous les jours, passaient de long moment à discuter, à flirter, mais avec la plus grande discrétion. À plusieurs reprises Largo avoua à Joy son envie d'hurler son bonheur à tous, mais à chaque fois elle l'en dissuadait en lui disant que ce n'était pas encore le moment. Qu'elle n'était pas prête.


La saison arrivait désormais à sa fin et il régnait maintenant dans la pension familiale une grande agitation. Tout le monde se préparait pour le spectacle annuel qui clôturait la fin de l'été. Largo avait fait en sorte que chaque membre du conseil participe à un numéro. Si cela avait ravi Simon, il était de loin le seul. Même Kerensky et Joy qui normalement auraient dû apporter leurs soutien à leur ami, avaient fait la tête en se voyant inscrits d'office aux festivités.

Deux jours avant la soirée qui sonnerait le départ, Largo se décida à aller de nouveau parler avec Johnny. Il le retrouva tandis que ce dernier dirigeait les répétitions pour le spectacle, et lui demanda à s'entretenir en privé.
Johnny le conduisit donc dans un endroit à l'écart où ils pourraient discuter tranquillement à l'abri des oreilles indiscrètes.

- Très bien, je vous écoute. Qu'avez-vous de si important à me dire ?

- Je voudrais vous remercier.

- Me remercier ? , s'étonna le professeur de danse.

- Oui, pour tout ce que vous avez fait pour moi et Joy.

Tandis que son interlocuteur le regardait sans comprendre où il voulait en venir, il ajouta :

- Sans vous et mon ami Simon, je n'aurai jamais osé lui parler de mes sentiments pour elle.

- C'est que vous deux…

Largo acquiesça d'un hochement de tête.

- Et bien félicitations.

- En fait Joy ne souhaite pas que cela se sache pour l'instant et…

- Je ne dirais rien, soyez sans crainte. Je suis sûr que vous pourrez la rendre heureuse.

- Enfin si elle concédait à laisser tomber sa carapace.

- Comme vous savez sûrement Joy a beaucoup souffert de ces relations avec les hommes, et depuis elle n'ose pas montrer ses sentiments de peur de raviver ses anciennes blessures.

- Oui je sais. Et… et c'est pour cela que j'ai besoin de votre aide, hésita-t-il.

- Mon aide ? , s'étonna le danseur.

- Il y a une chose que je voudrais vous demander.

Joy voyant Largo et Johnny discuter tous les deux, se dirigea vers eux.

- Salut les gars ! , leur lança-t-elle avec un sourire enjoué.

- Salut Joy, répondirent-ils.

- De quoi parliez-vous ?

- Du spectacle.

- Oui, je voulais m'assurer que Cardignac ne pourrait pas se défiler, expliqua Largo avec une moue espiègle.

- Ouais, je comprends. D'ailleurs à ce propos je me demandais si par hasard je ne pourrais pas, disons, bénéficier d'un joker.

- Taratata, l'interrompit le jeune PDG. J'ai dis que TOUT le monde devait participer. Il n'y aura donc aucune exception.

- Tu sais que Kerensky se porte volontaire pour t'exterminer, plaisanta Joy.

- Et je suis sûre que tu te ferais une joie de l'aider.

- Et bien, il se trouve que je suis ton garde du corps, alors tu comprends le dilemme qui m'est posé.

- Bon ce n'est pas tout ça, mais je vais vous laisser, s'excusa le professeur de danse conscient d'être de trop. C'est que j'ai un spectacle à organiser !


Une fois seul, Largo voulut embrasser Joy mais la jeune femme se recula.

- Largo, tu es fou ! Pas ici ! Quelqu'un pourrait nous voir ! , protesta-t-elle.

- Fou ?! Ça pour sûr je le suis… fou de toi, ajouta-t-il avant de l'embrasser dans le cou.

- Largo ! , le rappela-t-elle à l'ordre une nouvelle fois. Ce n'est vraiment pas prudent.

- Allons Joy, personne ne peut nous voir ici.

- Largo, si moi j'ai pu vous repérer Johnny et toi, c'est que d'autres peuvent le faire également !

- Peu m'importe les autres quand je suis avec toi.

- Nous étions d'accord sur ce point, lui remémora-t-elle. Il est plus judicieux de rester discret tant que nous ignorons encore jusqu'où cela va nous mener.

- Très bien, concéda le jeune homme avec regret. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot, lança-t-il avant de s'éloigner comme si de rien n'était.

Joy ne pu s'empêcher de sourire en pensant que décidément il ne changerait jamais.


Finalement le grand soir arriva. Tout le monde prit place dans la grande salle qui avait été spécialement aménagée pour l'occasion. De nombreuses chaises avaient été installées pour former un parterre, tandis que tout autour de la salle se trouvait de petites tables rondes. Largo, Simon, Joy et Kerensky étaient assit à l'une d'elles.
Les différents sketchs, chansons, et autres numéros défilèrent alors avec des applaudissements plus ou moins chaleureux. Les employés de l'hôtel étaient tous rassemblés dans la salle et un bon nombre d'entre eux participèrent également.

Bientôt le spectacle toucha à sa fin, et M Kellerman vint se placer au centre de la scène, comme il le faisait pour présenter chaque numéro à venir.

- Mes amis, voici arriver l'heure de se quitter. Comme chaque année je vous invite donc à assister à une dernière danse qui s'est un peu émanciper par le temps, mais je vous laisse être seuls juge. Je vous demande donc d'accueillir comme il se doit notre couple de danseurs vedette : M Johnny Castle et sa partenaire Mlle Penny Jonhson.

Un tonnerre d'applaudissement suivit cette déclaration. Mais Johnny fut le seul à se présenter sur scène.

- Bonsoir à tous, dit-il dans le micro qu'avait laissé son patron. Comme vous l'a si bien dit M Kellerman, j'ai pour habitude de clôturer ce gala par une dernière danse… Mais cette année je vous ai réservé une petite surprise… En effet j'ai décidé de céder ma place… Je vous demande donc de bien vouloir accueillir Mlle Joy Arden.

Tous les regards convergèrent aussitôt vers l'intéressée. Joy mal à l'aise tentait de se faire toute petite, mais ses efforts étaient vains, tous déjà l'observaient avec une pointe de curiosité et de surprise.

- Et bien Joy, qu'est-ce que tu attends pour y aller ? , la questionna Simon.

- C'est que ce n'était pas exactement dans mes intentions, dit-elle.

- Joy, s'il te plaît, l'invita à le rejoindre Johnny.

Joy sous la pression du projecteur braqué sur elle, ainsi que tous ces regards, et plus particulièrement ceux de Kerensky, Simon et bien sûr Largo, finit par se lever et rejoignit la scène.
Son arrivée fut également saluée par un tonnerre d'applaudissement, que calma Johnny d'un geste de la main afin de pouvoir prendre de nouveau la parole.

- Il m'aurait été fort agréable de fermer ce bal avec cette charmante demoiselle, annonça-t-il. Mais je préfère laisser cet honneur à un homme qui a fait preuve de beaucoup de courage et de persévérance pour apprendre une danse aussi technique. Je vous demande de réserver un chaleureux accueil à M Largo Winch.

Largo se leva à son tour et rejoignit Joy sur la scène sous de nombreux applaudissements, mais également sous les regards surpris et indignés de Cardignac et Del Ferril entre autre.
Simon plus hardis supporteur, se leva et salua l'arrivé de son ami sur la piste avec des cris d'encouragements. Kerensky, que l'attitude du Suisse désespérait, s'enfonça dans son siège et fit mine d'ignorer les regards biais que lançaient de leur coté, Cardignac et d'autres membres du prestigieux Groupe W.
Joy qui ne s'attendait certes pas à une telle surprise lança un regard interrogateur à Largo. Le jeune PDG se contenta de lui répondre par un sourire charmeur. Puis il remercia Johnny et laissant Joy seule au milieu de la scène, se dirigea vers les coulisse où attendait un des employés près de la chaîne HI-FI. Largo lui fit par de son choix et quelques secondes plus tard les premières notes de la mélodie résonnèrent dans la salle.

[Bon je dois admettre que pour cette partie, je me trouvai bien embêtée. Mais dans la mesure où vous connaissez tous le film, voilà qui devrait me faciliter la tâche. Alors imaginez Joy et Largo dans la même danse que Johnny et Bébé, au besoin re-visionnez le film ou écoutez la chanson : The Time Of My Life. ;-) ]


Le couple évoluait avec beaucoup d'aisance et de complicité. Leurs yeux ne se quittaient pas, Joy avait l'impression d'être dans un autre monde où seul Largo était présent. Le jeune milliardaire quant à lui, n'avait d'yeux et de sourires que pour sa partenaire.
Ils furent ensuite rejoints sur la piste de danse par de nombreux danseurs, des employés en premiers qui invitèrent les clients à en faire autant. Simon ne se fit pas prier et s'empressa d'accoster Penny pour lui demander de lui accorder cette danse, chose qu'elle accepta avec joie. Kerensky en fit de même avec une très charmante personne et Sullivan également prit part à la danse. Seul Cardignac se leva et se dirigea vers la sortie. S'en était trop pour lui. Il refusait de s'abaisser à ce point lança-t-il à Alicia quand elle voulut l'inviter. Nullement démontée par ce refus, elle s'empressa d'accepter le bras que lui tendait un homme en costume de pirate.
Mais de tout cela Joy et Largo ne virent rien, tant ils étaient pris l'un par l'autre. Ils profitèrent toutefois de l'engouement général et de l'effervescence qui en découlait, pour s'éclipser discrètement.

 

FIN