Une bonne odeur de café et de pain grillé se dégageait de la cuisine. Ilia et Valérie prenaient leurs petits déjeuners tout en discutant du programme de la journée.

- On devrait peut-être rester tout simplement à la maison, disait Valérie en jetant un coup d'œil à la pendule accrochée au-dessus de la porte.
- Une sortie entre filles vous fera le plus grand bien et puis quand vous rentrerez, je vous aurais concocté un dîner à faire pâlir d'envie tout les plus grands cuisiniers de la planète.
- Humm, c'est appétissant comme programme et qu'est-ce qu'il y aura pour le dessert ? Demanda-t-elle alléchée.
- Ah ça, c'est une surprise, lui répondit-il tout en lui faisant un clin d'œil coquin.

Ils entendirent des petits pas venant du couloir. Une petite frimousse encore embrumée par le sommeil fit son apparition au seuil de la porte. Cassandra avait tout juste quatre ans. Ses cheveux roux coupés en carré et sa petite bouille ronde en faisait une adorable fillette. Mais au grand dam de ses parents qui, par moments, avaient du mal à la suivre, elle était pourvue d'une énergie inépuisable.

- Bonjour ma petite puce, fit Val en prenant sa fille dans ses bras. Elle se blottit contre sa maman.

Ilia s'affaira, il prépara un biberon avec un peu de cacao et du lait chaud. Puis s'adossant contre l'évier, il contempla pendant un moment ce charmant petit tableau. La petite fille embrassa son père et alla s'asseoir sur les genoux de sa mère pour boire son cher biberon.

- Qu'est-ce que tu dirais si on s'habillait et si on allait au magasin tous les deux, proposa Ilia avec un sourire enjôleur à sa fille.
- Et maman ?
- Elle va aller travailler avec tata Raf, dit-il. Si tu es bien sage, on ira louer un joli film cet après-midi.
- Celui avec les chiens ?
- Encore ? Tu l'as vu au moins une dizaine de fois, tu n'en veux pas un autre ?
- Non, je veux les chiens.
- Ok. Marché conclu ? Fit-il avec sérieux tout en tendant sa main.
- Maché conclut, dit jovialement la petite fille ravie de jouer les grandes personnes. Ils scellèrent leur accord par une poignée de main et Cassandra alla en courant dans sa chambre pour se préparer.
- Tu es incorrigible, commenta Valérie en secouant la tête tout en étouffant un éclat de rire.
- Oui mais c'est pour cela que tu m'aimes, répondit-il avec malice en volant un baiser à sa femme avant d'aller dans leur chambre se préparer.

Une demi-heure plus tard, ils partaient laissant Valérie seule dans l'appartement avec Raf endormie. Elle regarda sa montre, il était presque 9h30. Elle alla dans la pièce qu'ils avaient aménagés en bureau, pour se connecter à Internet et consulter ses mails et faire quelques recherches en attendant que son amie se lève. Vers 10h, elle entendit la porte de la chambre voisine s'ouvrir, Raf venait enfin d'émerger.

- Salut ma puce, fit-elle en s'appuyant sur le montant de la porte.

Rafaela ne répondit pas se contentant de grommeler quelque chose d'inintelligible. Elle se précipita dans la salle de bain pour faire une toilette rapide, elle était très en retard. Tout cela était de la faute de Val qui ne l'avait pas réveillée et qui avait coupé la sonnerie de son portable qui lui servait de réveil. Elle ressortit quelques minutes plus tard en marmonnant toujours des choses incompréhensibles.

- J'ai dit bonjour, répéta Val en entrant dans la chambre qu'occupait son amie.
- Et moi j'ai pas envie, répondit-elle avec une fureur à peine contenue.
- Ah bon ? Et pourquoi cela ?
- Tu me le demandes ? Je te signale que je devrais être à mon travail depuis deux heures. Tu sais très bien qu'avec les fêtes, je ne peux pas me permettre d'être absente !
- T'inquiète pas, je les ai appelés pour leur dire que tu ne viendrais pas aujourd'hui parce que tu étais malade.
- Tu as fait quoi ? Hurla Raf. Non mais pour qui tu te prends !
- Tu étais fatiguée et…
- Et quoi ? Tu ne me crois pas capable de m'occuper de moi ? Je vais t'en apprendre une bonne, je suis majeure et vaccinée.
- Je le sais mais…
- Mais quoi ? Tu as vraiment envie que je perde mon boulot après tout le mal que j'ai eu à le décrocher ?
- Raf, calme-toi voyons. Ils n'en mourront pas si tu n'es pas là une journée.
- Ah oui ? C'est toi qui va me payer cette journée perdue ? Je ne roule déjà pas sur l'or mais si en plus mon salaire est amputé à cause de l'une de tes fantaisies !

Raf savait qu'elle exagérait quelque peu mais elle était furieuse. Elle détestait qu'on la manipule ainsi. Elle avait passé la moitié de sa vie sous la coupe de sa mère qui, même si elle l'adorait, l'étouffait et maintenant Val se permettait de décider pour elle si elle était capable d'aller travailler ou pas.

- Je t'en prie Raf, calmes-toi et écoutes-moi.
- Non ! Cracha-t-elle en prenant son sac et son manteau.
- Où vas-tu ?
- Là où je devrais être depuis un moment ! A mon poste de travail ! Quant à toi, je te conseille de ne plus recommencer ce genre d'idioties si tu tiens un tant soit peu à notre amitié !
- Mais c'est du délire ! Fit-elle en attrapant la jeune femme par le bras.
- Lâche-moi !
- Pas avant que tu ne m'aies écoutée ! Tu es au bord de l'épuisement ! Tu ne manges pratiquement rien, tu ne dors quasiment pas non plus, tu travailles presque dix heures par jour, si ce n'est plus. Où crois-tu que tout cela va te mener ? Le soir, tu es tellement fatiguée que tu n'as même plus envie de discuter avec moi et le WE tu le passes avec Daniel. Et je suis censée te laisser faire jusqu'à ce que tu te retrouves à l'hôpital ? C'est cela que tu veux ?
- Tu dramatises !
- Ah oui ? Tu t'es regardée dans une glace récemment ? Tu as des cernes tellement grand que même tes lunettes n'arrivent plus à les cacher. Tu es tellement pâle qu'on croirait que tu vas avoir un malaise d'un moment à l'autre. Tu as au moins perdu 5 à 10 kilos, je me trompe ? Combien de repas as-tu sauté ces deux derniers mois ?

La jeune femme ne répondit pas, elle était surprise par la colère de son amie. Raf savait que Val n'avait pas tort, elle s'était laissée aller d'une manière alarmante depuis deux mois, elle en était consciente. Même Daniel avait remarqué le changement. Il avait essayé de lui en parler mais sans succès, elle avait fait la sourde oreille. C'était la seule solution qu'elle avait trouvée pour ne plus penser… Ne plus penser aux doutes qui l'assaillaient continuellement, aux mots blessants prononcés par Ilia, à Daniel qu'elle imaginait constamment mort d'une overdose dès qu'elle était loin de lui et à ce maudit recommandé qu'elle avait reçu quinze jours auparavant. Raf commença à trembler incontrôlablement, elle s'appuya contre le mur. Elle sentait le peu de contrôle qui lui restait se briser net. Elle glissa le long du mur et ramena ses genoux contre sa poitrine. Tête baissée, elle laissa enfin sortir toute cette souffrance contenue.

- Pourquoi ? Sanglotait-elle. Pourquoi ça ne marche jamais ? Pourquoi il faut toujours que je tombe sur des gens qui me font du mal ? Je suis si mauvaise que ça ? Est-ce que je ne mérite pas un peu de bonheur ? J'en ai assez d'avoir mal !

Son corps était agité de soubresauts tant elle pleurait avec force. Valérie ne sut quoi faire l'espace d'un instant. Puis s'asseyant à coté de son amie, elle la prit dans ses bras et attendit que la crise passe. Elle savait que c'était le meilleur remède pour que la jeune femme retrouve un semblant d'équilibre. Après ce qui parut une éternité, les sanglots se tarirent et Raf releva la tête du chemisier trempé de sa meilleure amie.

- Je suis désolée, fit Raf en reniflant.
- Et de quoi ?
- De te gâcher la matinée. Je vais rentrer à la maison et…
- Hors de question ma puce. Tu vas de ce pas prendre un bon bain, cela te délassera un peu et après on va faire des folies.
- Val… Je ne peux pas, murmura-t-elle presque honteuse.
- Pas grave j'en ferais pour deux.
- Mais…
- Pas de discussion ! Pour une fois, laisse-moi le plaisir de te dorloter un peu tout ce week-end.
- Tu veux que je passe le week-end ici ?
- Oui pourquoi ? Cela te gêne ?
- Non mais je ne suis pas sûre que ton cher et tendre soit d'accord.
- Là dessus tu te trompes, parce que l'idée de te laisser dormir n'est pas de moi, comme tu pourrais le croire, elle est de lui.
- Mais je pensais… enfin je croyais que..
- Que quoi ? Demanda Valérie avec curiosité.
- Non, rien. Y a juste un petit ennui à ton plan. Je n'ai rien pour me changer.
- Faux.
- Comment cela ?
- Ilia a pris mon jeu de clés et il va te ramener quelques affaires pour que tu te sentes plus à l'aise. Alors maintenant tu me fais le plaisir d'aller prendre ce bain pour que nous puissions aller dépenser cet argent que j'ai durement gagné.
- A vos ordres chef ! Dit la jeune femme en faisant un semblant de salut militaire et en regagnant la salle de bain.

Valérie soupira, la crise était passée. Pourtant il y avait quelque chose qui n'allait pas mais elle ne réussissait pas à savoir ce que cela pouvait bien être.

***

Daniel se réveilla l'esprit embrumé par l'alcool. Il se leva en titubant. En entrant dans la salle de bain, son reflet le contempla dans le miroir. Il avait l'impression que c'était une personne différente qui le regardait, un double maléfique avec tous ses défauts et ses travers. Il poussa un long soupir. Combien de temps pourrait-il encore supporter cette situation ? Et puis il y avait Raf. La jeune femme l'inquiétait. Depuis deux mois environ, elle était distante, travaillait toute la journée parfois même les WE. Il avait tenté de la faire parler mais en vain. La seule chose qu'elle faisait quand il l'interrogeait, c'était de se blottir contre lui en lui demandant de la serrer fort, désir auquel il accédait volontiers. Peut-être devrait-il en parler avec sa meilleure amie ? Il savait qu'elle ne l'aimait pas beaucoup mais Daniel était certain qu'elle lui viendrait en aide s'il s'agissait de Raf. Les deux jeunes femmes avaient une relation par moments presque fusionnelle. C'était comme des sœurs perdues qui, maintenant qu'elles s'étaient retrouvées, ne voulaient plus se quitter. Il avait peur de cette relation, il connaissait l'influence que Val avait sur la jeune femme. Si jamais celle-ci découvrait la vérité nul doute qu'elle pousserait Rafaela à le quitter. Après avoir pris une douche pour se rendre un peu plus présentable, il monta voir la jeune femme. Il trouva porte close, de toute évidence celle-ci n'était pas rentrée de sa soirée. Elle a dû passer la nuit chez Valérie, se dit-il tout en sentant la jalousie l'envahir. Il prit le téléphone et appela le portable de Raf en espérant pouvoir parler avec elle. Malheureusement ce fut Val qui répondit et qui lui annonça d'une voix glaciale que la jeune femme passerait tout le week-end en leur compagnie parce qu'elle avait besoin de calme et de repos. Le message était clair, il n'était pas le bienvenu. Il soupira et s'assit sur le vieux fauteuil. La " douleur " qui l'avait laissée un peu tranquille tant que Raf était auprès de lui revenait avec force. Il lui fallut toute sa volonté et une bouteille de whisky pour ne pas céder à la tentation de la poudre d'ange.

***

De leur coté, les filles avaient enfin réussi à sortir. Valérie avait pris la direction des opérations : un petit détour par leurs boutiques préférées de gadgets en tout genre, les Grands Magasins du boulevard Haussmann, puis les Champs Elysées pour un déjeuner bien mérité. Quelques boutiques de vêtements et de chaussures étaient aussi au programme avant de passer aux choses sérieuses : les DVD et les C.D. dont elles étaient très friandes toutes les deux. Valérie était contente de ne pas être obligée, pour une fois, de regarder à la dépense. Son travail marchait bien. Elle n'avait jamais eu autant de clients réclamant ses compétences de décoratrice d'intérieur et n'ignorait pas qu'elle le devait aux premiers clients d'Ilia qui lui avaient fait confiance et qui avaient parlé d'elle à leurs connaissances. Elle avait décidé de se laisser aller d'autant plus qu'elle avait la bénédiction de son cher mari. Toutefois ce bonheur était assombri par la volonté que mettait Raf à ne rien dépenser. Elle n'avait rien pris dans aucune des boutiques qu'elles avaient visitées, même si elle en mourait d'envie. Elle examinait avec attention ce qui lui ferait plaisir puis, avec un air désolé, le remettait sagement à sa place. Valérie n'y comprenait rien, la jeune femme n'était pourtant pas dans le besoin. Elle ne roulait pas sur l'or, certes, mais elle gagnait assez bien sa vie pour, de temps à autre, se permettre de petits extra. A la fin de la journée, les deux femmes rentrèrent enfin, épuisées et contentes. Val posa sur le lit la montagne de sacs contenant les petits trésors qu'elle avait déniché durant la journée. Raf s'était contentée de regarder sa meilleure amie faire des folies, elle avait toutefois acheté un DVD de manière à ce que Valérie ne soupçonne rien. Elle avait remarqué les regards qu'elle lui jetait chaque fois qu'elle reposait l'article envié. Val l'avait discrètement interrogée pendant le déjeuner. Rafaela avait expliqué qu'elle avait oublié sa carte bleue et son chéquier à la maison et qu'elle devait se contenter du peu d'argent liquide qu'elle avait sur elle. Elle avait soupiré de soulagement quand Valérie n'avait pas insisté. Celle-ci embrassa avec passion Ilia qui sortit de la cuisine, affublé d'un tablier sur lequel on pouvait lire " Silence, le génie travaille ". Raf s'éclipsa discrètement dans la chambre, laissant sa meilleure amie discuter avec son cher et tendre. Soudainement elle se sentit seule au monde, un vide immense envahit sa poitrine et un poids énorme la lui enserra. Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux, larmes qu'elle s'empressa d'essuyer quand elle entendit la porte s'ouvrir derrière elle.

- Tout va bien ma puce ? Demanda Val en entrant dans la pièce.
- Oui. Pourquoi cela n'irait pas ? Répliqua-t-elle en haussant les épaules. Je suis juste fatiguée. Ca va ? Ilia n'a pas piqué de crise en voyant tes achats ?
- Même pas. Tu admettras tout de même que je suis restée raisonnable dans ma folie. Et puis, il n'a pas encore vu les dessous très affriolants que j'ai acheté pour agrémenter notre " dessert " quand nous serons seuls…
- Miam, je voudrais bien voir sa tête quand il te verra ainsi vêtue ou devrais-je dire dévêtue ?
- C'est prêt ! Cria Cassy en entrant dans la pièce. Papa il a dit qu'il faut aller manger.
- Oui mais avant il faut se laver les mains, hein tata ? Dit Valérie en faisant un clin d'œil à son amie.
- Oui, oui, fit Raf en souriant devant la mine réjouie de la petite fille.

Le dîner fut un vrai délice. Ilia avait mis les petits plats dans les grands. Il avait de vrais talents de cuisinier quand il prenait la peine de se mettre aux fourneaux. Apres avoir mangé le dessert, un énorme gâteau au chocolat avec de la crème chantilly, Val disparut dans la chambre et revint avec deux sacs.

- Comme vous avez tous été très sages, je vous ai ramené quelques petites choses de notre aventure d'aujourd'hui.

Elle posa un sac devant Cassandra qui trépignait d'impatience et l'autre devant Raf qui la regarda avec étonnement.

- Et moi ? Demanda Ilia en regarda sa femme s'asseoir de nouveau et manger un morceau de gâteau. Je n'ai pas été sage, moi ?
- Si, mais toi ton cadeau… il est… comment dire… très privé, répondit-elle en lui faisant un clin d'œil.

Ilia avala sa salive et sentit une envie irrésistible de prendre sa femme et de s'enfermer avec elle dans la chambre pour le découvrir. Il voulait la couvrir de baisers, la caresser et l'emmener vers l'extase jusqu'à ce qu'elle demande grâce. Il fut tiré de sa rêverie par les cris de Cassy qui avait enfin réussi à déballer son paquet.

- Babie !

La petite fille regardait avec ravissement, une poupée Barbie habillée en princesse, un livre d'images et une cassette vidéo avec cette même poupée sur la jaquette.

- Oh montres moi ca ! S'exclama Ilia en souriant. Elle est très belle. Tu en as de la chance ! Faut dire merci à maman.

Cassandra courut faire un bisou à Val et sa tata.

- Peux regarder ? Demanda-t-elle en montrant la cassette.
- Pas ce soir ma petite puce, il est tard et tu dois aller au dodo. Mais si tu veux papa va te lire le livre.
- Peux dormir avec Babie ?
- Oui bien sûr.
- Papa, tu lis l'histoire ?
- D'accord mais il faut vite mettre le pyjama et dire bonne nuit à maman et tata Raf.

Cassy embrassa les deux femmes et courut dans sa chambre. Elle voulait se mettre en pyjama très vite, elle savait le faire seule depuis peu et en tirait une grande fierté. Elle avait hâte que son papa lui lise son histoire.

- Tu ferais mieux d'aller surveiller les opérations. La dernière fois, elle a mis le haut à l'envers, dit Val en embrassant tendrement son mari.
- A vos ordres chef, répondit-il avec un salut moqueur avant de sortir de la pièce.

Raf était tellement absorbée par ce petit tableau de famille qu'elle sursauta quand son amie lui posa la main sur l'épaule.

- Eh bien tu ne regardes pas ce qu'il y a à l'intérieur du paquet ?
- Pardon ? Ah si…. Tu ne sais pas la chance que tu as d'avoir une aussi belle famille, murmura-t-elle tout en ouvrant le sac en papier.
- Si, je le sais, mais n'oublie pas une chose.
- Laquelle ?
- C'est que, que tu le veuilles ou non, tu en fais partie.

Raf ne répondit pas, les paroles de Val lui étaient allées en plein cœur. Une boule se forma dans sa gorge et elle lutta de toutes ses forces pour ne pas laisser tomber les larmes qui mouillaient ses yeux, larmes qui finirent par tomber quand elle vit le contenu du sac. Il y avait là, le tailleur bleu pastel qu'elle avait essayé pour faire plaisir à Valérie mais qu'elle avait remis, bien à regret, à sa place avec une blouse d'un rose très pâle. Une petite broche en forme de nounours ainsi qu'un foulard bleu et rose venaient compléter le tout. Elle ouvrit le deuxième paquet et y trouva les deux coffrets de DVD qu'elle avait envie de s'offrir depuis des mois et qu'elle avait, la mort dans l'âme, laissé encore une fois sur les étagères du magasin.


- Tu es complètement folle, tu sais cela ? C'est trop je ne peux pas accepter !
- Tu n'as pas le choix. Le tailleur ne m'irait pas, ce n'est pas ma taille et en plus ce ne sont pas les couleurs que je porte, je préfère les couleurs plus vives !
- Mais…
- Mais rien du tout. J'ai bien le droit de te faire un cadeau de temps à autre ! Me regardes pas avec cet air ahuri, je ne suis pas encore entièrement folle !
- Comment as-tu fait ? Je n'ai rien remarqué.
- Ce n'était pas difficile, tu as été dans les nuages toute la journée, déclara-t-elle avec malice. D'ailleurs, je me demande si…
- Si, quoi ?
- Si cela n'a rien à voir avec un certain voisin, la taquina-t-elle.

Raf rougit légèrement. Elle devait admettre que Daniel lui manquait, surtout en voyant à quel point son amie était heureuse en ménage. Val, de son coté, se méfiait de celui-ci mais devait admettre qu'il n'avait rien fait, du moins intentionnellement, pour faire du mal à son amie. Elle savait que Rafaela en était très amoureuse et qu'il serait difficile de les séparer sans mettre en danger leur amitié, ce qu'elle ne voulait à aucun prix.

Le lendemain après-midi, Ilia déposa Raf chez elle. La jeune femme était silencieuse et renfermée sur elle-même. Même si son attitude avait changé quand elle était en sa compagnie et celle de Val, dès qu'ils se retrouvaient seuls celle-ci s'enfermait dans un mutisme qui avait l'art de l'exaspérer. Elle le salua du bout des lèvres et entra dans l'immeuble sans un regard en arrière. Elle se sentait exténuée. D'un pas lourd, elle traversa la cour intérieure. Alors qu'elle arrivait au palier du premier étage, la porte s'ouvrit. Daniel la regarda avec tendresse et passion. Elle se sentit fondre. Il ouvrit ses bras et elle se précipita à sa rencontre. Comme il lui avait manqué ! Ils s'embrassèrent avec passion, plus rien ne semblait avoir d'importance. Tout était, à cet instant précis, en parfaite harmonie. Il n'y avait plus ni tristesse, ni doutes, ni rancœurs, ni regrets, il n'y avait que la joie et la plénitude d'être enfin dans les bras l'un de l'autre.

- Tu m'as manqué, murmura-t-il à son oreille en l'entraînant dans son appartement.

Ils s'embrassèrent de plus belle, leurs mains couraient sur le corps de l'un et de l'autre.

- Je ne suis pas sûr de grand chose en ce bas monde, dit-il d'une voix rauque, mais je suis certain d'une chose, c'est que je t'aime. J'aime ce que tu es, ton visage, ton corps, ton cœur et surtout ton âme. Je te veux auprès de moi pour toujours.

Il ne la laissa pas répondre, assaillant de nouveau ses lèvres pour un autre baiser passionné. Le cœur battant, elle se laissa aller à ce désir qu'elle avait réprimé depuis le début de leur relation. Elle avait envie de lui mais elle ne s'était pas sentie prête à se livrer tout de suite. Le moment était venu d'abandonner toutes ses peurs, et ses doutes, pour ne faire plus qu'un avec la personne aimée. Daniel la regarda et elle sut qu'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Il sourit et, tendrement, la guida vers le lit. Vêtement par vêtement, il dévoila le corps de la jeune femme à sa vue. Il était attentif à chaque frisson, chaque tremblement, provoqué par une simple caresse ou par une guirlande baisers qu'il posait çà et là sur son corps hurlant de désir. Raf se sentait brûler à l'intérieur. Un feu sacré et ancestral avait pris possession d'elle et demandait à être éteint. Les mains tremblantes, elle déboutonna timidement la chemise de Daniel, laissant apparaître son torse musculeux. Elle déposa une traînée de baisers dans le creux de son cou et remonta vers son oreille. Elle s'arrêta, haletante, quand celui-ci s'attaqua à la fermeture de son soutien gorge qu'il dégrafa avec agilité. Daniel embrassa les deux petites pointes fièrement dressées par le désir puis s'agenouilla pour explorer le bas de son ventre. D'un doigt tremblant, il joua un instant avec l'élastique de la dernière barrière qui le séparait de son but ultime : sa toison d'or. Quand enfin celle-ci tomba, il ne put retenir un gémissement rauque de victoire. Il remonta doucement, couvrant le corps de Raf de baisers ardents, puis, arrivé à hauteur de son visage, leurs yeux se croisèrent, leurs regards se fondirent en une seule flamme. Il la fit doucement basculer sur le lit. Après avoir quitté les vêtements qui le couvrait encore, il s'allongea près d'elle, ne cessant d'admirer ce corps qui, même s'il était loin d'incarner la perfection, était la chose la plus merveilleuse qu'il ait jamais vu.

- Je t'aime, lui murmura-t-il au creux de l'oreille.

Il reprit possession de ses lèvres et attisa le feu intérieur qui les dévoraient en caressant chaque parcelle de peau de sa compagne. Raf n'était pas en reste, ses mains exploraient sans cesse ce corps désiré depuis des mois. Ses doigts dessinaient des arabesques sur son torse qui s'élargissaient pour enfin atteindre le but ultime. Quand elle se saisit timidement de son membre fièrement dressé, il laissa échapper un grognement rauque. Enhardie par sa réaction, elle le caressa doucement, faisant monter leur excitation encore d'un cran. Il l'embrassa fougueusement tout en jouant avec les seins opulents de la jeune femme puis il insinua un doigt dans le triangle d'or de celle-ci. Caressant, encore et encore, son petit bouton rose, il la faisait gémir de plaisir, ses plaintes était une douce musique à ses oreilles qu'il ne se lassait pas d'entendre. Quand leurs yeux se retrouvèrent, l'invitation était là, l'invitation à se fondre en une seule entité pour que, pendant un court instant, leurs âmes se retrouvent entières comme cela avait été le cas au début de l'humanité. Emu du cadeau qu'elle lui faisait, il s'agenouilla entre ses jambes pour la regarder une fois encore. Après leur union, plus rien ne serait jamais pareil. Elle serait à jamais gravée au fer rouge dans son cœur. Raf tendit ses mains vers lui en souriant. Malgré l'excitation, la passion, il pouvait voir dans ses yeux un tel amour que sa gorge se noua. Comme au ralenti, il se pencha vers elle et la fit sienne avec une telle lenteur qu'elle crut ne pas avoir la patience d'attendre pour le sentir entièrement en elle. Il entamèrent une danse sensuelle pendant laquelle leurs corps et leurs âmes se fondirent en une seule entité. Plus rien n'existait à l'extérieur, à part eux. Il atteignirent la jouissance ensemble, murmurant les noms l'un de l'autre et quand il voulut quitter son intimité, elle noua ses jambes autour de lui pour l'en empêcher. Elle voulait que leur union dure encore et encore. Puis, à force de caresses et de baisers, elle le sentit reprendre vie en elle et de nouveau la danse de la vie reprit, pour ne se finir que très tard dans la nuit.

***

31 décembre…. Encore un réveillon, encore une occasion de se réunir avec les êtres aimés. Seulement Raf était loin de partager cet enthousiasme. Après sa nuit passionnée avec Daniel, elle avait senti une peur panique s'emparer d'elle. Elle se rendait compte qu'elle ne savait pas vivre à deux. La solitude était sa compagne depuis si longtemps. Seule, elle savait comment faire, elle ne devait pas rendre de comptes, il n'y avait personne d'autre en cause qu'elle-même. Avec Daniel, elle s'aventurait en terrain inconnu et cela lui faisait une peur bleue. Elle ne savait pas si elle était capable de le rendre heureux, de faire suffisamment de concessions pour que cette relation dépasse le stade d'une simple aventure. Alors Rafaela avait fait ce qu'elle savait le mieux faire, elle avait pris la fuite. Elle avait évité Daniel et Val pendant toute la semaine en prétextant un surcroît de travail. Elle avait utilisé le même stratagème que pour la veille de Noël pour être tranquille et ne pas répondre aux questions qui allaient immanquablement être posées. Raf rentra d'une journée épuisante, passée à mettre des petits fours en boîte, se doucha, mangea un morceau et se mit au lit devant la télévision.

Daniel se sentait frustré. Il pensait qu'après la nuit qu'ils avaient passés ensemble, ils avaient scellé un pacte qui les liait pour toujours. Pourtant il avait vu la jeune femme rentrer dans sa coquille à son grand désarroi, le fuyant comme s'il était le diable en. Il soupira. Que pouvait-il bien se passer dans la tête de Raf ? Il remit son manteau, après avoir pris ses papiers, son solde de tout compte et les quelques effets personnels qu'il gardait dans un casier qui ne fermait plus, pour rentrer chez lui. Le bouge dans lequel il travaillait venait d'être fermé pour des raisons de sécurité. Il se retrouvait sans travail à la veille de cette nouvelle année. Loin de prendre cela comme un drame, il se disait que les Dieux venaient de lui offrir l'occasion de recommencer sa vie et de se trouver un emploi respectable. Il ne savait pas encore quoi mais il trouverait. Pour la première fois depuis son arrivée en France, il voulait avoir une vie comme tous les autres, il voulait fonder une famille, aimer et être aimé, il voulait que Raf soit fier de lui. Daniel savait qu'il avait bon nombre de problèmes à régler avant d'arriver à son but mais, avec son aide, il se sentait capable de soulever des montagnes. Il savait aussi qu'elle était paniquée. On ne restait pas seule pendant des années sans avoir de séquelles. Il le savait, il l'avait vécu jusqu'au moment où il avait fait la connaissance de Largo…. Tiens, il pouvait à présent penser à lui et même prononcer son nom sans que cela ne lui fasse mal. Il sourit. Daniel prit son téléphone et tenta d'appeler la jeune femme, il tomba sur sa boîte vocale. Connaissant la phobie qu'avait Raf du téléphone, il se dit qu'elle l'avait sûrement débranché pour être tranquille. Il fouilla dans son portefeuille et en sortit un petit bout de papier. C'était le numéro de Valérie que Rafaela lui avait donné pour les cas d'urgences. Lui déclarer sa flamme était pour lui, à ce moment-là, une question de vie ou de mort. Avec un peu de chance, il pourrait les rejoindre pour le dessert et lui donner la petite boite qu'il avait caché dans sa poche droite depuis la veille.

- Allô, fit une voix masculine.
- Bonsoir, est-ce que je pourrais parler à Rafaela, s'il vous plaît ?
- Je suis désolé mais Raf n'est pas là.
- Comment cela ? Elle m'a pourtant affirmé qu'elle dînait chez vous pour le réveillon ! S'inquiéta Daniel qui imagina aussitôt mille scénarios catastrophiques dans son esprit.
- Je peux savoir qui la demande ?
- Daniel… Je suis Daniel, son voisin.
- Ah oui… Attendez un moment…

Daniel entendit une discussion dont il ne comprenait pas la teneur, puis une voix féminine reprit la conversation.

- Daniel ? C'est Valérie… Je suis désolé mais Raf n'est pas là. Elle m'a dit que vous deviez dîner ensemble ce soir. Je lui ai même proposé de vous inviter aussi mais elle m'a dit qu'elle voulait être seule avec vous.
- C'est à n'y rien comprendre. A moi, elle m'a dit que, puisque je travaillais les deux réveillons, elle les passerait avec vous.
- Les deux réveillons ? Vous voulez dire que vous n'étiez pas avec elle à Noël ? S'étonna la jeune femme.
- Non, pourquoi cette question ?
- Je vous expliquerais plus tard… Je crois, mon cher, que nous nous sommes fait avoir en beauté.
- Que voulez-vous dire ? Demanda Daniel qui ne comprenait pas où elle voulait en venir.
- La connaissant telle que je la connais en cet instant elle doit être seule chez elle.
- Non elle n'aurait tout de même pas, fit Daniel en comprenant enfin le subterfuge utilisé. Si c'est le cas, elle va m'entendre !
- Oui, et moi aussi ! Et pas plus tard que tout de suite. Où êtes-vous ?
- A la gare Saint Lazare, le train va partir, je serais à Bois Colombes dans une dizaine de minutes, répondit Daniel.
- D'accord, je vais vous y attendre. Cela ne va pas se passer comme ca !

Val raccrocha stupéfiée. Raf avait osé lui mentir ! Elle expliqua brièvement la situation à Ilia, prit son manteau et fila rejoindre Daniel à la gare. Elle ne comprenait pas pourquoi Rafaela avait fait cela. Elle pensait qu'elles étaient amies et que si quelque chose n'allait pas, celle-ci n'hésiterait pas à se confier à elle. Elle aperçut Daniel qui l'attendait. Son visage était fermé, il faisait les cent pas sur le trottoir avec nervosité. Elle se gara près de lui et lui fit signe de monter.

- Bonsoir, dit-il en grimpant dans le siège du passager.
- Bonsoir.
- Je suis désolé d'avoir interrompu votre soirée.
- Ce n'est pas votre faute mais j'aimerai bien savoir ce que Raf a dans la tête par moments ! Fit la jeune femme en se réinsérant dans la circulation.
- Vous n'êtes pas la seule, plus je la connais et moins je la comprends, murmura-t-il avec un haussement d'épaules.

Val le regarda un instant avant de se garer en double file devant l'immeuble où habitait son amie. Ensemble, ils traversèrent la cour intérieure et, aussi silencieusement que possible, montèrent jusqu'au second. Val sonna, attendit un instant mais Raf ne répondit pas. Elle sonna de nouveau et n'obtenant aucune réponse elle sortit son jeu de clé. Au moment où elle allait s'en servir la porte s'ouvrit sur une Raf en pyjama, le visage creusé par la fatigue.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Murmura-t-elle.
- A ton avis ? Fit Val en entrant.
- Vu vos têtes, vous ne venez sûrement pas me souhaiter la bonne année, dit-elle en s'installant sur le lit et en tirant les draps.
- Non, on voudrait juste savoir à quoi tu joues ? Demanda avec impatience Valérie.
- A rien du tout.
- Alors pourquoi ce mensonge ? S'enquit Daniel en s'asseyant sur le lit.
- Parce que je suis fatiguée et que je n'ai pas très envie de faire la fête. C'était le meilleur moyen pour ne pas vous inquiéter.
- Ce n'était pas plus simple de le dire ? S'emporta sa meilleure amie.
- Non, Val, parce que te connaissant comme je te connais, tu te serais sentie coupable de me laisser seule et tu n'aurais pas profité de ta soirée.
- Et c'est bien ce qui va se passer alors tu vas m'éviter cela en t'habillant et en venant à la maison. Ilia a fait la cuisine y compris son merveilleux fondant au chocolat.
- Valérie ! Soupira Raf. Je suis fatiguée, je n'ai pas très envie de voir du monde, pas ce soir.
- C'est ca et je vais te laisser te morfondre ici pendant qu'on fait la fête ? Pas question !
- Voilà pourquoi je n'ai rien dit. Voilà pourquoi je t'ai menti parce que je savais que tu n'accepterais pas un non comme réponse.

Valérie fulminait, il était hors de question que Raf s'en tire à si bon compte. Bon sang, depuis deux mois elle ne se confiait plus à elle, elle faisait comme si tout allait bien alors qu'elle savait très bien que c'était loin d'être le cas. Son regard se posa sur l'appartement où régnait un joyeux désordre. La vaisselle n'avait pas été faite depuis un ou deux jours, une fine pellicule de poussière couvrait les meubles. Du linge suspendu était sec depuis longtemps et n'attendait que d'être rangé. Tout cela tendait à prouver qu'elle avait raison, quelque chose n'allait vraiment pas. Bien sûr, Raf était bordélique mais pas à ce point. Son regard se posa ensuite sur une lettre recommandée posée sur la table basse, émanant de la banque de la jeune femme. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose…

- Tu peux me dire pourquoi il y a inscrit ici que tu ne peux plus émettre de cheques ? Demanda-t-elle en prenant la lettre.
- Non ! Ca ne te regarde pas, s'empourpra Rafaela en espérant qu'elle change de sujet.
- Si tu as des problèmes, on peut t'aider, dit doucement Daniel.
- Je n'ai aucun problème, dit-elle au bord des larmes. C'est un malentendu que je n'ai pas encore eu le temps de régler.
- Un malentendu de près de 4000€, c'est un peu beaucoup, non ? Comment comptes-tu le régler ?
- Je…
- Raf ? Fit Daniel soudain inquiet.

La jeune femme avait pâli. Il la prit dans ses bras et remarqua qu'elle tremblait. Avec douceur, il lui caressa les cheveux tandis que Raf laissait couler ses larmes. Elle avait gardé tout cela pour elle depuis plus d'un mois, n'osant pas en discuter de peur d'être prise pour une irresponsable. Val se sentit coupable, elle n'avait pas voulu la faire pleurer.

- Je suis désolée ma puce, je ne voulais pas te faire de la peine, s'excusa-t-elle à voix basse.
- Je sais… Ce n'est pas ta faute. J'ai tendance à me transformer en fontaine ces derniers temps.
- Si tu nous racontais tout…
- Je le ferais mais pas ce soir. Je ne m'en sens pas capable.
- D'accord. Alors fais-moi plaisir viens passer ce réveillon avec nous. Daniel vous êtes le bienvenu, bien entendu. Si tu es trop fatiguée, tu pourras, non vous pourrez même coucher à la maison. Ne reste pas seule.

Son regard passa de l'un à l'autre. Daniel souriait, signe qu'il ne lui en voulait pas de l'avoir fui toute cette semaine.

- D'accord, acquiesça-t-elle en reniflant. Trouves-moi quelque chose à me mettre pendant que je fais une petite toilette, je dois ressembler à une sorcière.
- Faux, dit Daniel avec malice, tu es la plus belle pour aller danser et je suis sûr que tu vas avoir tous les hommes à tes pieds à mon grand désespoir, termina-t-il avec un geste tragique.
- Tu sais très bien qu'il n'y a que toi qui compte, murmura-t-elle en le faisant taire d'un baiser langoureux
- Euh… dites les amoureux, ce n'est pas que je m'ennuie mais j'aimerai bien pouvoir goûter au moins au dessert que mon cher mari a fait.
- Oui, chef ! Dit Raf avant de disparaître dans la salle de bain.

Daniel soupira de soulagement en passant une main dans ses cheveux. Ils avaient frôlé la catastrophe. Valérie trouva un ensemble en laine de couleur verte qui faisait " habillé ". Elle frappa à la porte de la salle de bain pour le lui donner.

- Vous étiez au courant de ses problèmes d'argent ? S'enquit Val doucement.
- Non, elle ne m'a rien dit. Et je n'en suis pas surpris. Depuis deux mois, elle s'est repliée sur elle-même. J'ai bien tenté de la faire parler mais cela ressemblait fort à une mission impossible.
- Je vois ce que vous voulez dire. Elle est aussi têtue qu'une mule. Elle sembla hésiter un instant puis reprit. Daniel, je peux vous poser une question ?
- Allez-y.
- Est-ce que vous l'aimez ? Je veux dire réellement, profondément.
- Que voulez-vous dire par-là ? Demanda-t-il avec méfiance.
- Ce que j'aimerais savoir c'est ce qu'elle représente pour vous. Est-ce juste une passade ou quelque chose de beaucoup plus sérieux ?
- Je peux vous assurer que Rafaela est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis longtemps. Elle est loin d'être une passade. Elle est la femme que j'ai espérée toute ma vie. Je sais que vous vous méfiez de moi mais je vous promets, sur ce que j'ai de plus sacré, que je ferais tout pour qu'elle soit heureuse.

Val n'eut pas le temps de répondre, mais elle savait dans son fort intérieur qu'il ne lui avait pas menti. Elle avait senti la flamme de son amour dans sa très courte déclaration.

- Alors vous parlez de moi ? Demanda Raf en sortant de la salle de bain.
- Oh oui, on disait des choses affreuses à ton sujet, répondit Daniel en souriant. Je lui disais à quel point je suis amoureux de toi et figure-toi qu'elle a trouvé cela horriblement… comment dire… ah oui… choquant, continua-t-il sur un ton snob.

Raf éclata de rire en voyant l'air outragé que prit son amie. Elle prit son manteau, son sac et ils partirent tous trois rejoindre les invités qui les attendaient toujours. Quand enfin ils arrivèrent à destination, ils furent reçus en triomphateurs. Ils avaient vaincu toutes difficultés pour venir passer cette soirée ensemble. Daniel prit une coupe de champagne que lui offrit gentiment la mère de Valérie tandis que Rafaela se rabattait sur le Coca. Daniel pâlit et faillit lâcher son verre quand le mari de Val entra dans la pièce, portant un plateau emplit de victuailles. Cet homme, il ressemblait comme deux gouttes d'eau à… Non, ça ne pouvait pas être lui… Lui ne se serait jamais affublé d'un tablier portant " Je suis le maître dans la cuisine ". Comment diable était-ce possible ?

- Tout va bien ? Demanda Raf qui s'était aperçu de son trouble.
- Oui, oui, répondit-il en avalant une gorgée de champagne, c'est juste que le mari de ton amie ressemble comme deux goutte d'eau à…
- A qui, mon chéri ?
- A quelqu'un que j'ai bien connu autrefois…
- Ils sont peut-être parent ? Tenta Rafaela avec un sourire.
- Il n'a jamais dit qu'il avait un frère.
- Aller, il est temps de passer à table ! Fit Val en s'asseyant. Sinon je crains que mes plantes ne fassent office d'amuse-gueule.

La suite de la soirée se passa dans l'allégresse et, malgré sa fatigue, Raf se sentit pour la première fois depuis longtemps à sa place. Elle goûta avec joie à toutes les bonnes choses, y compris le fameux fondant au chocolat. Daniel était heureux même si, par moments, il se sentait mal à l'aise sous l'œil inquisiteur du mari de Valérie. Il se retrouva nez à nez avec lui en sortant des toilettes.

- On peut parler ? S'enquit-il d'un ton grave qui donna des frissons à Daniel, lui rappelant une voix qu'il n'avait plus entendu depuis plus de un an.

Ilia le conduisit jusqu'à la cuisine et ferma la porte.

- Je n'ai pas pour habitude de tourner autour du pot. Je sais que Raf vous aime, la question est : est-ce que vous l'aimez, vous aussi ? Et jusqu'où êtes-vous prêt à aller pour elle ?
- Bien sûr que je l'aime, quelle question ! Répondit-il indigné.
- Alors qu'allez-vous faire pour régler vos petits travers ?

Daniel pâlit sous l'effet de la surprise. Il avait l'impression d'entendre et de voir… Il avala sa salive et se passa nerveusement la main dans les cheveux.

- Comment savez-vous ? Murmura-t-il, honteux.
- Raf nous a mis au courant, répondit Ilia avec calme.
- Elle sait pour l'alcool ? Demanda-t-il au bord de la panique. Mais comment ? J'ai toujours fait très attention de…
- Pas assez visiblement, siffla Ilia d'un ton glacial. Mais il n'y a pas que cela, il y a aussi une certaine substance que vous gardez enfermée sous votre évier.

Daniel s'appuya contre le mur. Il sentait ses jambes le trahir. Elle savait… Elle savait tout et pourtant elle était restée, jour après jour, malgré les doutes et les angoisses qui l'assaillaient.

- Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit ? Murmura-t-il.
- Parce qu'elle vous aime et qu'elle considère que c'est à vous de faire le premier pas. Ce sont vos problèmes pas les siens, même si elle se sent concernée par tout ce qui peut vous arrive. Alors que comptez-vous faire ?
- Je… Je ne sais pas. Tout est si confus…
- Ecoutez, vous pouvez vous détruire si vous le souhaitez mais je ne permettrais en aucun cas que vous lui fassiez du mal.
- Jamais je ne lui ferais du mal ! Protesta Daniel avec véhémence. Vous ne comprenez donc pas ? C'est elle qui me permet de ne pas sombrer sinon je crois que j'en aurais terminé depuis longtemps. C'est grâce à elle que j'arrive à remonter la pente.
- Vous avez décidé de vous en sortir alors ?
- Je le souhaite, oui. Rien n'était clair dans ma tête avant ce soir. Je veux pouvoir de nouveau me regarder dans une glace sans avoir honte du reflet qu'elle me lance. Je veux que Raf soit fière de moi, pour que je puisse un jour en faire ma femme et fonder une famille. Oui, je veux tout cela et même plus encore, déclara-t-il avec ardeur.
- Si vous le voulez, je peux vous aider, répliqua Ilia d'une voix radoucie. J'ai des amis qui peuvent vous tendre la main et vous aider à sortir de votre enfer. Mais il faut que vous réalisiez une chose. Ce n'est pas pour Raf qu'il faut que vous fassiez tous ces efforts, ni à cause de ce qu'elle peut penser de vous. C'est pour vous qu'il faut que vous le fassiez, toute autre raison n'est aucunement valable. Quand vous serez prêt, appelez-moi, termina-t-il en lui tendant une carte.
- Je vais y réfléchir, merci.

Ils allèrent retrouver le reste des invités ainsi que Val et Raf qui commençaient à s'inquiéter de la longue absence de leurs hommes.

- Vous comptiez faire bande à part toute la soirée ? On commençait à se sentir bien seules. Nous avons failli draguer tous les hommes de la soirée pour nous consoler.
- J'espère que tu ne me l'as pas abîmé, fit Raf très sérieusement, je vais avoir besoin de lui tout à l'heure pour me réchauffer, conclut-elle avec malice.
- Promis, je ne lui ai rien fait. Il est entier, ta bouillotte est en état de marche, répondit Ilia en faisant un clin d'œil à sa femme en voyant Daniel rougir.

Aux douze coups de minuit, Raf et Daniel s'embrassèrent avec passion et furent concurrencés par Ilia et Val qui n'en mettaient pas moins de cœur à l'ouvrage. La soirée se termina dans la bonne humeur tard dans la nuit. L'aube de la nouvelle année trouva Rafaela et Daniel endormis dans les bras l'un de l'autre, leurs corps repus et apaisés de caresses et de passion.

 

A suivre prochainement...