Envie

par Little


Encore une journée loin d'elle. Joy a décidé de partir en vacances pendant quelques jours. La situation entre nous deux est devenue un peu tendue ces derniers temps. Mon comportement est déroutant. Moi même, je ne sais plus où j'en suis. Je crois que le Groupe W me rend inconsciemment désagréable. Trop de travail, trop de pressions, trop de barrières. J'aimerais énormément être en vacances en ce moment. Mais, bien évidemment c'est impossible.

Je sais que je n'ai pas d'excuses, que ma situation de milliardaire est enviable et que je ne dois pas me plaindre. On est envieux de ceux qui n'ont rien lorsque l'on a tout. C'est pathétique.

Paris. Elle est partie là-bas pour quelques jours. Elle avait besoin de s'évader du stress de New York. Je la comprends. Elle me manque, tout simplement. J'aimerais pouvoir être avec elle, me promener sur les bords de Seine, visiter le Louvre… On a l'habitude de s'y rendre pour le boulot malheureusement on ne prends jamais le temps d'en profiter. C'est dommage.

Notre relation est au point mort. Plus rien ne passe entre nous. Une certaine distance s'est instaurée d'elle même. Ca commence à me rendre fou. On a été tellement bien ensemble…Malheureusement on ne l'est plus. C'est assez compliqué.

Simon me dit que c'est à cause de mon attitude envers elle et les autres femmes. Les autres femmes, justement c'est là où est le problème. Je suis volage. Surtout en ce moment. Je n'arrive pas à m'attacher. Au contraire, je m'attache trop vite et je me lasse. Peut être parce que mon cœur est déjà prit.

Elle avait raison. Je ne suis pas prêt pour une relation longue et sérieuse. C'est fou comme elle me connaît bien. Elle m'impressionne. Je ne pensais pas que quelqu'un arriverait à me connaître aussi bien un jour.

Je me demande où elle est et ce qu'elle fait en ce moment. Elle doit sûrement être en train de ne pas penser à moi. C'est certain. Notre violente dispute que l'on a eu avant son départ y est sûrement pour quelque chose. On se dispute de plus en plus. Souvent à propos de mes 'conquêtes'. Je ne pensais pas que l'on pourrait en arriver jusque là. Je crois qu'il est urgent pour nous que je change. M'investir dans une relation, dans notre relation. Sinon à force de ne rien envisager je crois que je vais la perdre. Il me semble que je suis prêt à m'investir dans notre relation. Non, j'en suis sûr. C'est décidé, je vais le faire.

Je devrais être en train de dormir. On est en plein milieu de la nuit. Je n'y arrive pas. Même avec un verre de lait, cette fois ça ne m'a pas apaisé. La seule chose qui pourrait me calmer, c'est son parfum. Doux, fruité, capiteux. Je reconnaîtrais cette fragrance entre mille. Elle lui va à merveille. C'est tellement elle.

Je ne peux plus rester dans cette impasse. Je dois éclaircir les choses avec elle, au plus vite. Je téléphone à Jerry pour qu'il me prépare le jet rapidement. Un caprice de milliardaire au beau milieu de la nuit. Je vais manquer un conseil d'administration. Ca ne sera pas le premier, ni le dernier. De toutes façons, je n'aurais rien écouté, trop occupé à réfléchir. Je laisse un mot à Simon, pour qu'il sache où je suis. Il m'a ouvert les yeux et m'a permit de comprendre ce qu'il n'allait pas. Je ne sais pas si j'aurais pu rester au Groupe W sans lui. C'est un pilier de mon équilibre. Et je ne veux pas perdre l'autre.

Je fais ma valise en vitesse. Je n'ai pas besoin de grand chose. Je ne sais même pas combien de temps je vais rester à Paris, je ne sais pas si je vais arriver à lui parler. Je ne sais absolument pas ce qui va se passer, comment elle va réagir, comment je vais moi-même réagir. Tout est brouillé, flou, j'ai perdu cette assurance que j'ai avec les femmes. Sûrement parce qu'elle n'est pas comme toutes les femmes.

Je monte dans ma voiture direction l'aéroport. Elle va être en colère lorsqu'elle apprendra que je n'ai pas pris de précautions. Aucune personne chargée de ma sécurité. Je n'ai pas le temps. Il n'y a personne sur la route, le trajet se fait rapidement. Jerry m'attends, l'avion est prêt sur le tarmac. Je le remercie chaleureusement, tout en m'engouffrant dans la cabine. 6 heures de vol. 6 heures à réfléchir, encore et encore.

Lorsque nous prenons le jet, elle emmène souvent un livre. Elle en a oublié un justement. " Le Parfum " de Süskind. Je souris à cette douce coïncidence. Elle ne l'a pas terminé et je me souviens qu'elle n'arrivait plus à s'en détacher, tellement le livre était prenant. Je n'ai rien à faire pendant le vol, à part réfléchir et je n'en ai pas envie. Je prends le livre et me plonge dans cette atmosphère particulière.

Il ne nous reste que dix minutes avant l'atterrissage, me rappelle Jerry. Je n'ai pas eu le temps de finir le livre, mais je le ferais. Passionnant, déroutant mais passionnant. J'ai agis sur un coup de folie. La rejoindre à Paris, essayer de la surprendre, de la laisser avoir confiance en moi et de surtout régler nos différents. Pas si facile à dire qu'à faire. J'arrive à convaincre des actionnaires réticents et j'éprouve une certaine appréhension à avoir à le faire devant elle. Je suis pathétique. Si prêt du but et j'ai peur. Peur de pouvoir enfin être heureux.

Je me prends par la main. Et après avoir passé plusieurs longues et interminables minutes dans les mythiques embouteillages parisiens, j'arrive enfin devant son hôtel. Kerensky m'en a glissé en douce l'adresse avant que je parte. C'était juste au cas où, comme il disait. Il pleut, une énorme averse s'abat sur la ville. Les gens se réfugient sous des parapluies. On se croirait dans un film de Fellini. Je rentre dans l'immeuble cossu, demande le numéro de sa chambre et je m'engouffre rapidement dans l'ascenseur. Les étages défilent et mon cœur bat de plus en plus vite.

Les portes s'ouvrent, je sors dans le couloir, chambre 230. J'arrive devant la porte, je tape. Une douce voix me demande d'attendre quelques instants. Elle est là, je n'aurais pas à la chercher dans tout Paris. C'est déjà une bonne chose. Je vais avoir ma réponse dans quelques instants mais elles durent pour moi une éternité.

Elle ouvre la porte et reste surprise lorsqu'elle me voit. Je lui souris, entre dans la chambre sans sa permission. Elle reste interdite, me regarde et ne comprends pas ce qu'il se passe. Les mots sortent de ma bouche, je n'ai pas à réfléchir pour m'exprimer. Je lui dis tout ce que j'ai sur le cœur, lui explique la situation et m'excuse de mon comportement.

Elle reste sans voix, bouche bée. Je crois que j'ai vraiment réussi mon coup. Elle me demande comment cela se fait que je sois là. Je lui explique que je me sentais coupable de mon comportement et que je ne pouvais plus me voiler la face éternellement. Je l'aime, de tout mon cœur et de toute mon âme. Je lui avoue mes sentiments. Une larme perle le long de sa joue et elle me dit tout doucement qu'elle n'en est pas certaine.

Oh oui je l'aime. Je pourrais tout abandonner pour elle, la suivre au bout du monde. Et d'ailleurs, c'est ce que je viens de faire. Elle a besoin d'avoir des preuves, d'être rassurée. Je suis un homme plein d'attentions. Maintenant que j'ai enfin réussi à faire et à dire ce que je voulais, je ne vais pas la laisser glisser entre mes doigts.

Des preuves d'amour ? La couvrir de présents, la surprendre tous les jours… Je sais que c'est dans mes cordes. Je veux vraiment que ça marche. Je l'ai dans la peau cette femme.

Elle sourit à ces paroles. Elle sourit. Je crois que j'ai atteint mon but. Elle s'assoit sur le bord du lit et mets sa tête entre ses mains. Son regard est trouble, empli de larmes. C'est la plus belle preuve d'amour qu'elle n'a jamais reçue, me dit elle. Elle relève la tête, me regarde tendrement et elle se lève et viens de blottir dans mes bras. La première fois que je l'ai fait, dans son appartement, j'étais son patron, son ami. Cette fois, je suis bien plus.

Je me sens léger. Je suis contre elle. Enfin. Enfin je peux la serrer dans mes bras, de la tenir contre mon cœur et de sentir le sien battre. Je peux sentir son doux parfum. Je me détache quelque peu d'elle, la regarde dans les yeux et m'approche tout doucement de son visage. J'embrasse ses yeux, son front, ses joues et sa bouche.

Je suis heureux tout simplement. La pluie vient de cesser. Je suis à Paris, avec la femme que j'aime. Nous allons nous construire un avenir ensemble. Il sera certainement semé d'embûches mais nous nous en sortirons.

FIN