Grace

Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent pas et c'est bien dommage ! Seul Grace est à moi, c'est toujours un début ^_^

Auteur : Scilia

Archives : www.bricbrac.fr.st

Résumé : Le groupe W vu par une jeune femme inconnue.


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Elle avait cru que les choses allaient être différentes. Pourquoi ? Parce qu'il semblait plus humain que ces congénères. Un utopiste, qui ne cédait pas devant les plus puissants s'il estimait qu'il avait raison, qui conduisait son groupe d'une main de fer dans un gant de velours. Elle avait eu peur. Elle avait toujours peur avant de rencontrer l'un de ses éventuels futurs partenaires financiers. Elle était à la tête d'un des conglomérats français les plus réputés mais pour que son entreprise subsiste, elle avait besoin de capitaux étrangers. Le groupe W s'était montré intéressé, rendez-vous avait été pris la semaine suivante. Elle avait fait le déplacement jusqu'à New York, l'estomac noué par cette rencontre. Son entreprise signifiait tant pour elle. Il lui avait fallu réunir toutes ses forces pour aller à ce rendez-vous. Elle avait choisi un tailleur gris qui était censé l'avantager. Elle n'était sûre de rien. Comment pouvait-on l'être quand on n'aimait pas son corps ? Oh bien sûr, elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit ravi de traiter avec elle. Elle n'avait rien à voir avec les tops-models qu'il fréquentait d'après les journaux à scandales. Elle en était loin. Très loin. Son prénom avait une consonance laissant présager un corps parfait, Grace, mais elle le modifiait souvent, toujours en pensée, par Graisse. A croire qu'elle avait aspiré toutes celle des nouveau-nés avec qui elle avait partagé la nursery à sa naissance. Cela avait continué durant toute sa vie. La chrysalide ne s'était pas transformée en beau papillon mais en une femme forte, dans tous les sens du terme. Elle était riche, célèbre mais seule. Elle avait eu des amants. L'argent attirait toutes sortes d'hommes qui se flattaient de pouvoir la séduire alors qu'elle ne l'était pas vraiment. Elle avait juste eu envie, pour un soir, de ne pas dormir seule dans sa somptueuse maison désespérément vide. Oh elle avait bien été amoureuse mais jamais l'objet de son amour ne l'avait su, ou n'avait répondu favorablement à ses avances. Mais les choses allaient peut-être changer. Elle ne voulait pas le séduire. Elle voulait juste être considérée comme une femme et non comme un monstre. Elle voulait lire dans ses yeux azur qu'il la considérait comme son égal. Juste cela.

Elle était arrivée avec une demi-heure d'avance. Par habitude. Et déjà les choses avaient mal commencé. Le vigile, à l'entrée, l'avait détaillée de haut en bas, ne semblant pas croire qu'elle avait rendez-vous avec Largo Winch. Elle s'était drapée dans sa dignité et l'avait fusillée du regard. Ses yeux émeraudes avaient lancé des éclairs tandis qu'il se renseignait. Diable, tous les gens autour d'elle ne devaient pas dépasser la taille 40 mais ce n'était pas une raison pour mettre sa parole en doute ! Elle s'était astreinte au calme. S'énerver ne donnerait rien de bon, elle l'avait constatée par le passé. Il lui avait finalement adressé un sourire bienveillant, qu'elle imagina être un sourire d'excuse, en lui donnant un badge visiteur et en lui indiquant le chemin pour accéder au bureau de Winch. Elle avait bredouillé un vague merci avant de se diriger d'un pas victorieux vers les ascenseurs. Malheureusement, il était près de 14h et les employés remontaient dans les bureaux. Elle réussit à entrer dans une des cabines mais sentit son cœur se serrer quand le voyant " surcharge " se teinta d'un rouge accusateur. Il n'y avait d'ailleurs pas que le voyant qui était accusateur. Les gens regardaient autour d'eux et tombaient inévitablement sur elle, l'accusant d'être trop grosse dans leur monde si parfait. Elle détonnait. Elle crut être obligée de descendre quand une femme d'un certain âge sortit en lui adressant un clin d'œil complice. Elle se sentit soulagée. Au moins une personne qui ne la jugeait pas mal. Des murmures lui parvinrent. Un homme et une femme discutaient derrière elle. " C'est inadmissible, disait l'homme en costume-cravate, laisser des gens comme ça monter avec nous ! " Elle refréna l'envie de se retourner pour foudroyer l'inconnu du regard, sans doute parce qu'elle ne pourrait le faire sans toucher ses voisins, provoquant une gêne de plus. " Voyons Michel, vous êtes détestable par moments, répliqua la femme tirée à quatre épingles ". La cabine s'arrêta et l'homme descendit non sans avoir volontairement frôlé Grace, comme s'il n'avait pas eu assez de place pour passer. L'inconnue lui jeta un regard noir qu'elle perçut avant que les portes ne se referment. Dire qu'elle avait imaginé les Américains plus compréhensifs au vu des problèmes d'obésité qu'ils avaient ! Elle s'était fortement fourvoyée. L'ascenseur s'arrêta finalement au 62e. Il n'y avait plus qu'un homme dégarni d'une cinquantaine d'années avec elle, qui s'effaça galamment pour la laisser passer. Elle murmura un vague merci, consciente que c'était le premier geste amical que l'on faisait envers elle, mais incapable d'en dire plus, encore blessée par les paroles du couple. L'homme s'éloigna dans le couloir. Elle se redressa fièrement, vérifia rapidement sa tenue et poussa un profond soupir qui, elle l'espérait, allait lui donner la force de pénétrer dans la tanière d'un des célibataires les plus célèbres du monde.

Ses pas étaient étouffés par le tapis. Elle passa devant plusieurs portes beiges, à l'avant-dernière, avant celle indiquée par le gardien, se tenait une jeune femme d'une trentaine d'années qui semblait l'attendre. Après s'être enquit de son identité, Monika, la secrétaire de Largo, la conduisit jusqu'au penthouse. Grace la remercia d'un sourire quand elle s'éclipsa, après avoir annoncé au maître des lieux, qui déjeunait sur la terrasse, que son rendez-vous était là. Elle entendit des voix parvenir par la baie vitrée grande ouverte, constatant que Winch avait quelques détails à régler avant de la rejoindre, elle laissa son regard errer sur la pièce et essaya d'imaginer quel genre d'homme il était. Elle interrompit son examen des lieux en entendant des pas se diriger vers elle. Ils étaient cinq. Elle reconnut bien sûr Largo ainsi que l'homme âgé de l'ascenseur. Il y avait aussi une belle jeune femme, cheveux courts, yeux perçants. Le genre de femme active des années 90 qui porte des mini-jupes mais ne veulent pas être considérées comme des femmes-objets. Un petit homme brun, cheveux bouclés, costume vert pomme de mauvais goût avec une chemise bleu ciel et un autre vêtu entièrement de noir, cheveux blonds mi-longs, cascadant sur ses épaules, un regard acier qui se posa sur elle dès qu'il la vit et qui la fit frissonner. Le plus vieux se présenta comme étant John Sullivan, le second de Winch, et s'excusa de ne pas avoir été plus cordial dans l'ascenseur. Grace lui pardonna bien volontiers car il n'y avait quasiment eu aucune photo d'elle dans la presse durant les dix dernières années. Sullivan lui présenta Joy Arden comme étant la garde du corps du milliardaire. Elle était trop belle pour faire ce métier, songea Grace qui l'avait plutôt imaginée mannequin. Il continua par le petit brun, Simon Ovronnaz, chez qui elle put lire un mélange de curiosité et de répulsion puis vint le tour du grand blond, Georgi Kerensky. Elle ressentit la même impression que la première fois, il semblait pouvoir lire à travers elle ou du moins essayer. Aucune répulsion pourtant, aucun jugement simplement de l'étonnement et encore, elle n'en fut pas certaine car aucune émotion ne passait sur son visage. Sullivan termina par Largo. Elle sentit son cœur manquer un battement quand son regard croisa celui du milliardaire avant de déchiffrer un mélange de pitié et de surprise. Elle pouvait voir les deux se disputer les yeux céruléens de Winch. Ces bonnes manières prirent rapidement le dessus et la discussion, une fois ses amis partis, put enfin commencer mais quelque part, elle était déçue. Elle s'était imaginée qu'un homme tel que lui n'aurait pas les mêmes réactions que les autres, elle s'était trompée… une fois de plus.

Fin