Daphy & Petit Ange

Just Married !

***

Dans un bar

- Elle est des noootreu !! hips…elle a bu son verre commeuu les zootreu !!, chantonnait gaiement un petit brun, debout, un verre à la main, à l'intention de ses deux amis assis à une table à ses côtés.
L'un deux l'empoigna par le bras et l'obligea à s'asseoir.

- T'es pas drôle Largo ! s'écria bruyamment la troisième personne attablée, une jeune femme brune.
Elle aussi paraissait, au son de sa voix, un peu éméchée.
- Mais ze t'aime bien quand même ! rajouta-t-elle pour se faire pardonner, lançant un regard enflammé de ses yeux de biche à Largo qui s'empressa d'effacer de son visage toute trace de reproches.

- Joy, tu crois pas que tu as assez bu pour ce soir ? demanda-t-il néanmoins.

- Eh, Larg', mon pote ! commença Simon, donnant une tape amicale sur l'épaule du jeune homme, qu'est-ce qui te prend ? On s'amuse un peu !

- tu risques de moins rire demain. Quand Joy se réveillera, c'est toi qui auras la gueule de bois ! le menaça-t-il.

- Rohhh…j'ai fait que l'aider un peu à se décontracter !

40 minutes plus tôt

Simon, Largo et Joy venaient de prendre place à une table d'un bar de Las Vegas. Ce petit voyage de deux jours dans la capitale du jeu était une idée de Largo : deux jours de détente, loin du monde impitoyable des affaires. Ainsi avait-il décidé de fêter dignement l'anniversaire du Suisse.

Inutile de préciser que celui-ci avait été ravi en apprenant la surprise que lui avait réservé son meilleur ami. Cette petite virée avait tout pour lui plaire. De quatre, le nombre de passagers était descendu à trois, Kerensky ayant poliment décliné l'invitation, préférant de loin le cliquetis de sa souris au tintamarre des machines à sous.

Quant à Joy, guère plus emballée que le Russe, elle avait néanmoins cédé sous la pression des deux garçons, ayant surtout l'intention de surveiller les moindres faits et gestes de ces deux garnements. Qui sait dans quelles embrouilles ils pouvaient s'empêtrer en si peu de temps ! Et puis, il n'était pas question de laisser son milliardaire de patron sans protection !!!


Après 48 heures passées entre casinos et boites de nuit, sous les grognements de la garde du corps qui peinait à suivre un Simon déchaîné, le petit groupe avait convenu de fêter dignement leur dernière soirée. Ils avaient finalement échoué dans le bar du " César Palace ", à la recherche d'un peu de calme et de repos, avant de mieux terminer le lourd programme des festivités élaboré par le Suisse.

- Allez Joy, arrête de bouder ! conseilla gentiment Simon. Tiens, je te paie un verre, ça va te mettre dans l'ambiance !

- Mais je ne boude pas ! vociféra Joy.

- D'accord ! C'est vrai qu'on peut lire sur ton visage que tu t'amuses comme une folle ! Qu'est-ce que tu veux boire ?

- Un jus de fruits.

- Ah non alors !!! Il n'en est pas question ! s'écria le Suisse.

- Simon ! essaya en vain de le retenir Largo.

- Non mais, un petit verre d'alcool, ça peut pas lui faire de mal. Et puis ça lui donnera peut-être le sourire avec un peu de chance !

- Simon, je ne bois pas…commença la garde du corps, lasse de se faire harceler.

- Pendant le travail !! l'interrompit-il. Tu me l'as déjà répété des centaines de fois. Mais aujourd'hui, ton excuse tombe à l'eau ! Tu n'es pas en service commandé Joy. On est ici pour fêter mon anniversaire, alors fais-moi plaisir !

La jeune femme allait lui sortir une réplique dont le ton se profilait déjà dans son regard, mais fut coupée dans son élan par la sonnerie du portable de Largo. D'abord soulagée, elle le fut moins lorsqu'elle vit son patron s'éloigner de la table afin de trouver un endroit isolé.

- Je prendrai un cocktail, déclara-t-elle à Simon, dont le visage s'illumina soudainement, pour retomber en une mine déçue lorsqu'elle poursuivit d'une voix sans appel : sans alcool !

- Bien, comme tu voudras !


Il se dirigea donc, contrit, vers le bar pour passer commande et revint quinze minutes plus tard, avec un sourire de carnassier ayant dévoré sa proie.

- Et bien, t'en as mis du temps ! fit remarquer Joy, lasse d'attendre qu'un de ses amis daigne la rejoindre pour lui tenir compagnie, tandis que Simon posait le plateau sur la table.

- oui, mais j'ai aussi ceci ! s'exclama-t-il brandissant un petit morceau de papier.

Sa victoire fut de courte durée. Largo arriva par derrière et subtilisa promptement le papier, sous l'œil rieur de sa garde du corps.

- Ehhh !!!! Mais…, eut juste le temps de grogner le Suisse. Le temps qu'il se retourne, le PDG avait rejoint sa place à table, affichant un sourire angélique.

- Tu as perdu quelque chose Simon ? ironisa-t-il

- Rends-moi ça ! s'exclama l'intéressé.

- Moi qui pensais t'éviter le chemin jusqu'à la corbeille…

- Larg', t'es pas drôle !

- Voyons, qu'a-t-il de si intéressant ? demanda-t-il en dépliant le papier. Tiens tiens : chambre 308, suivi d'un numéro de téléphone.

- Tu as peur de ne pas retrouver ta chambre dans cet immense palace ? blagua Joy.

- Figure-toi que la charmante jeune femme qui est assise là-bas m'a gentiment invité à prendre un petit verre en sa compagnie.

- Je croyais que nous devions fêter notre dernière soirée ensemble ? demanda Joy, feignant la déception.

- Avec deux ronchons pareil !! s'exclama le petit brun. Soyez sympas, c'est mon anniversaire !

- Et tu crois qu'on va te laisser partir comme ça, après tout ce que tu nous as fait subir ces dernières heures ? s'écria Largo d'un air indigné.

- Allez Larg', si tu étais à ma place, je te laisserais partir !

Cette vision désappointa Joy. Elle avait oublié qu'elle se trouvait en présence de deux dragueurs invétérés. Mais vu la conversation actuelle, elle était bien obligée de voir son patron sous un angle qu'elle avait toujours voulu nier.
Elle saisit son verre et commença à siroter. Elle ne s'aperçut pas, ou plutôt ne voulut pas remarquer que son cocktail était loin d'être non alcoolisé.

Simon, lui, cherchait toujours à convaincre son ami.

- Je te revaudrai ça Largo !

- Ça n'est pas la première fois que tu me le dis, mais je n'ai encore rien vu venir en retour !

- Très bien ! Et si je te donne le numéro de chambre d'une femme sublime et, qui plus est, folle de toi ?

- Et bien…répondit le milliardaire, décontenancé que son ami ose lui faire une pareille proposition en présence de Joy.

- Je peux t'assurer qu'elle vaut le détour : elle a un corps magnifique, du caractère. Je suis certain qu'elle te plairait énormément. Vous pourriez faire des folies tous les deux !

- Dis toujours, demanda Largo, plus pour mettre un terme à la conversation que par réel intérêt, en jetant un coup d'œil à Joy, qui avait pris un air détaché, mais venait de vider entièrement son verre.

- Cette beauté se trouve chambre 504 ! dévoila le Suisse, ravi.

A ces mots, Joy fut prise d'une quinte de toux. Elle s'étranglait, ayant bu de travers. Largo se leva et lui donna de petites tapes dans le dos.

- Ça va mieux ? s'inquiéta-t-il.

- Oui, merci. Je vais me chercher un autre cocktail, déclara-t-elle en se levant précipitamment.

- Simon, tes plaisanteries sont d'un goût douteux, le sermonna Largo dès que Joy se fut éloignée.

- Oh, je voulais juste vous trouver un moyen de passer le temps ! se défendit-il.

- On est assez grands pour se débrouiller. On n'a pas besoin de ton aide !

- Ça, c'est ce que tu crois…murmura Simon.


Largo s'abstint de lui répondre, voyant Joy revenir, un verre à la main.

- Ce cocktail est délicieux Simon ! s'exclama-t-elle en le gratifiant d'un sourire.

- Tu as déjà terminer ton premier verre ? s'étonna celui-ci.

Elle acquiesça.

- Je peux goûter ? demanda Largo.

Vu le coup que venait de leur faire Simon, il s'étonnait du manque de réaction de la jeune femme. Il but une gorgée qui le conforta dans son idée.

- Simon, y a de l'alcool là-dedans !!! reprocha-t-il à l'oreille de son ami, tandis que Joy vidait déjà son deuxième verre.

- Quoi ?? s'étonna, mais sans grande conviction, Simon.

- Simon !!! gronda Largo.

- C'est juste un petit cocktail…se défendit-il.

- Extrêmement corsé ! s'indigna le PDG, qui eut juste le temps de rattraper Joy par la taille, alors que celle-ci s'apprêtait à quitter sa chaise.

- Eh ! s'écria-t-elle.

- Où vas-tu ?

- Chercher à boire !

- Joy, tu as assez bu !

- Allez, j'offre le champagne ! s'exclama Simon en sautant de sa chaise.


C'est ainsi que, quelques verres plus tard, Largo se retrouva en compagnie d'une Joy méconnaissable et d'un Simon légèrement éméché.

- Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai un rancart moi ! s'enthousiasma Simon.

- Quoi ? Tu vas pas me laisser seul avec Joy !

- J'suis certain que tu t'en occuperas bien !

- Bonne nuit Simon, murmura Joy, lui déposant un baiser sur la joue.

- Bonne nuit ma belle ! répondit-il en quittant le bar d'un pas peu assuré.

- Allez Joy, il est l'heure d'aller dormir !

- Non, pas encore ! s'exclama-t-elle, la mine boudeuse.

- Je vais te raccompagner à ta chambre, et tu iras te coucher, exposa Largo d'une voix autoritaire, bien que charmé par l'allure enfantine que prenait sa garde du corps.

- avec toi ? questionna-t-elle alors qu'il l'entraînait déjà hors du bar.

Chambre 504

Largo avait réussi, tant bien que mal, à ramener Joy à sa chambre. Il avait dû la maintenir fermement par la taille car celle-ci ne pensait qu'à vagabonder et avait bien failli lui fausser compagnie à plusieurs reprises.
Aussi fut-il soulagé de la voir pénétrer de son plein gré dans la salle de bain pour se changer, non sans lui avoir demandé auparavant, les yeux pétillants de malice, s'il ne voulait pas l'aider. Mais le milliardaire avait jugé plus sage de refuser l'invitation.

Il attendait donc sagement assis au bord du lit que Joy ait fini, tournant le dos à la salle de bain. Lorsqu'il sentit les lumières se tamiser, il se leva, en proie à un mauvais pressentiment. Mais déjà, Joy s'avançait vers lui en peignoir, d'une démarche féline, se déhanchant langoureusement au rythme d'une musique imaginaire.

Largo, le souffle coupé, les yeux rivés sur ceux de la jeune femme, était comme envoûté. Toujours immobile, il reprit peu à peu ses esprits.

- Joy, qu'est-ce que…commença-t-il.

La jeune femme ne lui laissa pas le temps de finir. Elle caressa doucement le visage de Largo, puis ses mains s'aventurèrent sur la chemise du milliardaire qui se retrouva allongé sur le lit sans avoir eu le temps de protester, ne s'attendant pas à ce qu'elle le pousse si brusquement.

Il voulut se relever, mais resta appuyé sur les coudes, les yeux rivés sur Joy qui dénouait lentement son peignoir. Des gouttes de sueurs perlèrent sur le front de Largo alors que le fin tissu dévoilait peu à peu le corps si gracieux de son amie : d'abord une nuque, puis une épaule, une cuisse, avant que le peignoir ne tombe entièrement à terre.

Le milliardaire resta bouche bée devant la silhouette si parfaite de sa garde du corps, encore parée d'un caraco en dentelle noire, mettant ses formes en valeur. Celle-ci lui sourit, visiblement satisfaite de l'effet provoqué.

Ne quittant plus sa proie du regard, elle se baissa lentement, prenant appui sur le lit de ses mains, encadrant le corps de Largo. Elle posa un genou entre ses jambes et entreprit de ramper jusqu'à ses lèvres.

Au contact de la peau satinée de Joy contre lui, le jeune homme fut pris de frissons, accentués par le fait qu'elle prenait un malin plaisir à caresser de ses mains le torse musclé, en partie dénudé, du milliardaire lors de sa lente progression.
Ce dernier ferma les yeux, tentant de sauvegarder le peu de raison qu'il lui restait. Il sentit soudain le souffle de la jeune femme lui caresser le cou. Il ouvrit alors les yeux et trouva au-dessus de lui le regard étincelant de Joy.

- Joy…murmura Largo ne sachant plus comment se sortir de la situation compromettante dans laquelle il se trouvait. En effet, elle le plaquait littéralement sur le lit, l'empêchant d'esquisser le moindre geste.

- Chut…lui répondit-elle, apposant un doigt contre ses lèvres, avant de les joindre aux siennes.

Largo se laissa prendre au jeu, tant ce baiser était doux, et dégagea ses bras pour enlacer la jeune femme. Mais comme leur étreinte devenait plus fougueuse, il la repoussa doucement.

- Pas comme ça Joy, lui murmura-t-il en caressant sa joue, pour répondre à son regard interrogateur.

A la voir ainsi, assise à côté de lui, le regard brillant, une moue dépitée aux lèvres, il la trouvait infiniment désirable. Aussi se leva-t-il précipitamment et se dirigea vers la salle de bain. L'eau froide qui ruisselait sur son visage acheva de lui remettre les idées en place.

De retour dans la chambre, il retrouva une Joy bien différente. Ses joues avaient rosi, elle semblait bouillonner.

- Alors je suis pas assez belle pour toi, Don Juan d'opérette !!!! hurla-t-elle à son encontre.

- Non, ce n'est pas ça, laisse-moi t'expliquer…

- Y a rien à expliquer ! sors d'ici !! s'écria-t-elle en ouvrant la porte.

Elle poussa Largo à l'extérieur et son malheureux " Joy " ne trouva en face qu'une porte close.

Largo, dépité, resta encore quelques secondes devant la porte, avant de rejoindre sa chambre en traînant des pieds. Arrivé à destination, il sembla hésiter, puis fit demi-tour, errant un moment dans les couloirs pour finalement se retrouver assis au bar.

La scène de tout à l'heure l'avait chamboulé. Il avait senti son cœur chavirer sous les assauts de Joy. Des sentiments contradictoires avaient vu le jour, à moins qu'ils n'aient été ancrés profondément en lui, et révélés seulement ce soir, sous les caresses de sa garde du corps.

Il en venait à regretter de l'avoir repoussée. Pourtant, elle n'était pas dans son état normal. Le milliardaire prit sa tête dans ses mains, il avait besoin d'un petit remontant pour y voir plus clair.


Une bonne demi-heure plus tard…

Largo abandonna son tabouret avec peine. L'alcool ingurgité ses dernières heures commençait à lui jouer des tours. En quittant la salle, il crut apercevoir le visage de Joy à plusieurs reprises. Mais à chaque fois qu'il interpellait la jeune femme, les traits de sa garde du corps s'estompaient, révélant le visage d'une inconnue.

Il atterrit dans la salle de jeu, sans trop savoir comment, ses jambes portant sa tête trop embrumée pour réfléchir. Un cri familier le sortit quelque peu de sa torpeur.

- Largo ! cria une jeune femme debout à une table.

- Joy ? interrogea-t-il, surpris de retrouver celle qu'il avait abandonné furieuse dans sa chambre.

Après y avoir regardé à deux fois, il put constater que c'était bien sa garde du corps, en chair et en os, qui lui faisait de grands signes.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Ze m'enrichis ! s'exclama-t-elle en brandissant des jetons. Tout le monde, ze vous présente mon patron ! Largo, voici tout le monde ! poursuivit-elle à l'attention des gens qui se pressaient autour de la table.

- Mmes et Mrs, faites vos jeux !

- Ze peux zouer aussi ? demanda Largo, en tentant de chaparder un jeton à Joy.

- Ah non alors ! s'indigna-t-elle, t'as pas le droit !!

- Et pourquoi j'aurais pas le droit ?

- Bah, t'es déjà milliardaire !

- Et alors ? marmonna celui-ci en haussant les épaules, se résignant à regarder les autres jouer.

- Le 6.

- Oui ! Encore gagné ! s'exclama Joy. Voyons…le 4, le 4 et j'offre à boire à tout le monde ! s'écria-t-elle ensuite.

- le 4.

- Ouais !

- Mais comment tu fais ? s'enquit Largo.

- J'en sais rien, mais ça marche ! Allez, à toi de décider !

- Voyons……le 8 ! trancha-t-il.

- Difficile ou pas ?

- T'arriveras jamais à faire un 8 difficile !

- On parie ? fit-elle en lui murmurant quelques mots à l'oreille.

- D'accord, mais si tu perds alors…

Lendemain matin, chambre de Joy.

Une masse difforme émergeait peu à peu de sous l'édredon. La tête lourde, les yeux dans le vague, Joy s'assit dans son lit et attendit quelques minutes, le temps que la pièce arrête de tourner autour d'elle.

- Ahh !!! s'exclama-t-elle en même temps que Largo, en sursautant, ne s'attendant ni l'un ni l'autre à se trouver en si bonne compagnie.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? s'écrièrent-ils.

- Je suis dans MA chambre ! fit remarquer Joy en bondissant du lit.

A cet instant, elle se rendit compte qu'elle était légèrement vêtue, et dévoilait aux yeux de son patron son caraco. Aussi s'empara-t-elle du drap en tirant d'un coup sec, découvrant Largo, qui ne s'offusqua pas le moins du monde de paraître en caleçon devant son amie.

- Aïe ! fit Largo en se tenant la tête, je crois qu'on a trop arrosé la soirée d'hier !

- Apparemment…murmura Joy, balayant la pièce du regard pour éviter le milliardaire.

- Bien…Je vais aller me changer, on se retrouve en bas pour le petit déjeuner ? demanda Largo en se rhabillant.

- D'accord. Euh…Largo…l'interrompit-elle alors qu'il ouvrait la porte.

- Oui Joy ?

- Tu te souviens si…enfin, est-ce qu'on…

- Je n'ai aucun souvenir de la soirée d'hier. Mais j'ai la vague impression que l'on n'a rien fait de mal.

- Ah ! Je suis contente qu'on n'ait pas fait de bêtises ! lui répondit-elle soulagée alors que Largo refermait la porte derrière lui.

Il ne vit pas le petit écriteau accroché à la poignée qui spécifiait :
" DO NOT DISTURB : JUST MARRIED ".

restaurant de l'hôtel

Le silence était roi ce matin à la table des trois compères. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, chacun avait profité de la soirée à sa manière, mais les conséquences étaient les mêmes : un mal de crâne épouvantable, la bouche pâteuse et une grande envie de retourner dans son lit.

- Alors…tenta Simon, c'était comment vot' soirée ?

- Bien, répondirent mollement les deux autres alors qu'ils n'en avaient strictement aucune idée.

- Ah…

Le petit déjeuné pourtant alléchant fut vite délaissé, l'appétit n'était pas au rendez-vous, le réveil étant assez difficile…et douloureux.

Il était prévu qu'ils partent dans la matinée. C'est pourquoi ils se rendirent peu après à l'accueil pour régler leur séjour avant de se rendre à l'aéroport où Jerry devait les attendre à bord du jet.

- J'espère que vous avez appréciez votre séjour…demanda le réceptionniste.

- Oh que oui ! acquiesça Simon, et j'espère bien revenir faire un tour sous peu, vous avez des femmes charmantes par ici…

- Voilà, intervint Largo qui venait de régler les frais du séjour. Au revoir.

- Je vous remercie Mr Winch, à très bientôt j'espère. Oh ! et tous mes vœux de bonheur aux jeunes mariés ! lança-t-il au petit groupe qui s'était éloigné.

- Quoi ?! s'écrièrent-ils en se retournant, mais déjà le pauvre homme était aux prises avec une dame toute en rondeurs, une cliente assez mécontente vu l'absence de sourire sur son visage et venue faire quelques réclamations sans aucun doute.

- Il a dû faire une erreur, considéra Joy.

- ouais…approuvèrent les deux autres sans plus s'attarder sur cette méprise.

Jet

A peine entré, Simon s'effondra sur le canapé et s'endormit presque aussitôt, ayant très peu dormi ces deux derniers jours.
Joy s'installa à sa place habituelle et afficha un air serein qu'elle était loin d'éprouver. Les évènements de ce matin ne cessaient de la hanter. Que s'était-il passé hier soir ? Elle n'en avait strictement aucune idée…Quelle ironie, la seule fois où elle avait le bonheur de se réveiller dans le même lit que Largo, elle ne s'en rappelait même pas ! Peut-être était-ce aussi bien. Peut-être n'y avait-il rien à se remémorer…mais si elle prenait en compte le côté séducteur de Largo et sa propre attirance pour ce dernier, qu'elle cachait pourtant à la perfection, mais qui sait ce que faisait faire l'alcool ?, et bien il y avait de quoi douter…

Une sonnerie la sortit de ses réflexions.

- Hey, salut Georgi, fit Largo en voyant apparaître le visage du Russe sur le visiophone.

- Salut à toi petit capitaliste, et cette virée dans le monde du vice, pas trop appauvrissant ?

- t'inquiète pas, tu auras ton chèque à la fin du mois ! rigola Largo.

- Tiens Georgi ! s'exclama Simon réveillé par les voix de ses amis. Alors on t'a pas trop manqué ?

- Je ne m'étais même pas aperçu de ton absence…

- Ouais, face à tes ordinateurs on fait pas le poids, fit-il faussement attristé.

- Alors Kerensky, que nous vaut ton coup de fil ? s'enquit Joy.

- Et bien…

- Bon anniversaire Simon !!! lança joyeusement une voix.

- Vanessa !! ça alors quelle surprise ! s'étonna Simon ravi à la vue de la jeune femme qui apparut soudainement à l'écran.

- ouais, pour une surprise…marmonna Joy.

- Salut Vanessa, comment vas-tu ? la salua Largo.

- Très bien merci.

- Tu comptes rester combien de temps à New York ? se renseigna son frère.

- Je sais pas trop, deux-trois jours, peut-être plus…

- Georgi, je compte sur toi pour bien t'occuper d'elle jusqu'à notre retour, précisa le milliardaire. Vanessa, tu n'auras qu'à choisir un appartement dans la tour…j'insiste pour que tu t'y installes, fit-il alors que cette dernière allait refuser.

- Ok, merci. On se voit tout à l'heure alors.

- J'y compte bien p'tite sœur !

- A plus tard, termina Largo avant de couper la transmission.

- Ah bah ça alors ! dit le Suisse n'en revenant toujours pas. Si c'est pas un beau cadeau d'anniversaire ça !!

- Et bien, on peut pas dire que tu sois très exigeant, remarqua Joy pas vraiment transportée par cette visite inattendue.
Et il y avait de quoi ! Dès que Vanessa apparaissait, les ennuis n'étaient pas loin derrière. C'était simple, Vanessa Ovronnaz et les embrouilles ne faisaient qu'un. A croire qu'elle ne pouvait vivre sans. Qui sait ce qui les attendait à New York !

- Tu pourrais faire preuve d'un peu plus d'enthousiasme quand même, lui reprocha Simon. C'est ma sœur, et j'aimerais bien que tu laisses de côté tes préjugés ne serait-ce qu'un instant.

- Ok, je suis désolée Simon, tu as raison, fit-elle devant l'air blessé de son ami. Je te promets de faire un effort.

La fin de voyage se déroula dans un peu plus d'ambiance qu'au début. Simon, à présent bien réveillé, était surexcité par ces retrouvailles imminentes et ne cessait de sautiller telle une puce. Largo et Joy ne purent résister longtemps face à un tel débordement de joie et se prirent à partager le bonheur du Suisse.

New York

Kerensky était bien ennuyé. Que faire dans une telle situation ? Comment allait-il pouvoir s'en sortir ? Il tenta d'évaluer le danger qu'il encourait et de mettre à jour une tactique de défense. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait face à l'adversité. D'ailleurs, il s'était sorti de situations beaucoup plus complexes, mais cette fois-ci il avait commis une grossière erreur ! Il avait sous-estimé son adversaire, chose qu'il ne lui serait jamais arrivé auparavant. Mais en aucun cas il ne se serait douté que Vanessa Ovronnaz pouvait se transformer en une adversaire redoutable aux échecs !

Celle-ci arborait un magnifique sourire. Elle était fière de tenir tête à cet expert. D'accord, elle lui avait quelque peu dissimulé la vérité en lui répondant qu'elle " se débrouillait " lorsqu'il lui avait demandé si elle savait jouer aux échecs avant de lui proposer une partie. Le beau Russe avait donc baissé sa garde un peu trop rapidement. Que pouvait-il craindre d'une jeune novice, qui plus est apparentée à un certain Simon Ovronnaz ?

L'ex agent respira. Il avait réussi à contrer le coup de la jeune femme et rétabli la situation à son avantage.
Vanessa dut reconnaître qu'elle avait surestimé ses chances. Espérer vaincre Kerensky aux échecs était mal le connaître. La jeune femme soupira, elle avait perdu.
Georgi ne put qu'esquisser un sourire de satisfaction. Mais il s'en était fallu de peu qu'il se fasse avoir comme un débutant. Comme quoi il ne fallait jamais faire preuve de trop d'assurance sans risque de tomber de haut.

Bunker, fin de journée

- Salut la compagnie ! s'écria Simon en déboulant dans le Bunker, une valise dans chaque main, suivi de Joy et Largo.

- Simon ! s'exclama Vanessa.
Elle se précipita dans les bras de son frère, fou de joie.

- Vanessa ! Ça va ? Georgi a été gentil avec toi ?

- Oui, il s'est bien occupé de moi ! répondit-elle en adressant un sourire reconnaissant au Russe, qui une fois n'est pas coutume, avait levé le nez de son ordi, et répondit à son sourire.

- Y a intérêt, sinon… commença Simon, que le regard glacial de Kerensky refroidit bien vite.

La jeune femme se détacha du Suisse pour se tourner vers Largo, se jeta dans ses bras, glissant ses fines mains autour du cou du milliardaire, et l'embrassa sans retenue.

Simon sourit, désormais habitué aux débordements de tendresse de Vanessa envers son meilleur ami. Par contre, Joy était loin, mais alors très loin d'apprécier le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. " Et c'est reparti ! " se dit-elle en son fort intérieur alors que Vanessa s'écartait de Largo pour la saluer d'une simple poignée de main.

- Où as-tu mis tes affaires ?

- Je les ai laissées à la réception.

- Ok, on va aller t'installer, et tu me raconteras ce que tu as fait depuis ta dernière visite.

Un appartement du groupe W

- Alors tu arrives ? demanda Vanessa à son frère loin derrière alors qu'elle pénétrait dans le luxueux logement mis à sa disposition.

- Ouais ! réussit à répondre Simon derrière la pile de bagages embarrassant ses bras.

- C'est génial ! s'écria-t-elle ravie, ça fait longtemps que l'on a pas passé quelques jours ensemble..

- Où veux-tu que je mette tes valises ? demanda-t-il, sentant qu'il ne tarderait pas à tout laisser tomber.
" C'est dingue ce que les filles pouvaient prendre comme affaires ! pensa-t-il sidéré. "

- Tu n'as qu'à les poser là. Et maintenant, ferme les yeux, lui ordonna-t-elle avant d'aller fouiller dans un de ses sacs.

- Qu'est-ce que tu mijotes ? demanda-t-il en soulevant légèrement une paupière.

- Simon ! Ne triche pas !

- Ok, c'est bon, je ne regarde pas, promit-il en refermant les yeux en vitesse.

Après quelques secondes de recherche, Vanessa trouva enfin ce qu'elle voulait. Elle le prit et se rapprocha de son frère, qui jouait toujours le jeu, et mit le paquet dans ses mains.

- Tu peux ouvrir les yeux ! s'exclama-t-elle enjouée.

Le Suisse obéit et abaissa son regard sur ce qui encombrait ses mains.
- Un cadeau ?! pour moi ?!! fit-il avec un large sourire.

Trop pressé de découvrir ce qui se cachait derrière le beau papier brillant, il l'arracha sans remords et le jeta à terre. Son sourire se figea quelque peu à la découverte de sa surprise. Il fronça les sourcils et commença à élever l'objet au niveau de ses yeux et à le faire tourner afin de l'observer sous toutes les coutures.

- Oh…merci Vanessa, finit-il par dire.

- Ça ne te plait pas ? s'inquiéta-t-elle.

- Oh, mais…mais bien sûr que si. C'est…c'est, mais c'est quoi au fait ? s'enquit-il confus.

- Simon ! t'es pas drôle, le gronda-t-elle.

- Oh, je plaisante Vanessa, tenta-t-il de se rattraper, c'est vraiment très joli. Je crois que cela rendra très bien sur ma table de salon…Mais le plus beau cadeau que tu pouvais me faire, c'est venir me voir, déclara-t-il avant de la prendre affectueusement dans ses bras.

Penthouse

A peine Largo avait-il retrouvé son chez-soi que son cher bras droit n'attendit pas plus longtemps pour lui rendre une petite visite. A croire qu'il guettait son arrivée…

- Alors Largo, ces quelques jours de vacances vous ont été bénéfiques j'espère. Il y a pas mal de travail qui vous attend.

- Oui moi aussi je suis content de vous revoir John, lui répondit le milliardaire narquois.

- Vous trouverez sur votre bureau un rapport vous résumant les grandes lignes de ces derniers jours, continua-t-il ignorant la moquerie.

- Vous savez John, vous devriez vraiment vous arrêter de temps en temps. Il n'est pas bon de vous surmener.

- Oh mais je suis en très grande forme. Par contre, on ne peut pas dire que vous teniez le choc longtemps malgré votre jeune âge…

- Mais je ne suis plus un gamin…

- Pour moi vous en êtes encore un. Le jour où vous vous marierez et ferez passer le travail avant les vacances, là je vous considérerai comme un adulte. Mais pour l'instant vous n'êtes qu'un enfant gâté qui pense que ne rien faire est beaucoup plus intéressant que s'adonner à la tâche. Mais vous verrez, plus tard vous comprendrez…

- Ça, ça m'étonnerait, murmura-t-il, puis plus haut : si vous n'avez plus rien à me dire je vais aller me coucher, le voyage a été long et fatiguant.

- Je vous laisse. Soyez en forme demain.

Bunker

- Alors, que nous vaut la visite de cette chère Vanessa ? se renseigna Joy, une fois seule avec Kerensky.

- Elle voulait faire une surprise à Simon pour son anniversaire.

- Oui, ça c'est ce qu'elle prétend.

- Ne t'inquiète pas, j'ai vérifié et je n'ai rien trouvé de suspect, la rassura-t-il.

- Ok, admettons, s'avoua-t-elle vaincue.

Peut-être avait-elle porté un jugement un peu trop hâtif. Les gens changent et peuvent vous surprendre, elle était bien placée pour le savoir, alors pourquoi pas Vanessa Ovronnaz ? Demain, elle tenterait de faire oublier son comportement méfiant, ne serait-ce que pour faire plaisir à Simon.

Penthouse

Largo contemplait son bureau recouvert de paperasse. Décidément Sullivan ne lui laisserait aucun répit cette semaine ! Il devrait mettre les bouchés doubles pour être à jour. Il poussa un long soupir…

- Eh bien, y a des courants d'air ici ! s'écria Simon en surgissant dans la pièce à l'improviste, comme à son habitude. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Du travail pour les cinquante années à venir ! gémit Largo en désignant le bureau.

- Si tu veux, on repart illico pour Las Vegas !

- Merci, mais j'avoue que j'aurais du mal à te suivre une seconde fois !

- C'est qu'il s'empâte notre pauvre businessman ! Bientôt, il restera cloué dans son fauteuil !

- John en serait ravi.

- Peut-être, mais nos petites escapades me manqueraient ! Merci Largo, grâce à toi, j'ai passé un super anniversaire ! Et maintenant ma p'tite sœur qui débarque !

- Oh fait, tu l'as perdue dans les couloirs ? plaisanta le milliardaire.

- Non, elle s'installe. Et vu le nombre de valises qu'elle a apporté, y en a pour un bout de temps ! Oups ! échappa soudain le Suisse, portant une main à la poche de son jean.

- Qu'est-ce qui t'arrives ?

- Mon portable ! J'arriverai jamais à m'habituer au vibreur… Tiens, tiens, on dirait que j'ai encore un message…

- Laisse-moi deviner… 25-28 ans, voix sensuelle, corps de rêve…

- Hummm… rêva Simon avant d'afficher sa déception, pas mon genre… c'est un message de toi ! révéla-t-il.

Largo resta planté devant son ami, étonné. Il ne se souvenait pas l'avoir appelé, et encore moins laissé un message. A moins que…

- Dis-moi, tu m'as l'air bien bourré ! pouffa Simon.

- Simon, donne-moi ce téléphone ! s'écria Largo en se jetant sur son ami, qui l'empêcha de se saisir du fameux objet. Il ignorait pourquoi, mais il avait l'intime conviction que le Suisse ne devait pas entendre son message.

- Attends, j'ai pas … commença Simon, mais il ne put finir sa phrase. Ses yeux s'écarquillèrent, sa bouche s'ouvrit sans qu'aucun son n'en sorte. Il était hébété.
Le PDG en profita pour s'approprier le précieux portable et l'éteindre.

Simon dévisageait Largo, complètement sidéré.

- Quoi ? s'énerva celui-ci.

- Non… c'est pas possible… put juste murmurer le Suisse.

- Enfin tu vas me dire ce qu'il y a Simon ??!!

- Tu… vous… mariés ! finit-il par dire s'asseyant dans un fauteuil.

- De quoi tu parles ?

Simon, la stupeur passée, sembla enfin reprendre ses esprits. Un sourire narquois lui vint alors aux lèvres.

- Tu ne te souviens pas m'avoir appelé hier ? demanda-t-il à son ami.

- Non… j'ai pas mal bu alors…

- Tu te souviens de Joy ?

- A quoi tu joues ?!! T'as décidé de me poser des questions idiotes !!! s'emporta Largo.

- Je crois que les félicitations s'imposent !

- Pourquoi ?

- C'est pas tous les jours que son meilleur ami se marie !

- Qui s'est marié ?

- Toi !

- Moi ?!! Tu débloques Simon ! Comment aurais-je pu faire une chose pareille ! Et surtout avec qui ?!!

- Oublier le nom de son épouse le lendemain de ses noces ! Tu exagères tout de même !

- Simon… rugit Largo.

- Et monsieur qui me disait : Mais non, il n'y a ABSOLUMENT RIEN entre nous, on est amis rien de plus ! jacassa Simon en imitant son ami. Amants tu voulais dire !

- Ça suffit maintenant ! Dis-moi qui…

- Comment ? Tu ne devines pas le nom de l'heureuse élue ? Je suis certain que Joy fera une adorable épouse !

- Joy… Non, c'est pas possible !!! s'écria-t-il en composant le numéro du répondeur de Simon pour en avoir le cœur net. Au fur et à mesure qu'il écoutait le message, son visage pâlit. Il fut interrompu par l'arrivée inopinée de sa garde du corps.

- Salut les garçons !

- Ah Joy ! s'exclama Largo en rendant précipitamment son portable à son propriétaire.

- Tiens la jeune mariée… marmonna Simon entre ses dents à l'intention de son ami. Je vais te laisser lui annoncer l'heureuse nouvelle ! A plus tard !

- De quelle nouvelle parle-t-il ?

- Euh…

- Alors ? insista-t-elle devant le silence de son patron.

- Voilà. Je ne sais pas comment te l'annoncer…

Largo suivit la jeune femme des yeux qui alla s'appuyer au rebord du bureau. Comment lui expliquer la situation sans que cela ne dérape ?

- Largo, tu sais que tu peux tout me dire, le rassura-t-elle dans un sourire devant son hésitation.

Tout ? Il n'en était pas si sûr. Toute vérité n'était pas bonne à dire. A quoi servirait le mensonge si tout le monde était honnête ?! Et puis cacher la vérité n'était pas mentir après tout, tenta-t-il de se rassurer alors que l'éducation du père Maurice revenait au galop. Etrange comme certains souvenirs vous marquaient au point de vous dicter votre conduite quinze ans plus tard ! Il allait simplement enjoliver la situation, taire quelques détails…pour le bien de Joy bien sûr ! Il connaissait son extrême professionnalisme, et il ne voulait surtout pas qu'elle en vienne à douter d'elle par sa faute à lui…et peut-être pourrait-il vivre quelques jours de plus !

- C'est à propos de Las Vegas…commença-t-il hésitant.

" Oh non, s'alarma Joy, il se souvient de cette nuit, et on a… "

La disparition soudaine de ce sourire encourageant le conforta dans sa décision. Il ne pouvait…non ! Il ne devait pas lui raconter ça. Et puis qu'importe ce qu'il lui dirait elle ne le croirait pas, alors si c'était pour passer pour un idiot autant le faire avec panache et sans s'attirer les foudres de la belle si possible.

- J'en ai parlé à Simon…tu m'en veux pas j'espère ? s'empressa-t-il de se rassurer devant la mine décomposée qu'affichait soudainement la jeune femme.
" sur ce coup-là, t'as pas été très malin mon vieux ! "

- Continue, lui ordonna-t-elle un peu trop brusquement.

- Donc, je…enfin tu vois le fait de s'être réveillés dans le même lit était…troublant, fit-il en cherchant ses mots alors que les beaux yeux noisettes qui le fixaient s'illuminaient d'une étrange lueur. J'étais en train de parler avec Simon tout à l'heure, et le sujet est venu dans la conversation, comme ça…

- Mmm, comme ça ?

- Mais, il n'y a pas à s'inquiéter ! tenta-t-il de l'apaiser tout en se passant la main dans les cheveux, signe extérieur de l'extrême nervosité qui l'habitait en ce moment même.
" Dieu qu'il était difficile d'affronter cette femme ! Mais pourquoi ce soudain sursaut religieux ? se demanda-t-il, comme pour se raccrocher à quelque chose. "

- Il m'a tout expliqué…continua Largo. Il nous a rencontré dans les couloirs de l'hôtel alors qu'il rejoignait sa suite. On était pas mal éméchés et il a décidé de nous raccompagner chacun dans nos chambres. Mais je me suis écroulé sur ton lit et je me suis endormi d'un seul coup, alors il a décidé de me laisser là. Il m'a assuré qu'il nous avait laissés dans un état complètement statique et que rien n'aurait pu nous sortir de notre léthargie…la voilà la bonne nouvelle ! finit-il d'un ton faussement enjoué, nous n'avons rien à nous reprocher !

" Et bah voilà ! se félicita-t-il intérieurement, c'était pas si dur que ça après tout… "

- Ah…souffla-t-elle, ne sachant que répondre à ça.
Elle devrait pourtant se sentir soulagée, mais ce n'était pas le cas. Largo était un peu trop nerveux à son goût et cela n'expliquait pas leur manque de vêtements au réveil. Tant pis, elle se pencherait sur la question demain, elle était trop crevée et ne souhaitait qu'une chose, se retrouver dans son lit…sans Largo bien sûr !

Le lendemain

Joy n'était pas mécontente de retrouver ses petites habitudes. Ces quelques jours à Las Vegas avaient pourtant été agréables, elle devait bien l'admettre, mais il n'y avait rien de tel que de se retrouver chez soi, loin de cette agitation fiévreuse, du bruit assourdissant des machines à sous et de ses filles qui n'arrêtaient pas de faire de l'œil à Largo.
" home sweet home " pensa-t-elle en souriant. Peut-être était-ce un peu exagéré, mais elle se sentait bien dans la tour du groupe W et dans les profondeurs du bunker qu'elle partageait avec Kerensky. Elle y était chez elle, elle y avait sa place… rectification, elle ne l'avait plus, fulmina-t-elle en apercevant Vanessa assise sur sa chaise, devant son ordinateur. Se rappelant ses bonnes résolutions, elle ravala in extremis une réplique pas des plus agréables envers cette jeune personne qui avait le don de lui taper sur les nerfs.

- Bonjour tout le monde, salua Joy en descendant les marches du bunker.

- Salut Joy, lui répondit Kerensky sans pour autant la regarder alors que Vanessa lui offrait un sourire des plus accueillants.

- Si cela ne te dérange pas, commença la garde du corps, est-ce que tu pourrais t'installer ailleurs ? tu es à ma place ici…

- Oh bien sûr, excuse-moi.

- Y a pas de mal, la rassura Joy d'un ton qui se voulait léger mais dans lequel perçait une pointe d'agacement difficilement réprimé. Alors…on dirait que tu es plus matinale que ton frère….

- Oui, Simon est un gros nounours qui adore son lit, rigola Vanessa. Mais je crois que je ressens encore les effets du décalage horaire, c'est pour ça que je me suis levée de si bonne heure…

Joy lui répondit par un sourire qui se voulait compatissant.

- Ça ne te dérange pas que je sois ici ? s'informa la jeune femme. Georgi m'a gentiment proposé de rester ici, alors…

- Georgi ? fit l'ex agent en jetant un coup d'œil à son collègue toujours plongé dans la contemplation de son écran. Et bien, si " Georgi " te l'a proposé, je n'y vois pas d'inconvénient. Après tout, c'est lui le maître des lieux.

Le Russe suivait avec amusement l'échange entre les deux jeunes femmes. Il devinait les efforts que faisait Joy sur elle-même, et cela le divertissait. Combien de temps arriverait-elle à jouer le rôle de la " bonne copine " avant de se laisser rattraper par sa vraie nature ?

Penthouse

Simon n'avait pu attendre plus longtemps et était venu déranger son meilleur ami en plein travail pour savoir comment il s'en était sorti avec Joy hier soir.

- J'y crois pas !! Tu ne lui as rien dit ?! s'exclama Simon complètement éberlué.

- Et que voulais-tu que je lui dise ? Joy, nous nous sommes mariés hier ! N'est-ce pas fantastique ?!…Je ne crois pas qu'elle aurait sauté de joie en l'apprenant…

- Ça c'est toi qui le dis…

- Ou alors, continua Largo pris au jeu des propositions, Joy, si nous étions dans le même lit ce matin-là, c'est tout simplement parce que nous étions en nuit de noces !

- Ah parce qu'en plus vous avez…

- Non ! s'offusqua le milliardaire. Il ne sait rien passé, enfin je crois…

- Alors là mon pote, fit Simon qui trouvait la situation de plus en plus intéressante, on peut dire que l'alcool te réussit ! Si j'avais su qu'il ne vous fallait que quelques petits verres pour vous décider…

- Simon, c'est pas le moment ! Tu es le seul au courant de cette histoire, alors tu vas me faire le plaisir de l'oublier, sinon…

- Sinon quoi ?

- Sinon rien, bien sûr…Tu ne l'as raconté à personne ?…Simon !

- Non bien sûr que non, qu'est-ce que tu crois….

- Tu as effacé le message j'espère…

- Le message ? Ah non, j'ai pas eu le temps. Hey ! Je te signale que ma petite sœur est venue me rendre visite, alors j'ai eu envie de passer un peu de temps avec elle, se justifia-t-il sous le regard courroucé de son ami.

- Et bien donne-moi ton portable que je m'en occupe.

- Ça aurait été avec plaisir, mais je ne l'ai pas sur moi…avoua-t-il.

- Mais enfin, tu peux m'expliquer à quoi te sert un téléphone portable si c'est pour le laisser à ton appart ?!

- Du calme mon pote, là-bas il ne craint rien.

- Je ne veux pas le savoir. Tu retournes chez toi, et tu me fais disparaître ce stupide message avant que quelqu'un ne tombe dessus. Moi, j'ai une réunion avec le conseil.


Simon se dirigea donc en traînant des pieds vers son appartement. Il pénétra en rallant dans le petit salon.
- C'est lui qui fait les bêtises, et il ose m'engueuler !!!

- Simon ?

- Vanessa ! s'écria ce dernier, ne pouvant cacher sa contrariété.

- Tu vas bien ? Tu fais une drôle de tête ?

- Mais bien sûr que je vais bien !! Je suis même en pleine forme !!! s'exclama son frère en bondissant autour d'elle pour lui prouver ses dires. Il l'agrippa par les épaules et la poussa l'air de rien vers la porte. Tu vois !!!

- Mais Simon, qu'est-ce que tu fais… questionna la jeune femme en se débattant du mieux qu'elle pouvait.

- On se voit tout à l'heure !
Il embrassa Vanessa sur la joue, et referma précipitamment la porte, laissant sa sœur complètement désorientée.

- Enfin seul ! s'exclama-t-il adossé à la porte. Oh, non !!!! C'est pas vrai ! Largo va me tuer !!!!!!!! hurla-t-il se jetant dans un élan désespéré vers la petite table où reposait habituellement son portable.
Il resta effaré, fixant désespérément l'emplacement vide, dans l'espoir de faire réapparaître le petit objet qui allait lui coûter la vie.

- Vanessa !!!!!! s'égosilla-t-il enfin, sortant de sa léthargie. Il courut dans le couloir, et ne tarda pas à la rejoindre.
Celle-ci, voyant Simon débouler tel un chien enragé aux trousses d'une saucisse, eut un mouvement de recul.

- Vanessa, dis-moi que c'est toi qui a mon portable ?!!! la supplia-t-il en reprenant son souffle.

- Oui, je te l'ai emprunté pour appeler Henry.

- Rends-le moi, j'en ai besoin.

Mais Vanessa ne l'entendait pas de cette oreille. Elle était venue faire une surprise à son grand frère et lui la virait de son appart comme une malpropre pour ensuite lui courir après dans les couloirs !

- Laisse-moi d'abord donner mon coup de fil !

- Vanessa ! Je veux MON portable, lui lança-t-il d'un ton autoritaire.

C'était plus que la jeune femme n'en pouvait supporter. Maintenant, il se mettait à lui donner des ordres !

- J'ai plus 15 ans Simon !!!!! Alors ne prends pas ce ton-là avec moi ! se fâcha-t-elle. Ses yeux lançaient des éclairs, le Suisse, intimidé, décida de la prendre par les sentiments.

- Excuse-moi, mais il me le faut absolument ! supplia-t-il C'est une question de vie où de mort.

- Ah oui ?

- Largo va me tuer s'il apprend que…
Simon s'arrêta net, il en avait trop dit. Malheureusement, la curiosité se lisait déjà sur le visage de sa sœur.

- Largo ? Mais qu'a-t-il à voir dans tout ça ?

- Largo ? J'ai pas parlé de Largo moi !

- Simon ! Si tu ne me racontes pas ce qui se passe, tu peux dire adieu à ton cher portable !

Le Suisse ne savait plus quoi faire. Il connaissait Vanessa, elle n'hésiterait pas à mettre sa menace à exécution. Il fallait choisir, et vite : Soit dévoiler le secret de son meilleur ami, soit perdre la centaine de numéros de femmes plus belles les unes que les autres qu'il avait mis tant d'années à gagner ! Et puis zut ! Vu comment Largo l'avait traité tout à l'heure… De toute façon, chez les Ovronnaz, on savait garder un secret de famille !

- Très bien, je vais tout te raconter, mais pas ici.
Il entraîna donc sa sœur, ravie, vers son appartement.

Un peu plus tard

- Quoi ??!!!! Tu veux dire que Largo et Joy sont mariés ! s'exclama Vanessa en bondissant de son fauteuil.

- Chuuuuuuuuuuttttttttttttt ! s'écria Simon. Il regrettait déjà d'avoir vendu son secret à sa sœur. Et si Largo l'apprenait, il finirait en bouillis !

- Excuse-moi Simon, mais c'est tellement….

- Oui, je sais, ça m'a fait le même effet au début. Mais rappelle-toi : PERSONNE ne doit être mis au courant pour le moment, tu entends, PERSONNE ! la sermonna-t-il.

- J'ai compris, c'est pas la peine de me le répéter ! Oh, mais… il faut que j'aille les féliciter !!!

A ces mots, le visage du Suisse passa par toutes les couleurs. Il avait certes, dévoilé une partie du fameux secret qui le liait au milliardaire, mais avait quelque peu omis un point important… pour ne pas dire essentiel !

- NON NON NON ! Tu ne peux pas faire ça !!! hurla-t-il malgré lui en la coupant dans son élan.

- Pourquoi ?!

- Tu te rappelles ce que je t'ai dis. Largo et Joy m'ont fait promettre de ne rien divulguer avant l'annonce officielle. Ils me tueraient s'ils apprenaient que je les ai trahis !

- Mais je suis ta sœur ! Je fais un peu partie de la famille…

- Vanessa… Promets-moi que tu n'en parleras à personne, surtout pas à Joy ni Largo !

- …

- Vanessa !!!

- D'accord, c'est promis ! Mais c'est bien pour toi…

- Je t'adore ! s'exclama-t-il en déposant un baiser sur la joue de la jeune femme. On se voit pour dîner ce soir ?

- Hummm… C'est une excellente idée ! Si on fêtait nos retrouvailles dans un très bon restaurant ! s'émerveilla Vanessa. On pourrait inviter Joy et Largo ! Je suis sûre qu'ils seraient ravis ! Et puis Georgi aussi !

- Georgi ? demanda Simon, intrigué que celui-ci ait sympathisé aussi rapidement avec sa sœur. Une bouche de plus à nourrir ! pensa-t-il. Il courait à la ruine, connaissant les goûts de ses amis !

Bunker

- Au restaurant ce soir ?

- Oui, on pourrait fêter votre… mon retour ! se reprit Vanessa après avoir rencontré le regard noir de son frère.

- Pourquoi pas ! répondit Kerensky, les yeux rivés sur la charmante brune.

Ses amis se tournèrent vers lui, étonnés de ne pas avoir à supplier le Russe de quitter sa tanière. Si c'est Simon qui paie ! continua-t-il pour se justifier en retournant à son écran.

- Ma foi, ça me fera pas de mal. Deux soirs de suite le nez dans les dossiers, c'est plus que je n'en peux supporter !

- Génial !!!! s'enthousiasma Vanessa. Joy, tu viens?

- Je…

- Allez Joy, tu vas pas te faire prier !

- Simon, j'ai… D'accord je viens… soupira-t-elle devant les quatre paires d'yeux l'implorant.

- Youpi !!!!!!!!! s'exclama Vanessa. Elle saisit Joy par le bras. Celle-ci, surprise, se tourna vers l'intrépide jeune femme pour la remettre à sa place. Mais l'amitié qu'elle lut sur son visage l'en dissuada.
On va se faire belles les garçons, à tout à l'heure !

- Et bien, on dirait que Vanessa et Joy s'apprécient énormément, remarqua le Russe, et ce au plus grand désespoir du Suisse.
" pourvu qu'elle sache tenir sa langue, pria-t-il silencieusement ".

- …ta part Simon…

- Quoi ??? Tu disais ?

- Je disais, répéta patiemment Largo, que c'est très généreux de ta part de nous inviter tous au resto ! Pour une fois que je suis considéré autrement qu'en simple porte-feuille rempli de billets verts !

- C'est tout le drame dont sont victimes les pauvres capitalistes trop riches, fit mine de s'apitoyer l'ex agent.

- Ouais, moque-toi, en attendant t'es bien content de me trouver pour t'acheter quelques joujoux informatiques ! plaida le jeune milliardaire. Bon allez, on se voit tout à l'heure, fit-il avant de sortir suivi de près par Simon.


Les deux amis prirent l'ascenseur et finirent par rejoindre le penthouse.

Loin des oreilles indiscrètes Largo put enfin aborder le sujet qui n'avait cessé de l'inquiéter durant toute la journée, au point de rendre fou Sullivan qui n'avait fait que le ramener à la réalité durant le conseil.

- Alors, ça y est, tu as effacé le message ?

Simon, se sentant peu concerné par cette histoire, l'avait déjà jetée aux oubliettes, et dut faire un suprême effort sur lui-même pour garder tout son naturel afin de ne pas alerter son ami. Puis après avoir remis les choses dans leur contexte :

- Bien sûr que je l'ai effacé, aussitôt après que tu me l'ais demandé…

- Fais voir ton portable.

- Hey ! Tu mets ma parole en doute ?!

- Non, mais je préfère en avoir le cœur net.

- Alors là tu me déçois mon pote, je te croyais au-dessus de ça. Je pensais que pour toi notre amitié était sacrée et que tu avais en moi une confiance à toute épreuve !

- Simon, épargne-moi ton refrain larmoyant sur l'amitié et donne-moi ton portable.

- …ok, je…oh ! je viens de me rappeler que j'avais un truc super important à faire alors…

- SIMON !!!

Mais ce dernier avait filé sans attendre son reste, la situation commençait à devenir un peu trop critique et il n'avait pas l'intention d'écourter sa vie à cause d'un si petit problème, et qui ne le concernait aucunement qui plus est ! Mais, comme à chaque fois, le bon vieux Simon se devait de réparer les erreurs des autres !
En attendant, il devait absolument récupérer ce maudit portable. Et sans Vanessa, il y aurait déjà longtemps que cette affaire serait classée. Mais cette jeune personne était très curieuse et savait jouer avec les sentiments d'autrui pour avoir ce qu'elle désirait. Et trop accaparer par sa charmante sœur et à s'assurer que celle-ci avait compris le côté particulièrement confidentiel de cette histoire, il n'avait pas eu le temps de s'occuper de ce fameux message.
Enfin, là où il avait laissé l'objet de son malheur, il n'avait pas à s'inquiéter. Que pourrait-il arriver au bunker ? Kerensky n'était pas du genre à s'abaisser à fouiller dans les affaires des autres…même si en l'occurrence il avait posé son téléphone bien en évidence près de son ordinateur…

Appartement de Vanessa

- Vas-y Joy installe-toi, l'invita gaiement Vanessa

Joy prit place dans un fauteuil contigu au canapé sur lequel se trouvait la sœur de Simon. C'était bien la première fois qu'elle se sentait aussi démunie face à la situation. Vanessa se montrait tout à fait adorable avec elle alors qu'il y a à peine quelques minutes elle l'aurait volontiers renvoyée d'où elle venait. Elle était pleine de vie et débordait de gentillesse, ce à quoi Joy n'était pas spécialement habituée.

Elle se sentit ridiculement rougir sous le regard insistant de la jeune femme rempli d'admiration et ce sourire complice qu'elle lui offrait.

- N'est-ce pas merveilleux la vie de femme mariée ? lui demanda Vanessa.

- Euh…oui sûrement, répondit Joy dubitative.

- Crois-moi, en ce moment je vis les plus belles années de ma vie avec mon Henry, et il en sera de même pour toi j'en suis sûre !

- …

- Oh ne t'inquiète pas, je suis au courant, Simon m'a tout raconté…

Bon d'accord elle avait promis à son frère de garder le silence, mais c'était trop tentant. Comme elle le lui avait rappelé tout à l'heure, elle faisait un peu partie de la famille et avait aussi envie de partager les bonnes nouvelles, pas que les galères. Et puis, le fait d'avoir croisé les doigts la dispensait de garder le secret, non ?!

- Il t'a raconté quoi exactement ?

- Et bien cet engagement que tu as pris. Tu sais je t'admire et je suis contente que tu n'ais pas tenu compte du qu'en dira-t-on, tu as suivi ton cœur et c'est ce que tu as fait de mieux ! Tu verras, c'est la meilleure décision que tu n'ais jamais prise et je t'en félicite !

- Merci, mais…

- Je dois dire que dès que je vous ai vu tous les deux, je m'en suis un peu doutée … Au fait, j'espère que tu ne m'en veux pas de l'avoir embrassé comme ça…

- Qui ça ?

- Largo !

- Pourquoi est-ce que je t'en voudrais ? Largo est un grand garçon…

- Et ton mari ! Si une femme s'amusait à tourner autour de…

- Mon quoi ?

- Allons Joy, je suis au courant pour toi et Largo. Vous faites un si joli couple. Et c'est tellement romantique cette escapade à Las Vegas pour vous unir dans la plus grande intimité…soupira-t-elle.

- Mais Simon t'as raconté n'importe quoi !! On est allé à Las Vegas pour fêter son anniversaire et…

- Vous marier ! Mais je ne le dirai à personne, ne t'inquiète pas.

- Je t'assure que Largo et moi ne sommes que de simples amis…

Un doute l'envahit soudain. Elle se revit à une table de jeu, lançant des dés, une foule en délire à chaque coup réussi. Largo l'avait rejointe ensuite et lui avait demandé de participer. Elle lui avait même lancé un pari qu'elle avait perdu…

- Joy ? Ça ne va pas ? s'inquiéta Vanessa.

- Oh…mon…Dieu…

Penthouse, une heure plus tard

Largo attendait ses amis, tournant tel un lion en cage dans son appartement. Au bruit de la poignée, il bondit vers la porte.

- Sim… Ah, Georgi ! s'écria-t-il en constatant sa méprise.

- Ami capitaliste bonsoir. Tu attendais peut-être quelqu'un d'autre ? questionna-t-il, goguenard.

- Non, non… Enfin, Simon devrait déjà être là…

- Oh, il ne va plus tarder. Il m'a lâchement abandonné au détour d'un couloir au profit d'une jolie brune.

- Ah…

- A propos de Simon…

- Oui ?

- Eh bien, il semble avoir développé une dépendance quasi extrême envers les petits joujoux de ce monde frivole.

- C'est-à-dire ?

- Il avait oublié son portable dans le bunker, j'en ai donc profité pour vérifier le fonctionnement de sa puce. Il m'a bondi dessus pour me l'arracher des mains quand il…

Le Russe s'interrompit pour concentrer son attention sur le jeune PDG dont la nervosité et l'angoisse se lisaient sur son visage.
Celui-ci ne s'était pas aperçu que son ami s'était tu. Le regard inquisiteur de Kerensky le força à sortir de ses pensées.

- Ouah ! Quelqu'un est mort ?!! s'exclama Simon en pénétrant dans l'atmosphère chargée de la pièce.

- Pas encore… laissa échapper Largo, posant un regard lourd de sens sur le Suisse, qui lui répondit par un clin d'œil.

Georgie ne manqua pas de le noter silencieusement. De même que le changement de comportement de son patron, qui semblait enfin pouvoir souffler.

Mais Simon ne s'arrêta pas là. Et pour être sûr que son ami ait bien compris, il leva son pouce lui assurant ainsi que tout était sous contrôle. Ce à quoi Largo répondit en faisant de gros yeux. C'est bon, il avait saisi, il n'était pas aussi stupide quand même ! Kerensky décrypta sans mal ces essais maladroits de communication gestuelle. Ah décidément, ces capitalistes n'étaient vraiment pas doués pour la discrétion !

- Ah voilà notre jeune mariée et sa nouvelle amie, s'écria Simon à l'entrée de Joy et Vanessa.

Largo en eut le souffle coupé alors que Joy se sentait devenir rouge écarlate. Le tact légendaire de Simon refaisait surface. Ça y est ! Leur situation n'était pas officielle mais c'était tout comme !
Que pourrait-il lui dire ?
Comment devrait-elle réagir ?
Largo se décida à dire quelque chose quand Vanessa le devança.

- Simon, ça va quand même faire un an que je suis mariée maintenant ! le reprit sa sœur.

Deux paires d'yeux emplis de reconnaissance se posèrent sur la jeune femme, avant de se diriger vers le petit maladroit, plus meurtriers que jamais. Simon ne comprit pas cet excès de rage soudain dont il était victime. Il avait simplement voulu taquiner sa sœur qui partageait désormais sa vie avec son cher comte, sans se douter un seul instant de l'ambiguïté de sa réflexion.

- Bon et si on allait manger, proposa Largo adouci.

Restaurant

Le petit groupe s'était installé autour d'une table et comptait bien faire honneur au repas gracieusement offert pas ce cher Simon. Celui-ci après avoir consulté la carte se demandait s'il n'allait pas se contenter d'une simple petite salade…c'était affreusement cher ici !

- Alors racontez-nous un peu ce que vous avez fait à Las Vegas, les sollicita Vanessa. Je n'y suis jamais allée…l'ambiance y est-elle aussi frénétique qu'on le dit ?

- C'est vrai que vous ne nous avez rien dit sur votre voyage, ajouta Georgi intéressé. Pour une fois je ne serais pas contre une petite anecdote…

- On dit aussi que les chapelles poussent comme des champignons là-bas…

Largo faillit recracher la gorgée de vin qu'il venait de prendre alors que Simon regrettait déjà d'avoir mis sa sœur dans la confidence. Jamais elle ne saurait tenir sa langue ! Il porta son attention sur son meilleur ami pour s'assurer qu'il ne se doutait de rien et dut faire un gros effort pour ne pas éclater de rire devant la mine déconfite de ce dernier. Joy aussi prenait plaisir à voir l'embarras de son patron et se demandait qu'elle décision il pensait prendre à propos de " leur mariage ". Elle se prit au piège l'espace d'un instant, le temps de s'imaginer rester mariée à cet homme le reste de sa vie, mais secoua bien vite la tête. Qu'est-ce qui lui prenait de se laisser entraîner par des idées complètement saugrenues ! Bien sûr que ce mariage serait annulé, et en fin de compte personne n'en saurait rien.

- Tu n'imagines pas le nombre de couples qui se marient là-bas, ça se fait presque à la chaîne ! s'exclama Simon.

- Et tu as réussi à ne pas te laisser prendre dans le filet d'une de ces charmantes sirènes qui te couraient après ? demanda Kerensky

- Hey ! Attention ! J'y tiens à ma liberté moi ! c'est pas comme certains qui, après un petit verre, se…

- Ah ! voilà notre repas ! le coupa Largo soulagé de mettre fin à cette conversation alors que le serveur déposait les assiettes.

- Hmm, ça m'a l'air succulent ! Tu es un amour Simon de nous inviter ! le remercia sa sœur.

- Pfff, tu parles, ça me fait plaisir, lui assura-t-il faussement ravi.

- Mais et toi Georgi ? Pourquoi n'es-tu pas parti avec eux ? lui demanda Vanessa.

- Il avait trop peur de se séparer de ses petits bébés…se moqua Simon.

- Et qui se serait occupé de la sécurité du groupe en l'absence de son fabuleux chef de la sécurité ? Bien que ta présence n'y change rien tout compte fait…

- Ça veut dire quoi ça ?! Ne l'écoute pas Vanessa, je prends mon travail très au sérieux, mais c'est pas pour ça que je ne prends plus le temps de vivre !

- Et qui a eu l'idée d'aller à Las Vegas ?

- C'est mon pote ! fit Simon en attrapant affectueusement Largo par l'épaule. Mon cadeau d'anniversaire en quelque sorte. Sacrée bonne idée en y repensant !

- Mouais, maugréa le milliardaire, pour qui ce voyage se révélait être bien plus qu'une simple sortie pour fêter l'anniversaire de Simon.

- Pourquoi tu dis ça Largo ? Je me suis bien amusée moi ! lança Joy rieuse. Tu te rappelles le dernier soir ?
Largo commença à se sentir mal. Bien sûr qu'il s'en rappelait !! Enfin, pas dans les détails, mais le résultat était le même.

- Ce que l'on a pu rire !! Je dois avouer que l'on avait un peu bu, hein Largo ? fit-elle en le regardant pour avoir confirmation, ce qu'il se crut obligé de faire en hochant la tête accompagné d'un sourire légèrement crispé. Mais ça ne nous a pas empêché de " profiter " de la soirée, assura-t-elle malicieuse.

- Ah oui ? demanda Kerensky de plus en plus interloqué par le comportement de sa collègue.

- Par contre, le réveil a été un peu douloureux…

Mais qu'est-ce qui lui prenait de raconter ça ? Et elle en parlait sans aucune gêne. A croire qu'elle avait complètement oublié sa présence dans son lit…

- Oui, bon, pas la peine de s'étendre là-dessus non plus, lança Largo légèrement vexé.

- Et pourquoi pas ? s'informa Simon. C'est vrai que je vous ai abandonné ce soir-là, et du coup je ne sais pas ce que vous avez fait sans moi, fit-il taquin. Pas de bêtises quand même ?!

Largo ne put retenir un regard meurtrier envers son meilleur ami. Il voulait sa mort ou quoi ? Quel besoin avait-il d'insister sur le sujet ? Il devrait mettre les choses au clair…

- Mais tu es bien au courant, puisque tu as eu l'heureuse idée de nous raccompagner à nos chambres… poursuivit Joy, que la perspective de prendre Largo en flagrant délit amusait de plus en plus.

- Moi ? Mais je n'ai… commença Simon.
Il ne put finir sa phrase, une douleur fulgurante au tibia le fit bondir de sa chaise, entraînant par la même occasion le verre de sa voisine dans son élan. Celle-ci n'eu pas le temps d'éviter le contenu du verre, qui fit un vol plané pour venir éclabousser de plein fouet le décolleté de sa robe.

- Oh non, c'est pas vrai !!!!! s'exclama Joy en repoussant son siège en arrière pour mieux visualiser l'ampleur des dégâts. Sa magnifique robe bordeaux était maculée de vin.

- Mais enfin Simon, qu'est-ce qui t'a pris ? s'écria Vanessa à son frère, tout honteux.
Celui-ci se précipita vers son amie, une serviette en main, dans l'espoir de se racheter, et commença à frotter la tâche.

- Ehhhh !!! hurla Joy en se dérobant aux mains du Suisse.

- Je voulais juste… essaya-t-il de se justifier.

- Tais-toi ! Tu en as assez fait je crois ! lâcha Joy en se levant. Si vous voulez bien m'excuser quelques minutes, je vais tenter de réparer les dégâts.

- Attends, Joy, je vais t'aider ! lui proposa Vanessa en la rattrapant alors qu'elle prenait le chemin des toilettes.


Une fois hors de portée, le Suisse, qui s'était contenu jusqu'à présent, laissa éclater sa colère.
- Je peux savoir ce qui t'a pris ?!!!!

- De quoi tu parles ?

- Non mais tu te fiches de moi !!!! tonna Simon, excédé par le comportement de son ami.

- Je ne voudrais pas m'immiscer dans votre conversation, mais je vous rappelle que nous sommes en plein restaurant. Alors le moment n'est peut-être pas très bien choisi pour régler vos différents… les interrompit Georgie d'une voix ferme et sans appel.

Les deux amis se rassirent, se soutenant toujours du regard, ne souhaitant ni l'un ni l'autre baisser les yeux le premier.

Pendant ce temps, aux toilettes

Deux jeunes femmes se trouvaient devant le miroir, riant à perdre leur souffle.
- Et tu… tu as vu la tête de Largo… j'ai …cru qu'il allait s'étouffer !!!

- Et ce pauvre Simon ! Je crois que je n'aurai pas pu m'empêcher d'éclater de rire si je ne t'avais pas accompagné !

Des éclats de rire résonnèrent à nouveau dans la pièce, puis s'estompèrent. Alors qu'elles tentaient de reprendre leur souffle, Joy fut prise de remords.

- Tu crois pas qu'on a exagéré ?

- Ne t'inquiète pas, Largo n'a eu que ce qu'il méritait. S'il t'avait tout avoué, il n'en serait pas là.

- Je ne sais pas quoi faire, confia Joy après un moment. Peut-être que je devrais lui dire que je suis au courant…

- Si j'étais toi, j'attendrais un peu…et puis qui sait, ça pourrait bien se terminer par une belle déclaration, suggéra Vanessa avant de sortir.

- Mais…Je n'espère rien de tout ça, murmura-t-elle à son reflet.
Après un dernier regard dans le miroir, elle se dépêcha de rattraper son amie.


Lorsqu'elles rejoignirent enfin la table, Largo et Simon se dévisageaient toujours, sous l'œil amusé de Kerensky.

- Ça va Simon ? s'enquit Vanessa en retrouvant sa place, pour mettre un terme à leur duel silencieux.

- Oui, merci. lança-t-il en jetant un dernier regard au milliardaire, accompagné d'un sourire de défi. Puisqu'il le prenait ainsi…

Le repas se poursuivit donc, Vanessa, Joy et Georgie discutant gaiement tandis que nos deux coqs ponctuaient de temps en temps la conversation.
Ce ne fut qu'à l'arrivée des desserts qu'ils daignèrent enfin se joindre à la discussion.

- Tu ne nous as pas raconter ta vie de femme mariée Vanessa ? demanda Kerensky, en entamant sa glace.

Largo et Simon fixèrent Georgie, visiblement surpris. Quel intérêt pouvait bien trouver le Russe à poser une telle question ? Vanessa par contre, ravie, lui répondit avec un plaisir non dissimulé.

- C'est tout simplement merveilleux ! Mais je dois avouer que c'est en grande partie grâce à Henry. J'ai la chance d'avoir le plus fabuleux des maris !

- Oui, enfin… soupira Joy.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? S'enquit Simon avec curiosité en se dressant sur son siège.

- Eh bien… hésita-t-elle, au départ, tout est merveilleux, mais les jeunes mariés déchantent souvent très vite !

- Tiens tiens… Aurais-tu une quelconque expérience en ce domaine dont tu voudrais nous faire part ? questionna le Russe.

- Je… je trouve juste l'idée de se lier à une personne pour le restant de ses jours quelque peu…

- Mais tu es une femme !!! s'exclama le Suisse.

Tous les regards se tournèrent vers lui, y compris ceux des personnes attablées non loin de là, tant l'évidence avait jailli fort.
- Bah quoi ? se défendit-il. C'est vrai ! Toute femme a envie de se trouver un mari, de fonder une famille. C'est dans la nature…

- Pas toutes, Simon. D'ailleurs, je ne vois pas l'intérêt de passer devant le maire…

- Mais, pour prouver au monde entier ton amour pour une personne !!!

- Mouais… peut-être… concéda Joy, s'enfonçant dans son siège en une moue peu convaincue.

Elle sentit alors le regard de Largo posé sur elle. Le pauvre ne savait plus quoi penser aux vues des réticences de sa garde du corps à s'unir pour le meilleur et pour le pire. A l'entendre, ce serait surtout pour le pire… Il devenait de plus en plus clair maintenant qu'il courait au divorce !

- Tu veux dire que si l'homme que tu aimes te demandait de l'épouser, tu refuserais ?

Joy jeta un coup d'œil au milliardaire. Elle était prise à son propre piège.
Ce fut Vanessa, qui, voyant son amie déstabilisée, lui vint en aide.

- En tout cas, Simon, toi, tu me sembles fin prêt pour t'engager !

- Qu…Quoi ??? bredouilla l'intéressé.

- Encore faudrait-il trouver la femme pouvant supporter une telle énergumène, railla Kerensky.

Cette remarque fut loin de faire rire Simon bouillant de rage, mais eut le don de dérider complètement Largo qui vint porter secours à son ami, la petite querelle n'étant plus d'actualité.
Et c'est dans une ambiance fraternelle et bonne enfant que se prolongea la soirée.

Penthouse, plus tard.

Allongé dans son lit, Largo repensa aux dernières heures écoulées. La soirée avait, à son goût, un peu trop tournée autour du même thème, à savoir le mariage. A croire que tout se liguait contre lui et se faisait un plaisir de lui rappeler dans qu'elle galère il s'était fourré. Il fallait absolument qu'il règle ça au plus vite, avant que Joy ne découvre tout…et le massacre ! Demain, il appellerait un avocat.
Il s'endormit enfin avec l'espoir d'avoir trouvé une solution.

Bunker, le lendemain matin

- Tu aurais pu me le dire que vous vous étiez échangés des promesses d'amour éternel, ne put s'empêcher de lancer Kerensky mine de rien.

Joy venait à peine de s'installer face à son écran, et malgré son indifférence coutumière, le Russe n'avait pas résisté à faire un petit écart de comportement et à agacer sa collègue de si bon matin. Jusqu'ici, il n'avait rien trouvé de mieux pour commencer la journée.

Joy releva la tête et le sonda du regard. Se moquait-il d'elle ou bien avait-il deviné certaines choses ?
Le silence s'éternisait, les questions se bousculaient, et les réponses acceptables manquaient à l'appel.

- Simon ? s'informa-t-elle enfin faute de mieux.

- Mon sens aigu de l'observation tout simplement, la détrompa-t-il.

Les deux agents ne se lâchaient plus du regard. Kerensky affichait un sourire satisfait alors que Joy tentait de calmer la rage qu'elle sentait monter en elle. Ce qui n'échappa pas au Russe, cette fois-ci elle était complètement dépassée par les évènements.


- Bonjour bonjour !! lança joyeusement Simon à la cantonade tout en descendant les quelques marches.

Joy profita de l'intrusion pour abaisser les yeux sur son écran, prête à se replonger dans le travail.

- J'ai interrompu quelque chose peut-être, se renseigna le Suisse en observant de plus près ses deux collègues.

-...

- Je félicitais juste notre championne du professionnalisme, ironisa le Russe.
Décidément la journée s'annonçait extrêmement bien. Simon ne pouvait tomber mieux.

- Kerensky !

- Allons Joy, depuis le temps que vous vous tourniez autour, la nargua-t-il.

Elle eut beau lancé le plus terrifiant des regards, il ne sourcilla même pas, trop habitué à ces démonstrations totalement inoffensives.

- Quoi ?! Attendez là les gars, je suis largué !….Vous êtes au courant ?

- Tu es venu là pour papoter ou travailler ?! s'énerva Joy.

- Mais…Comment c'est possible, fit-il incrédule en s'affalant sur sa chaise. Oh non, c'est Vanessa, hein ? Oh Joy s'il te plait, ne dis rien à Largo sinon il va me tuer !

- C'est moi qui vais te tuer si tu n'arrêtes pas ! le menaça-t-elle.

- Oh, on dirait que Mme Winch ne partage pas notre enthousiasme, intervint Georgi.

C'en fut trop pour Joy qui se leva et sortit sans un regard.

- Je crois que là elle est furax ! constata Simon.

Georgi reporta son attention sur la partie d'échec qu'il avait commencé bien avant l'arrivée de Joy. Mais il était quelque peu déçu. Son adversaire n'était pas à la hauteur et la partie ne tarderait pas à finir.

- Kerensky ?

- Hmm…

- Comment tu as su pour… ? T'as quand même pas osé ? Tu n'as pas… ?

- Et si tu essayais de faire un phrase complète, tu verras c'est pas si compliqué…

- Mais enfin !! Tu as farfouillé dans mon portable !! C'est une atteinte à la vie privée ça ! s'insurgea le Suisse.

- Tu me prends pour qui ? fit-il daignant enfin fixer l'ex voleur. Je suis au-dessus de ces vils procédés contrairement à certains…

- Mais comment…?

- Tu connais la chanson, si je te le dis je serai obligé…

- Ouais c'est bon, se renfrogna Simon.

Penthouse

Largo raccrocha rageusement le téléphone. A peine réveillé, il s'était mis en quête de son sauveur. Mais rien n'y avait fait, son nom, ses dollars, son importance dans le monde financier…rien. L'avocat qu'il avait contacté lui avait bien fait comprendre qu'il ne pouvait rien pour lui sans l'accord de sa " femme ". Ce qui était tout à fait compréhensible, mais il avait oublié ce léger détail remarqua-t-il en grimaçant.

Il avait beau se creuser la tête, il en revenait toujours à la même conclusion : avouer la vérité à Joy. après tout elle était la seule personne à pouvoir le sortir de là.

- Je suis un homme mort, soupira-t-il désespéré.


- Hey Largo, t'as pas vu Joy ? demanda Simon en entrant dans le penthouse, l'interrompant ainsi dans ses sombres pensées.

- Joy ? non…elle n'est pas au bunker ?

- Elle y était, mais elle est sortie précipitamment et depuis…

- Qu'est-ce que vous lui avez fait ? se renseigna Largo soupçonneux.

- Rien, je vois pas ce que tu insinues…

- Simon, Joy n'est pas du genre à disparaître pour une broutille, alors je répète ma question, qu'est-ce que toi et Georgi lui avez fait ?

- Oh, tu nous connais, on l'a juste taquinée un petit peu, rien de méchant, mais visiblement elle n'a pas le même sens de l'humour que nous.

- Ah bravo les gars ! On vous laisse seuls un instant avec elle et vous ne trouvez rien de mieux que de la faire fuir…

- Et toi de lui passer la bague au doigt !
Cette remarque lui valut un mauvais regard de la part de son meilleur ami. Ce n'était peut-être pas la phrase à dire en fin de compte…

- Qu'est-ce que vous êtes susceptibles Joy et toi, déclara Simon passablement irrité en faisant quelques pas, dès que l'on fait une petite allusion à votre mariage vous montez sur vos grands chevaux. Fallait réfléchir avant si vous ne vouliez pas…
Le Suisse s'arrêta net, Largo s'étant placé devant lui, l'empêchait de poursuivre sa déambulation parmi les meubles stylés de l'appartement.

- Qu'est-ce tu as dit ?

- Hmm, quoi ? j'ai dit quelque chose moi ? tenta-t-il de se dérober.

- Simon !

- Oh mais vous êtes pénibles aussi ! Ben oui, Joy connaît la vérité, mais si tu avais eu le courage de lui parler avant on n'en serait pas là !

Largo recula jusqu'au canapé sur lequel il se laissa choir après quelques instants. Devait-il se sentir soulagé ? Joy au courant, il n'avait plus à se creuser la tête pour lui avouer la situation en douceur.

- Allez, c'est pas la fin du monde, essaya de le rassurer Simon en s'asseyant à ses côtés.

- Ah oui, tu trouves ?! Et comment elle l'a su ?!

- Alors là c'est pas ma faute ! s'exclama Simon trop heureux de ne pas être à l'origine de la catastrophe pour une fois. Mais son sourire disparut bien vite devant le visage menaçant du jeune PDG.

- Si ce n'est pas toi, c'est qui alors ? insista Largo accentuant chacun des mots.

- Et bien…il se pourrait bien que ce soit Vanessa qui ait vendu la mèche. Mais tu sais comment sont les femmes ! enchaîna-t-il, on leur confie un petit truc et le lendemain la terre entière est au courant.

- Et comment l'a-t-elle appris ? Si mes souvenirs sont bons, nous n'étions que deux à être au courant : toi et moi. Puisque ce n'est pas moi qui le lui ai dit, j'en déduis que ça ne peut être que toi.

- Ah oui mais il s'agissait d'une question de vie ou de mort si je puis me permettre. Elle menaçait d'effacer mon répertoire téléphonique, et tu sais combien il est précieux à mes yeux…Ok, j'ai fait une bourde, je suis désolé, déclara-t-il sincèrement, mais ça va peut-être te permettre de mettre enfin un terme à cette histoire.

- De toute façon, j'ai plus trop le choix.

Un regard à sa montre lui apprit qu'il n'allait pas tarder à essuyer un nouvel affront de la part de Cardignac et compagnie s'il ne se dépêchait pas.

- Bon, écoute Simon, j'ai une réunion alors si tu veux bien, on en reparlera plus tard.

- Ouais. A plus tard, fit-il avant de sortir.

Largo se leva enfin et se dirigea vers son bureau.
Alors qu'il réunissait précipitamment quelques dossiers, la porte du penthouse s'ouvrit avec vacarme, laissant paraître sa garde du corps, visiblement de mauvaise humeur.

- Salut Joy !

- Largo, il faut qu'on parle, lança Joy d'une seule traite.

- Ça tombe bien, il fallait que je te vois. J'ai une réunion, mais dès que… commença le PDG en prenant le chemin de la sortie. Il fut stopper dans sa course par le bras de la jeune femme.

- Maintenant ! insista-t-elle en le fixant de ses yeux noisettes. La lueur étrange que Largo décela dans son regard lui fit comprendre qu'il ne pourrait retarder plus longtemps la confrontation.

- Tu es au courant… soupira-t-il résigné.

- Oui, acquiesça-t-elle sèchement.

- Joy, je… je suis désolé, je… On pourrait peut-être reparler de tout cela plus tard, j'ai une réunion.

Couloir du groupe W

John Sullivan se dirigeait d'un pas alerte vers le bureau du retardataire. Vingt minutes que les membres du conseil d'administration l'attendaient, et pas de trace du jeune PDG. Il s'interrompit dans sa course à la vue d'une secrétaire.

- Gabriella, savez-vous où se trouve Largo ?

- Oui Mr Sullivan, il est dans son bureau avec Mme Winch.

- J'ignorai que Monique avait rendez-vous.

- Oh non Monsieur. C'est Melle Arden. J'ai eu beau lui dire que Mr Winch ne pouvait pas être dérangé, elle m'a répondu qu'il trouverait bien un peu de temps à consacrer à sa femme.

- A sa femme ? murmura-t-il surpris en reprenant son chemin.

Mais arrivé à la porte, les cris qui lui parvinrent le dissuadèrent de s'immiscer dans la conversation.


- Non mais tu te fous de moi !!!! explosa Joy. D'abord tu omets de me mettre au courant et maintenant, il faudrait que j'attende que Monsieur soit disponible pour en parler !

- J'ai certaines obligations, le conseil m'attend…

- Eh bien qu'il attende ! Ça ne t'as pas gêné de mettre tes " obligations " envers moi de côté depuis notre retour !

- Si j'ai attendu, c'est précisément parce que j'avais peur que tu réagisses de cette façon !

- Ah oui ?!! Et tu voulais que je le prenne comment ? Que je te saute au coup le jour où tu te déciderais à m'avouer la vérité. Quand je pense que tu as eu le culot de frapper Simon hier soir pour satisfaire tous tes mensonges !

- Attends un peu… Tu es au courant depuis combien de temps ?

- Ça n'a aucune importance !

- Oh si ça en a !

- Tu penses bien que Simon n'a pas pu tenir sa langue très longtemps ! D'ailleurs à l'heure qu'il est, toute la tour doit être au courant ! révéla-t-elle au moment même où le Suisse pénétrait dans le Penthouse.

- Oups… Je vous laisse à votre première scène de ménage ! s'exclama Simon en prenant ses jambes à son cou.

- Celui-là… gronda Largo en fixant la porte.

- Il n'y est pour rien. le défendit Joy. Si tu n'avais pas eu la brillante idée de garder cela pour toi !

- Eh attends, c'est facile de me rejeter toutes les responsabilités sur le dos. Mais je te rappelle que pour se marier, il faut être deux !!! Et qui a eu l'heureuse idée de se marier ? demanda-t-il en lui lançant un regard accusateur.

- Quoi ??? Mais pourquoi aurais-je eu une idée pareil ! C'est ridicule !!!

- Ridicule hein ? J'ai pourtant le souvenir d'une Joy à moitié ivre à une table de jeu…

- …

- Et d'un pari que tu m'as lancé…

- Je… tout est encore tellement flou… soupira-t-elle en se laissant tomber sur le sofa, la tête entre les mains. Oh non ! s'écria-t-elle après quelques secondes de silence. Je… je t'ai proposé de…

- De nous marier ! s'exclama un Largo victorieux.

- Non, c'est faux ! s'écria-t-elle en se relevant pour faire face au milliardaire. Je ne t'ai jamais demandé de nous marier !!!

- Oh s'il te plait, c'est pourtant ce qui s'est passé !

- Quoi ?! Je me souviens bien t'avoir défié, mais il n'était en aucun cas question d'engagement longue durée !

- Tu en es sûre ?!!

- Oui. Affirma-t-elle. Pour la simple et unique raison que j'ai perdu mon pari !

- Tu…

- Oui ! Mais bien sûr, c'est toi qui est à l'origine de cette idée absurde !!!!

- Moi ?!

- Ne fait pas semblant d'avoir oublié ce que TU as parié !

- Je… J'avais demandé à passer toutes mes nuits à tes côtés… avoua-t-il enfin alors que la mémoire lui revenait progressivement, devant une Joy rougissante, mais néanmoins satisfaite par ses aveux.

- C'était donc TON idée.

- C'est pas vrai… murmura-t-il, honteux.

Il se laissa tomber lourdement sur le divan.
- Tout ceci est tellement…

- Déroutant ? proposa Joy en s'installant près de lui.

- Oui… avoua-t-il. J'ai contacté un avocat ce matin, les papiers seront près dans l'après-midi.

- Très bien.

- Tu sais, je n'aurais jamais pensé divorcer d'avec toi, reconnut Largo.

Joy le dévisagea, cherchant à comprendre le sens de cette révélation inattendue.
Mais le peu qu'elle put déceler dans le regard de son ami ne la rassura guère.

- C'est peut-être parce que tu ne nous as jamais imaginé avoir ce genre de relation.
Tu es le patron, moi la garde du corps… ajouta-t-elle devant l'œil interrogateur du jeune homme.

- Peut-être… Non ! s'exclama-t-il en quittant sa place. Joy, tu… tu ne t'es pas demandé pourquoi on avait fait cela ?

- On était ivres Largo. C'est le cas de la plupart des mariés à Las Vegas.

- Ecoute Joy, c'est vrai que je n'étais pas dans mon état normal, mais je ne peux m'empêcher de me dire que la femme qui se trouve devant moi est celle que je souhaiterais garder à mes côtés pour le restant de mes jours.

- Largo, non…

- Joy, ce mariage n'était peut-être que le fruit d'une immense gueule de bois, mais mes sentiments pour toi sont réels. Non ne dis rien. la stoppa-t-il, apposant son doigt sur les lèvres sensuelles de la jeune femme. J'ai eu largement le temps d'y penser ces derniers jours, et j'en suis arrivé à la conclusion que je tenais à toi d'une toute autre façon.

- Largo, c'est beaucoup trop tôt…

- Je veux seulement savoir une chose. demanda-t-il en se rapprochant dangereusement de la jeune femme.

Celle-ci ne lui donna pas le temps de finir sa phrase et l'embrassa tendrement.
Ils restèrent enlacés quelques minutes, puis Largo interrompit doucement leur étreinte et mit un genoux à terre. Puis, les yeux rivés sur la jeune femme, il lui prit délicatement la main.

- Joy, me ferais-tu l'honneur d'accepter de devenir mon ex-femme ?
Je t'aime énormément, mais je pense que nous ne sommes ni l'un ni l'autre prêts à franchir le pas pour le moment. J'ai envie de profiter de notre premier dîné en amoureux, de ses petits instants magiques. Je veux faire de notre mariage le plus beau jour de notre vie, te voir arriver à l'autel dans une magnifique robe blanche…

La jeune femme en eut les larmes aux yeux. Jamais on ne lui avait fait une telle déclaration, si tendre, si passionnée, si sincère…ni une telle proposition ! Il avait su trouver les mots, percer sa carapace et la toucher au plus profond d'elle-même. Sans plus attendre, elle s'accroupit afin d'être à la hauteur de Largo et lui caressa tendrement la joue.

- Oui, murmura-t-elle, des sanglots dans la voix.

Les deux futurs ex époux s'embrassèrent à nouveau, savourant ce moment si précieux. Ce divorce, loin de les séparer les rapprochait inexorablement, leur offrant un avenir rempli de promesses.

- J'aurais quand même le droit à une bague ? le taquina-t-elle.

- Tout ce que tu voudra…lui susurra-t-il, la faisant frissonner de désir en parcourant son cou de ses lèvres avant de capturer à nouveau sa bouche…

Bunker

- Tu dois vraiment repartir si tôt ? insista une fois de plus Simon.

- Oui, je te l'ai déjà dit, je n'étais venue ici que pour quelques jours. Et puis, il y a quelqu'un qui m'attend à la maison…et il commence à beaucoup me manquer, avoua Vanessa. Mais je te promets de revenir très bientôt.

- Mouais, acquiesça Simon en prenant sa sœur dans ses bras.
Il ne voulait pas paraître trop sentimental et tenta de cacher sa déception. Mais il était heureux pour elle.

- Bon je vais finir mes valises et après direction l'aéroport. Georgi, je ne pense pas que l'on se reverra d'ici là, alors merci pour tout, j'ai passé un agréable séjour grâce à toi, sourit-elle avant de déposer un baiser sur la joue du russe et de s'éclipser sous le regard ahuri de son frère.

- Tu…Tu profites encore une fois de l'innocence de ma petite sœur et je ne réponds plus de moi !!

- Mais c'est elle qui m'a embrassé, se défendit mollement le Russe.

- Oui…et bien, peu importe ! Je ne tiens pas à ce que ma sœur tourne mal, alors tiens-toi à distance !

Penthouse, dans la soirée.

L'Intel Unit se retrouvait réuni autour d'un verre. Vanessa était repartie, la procédure du divorce en cours…tout était rentré dans l'ordre.


- Je n'aurais jamais cru dire ça, mais elle va me manquer, admit Joy en parlant de Vanessa. Je m'étais habituée à sa présence.

- Et oui, c'est radical, une journée avec les Ovronnaz et vous pouvez plus vous passer de nous !

- Oui, enfin ne te fais pas trop d'illusions, intervint Kerensky.

- Et toi non plus…Vanessa est une femme mariée !

- Et toi en très grand danger… avertit l'ex agent du KGB.

- Bon et si on portait un toast, proposa Largo afin de mettre un terme à leur petite dispute.

- Oui bonne idée, soutint Joy. A quoi ?

- A l'amour ! s'exclama Simon.

- A l'amitié, rectifia Joy, peu encline à s'aventurer sur un terrain glissant. Largo et elle avaient décidé de vivre pleinement leur histoire, mais avant tout la vivre pour eux…les autres l'apprendront bien assez tôt.

- Alors comme ça vous…vous divorcez ? demanda le Suisse.

- Et oui, lui répondit Largo en remplissant à nouveau les verres de vin. Que veux-tu, je ne suis pas prêt pour ce genre d'engagement.

- Dommage…J'avais commencé à me faire à l'idée de travailler avec Mme Winch…soupira le Suisse.
Devant le manque de réaction face à sa remarque, il fixa Joy, mais celle-ci était trop occupée à échanger avec Largo un tendre regard qui en disait long.

- Ah d'accord…Bon les enfants, on va peut-être ranger les bouteilles…juste au cas où !

 

Fin