ET TOMBENT LES MASQUES . Disclaimer : Pas à moi. Auteur : Helen NDLA : Attention, délire qui
risque d'en choquer plus d'un. *** Groupe W - Comment va Joy ? Simon s'adressait à Largo. Les deux hommes étaient assis face à face, autour du bureau du président du Groupe W. La lumière baissait à vue d'il, plongeant la pièce dans une semi-obscurité songeuse. Simon put déchiffrer la peine qui apparut dans les yeux du milliardaire quand il posa cette question. - Bien
Enfin, je crois. Une pointe de mélancolie avait percé dans la voix d'habitude si vive de Largo. L'ancien voleur quitta son siège et vint s'appuyer sur le bord du bureau. Mais le PDG sembla à peine remarquer que son meilleur ami s'était rapproché de lui. Son regard bleu profond était vague et lointain, son front large était plissé par le froncement de ses sourcils. Avec sa coiffure savamment décoiffée, il avait l'air d'un gamin à qui l'on avait refusé une glace. Mais les soucis du jeune homme étaient beaucoup plus profonds et préoccupants. Simon le détailla un court instant, notant les cernes sombres qui s'installaient sous les yeux clairs du milliardaire. Perdu dans ses pensées, Largo l'avait peu à peu oublié. Le Suisse émit alors un toussotement peu discret destiné à capter l'attention de son auditeur. Il posa une question d'une voix calme qui contrastait avec l'autorité du ton. - Largo, qu'est-ce qui ne va pas ? Il savait pertinemment ce qui n'allait pas, mais il fallait que ce dernier soit amené à en parler lui-même, à mettre des noms sur les pensées qui l'agitaient. Le PDG, tiré de ses songes, leva la tête et plongea ses yeux bleu dans ceux si sombres de son ami, qui lui en rappelaient d'autres : ceux noisette de son aimée. Puis, devant les souvenirs qui faisaient surface, ses dernières barrières cédèrent et il jeta dans un souffle. - Tu connais Joy Elle peut aller très mal et n'en rien à
personne. Largo leva encore les yeux. Il n'aimait pas la position dans laquelle il se trouvait. Il se sentait dominé par son ami. Il se leva pour effacer cette désagréable sensation. Il fit face à la vitre qui le séparait encore des lourds nuages qui flottaient dans le ciel. Il ferma les yeux et poursuivit. - J'ai peur de la perdre, Simon. Nous avions mis tant d'espoir dans sa grossesse. Cette fausse couche l'a anéanti. Je la sens qui s'éloigne de moi, jour après jour, mot après mot. Simon posa une main légère sur l'épaule du jeune homme qui lui tournait le dos. Il devinait dans le reflet de la vitre les larmes qui inondaient le visage de celui-ci. Exactement ce qu'il avait cherché. - Largo, depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? Il connaissait la réponse, mais ce n'était pas à lui de la dire. Venant de lui, les mots n'auraient pas le même poids. - Quatre ans, articula difficilement le milliardaire. Simon lui reprochait son inanition depuis le départ de sa femme. Il avait raison, songeait Largo. Mais il avait le sentiment terrible d'avoir perdu des choses extrêmement précieuses. Son cur et son sang. Sa femme et son enfant. Qui pourrait se relever de cette perte ? Voyant que Largo ne semblait pas désireux de poursuivre cette conversation, Simon abandonna. Ca serait pour un autre jour. A quoi bon lutter contre les ailes des moulins à vent ? A rien. Il n'était pas Don Quichotte. Il retourna s'asseoir sur son siège. Il patienta. Patienta encore. Jusqu'au moment où ne supportant plus ce silence, il se décida à s'en aller. En un bond, il fut debout. Il lança à la cantonade : - J'y vais. A sa grande surprise, Largo lui répondit, sans pour autant se retourner : - Kerensky va arriver d'une minute à l'autre. Il nous a demandés
de l'attendre ici. Le Russe, en effet, était entré sans un bruit dans la pièce. Plus silencieux qu'un chat, il avait entrouvert la porte du Penthouse et s'était glissé derrière les deux hommes qui lui tournaient le dos. Simon le détailla un court instant. Le géant venu du froid semblait fébrile. L'adjectif était étrange quand on lui appliquait. La placidité habituelle de l'ancien agent du KGB était toujours là, mais ce n'était qu'une surface. Qu'un masque. Simon sentait ces choses là. Il y a avait dans les yeux de Georgi Kerensky quelque chose qui ressemblait à de l'impatience. " Etrange ", songea le Suisse. Il attendit que le Russe consente à s'expliquer. En effet, celui-ci semblait attendre que les deux autres lui prêtent toute leur attention pour se lancer dans des éclaircissements. Quand il fut sûr que Simon et Largo avaient les yeux fixés sur lui, il commença : - Depuis un mois, je surveille, comme convenu avec Largo, le sénateur
Mac Dowell. Largo avait, en effet, rencontré le sénateur Mac Dowell il y avait un mois de cela, pour affaires. Georgi avait effectué les recherches habituelles et avait remarqué la récurrence de ses appels vers un numéro qui n'était ni celui de sa femme ni celui de sa jeune maîtresse, mais celui d'un membre de la Commission Adriatique qu'ils avaient arrêté il y avait peu. Il avait informé Largo de ce fait étrange. D'un commun accord, ils avaient décidé de pousser les recherches un peu plus loin. - Hey, Largo, tu ne m'avais rien dit !, protesta le Suisse. L'ancien voleur se tut, maudissant silencieusement son patron. Mais Kerensky poursuivait : - Hier, Mac Dowell a reçu un paquet de la Commission qu'il s'est empressé d'amener dans une banque de la 5° Avenue. Paquet qu'il a déposé dans le coffre numéro Y8K96 de cette même banque. Largo et Simon ne bougeaient pas, se demandant où le Russe pouvait bien vouloir en venir. Pourquoi tant de détours ? Cela lui ressemblait si peu. Ignorant les regards interrogateurs, il ajouta : - Ce matin, une panne informatique s'est produite dans le système de protection des coffres. Un sourire, ou du moins ce qui y ressemblait, étira ses lèvres minces. Il ne devait pas être étranger à cet " incident ". - Je me suis fait passé pour l'électricien de maintenance.
Là, quelques individus de ma connaissance ont fait diversion. Pas
de question Simon, s'interrompit-il voyant l'interpellé sur le
point d'ouvrir sa bouche. Nous dirons, pour la petite histoire, que le
coffre s'est ouvert par enchantement. Il sortit de dessous son long trench coat noir, un paquet enveloppé d'un linge qu'il posa sur le bureau. Lentement, avec un sens consommé du théâtre, il déplia les deux pans du tissu. Largo laissa échapper un sifflement, émerveillé. Ce que Kerensky avait dérobé, c'était le fruit d'années de recherches : c'était le livre de la Commission. Simon retint une exclamation. Le Livre, ici ! Voilà qui changeait beaucoup de choses et qui remettaient en question beaucoup d'autres. Il devait savoir, il se résolut à poser une question au Russe redoutable : - Quand comptes-tu l'analyser ? Simon croisa les doigts mentalement. Pourvu que - Demain Le Suisse fronça les sourcils. Pourquoi attendre ? Répondant à la question qu'il n'avait pas posé, Kerensky annonça : - Je dois envoyer ce livre au labo pour relever toutes les empreintes.
Donc, personne n'y touche pour le moment, il restera bien gentiment dans
ce linge. En attendant, je vais le garder avec moi au Bunker. Personne
n'ira le chercher là-bas. A sa manière, digne et sans effusions manifestes, Largo remerciait le Russe. Mais la joie qui brillait dans ses yeux ne laissait pas de place au doute. Grâce à l'initiative de son ami, il allait peut-être espérer mener une vie moins dangereuse pour lui, pour Joy et pour leurs enfants, si elle consentait à revenir. Simon avait assisté à cette scène avec émotion. Ses lèvres se serrèrent. Il se leva. Le milliardaire et l'informaticien le regardèrent surpris. C'est alors qu'il comprit qu'il avait dû avoir un mouvement brusque. Il bredouilla une excuse : - J'ai un rencard. Largo sourit. Cela faisait trois semaines que ses amis ne l'avaient pas vu faire un sourire. Il lança à l'ancien voleur : - Encore une blonde ? Quand la porte fut close, il abandonna son air joyeux et le regard mauvais, ajouta pour lui-même. - Peur-être pas si bien que ça. En fait, je préfère les brunes. New-Jersey
- Mac Dowell n'est plus des nôtres. Sa voix était froide et mécanique. Simon sentit un tressaillement lui parcourir l'échine. Elle l'excitait au plus haut point quand elle agissait ainsi. Il avait toujours eu un faible pour les femmes fatales. Cependant sans rien en montrer, il ajouta : - Il ne fautera plus. Il a été malencontreusement agressé
chez lui par un cambrioleur. Je suis au regret de t'annoncer son décès
prématuré. Plus d'intonations glaciales, mais des inflexions caressantes. Elle avait apprécié qu'il prenne cette initiative, il en serait récompensé, il le savait. - Non, tu me connais. Rapide comme l'éclair et invisible comme
la foudre. Elle se leva et alla fermer un rideau. Puis elle s'approcha d'une autre fenêtre et contempla le jardin bien entretenu. Elle aimait que tout soit propre et agréable à regarder. Son tempérament d'artiste sans doutes. Simon quitta son siège et en s'approchant d'elle, fit remarquer : - J'avais bien dit qu'il fallait se débarrasser de ce vieux truc.
Ce n'est qu'un reliquat de pratiques dépassées qui nous
met tous en danger. Il l'enlaça à la taille, enfouissant son visage dans sa douce chevelure, respirant son parfum. Il aimait ce qu'elle dégageait, une odeur de jasmin et un parfum d'orange mêlés. Il aurait pu s'en repaître pendant des heures. - Mais je compte bien signer ce foutu bout de papier dès que Largo
sera hors d'état de nuire, fit-il avec un rire rauque, sentant
que la proximité de la jeune femme le mettait dans un drôle
d'état. Mais Simon ne répondit que par un grognement étouffé. Lentement, il avait défait un à un les boutons du chemisier de sa compagne, qui pour lui faciliter la tâche s'était légèrement cambrée. De son côté, elle avait rapproché son dos du torse du Suisse, de manière à sentir son désir grandir tout contre elle. En continuant à discuter, comme si de rien n'était, elle avait commencé à onduler légèrement contre lui de manière à l'exciter davantage. Ce qu'elle réussit parfaitement. Simon ne savait plus trop où il en était. Son pantalon devenait légèrement trop étroit pour lui. D'un geste impatient, il arracha le soutien-gorge de cette créature de rêve qu'il désirait âprement et il la retourna brusquement pour qu'elle lui fit face. Il dévora des yeux cette poitrine fièrement dressée aux mamelons érigés. Il l'embrassa dans le cou et pinça délicatement la pointe d'un sein. Sans un mot, elle passa la main dans la chevelure emmêlée du Suisse. Il embrassa son cou et lui glissa à l'oreille : - Et que crois-tu que feras ton époux quand il apprendra que tu appartiens à une organisation qui essaye de le détruire depuis des années ? La jeune femme se saisit de son visage et le dévisagea. Elle plongea ses yeux noisette dans les yeux noirs de son amant et sauvagement, elle répondit : - Il mourra. Qu'il l'apprenne ou non, il mourra, de toute façon. Et dans un mouvement passionné et empreint de sauvagerie, Joy attira à elle le Suisse et glissa sa langue entre ses lèvres. Le jeune homme ne fut pas long à répondre à cette étreinte. Sa langue vint jouer avec celle de la jeune femme. Pendant ce temps, elle fit glisser la chemise de son amant sur le sol. Elle alla rejoindre les vêtements déjà épars au sol. Elle caressa les muscles saillants de son dos et titilla un de ses tétons. Simon retint un gémissement rauque. Ses caresses expertes le rendait fou. Oui, il était fou de cette femme. A chaque fois qu'il la touchait, il avait l'impression de manipuler de la dynamite. Elle était belle, elle était sexy, et surtout, elle était explosive. Lentement, ses mains glissèrent le long de son ventre et commencèrent à le masturber à travers le cuir de son pantalon. Pendant ce temps, l'ancien voleur triomphait avec plaisir des boutons qui retenait sa jupe. Celle-ci tomba par terre dans un froufroutement discret, dévoilant un string noir et une paire de bas de la même couleur. Le voyant surpris de ce que dissimulait sa chaste tenue, Joy souffla : - Je t'attendais. Puis violemment, elle le fit basculer sur le bureau qui se trouvait derrière eux. Déséquilibré, il se laissa faire. Sa tête heurta quelque peu le bois inconfortable du bureau, mais il n'en avait cure. Ses pensées étaient occupées par tout autre chose pour l'heure. Joy l'enjamba et agenouillée sur lui, entreprit de lui ôter les derniers remparts contre lesquels luttait sa virilité réveillée. Quand elle eût achevé, son sexe se dressait dans toute la force du désir qu'il avait pour elle. La jeune femme se lécha les lèvres en le fixant droit dans les yeux. Lentement, elle se courba et Simon sentit sur sa hampe la langue humide de sa maîtresse. Il ferma les yeux et se concentra sur cette chaude caresse qui le menait au nirvana. Il aurait voulu que cela ne s'arrête jamais, mais, ce qu'il aimait le plus, c'était quand elle l'implorait de cesser de la torturer inutilement et de la prendre immédiatement. Dans ces moments-là, elle devenait si délicieusement femme. Alors dans un mouvement rapide, il l'attira à lui et la plaça sous lui. Il alla goûter la douceur de ses cuisses, butinant avec application chaque parcelle de peau. Puis, attiré par l'odeur son antre, il se dirigea vers l'intérieur de son désir. Instinctivement, Joy écarta encore plus les jambes. Elle commença à gémir. Simon s'activa encore plus sur la fleur délicate qu'il embrassait et suçait avec application. Soudainement, il sentit un spasme la soulever et un long cri rauque s'échappa des lèvres de la jeune femme. Il vint l'embrasser. Leurs deux corps trempés étaient encore tremblants. - Alors ? Pas besoin de préciser ce qu'il attendait, elle le savait très bien. Depuis qu'elle était devenue la maîtresse officielle de Winch et ensuite, son épouse, cette question revenait souvent dans leurs ébats. Joy se dressa sur un coude et l'embrassant encore une fois, mêlant leurs deux salives, répondit : - Tu le sais bien. Cette réponse parut satisfaire le Suisse. Sans attendre davantage, il se plaça entre ses jambes et appuyant son sexe contre celui de sa partenaire, il la pénétra d'un large mouvement des hanches. Il crut qu'il allait défaillir quand il sentit la moiteur accueillante du lieu dans lequel il se trouvait. Il commença un long va-et-vient. Leurs respirations haletantes se firent plus fortes et de longs soupirs s'échappèrent de leurs bouches. Leurs corps s'unissaient dans une même fureur, dans un même combat. Bientôt, les soupirs firent places aux cris et le plaisir les submergea tous les deux.
Largo était descendu regarder le Russe travailler. Cela faisait maintenant plus d'une demi-heure que le jeune milliardaire le fixait sans rien dire. Brutalement, Kerensky releva la tête, excédé de sentir, posé sur lui, le regard scrutateur de son patron capitaliste. Il repoussa légèrement sa chaise et ôta ses lunettes en forme de demi-lunes. - Qu'est-ce qu'il y a, Largo ? Pris en faute, le milliardaire baissa les yeux. Il ne savait que dire. Ses sentiments étaient confus. Il tenta, tant bien que mal, de s'expliquer. - C'est juste que Il s'interrompit, ayant du mal à trouver les mots justes, trouvant que, dans ses paroles, quelque chose sonnait faux. Il déglutit péniblement. Kerensky comprit ce qu'il n'osait dire et l'encouragea à se livrer. - Vas-y, Largo. Le grand méchant loup communiste ne va pas te manger. Le jeune homme étouffa un soupir. Mal à l'aise, il était mal à l'aise. Il aurait aimé parler de ce qui le tracassait avec le Russe, mais il n'y arrivait pas. Comme avec Simon, il n'arrivait pas à extérioriser ses sentiments. Voyant cela, l'ancien agent du KGB prit le parti de la rassurer. - Largo, ça sera bientôt fini. Ils paieront pour leurs crimes. Ils paieront pour ton père et pour ton enfant. Ils paieront pour tout ce qu'ils ont fait subir au monde. Le Russe regardait l'espoir se peindre sur le visage de jeune capitaliste, pour lequel il s'était pris d'affection. Il voyait à quel point il souffrait intérieurement et il savait d'expérience que les blessures morales étaient les plus graves et les plus longues à guérir. Kerensky, après ces sages paroles, recommença à pianoter sur son écran d'ordinateur. Le silence qui régnait dans le bunker n'était pas pesant. Il s'agissait d'une paix amicale, d'un climat de confiance partagée. Fut-ce cela qui poussa Largo à s'épancher, à mettre des mots sur ce qui le rongeait depuis des jours et des nuits ? Peut-être. Peut-être pas. Toutefois, il parla. Les mots, trop longtemps retenus, se bousculaient désormais. Son discours se déroula, incohérent et spontané, devant un auditeur attentif et discret. - Je n'aurais jamais dû la laisser seule... Elle était trop fragile, trop vulnérable. C'est ce qui me manque le plus, je crois. La femme sous la carapace. Elle était sortie pour aller se promener ; A Central Park. Il faisait beau ce jour-là. Elle m'a embrassé. Ses lèvres étaient douces. Elle portait notre enfant. Elle était merveilleuse. Notre enfant, c'était la promesse d'une vie meilleure On lui a tiré dessus. Elle n'a pas été touchée, elle a répliqué, mais elle a perdu notre enfant... Je crois qu'elle m'en veut. Elle a raison de m'en vouloir. J'aurais peut-être dû quitter le Groupe. Je l'aime, elle le sait. Mais elle est partie quand même. Si tu savais comme j'ai mal. C'est une douleur insidieuse. Elle est là et chaque recoin de cette Tour me la rappelle. Joy est partie en Angleterre et elle a emmené mon cur avec elle. La Commission nous a brisés. Elle nous a pris notre avenir. Il inspira profondément, s'interrompant quelques secondes et reprenant le fil de sa pensée, il continua. Le Russe n'était plus qu'une ombre pour lui. Il avait même oublié sa présence. - Quand la Commission tombera, il n'y aura plus de danger réel et omniprésent. Ils paieront et ce sera tant mieux. Mais, j'ai peur que, même si tout cela est fini, elle ne revienne pas. Je l'appelle souvent, mais on ne parle pas vraiment. La Commission Adriatique pourra cesser d'exister, elle m'aura quand même détruit. Elle m'aura pris la femme que j'aime. Des larmes brillaient sur ses joues. Son souffle était rauque. Sa voix se brisait lentement. - Parfois, le soir, je crois qu'elle est là, mais, au fond de moi, je sais que ce n'est pas vrai. Pourtant, je voudrais croire qu'elle va encore me sourire. Mais ce n'est que le rêve du vieux fou que je suis. Il cessa, un ressort s'était brisé, il ne pouvait plus parler. Sa poitrine était secouée de gros sanglots muets. Lentement, Kerensky s'approcha de lui et posa une main ferme sur son épaule. Il se sentait vieux et inutile devant cette force brisée. Il se contenta de murmurer : - Laisse du temps au temps, Largo. Si elle t'aime, elle reviendra. Manhattan Joy gara la luxueuse Ferrari de Simon dans une rue attenante au Groupe W. Elle descendit la première, faisant résonner ses hauts talons sur l'asphalte assombri. Elle jeta un coup d'il à l'environnement fantomatique. Rien ni personne. Elle sentait encore dans ses mains les vibrations de la route sous les pneus de la voiture. Ce modèle était une vraie merveille que, bientôt, elle aurait les moyens de s'offrir par elle-même. Elle fit le tour du véhicule et cogna doucement à la vitre côté passager. Simon l'observait à travers la glace teintée. La jeune femme était terriblement séduisante. Sûre de ses atouts, elle dégageait une aura sensuelle et conquérante qui le charmait et l'ensorcelait. En fait, la seule chose qui le dérangeait était la couleur claire de sa chevelure. En effet, pour répondre aux besoins du plan qu'ils s'étaient fixés, elle devait pénétrait incognito dans cette Tour, en se faisant passer pour une conquête du Président de la Sécurité. Cette couleur affadissait son visage, bien qu'il ne soit pas très objectif. Il aimait Joy pour son côté sombre et mystérieux. En un sens, elle lui rappelait sa sur chérie, morte en Italie. A cette époque, il n'était qu'un gamin, coureur et voleur. Il répondait encore à son nom de baptême. Parfois, il oubliait comment sa mère l'appelait. Sa mère Une femme grande et brune, aimante et possessive. Une mama italienne comme il n'en existe plus que dans les livres. Sa sur et lui aimaient partir à l'aventure dans les rues bondées de Milan. Ils s'amusaient bien, tous les deux. Sa petite sur A cette évocation, sa gorge se serra. Il ne se trouvait plus dans une voiture à New York, mais il dévalait désormais une route milanaise, sa sur sur les talons. Il avait vingt ans, elle en avait quinze. Ils avaient une paire de policiers aux trousses. Ils couraient, mais ils trouvaient le temps de rire ensemble. Devant eux, un croisement. Ils s'étaient séparés pour semer leurs poursuivants. Mais le soir, Carlotta n'était pas rentrée. Ni le soir d'après. Un jour, un corps fut trouvé dans une rue. Le corps était inidentifiable, mais lui reconnut les vêtements de sa sur dans les haillons du cadavre. Ce meurtre était signé. Il n'existait qu'une seule bande milanaise pour torturer à mort des jeunes innocentes qu'elle livrait à de vieux pervers lubriques. Ce jour-là, sur les restes de sa sur, il jura qu'il les tuerait. Et il tint promesse. Ce fut une averse sanglante. En une nuit, il les décima à l'aide de jeunes qu'il avait recruté sur la promesse d'un argent qu'il ne possédait pas. L'un d'entre eux, pris par la police, le livra. Fin de l'histoire. Du moins, il le croyait. En prison, il rendit service à un type puissant en le débarrassant d'une ou deux personnes indésirables. Ce bonhomme le fit sortir de ce trou à rats que sont les prisons italiennes. Il devint son homme de main. Bien payé, logé, nourri, il n'avait pas à se plaindre. Mais, son patron avait le bras encore plus long que ce qu'il croyait. Il lui proposa d'entrer dans son organisation secrète : la Commission Adriatique. Simon se rappelait très bien avoir ri à cette proposition, mais le visage fermé de son boss lui avait très vite fait comprendre qu'il ne s'agissait en rien d'une plaisanterie. Il était adroit, vif et sans remords, il serait donc utile à leur Confrérie. S'il devenait l'un des leurs, il ne le regretterait pas. Mais il devrait d'abord faire ses preuves. Voilà comment Luigi Montani avait disparu. Placé dans une cellule aux côtés d'un certain Largo Winzclav qui ignorait tout de son avenir brillant, il était devenu Simon Ovronnaz. On lui avait fourni un nouveau passé, un nouveau futur. Il avait obéi et avait tenu informé les membres de la Confrérie des faits et gestes de Largo Winch pendant huit ans. Désormais, il était temps pour lui d'agir et d'intégrer, pour de bon, la Commission Adriatique. Joy s'impatienta, elle cogna une deuxième fois sur la vitre de la Ferrari. Elle tira Simon de sa rêverie et celui-ci s'empressa de sortir du véhicule. Elle le dévisagea et lui tendit une oreillette. - On fait comme prévu. Pas de surprises, Simon. Et pas d'initiatives qui pourraient tourner mal. Il aimait quand elle lui parlait ainsi, elle était tellement bandante quand elle prenait son ton autoritaire. Il n'avait pas su immédiatement que tous deux travaillaient pour la même organisation. En fait, les Dirigeants n'avaient pris la peine de les avertir que quand ils avaient décidé de passer à la vitesse supérieure. Quand la Confrérie avait décrété qu'il était temps que le jeune PDG disparaisse. Il prit l'oreillette et le micro qu'elle lui tendait et les installa sur lui. Puis, dans un geste large et enveloppant, il la prit dans ses bras et lui chuchota à l'oreille : - Je t'aime. Il fut déçu de sa réponse, mais ne le montra pas, elle n'aimait pas les hommes faibles. Il attendrait. Tous deux s'éloignèrent de la voiture, les doigts entrelacés. Un bras passé autour de la taille de la belle, sa tête sur son épaule, ils donnaient l'image parfaite d'un couple heureux. Pénétrant dans l'enceinte du Groupe W, Simon resserra son étreinte autour de la jeune femme. Passant devant le vigile, il poussa l'audace jusqu'à faire un signe amical à celui-ci. Il sentit que la jeune femme lui pinçait les côtes sans ménagement. Il étouffa un grimace et continua son chemin sans rien laisser paraître. L'homme de garde cette nuit-là ne put s'empêcher de sourire en voyant le couple enlacé passer devant lui. Encore une. Le président de la sécurité ne s'embêtait vraiment pas. Celle-ci était aussi bien fichue que les autres. Mais bon, il ne devait pas espérer pouvoir séduire de telles créatures. Et jetant un regard attristé au couloir dans lequel avaient disparu les deux tourtereaux, il reprit le magazine de charmes qu'il avait abandonné quand il avait entendu des pas dans les mornes couloirs. Simon et Joy se séparèrent, une fois arrivés devant les ascenseurs. Le " Suisse " lui fit remarquer qu'elle lui avait fait vraiment mal. Devant cette récrimination, la jeune femme haussa les épaules. Elle récapitula. - Le Livre est au Bunker ? Elle s'engouffra alors dans la cabine d'ascenseur qui venait de s'ouvrir devant elle. Elle appuya sur le bouton de l'étage du Penthouse. Les portes se refermèrent silencieusement sur son visage concentré. Simon contempla pendant une seconde les portes métallisées de la cabine. Il secoua la tête, chassant les pensées qui l'avaient assailli. Il devait y aller. Il n'avait pas le choix. Il vérifia le chargeur de son arme et descendit à l'assaut du Bunker.
Kerensky était assis près de son ordinateur, une tasse de café fumant à la main. Il sentait l'énervement le gagner peu à peu. Il comptait veiller sur le Livre cette nuit et voulait en profiter pour achever quelques recherches sur la mort de Mac Dowell. Celui-ci avait apparemment été éliminé par ses pairs quand il avait perdu le Livre. Mais il ne pouvait se concentrer sur sa tâche à cause de Simon. Simon Il était très étrange déjà de le voir revenir d'un rendez-vous galant alors que le soleil venait à peine de se coucher. De plus, comble du comble, il ne cessait de lui jeter de petits regards furtifs qu'il croyait passer inaperçu. Mais qu'est-ce qu'il avait à la fin ? Le Russe reposa d'un geste brusque sa tasse, projetant un peu de l'infâme breuvage sur le bureau. Il regarda d'un air sévère Simon. - Quoi ? " Merde ! Repéré. Une excuse, vite une excuse Joy, tu te réserves le boulot facile... " - Euuhh
Je me demandais
Si tu accepterais, je sais pas moi
De venir avec moi. Je dois rencontrer une charmante Slave et il y aura
sa copine
Alors, je me suis dit
Le ton était sans appel. Il fallait reconnaître que l'excuse était vraiment bidon. Simon inspira un grand coup. Se concentrer. Où pouvait être ce Livre ? Pas de coffre dans le Bunker. Sous le bureau ? Dans les circuits ? Où ? Il fallait ruser. - Okay, lança-t-il au Russe. Je vais y aller seul. Mais tu n'aurais
pas mieux fait de le laisser dans le coffre du Penthouse ? Kerensky soupira. Il n'avait pas envie de se battre ce soir et il sentait que le Suisse était près à s'accrocher. Il tapa sur le sol à côté de sa chaise et dit : - Sous une dalle, là dessous. Simon sourit, il l'avait, la Commission serait contente. Il fit un geste de la main au Russe et fit mine de s'en aller. En s'approchant de la porte, il tira de sa poche une capsule de gaz soporifique. Pas de sang, avait dit Joy. Alors, l'ancien agent russe allait faire un joli petit somme. Au moment de refermer la porte derrière lui, il jeta à son ancien compagnon : - La Commission te souhaite de beaux rêves, Kerensky. Et il lâcha la capsule. Il referma la porte et attendit quelques secondes. Le gaz était à effet immédiat. A peine une respiration et l'on s'endormait. Son effet était cependant limité dans le temps. Il attendit quelques minutes pour pénétrer dans la pièce. Il s'agissait de ne pas s'endormir soi-même.
Largo regardait la ville s'étendre à ses pieds. Doucement, la porte s'ouvrit dans son dos. Délicatement poussé par une créature de rêve. Joy avait ôté sa perruque blonde. Elle se glissa dans l'entrebâillement de la pièce et fit quelques pas. Son époux lui tournait le dos. Que dire ? Que faire ? Elle n'hésita pas longtemps. Largo, qui lui tournait le dos, avait bien entendu la porte s'ouvrir et la prit pour quelqu'un d'autre. Il lui demanda : - Un problème, Georgi ? Largo se retourna. Il était pâle, comme s'il avait aperçut
un fantôme. Un fantôme en chair et en os. Un être qu'il
croyait avoir perdu pour toujours. Joy
Debout, au milieu de la pièce, Joy sentait les soubresauts agiter l'homme à qui elle était marié. Elle lui avait donc tant manqué que ça. Elle sentait bien qu'elle devrait ménager ses effets pour qu'il la croit. Son histoire était, en effet, un peu incroyable. Mais, bon, il l'aimait, il la croirait. Mais, elle devait d'abord le laisser s'épancher. Enfin, pas trop, le temps manquait. Largo se calma peu à peu, mais garda la même position. Les yeux fermés, il s'imprégnait de son parfum. Joy décida que le moment était venu. - Largo Je t'ai menti. Il ne bougeait pas. Ses yeux étaient toujours clos. - Quand je suis partie, je ne suis pas allée en Angleterre Cette fois, il ouvrit les yeux. Que voulait-elle dire ? Où était-elle si elle n'était pas en Angleterre ? - Largo Je fais partie de la Commission. Largo s'attendait à tout, sauf à ça. Il la lâcha et se releva. Il lui fit face et chercha ses yeux. - Quoi ? Ce fut tout ce qu'il réussit à articuler. Toute l'incompréhension du monde venait de passer dans son regard. - Largo Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Un bruit sourd dans son oreillette, un cri, celui de Simon. Puis le silence. " Simon, tu t'es fait avoir " Elle soupira. - Largo C'était pour toi, pour nous, pour nos enfants. Je vais avoir besoin de toi. Ecoute-moi, je n'ai pas beaucoup de temps. S'il s'en rend compte, je vais avoir des ennuis. Elle devait faire vite et il devait faire vite. Elle jeta un coup d'il à sa montre. Elle donnait trois minutes à Kerensky pour débarquer. - Largo, je ne t'ai pas trahi Mais quelqu'un d'autre l'a fait Il y a une taupe au Groupe W.
Simon ouvrit la porte du Bunker avec précautions. Ce qu'il y vit, à travers les dernières vapeurs du gaz qui s'élevaient dans la pièce, ce fut le corps de Kerensky étendu par terre. Il s'approcha précautionneusement du géant russe, tombé sur le ventre, ses longs cheveux blonds faisant une ombre dorée à ses yeux bleu. Rien ne bougeait dans la pièce. Seul le pouls de l'agent de la Commission battait ses tempes dans un bruit du tonnerre. Il murmura dans son micro, à l'attention de Joy. " Net et sans bavures. Notre cher Russe fait de beaux rêves informatisés ". Il scruta le sol à la recherche d'une fente qui lui indiquerait où se dissimulait la fameuse trappe. Il repoussa la chaise où se tenait Kerensky quelques instants auparavant. Serait-ce là ? Peut-être ... Une jointure du sol était plus claire que les autres à cet endroit. Il s'accroupit et gratta la surface du bout de l'index. Il ne vit pas que Kerensky avait ouvert les yeux et l'observait. Si le Russe n'était plus désormais un agent de terrain, il n'en avait pas moins gardé ses réflexes et ses capacités respiratoires hors-normes. Quand il avait vu la capsule briller dans les mains de Simon, il avait aussitôt compris de quoi il s'agissait car il en avait lui-même utilisé pour neutraliser l'ennemi. Il décida donc de donner le change. Retenant sa respiration pendant cinq minutes, il fit mine de s'être évanoui et tomba à terre. Pendant que le Suisse cherchait la cachette que, dans sa grande naïveté, il lui avait indiqué, Kerensky avait rapidement tiré ses conclusions. Simon, un agent de la Commission Vivent les capitalistes ! Le meilleur ami de Largo était un traîtres. On ne pouvait vraiment se fier à personne. Kerensky sentait le fiel de la trahison envahir son cur. Lui aussi se sentait floué par Simon. Il le considérait comme un ami, même s'il ne le lui avait jamais dit, ni même montré. Pendant ce temps, Simon avait trouvé ce qu'il voulait. " Bingo ", se dit-il quand il sentit la dalle du plancher venir à lui. Au fond d'un trou profond, gisait le Livre. Mais, avant qu'il n'ait eu le temps de s'en emparer, il sentit une main s'abattre sur son cou et l'étouffer légèrement. Il poussa un léger cri et s'effondra inconscient sur le sol froid du Bunker. Kerensky massa sa nuque endolorie par l'attente. Pas une minute à perdre. Largo était sans doute en danger. Si Simon appartenait à la Commission, il y avait peu de chance qu'il eut agi seul. Il se baissa et attrapa le Livre. Il se précipita ensuite sur son ordinateur et visionna les cassettes de vidéosurveillance. Simon était entré avec une jeune femme blonde. Quelque chose dans la silhouette de la jeune femme le frappa. Quelque chose de familier. Il activa la bande de la caméra pivotante qu'il avait fait installer quelques jours auparavant. Il trépignait presque d'impatience, en attendant que les images fussent chargées dans l'ordinateur. Tout flegme l'avait abandonné. Quand l'image apparut à l'écran, Kerensky dut bel et bien se rendre à l'évidence. C'était bien Joy qui accompagnait Simon. Mais dans quel but ? Appartenait-elle à la Commission Adriatique ou voulait-elle la détruire de l'intérieur ? Qui, quand, comment ? Trop de questions sans réponses. Le regard du Russe se posa sur le manuscrit ancien. Il n'y avait qu'un seul moyen de savoir.
- Largo, il y a une taupe au Groupe W
Elle s'était rapprochée de lui et le suppliait du regard. Il ne parlait toujours pas. Désorienté, il ne savait plus où il en était. - Largo Demain, je vais signer le Livre de la Commission. Mais, pour cela, il faut que je leur prouve que tu m'as désigné comme légataire universelle. Il me faut un testament antidaté, Largo Il reculait, n'en croyant pas ses oreilles. - Joy, Kerensky a récupéré le Livre hier. Tu me
mens depuis le premier jour
Elle réfléchit quelques secondes et lâcha, résignée. - Largo La taupe, c'est Kerensky Bunker Kerensky avait devant lui, le livre de la Commission, ouvert à une page. Ainsi, c'était vrai. En lettres de sang, sur le vélin ancien, s'était cette promesse destructrice : Joy Arden.
Largo la fixait, désemparé. Qui croire ? Elle, la femme qu'il aimait, ou lui, son ami. Il aurait tout donné pour être ailleurs, pour ne pas sentir le doute le déchirer, le partager. Joy s'approcha de lui et se blottit dans ses bras. " Largo, je t'en prie ". Le jeune homme se sentit défaillir sous le souffle parfumé de la belle qui lui caressait la peau. Il prononça alors ces mots : - Oui, Joy. Je te crois Ascenseur Kerensky s'impatientait dans cet ascenseur, décidément trop lent . A ce rythme-là, il n'arriverait pas à temps. Quarantième étage Vite.
" Je, soussigné, Largo, à ce jour en possession de mes pleines facultés, déclare désigner mon épouse, Joy Mary Arden, comme ma seule légataire universelle Fait à New York, le . " - Parfait. Mets le dans l'enveloppe avec les certificats médicaux
qui prouvent ta santé mentale et signe derrière. I l'embrassa langoureusement. Il se donna tout entier à ce baiser passionné qu'il avait désespéré de pouvoir lui donner à nouveau. Un bruit dans le couloir alerta l'oreille avisée de la jeune femme. Un bruit de portes qui s'ouvraient. Les portes de l'ascenseur. Elle posa un doigt sur les lèvres de Largo et murmura : - Kerensky arrive. Il ne faut pas qu'il sache que je suis là. Occupe-le pour que je le maîtrise. Il hocha la tête, noyé dans ses yeux sombres. Elle se réfugia dans la chambre pour se cacher. Au même moment, Kerensky entrait dans la pièce. - Largo, tu n'as pas vu Joy ?, demanda-t-il soucieux. Il se retenait pour ne pas frapper cet homme qu'il considérait comme son ami pendant toutes ses années. Cet homme qui l'avait écouté. Cet homme en qui il avait confiance. " Trahison ", ces mots résonnaient dans sa tête. " Ils vont payer ", avait dit cet homme quelques heures auparavant. Ca, oui. Il allait payer. - Largo, il faut que je te dise quelque chose, fit Kerensky Il serra les mâchoires. - Tu vas avoir du mal à me croire. Mais, tu devras me faire confiance. C'est important. Les deux hommes étaient face à face. Duel de géants. Kerensky vit une lueur étrange dans les yeux de son patron. " Assassin, traître ", songeait ce dernier. " Mon enfant et mon père sont morts par ta faute ". " Assassin ". Sa main se crispa sur un lourd presse-papier en or posé sur son bureau. - Joy fait partie de la Commission depuis toujours C'en fut trop pour Largo qui se jeta sur Kerensky. L'ancien agent trop
occupé à surveiller la pièce ne vit pas venir le
coup. - Largo, pourquoi as-tu fais cela ? A ces mots, le milliardaire se mit à trembler. - Je vais te chercher un verre, fit la jeune femme. Elle se dirigea vers le bar et en sortit une bouteille de scotch. Elle avait enfilé une paire de gants chirurgicaux. Tout se passait selon ses attentes. Les hommes étaient tellement prévisibles et manipulables. Elle remplit un verre et jeta un coup d'il à son époux. Extrêmement choqué par la violence de son acte, il n'avait pas conscience de ce qui l'entourait. Il ne la vit pas verser une poudre blanche dans son verre. Elle remua rapidement et soigneusement le tout. Puis elle s'approcha de lui, ramenant le verre et la bouteille, de ce pas si sensuel qui charmait tant Simon. La jeune femme lui tendit le verre. Il s'en empara, marquant celui-ci d'une empreinte sanglante. Il avala le contenu d'un coup. Elle ne put s'empêcher de sourire. - Pourquoi as-tu fait cela, Largo ? Kerensky était ton ami. Il ne t'avait rien fait. Largo la regarda sans comprendre. - C'est à cause de lui que notre enfant est mort. Joy eut un rire diabolique. - Quel enfant ? Je n'ai jamais été enceinte. Le jeune milliardaire eut un sursaut affreux, le voile venait de se déchirer et de révéler la vraie nature de son épouse. Il eut envie de se lever et de détruire ce visage angélique aux yeux de démon. Mais il ne put. Il voulut parler, l'insulter. Mais il ne put. Il regarda alors le verre qu'il venait de vider. - Largo Qu'est-ce qu'il t'a pris ? Tuer sauvagement Kerensky et puis, te suicider. Elle appuya les doigts inertes du jeune homme sur un flacon encore à moitié rempli de poudre blanche qu'elle laissa choir sur la moquette gorgée de sang. Puis elle fit la même chose avec la bouteille de scotch. Elle se leva ensuite et tapa quelques mots sur le clavier de l'ordinateur de Largo : " Désolé pour tout ça. Je ne voulais pas. Joy, je t'aime. Dieu, pardonne-moi. Largo ". Elle glissa sous une pile de dossiers l'enveloppe contenant les dernières volontés de son époux. Elle s'agenouilla près de lui. - Tu sais, Largo. Je ne t'ai jamais aimé. Tu es trop faible. Les femmes te font faire ce qu'elles veulent. La preuve. Et puis, Simon est un bien meilleur amant. Oh, je ne te l'ai pas dit ! Simon fait lui aussi partie de la Commission. Meurs en paix, Largo. Nous nous occuperons bien de ton Groupe. Ses dernières paroles se répétèrent dans l'inconscient de Largo alors qu'elle changeait de gants pour ouvrir la porte. Son ami, sa femme. Les êtres qu'il avait le plus aimé l'avaient trahi. Doublement trahi. Il n'arrivait plus à respirer. Il aurait voulu appeler à l'aide, mais il ne pouvait pas. Une dernière respiration douloureuse. Il étouffait. Un spasme le raidit et ce fut fini. Il mourut seul, son épouse meurtrière avait déjà quitté les lieux.
Joy descendit au Bunker. Kerensky devait vraiment être pressé pour ne pas verrouiller la porte. Elle jeta un coup d'il à l'intérieur. Simon était étendu sur le sol, ficelé à l'aide de câbles électriques. Elle trouva dans le Bunker une pince coupante et entreprit de trancher les liens improvisés de son complice. Elle le frappa ensuite avec violence pour lui faire reprendre connaissance. Puis, elle s'installa à la place de Kerensky. Là, elle supprima tout le dossier ayant peu ou prou lien avec la commission. Cela effectué, elle s'empressa de modifier ce que les caméras de vidéosurveillance de l'ascenseur avait filmé. Elle les remplaça par les images d'une autre nuit. On voyait désormais Simon accompagné d'une belle blonde monté jusqu'à son appartement. Il n'y avait pas de caméras dans le Penthouse, mais dans les couloirs, si. Elle remplaça donc les images de son arrivée par l'image d'un couloir vide. Simon, piteux, ne fit aucun commentaire. Ils sortirent en passant par le parking souterrain et en évitant les caméras. Il se tut jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à côté de la Ferrari. - On a réussi. Ce fut sa première phrase. Mais son enthousiasme ne dura guère. - Tu as failli tout faire échouer, fut la seule réponse
de Joy. Tu crois que les Dirigeants apprécieront ? Elle lui tendit à nouveau ses lèvres et ils s'embrassèrent avec passion. Le sexe et la violence de la soirée avaient passablement excité le Suisse qui, sous les assauts répétés de la langue de la jeune femme se sentit à nouveau durcir. Mais son excitation retomba vite. Une douleur fulgurante s'empara de lui. Il ne comprit pas ce qui lui arrivait. Un objet froid et coupant lui fouillait les côtes. Il s'effondra à terre, son sang s'échappant à gros bouillons. Joy se pencha et essuya son couteau souillé sur la chemise de son ancien amant. Elle s'empara de son portefeuille pour faire croire à un vol. Si quelqu'un passait dans la nuit côté de lui, il le prendrait pour un clochard et passerait sa route. Demain, Simon Ovronnaz serait mort. - C'est la prix à payer quand on échoue, Simon, lui jeta-t-elle avant de s'éloigner.
Une hôtesse de l'air se pencha sur une jeune femme endormie. - Mademoiselle Jefferson. Nous arrivons dans une demi-heure. La jeune femme se redressa et remercia l'hôtesse d'un mouvement de la tête et d'un sourire. Un sentiment euphorique s'empara de Joy, alors qu'elle s'étirait. Elle avait réussi, les Dirigeants de la Commission ne s'étaient pas trompés en la jugeant digne de faire partie de leur organisation. Elle y était entrée bien avant de quitter la CIA. Quand elle était devenue un agent secret américain, elle s'était très vite rendue compte que ce n'était pas de cette manière qu'elle assouvirait sa soif de pouvoir. Le pouvoir était essentiel, mais il fallait qu'il soit visible et la CIA était une organisation de l'ombre. Lors d'une mission d'infiltration, elle avait entendue parlé de la Confrérie pour la première fois et avait été séduite par sa puissance. Elle n'avait pas été longue à faire valoir ses atouts dans leur quête de puissance. Grâce à elle, ils allaient pouvoir accéder aux plus secrets des secrets que même le Président ne connaissait pas. Mais un jour, l'ordre était tombé. Ils avaient besoin d'elle au Groupe W. Elle avait alors quitté la CIA, Donovan n'était qu'un prétexte. On l'avait chargé d'observer et, une fois le moment venu, de séduire le nouvel héritier. Elle s'était acquittée de sa tâche avec brio. Aujourd'hui, elle volait vers l'Angleterre. Elle allait reprendre la place qu'occupait un sosie. Dans quelques heures, on découvrirait le corps de Largo, celui de Kerensky et même celui de Simon. Dans quelques heures, elle serait riche et puissante. On conclurait très vite à une crise de démence de Largo. Simon s'était assez bien chargé d'inquiéter tout le monde sur la dépression de son patron. Dans quelques heures ou quelques jours, elle prendrait le pouvoir au Groupe W. La Commission serait fière d'elle et l'accueillerait au plus haut rang. Elle avait réussi.
Joy venait de prendre une douche et sortait de la salle de bains. Elle n'aimait pas du tout ce lieu, même si elle savait qu'elle ne serait pas appelée à y rester longtemps. Elle se séchait vigoureusement la tête, quand le téléphone de la chambre sonna. Elle se laissa tomber nonchalamment sur le lit et décrocha le téléphone : - Tiens Bonjour, John. Vous avez une drôle de voix. Que vous arrive-t-il ? FIN
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