Memories


Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent pas et c'est bien dommage ! Seul Sarah est à moi, c'est toujours un début !

Auteur : Scilia

Archives : www.bricbrac.fr.st

Résumé : La maladresse de Simon fait ressurgir des souvenirs difficiles pour Sarah.

Note de l'auteur : Cette fic est dédiée à René qui n'est hélas plus parmi nous depuis quelques années. Merci à Raf, Soph, Liane et Petitange pour votre compagnie, vos remarques et votre soutien.

***

- Bon sang, Simon ! Rugit Sarah en regardant le Suisse debout près des morceaux du vase qu'il venait de faire tomber.

Tous les regards se tournèrent vers la jeune femme. Elle avait invité l'Intel Unit chez elle pour un dîner et Simon, comme à son habitude, n'avait pu s'empêcher de faire son intéressant provoquant cet incident. Sarah resta un moment debout devant les morceaux de porcelaine brisée avant de s'enfuir dans sa chambre. Les quatre amis se fixèrent un long moment en silence.

- Je suis désolé, je ne voulais pas…
- T'inquiètes pas Simon, ça doit pas être bien grave, dit Largo en se baissant pour ramasser les morceaux.
- Je n'en suis pas aussi certaine que toi, continua Joy en l'aidant.

Simon se balançait d'un pied sur l'autre ne sachant que faire pour s'excuser. Kerensky lui lança un regard froid avant de prendre le même chemin que la jeune femme. Il frappa à la porte et, n'obtenant aucune réponse, l'ouvrit lentement. Il connaissait la chambre et s'y dirigea sans problème dans la pénombre. Sarah était assise sur son lit, la tête baissée, triturant un mouchoir.

- Sarah ?

Elle ne répondit pas, perdue dans ses pensées. Georgi s'accroupit devant elle et attendit.

- Hey, il ne t'a rien fait ce pauvre mouchoir.

Sarah n'ébaucha pas l'ombre d'un sourire pourtant elle savait que le Russe plaisantait rarement.

- Il ne l'a pas fait exprès.
- Je sais, murmura-t-elle.
- Tu connais Simon…
- Ce n'est pas lui… c'est moi. Je… j'y tenais énormément.
- Avec un peu de colle… Pourquoi, reprit-il doucement.
- Je dois retourner là-bas, répondit-elle en faisant mine de se lever.
- Cela peut attendre cinq minutes. Racontes-moi, je crois que cela te ferait du bien.

Sarah le regarda un long moment avant de pousser un long soupir. Elle s'essuya les yeux, tentant de reprendre contenance, avant de les plonger dans ceux de Georgi. Ils s'étaient rencontrés banalement à une soirée à l'ambassade d'Irlande. Elle avait remarqué cet homme blond, adossé à un mur, semblant imperméable à la soirée mondaine qui l'entourait. En tant que chargée des relations publiques, elle ne pouvait faire autrement que d'y assister et son attitude détachée avait plu à Sarah. Il ne lui avait quasiment pas parlé, gardant une froide réserve avant de s'éclipser avec l'Intel Unit, mais elle avait été surprise de trouver sur son bureau le lendemain, un bouquet de fleurs et une invitation à dîner. Ils se voyaient régulièrement et Sarah avait été facilement acceptée par Largo, Simon et Joy, participant à plusieurs soirées, intimes ou non, avec eux. Joy avait vu une merveilleuse occasion de faire enrager le Russe avec quelques remarques acerbes. Simon, contrairement à son habitude, n'avait pas cherché à épiloguer sur l'aventure de Kerensky. Toute son attention était concentré sur une seule chose : la nouvelle secrétaire de Cardignac. Cela faisait près d'un mois qu'il l'a poursuivait de ses assiduités sans que la belle ne cède un pouce de terrain. Et, curieusement, Simon semblait vraiment amoureux de la jeune femme. Océane, rien que son prénom avait le pouvoir de mettre le Suisse dans un état " fleur bleue " qui agaçait Joy, seule célibataire de l'équipe puisque Largo avait une conquête de plus à son tableau de chasse.

- Sarah ? Répéta Georgi.
- C'était ma grand-mère… le vase était à ma grand-mère…
- Tu l'aimais beaucoup ?
- Non. C'était plutôt le contraire, fit la jeune femme avec un rictus. Oh, je ne la détestais pas vraiment mais… j'ai toujours eu la sensation qu'elle achetait mon amour.
- Acheter ton amour ? Je ne comprends pas, avoua le Russe en s'asseyant sur le sol.

Sarah se glissa à ses cotés et s'adossa contre le lit.

- Je suis fille unique et j'ai très peu de famille aux Etats-Unis. Nous vivions à Savannah en Géorgie. Mon père tenait une petite épicerie aux Quatre Fourches. Enfin, il serait plus juste de dire qu'il avait repris l'affaire familiale. Ma grand-mère tenait le magasin pendant que mon grand-père faisait sa tournée de facteur. Ils se sont retirés assez tôt, prétextant vouloir profiter de la vie et faire des voyages mais ils sont tombés malades tous les deux. Rien de grave mais de quoi les empêcher de voyager. J'étais adolescente et comme tous les gamins de cet âge, je trouvais plus intéressant d'aller voir mes amies plutôt que de passer du temps avec eux.

Son regard se perdit dans le vague à la rencontre de ses souvenirs datant de cette époque. Georgi lui prit la main doucement pour la faire revenir à l'instant présent.

- Tous les dimanches, nous allions chez eux. Un petit trois pièces à quelques mètres de l'épicerie qui me semblait pire qu'une prison. Toujours les mêmes discussions à table, les mêmes remarques, les souvenirs sur ma jeunesse. Le genre d'anecdotes que tu n'as pas envie que les autres connaissent sur toi mais que ta famille est incapable d'oublier quand tu reçois tes amis.

Kerensky ne dit rien mais l'envia un instant secrètement. Son enfance n'avait pas été aussi rose. Il avait été arraché à sa famille très tôt, confié par son père à un ami de la famille qui l'avait " éduqué " aux Etats-Unis, en Idaho pour être exact. Georgi se souvenait parfaitement de ce ranch et de ce qu'on y faisait subir aux jeunes garçons de son âge. Un entraînement intensif pour les préparer à s'intégrer en Amérique et aider la Russie à vaincre son ennemi de toujours, les USA. Il chassa ses souvenirs d'un geste de la main en s'apercevant que Sarah le regardait.

- Je suis désolée, je dois t'ennuyer et ils doivent se demander ce qu'on fait.
- Non, tu ne m'ennuies pas et je suis certain que Simon a une idée sur la question qu'il ne manquera pas de partager avec les autres en bon bavard qu'il est.

Kerensky la rattrapa quand elle fit mine de se lever et l'assit sur ses genoux. Sarah ne résista pas et vint se blottir contre le torse de son amant, appuyant sa tête sur son épaule. D'un geste naturel, Georgi glissa ses mains autour de sa taille, la serrant contre lui.

- A quoi pensais-tu ? Demanda Sarah qui avait vu un éclat de tristesse apparaître dans les yeux bleus du Russe.
- Mon enfance.
- Tu ne m'as jamais…
- Ne changes pas de sujet. Nous parlions de toi, pas de moi.
- J'ai l'impression que c'est toi qui change de sujet, fit remarquer Sarah avec un demi-sourire.
- Je n'ai toujours pas compris pourquoi tu as dis que ta grand-mère achetait ton amour, répondit-il en ignorant sa remarque.
- Le dimanche se passait avec mes parents, je n'avais pas d'autre choix que celui d'y aller mais, d'après mon père, ce n'était pas suffisant alors il me forçait à passer quelques après-midi avec eux. Ma grand-mère préparait immanquablement du chocolat chaud et un gâteau mais surtout, j'avais toujours droit à un petit cadeau. Une pièce donnée en cachette de mon grand-père, un livre, un cd, quelque chose qui lui faisait certainement penser que je reviendrai facilement à elle la fois suivante.
- Ce n'était pas le cas ?
- C'était par obligation, non par envie. Mon grand-père passait son temps dans la salle à manger à lire son journal tandis que j'étais avec ma grand-mère dans la cuisine. Quand j'allais le voir, il m'interrogeait sur mes cours, mes petits-amis. Je ne sais pas pourquoi, il était persuadé que j'avais des tonnes de soupirants.
- Je n'en doute pas, fit Georgi en repoussant une mèche de cheveux roux.
- C'était loin d'être le cas. Je n'étais pas… j'étais le bouc émissaire de ma classe, la fille dont on pouvait se moquer sans avoir de problème en retour. J'ai passé la moitié de mon enfance à pleurer.
- Pourquoi ? S'enquit-il intrigué.
- Je suis… j'étais obèse. Ce mot m'a toujours dégoûté, il est tellement qualificatif.

Kerensky avait du mal à croire que la superbe jeune femme qu'il tenait dans ses bras, au corps si svelte et aux courbes attrayantes, ai pu un jour être traité d'obèse. Pourtant il lut dans son regard qu'elle ne mentait pas. Sa jeunesse n'avait pas été dorée mais d'une manière différente de la sienne.

- Je sais que cela peut paraître stupide mais j'étais malheureuse. J'avais tout ce dont on pouvait rêver matériellement parlant et pourtant, il me manquait tout le côté affectif. J'ai toujours eu très peu d'amies mais je pouvais compter sur elle et j'avais l'impression, lorsqu'elle rencontrait ma famille, qu'elles allaient s'enfuir en courant.
- C'est arrivé ?
- Non. Jamais. C'est après que je me suis rendue compte de la façon dont je l'avais traité toutes ces années. J'ai été tellement cruelle avec lui alors qu'il ne faisait que m'aimer à sa manière.
- Ton grand-père ?
- Oui, murmura Sarah. Je… je me s'en aperçu en allant le voir à l'hôpital. Il était malade, quelque chose en rapport avec le fait qu'il était un grand fumeur. Je ne l'ai appris qu'après et je me suis sentie coupable car je lui apportai en cachette quelques cigarettes de temps en temps. Quand je l'ai vu dans cette chambre, reliés à des machines, un masque près du lit pour l'aider à respirer… j'ai tenu bon, je me suis jurée de ne pas pleurer devant lui…

La voix de la jeune femme devint un murmure et Georgi se rendit compte que des larmes coulaient sur ses joues. Il ne bougea pas, ne dit mot, lui laissant le temps de faire remonter les souvenirs et la souffrance à la surface, de trouver les mots pour les exprimer.

- Il y a eu… quelque chose, je suis incapable de dire quoi mais je savais… je savais que c'était la dernière fois que je voyais mon grand-père vivant. J'étais allé le voir avec une amie et elle m'a laissé un moment seule avec lui. Ça a été à ce moment précis que j'ai craqué. Le voir si faible, si diminué alors qu'il avait toujours été pour moi un roc… Je crois me souvenir qu'il avait un pyjama rayé bleu ciel et gris, un détail idiot mais… Je lui ai dit… je lui ai dit que je regrettais, que je m'en voulais d'avoir été si méchante avec lui. Je me suis retrouvée à genoux devant lui qui était assis sur son lit et tu sais ce qu'il m'a dit… il m'a dit qu'il me pardonnait. Il était tellement sincère, il y avait tellement d'amour dans ses yeux qui allait au-delà de mon comportement stupide d'adolescente… Je crois que j'ai pleuré un moment sur ses genoux, il m'a consolé. Il savait que c'était notre dernière rencontre, je le savais mais lui aussi et pourtant, je ne crois pas qu'il m'ait dit cela pour que je me sente mieux mais parce qu'il le pensait sincèrement.
- J'en suis certain. Il y a des choses qu'on sait même si on ne peut pas les expliquer, murmura Georgi à son oreille.
- Le lendemain matin le téléphone a sonné. Il était tôt et je crois qu'on savait tous qu'il était partit dans la nuit. Je me suis rendue compte ce jour là, que ma grand-mère l'aimait vraiment. Elle a totalement changé à partir du 3 septembre 1995 et nous a quittés après des moments de folie mi-novembre de la même année. Je l'ai vu avant qu'ils ne ferment le cercueil. Je les ai vus tous les deux mais c'est mon grand-père qui m'a le plus marqué. Il semblait dormir, il était serein et je m'en suis voulue encore plus de l'avoir ignoré, de ne pas avoir remarqué à quel point c'était un homme extra-ordinaire. C'est tous ces souvenirs qui sont contenus dans ce vase si banal. Il était à ma grand-mère et je me rappelle l'avoir vu toute mon enfance dans leur chambre en dessous d'un portrait de mon père. C'est lui qui me l'a offert pour mon anniversaire. Je ne sais pas pourquoi, sans doute parce qu'il était oublié dans la cave mais cela m'a touché, plus que je ne lui ai avoué. Je n'en veux pas à Simon mais à moi de ne pas l'avoir mis hors de danger, d'avoir réagi excessivement aussi.
- Ce n'était pas excessif d'après ce que tu viens de me raconter.
- Il me manque et avoir cet objet près de moi me permettait de penser à lui, à eux en fait.
- Je crois comprendre.
- Il y a quelque chose qui m'est resté de lui. Une chose qu'il disait en donnant l'impression d'y croire. Il était persuadé qu'une fois mort, il reviendrait sous la forme d'un papillon. Il ne croyait pas spécialement à la réincarnation mais en était persuadé ce qui faisait rire tout le monde mais… on ne regarde plus les papillons du même œil depuis. On ferait mieux d'y aller. Je suis dés…

Georgi lui releva le menton d'un doigt et déposa un baiser sur ses lèvres. Sarah y répondit, trouvant un réconfort dans ce baiser. Les mains de Kerensky remontèrent lentement le long du corps de la jeune femme, la faisant frémir, avant de se glisser sous son chemisier emprisonnant un sein. Ils se séparèrent hors d'haleine, les yeux brillants de désir.

- Je suis un gentleman mais j'ai des limites, murmura Georgi à l'oreille de Sarah.
- On retourne voir les autres ?
- C'est à toi de décider.
- Il faut que je parle à Simon, je crois. Il ne pouvait pas savoir.

Cette fois Georgi ne l'empêcha pas de se lever et la suivit après qu'elle se fut passée un peu d'eau sur le visage. C'est d'un pas timide qu'elle entra dans la salle à manger, tenant la main de son amant. Joy, Largo et Simon étaient assis au salon et discutaient du prochain déplacement du milliardaire. Dès son arrivée, le Suisse se leva et vint à sa rencontre avec un air désolé. Kerensky rejoignit ses deux amis, laissant Sarah et Simon discuter.

- Je suis désolé, commença-t-il.
- Moi aussi, je n'aurais pas dû réagir ainsi, s'excusa la jeune femme.
- Si, tu devais y tenir…
- Oui mais c'est quelque chose de matériel qui ne rappelle pas que des bons souvenirs en fait.
- Tu sais, je crois que je pourrais te le réparer avec un peu de colle et… j'ai toujours aimé les puzzles, dit-il en se balançant d'un pied sur l'autre.
- Tu crois ?
- Oui, fit le Suisse en hochant la tête.
- Simon…

Ne trouvant pas les mots adéquats, Sarah vint se blottir, à son grand étonnement, contre lui. Il la serra dans ses bras un long moment jusqu'à ce que la voix de Kerensky leur parvienne.

- Tu la serres encore comme cela pendant dix secondes et je te promets de te mettre du sel dans ton café pendant dix ans.
- Oh, juste ça ? D'habitude tu me menaces de me tuer, m'étriper, m'exécuter, m'occire, m'empoisonner, me fusiller,…
- Rien que cela, fit Sarah en riant, je ferais peut-être mieux de changer de petit ami alors… Simon, tu fais quoi ce soir ?
- Je vais combler ton corps de déesse, répondit Simon en l'entraînant dans une danse sur une musique imaginaire.

Largo et Joy ne purent s'empêcher de rire en voyant la tête de Kerensky qui s'esclaffa finalement au bout de quelques secondes. Il se leva, alla mettre un disque, avant de reprendre Sarah des bras de Simon. Une douce musique s'éleva dans la pièce et le Russe entraîna sa compagne dans un slow sous le regard attendri de Largo et Joy qui se joignirent au couple. Simon bouda un peu avant que le milliardaire et sa garde du corps ne se décident à quitter leurs amis.

- Comment a dit Simon déjà… Je vais combler ton corps de déesse, répéta Georgi avec un sourire coquin.
- Seras-tu à la hauteur ?

Sans répondre à sa question, Kerensky la prit dans ses bras et l'entraîna dans la chambre pour danser… sur un autre genre de musique.


Fin