Un rêve de Noël
Ally Ashes

 

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, blablabla
Note de l'auteur : Si quelqu'un veut me faire part de ses commentaires, bons ou mauvais, qu'il n'hésite surtout pas. Je me nourris exclusivement de feedbacks, et je suis affamée.

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" …spére que vous avez fini de faire vos achats de Noël : aujourd'hui c'est la dernière ligne droite ! Alors à tous nos auditeurs, bon réveillon ! "

Une main s'abattit sur le radio réveil, faisant taire le présentateur, puis retourna à l'abri sous les couvertures. Joy se retourna en grognant " C'est ça, on leur dira ". Elle allait devoir supporter encore une nouvelle journée les décorations, les faux pères Noël, et surtout la bonne humeur latente qui la mettait hors d'elle.
" Encore une journée et ce sera fini… Jusqu'à l'année prochaine "

Elle ouvrit un œil : 7h30… Largo avait une inauguration à 9h qui allait prendre plusieurs heures, il était temps de se lever. Rassemblant ses forces, elle s'extirpa de son lit. Un pan de son pyjama renversa au passage le verre d'eau qu'elle posait chaque soir sur sa table de nuit, inondant le tapis. " Parfait… Bien joué. "
Elle continua son chemin sans éponger les dégâts : être en retard allait la mettre encore plus de mauvais poil. Elle détestait ces matins où elle se levait du pied gauche: elle savait qu'elle allait montrer les dents à tout le monde, sans pouvoir se maîtriser. Et immanquablement, 5 minutes après elle le regrettait.

Avec un soupir, elle se prépara tout en essayant de chasser sa mauvaise humeur. Sur la route, elle mit la musique à fond. Une cassette. La radio n'arrêtait pas de passer des publicités stupides pour des jouets, ou des interviews d'enfants parlant de tous les cadeaux qu'ils avaient commandés. Sans compter les chansons stupides du type " I saw Mummy kiss Santa Claus ".

Arrivée au Groupe W, elle avait retrouvé toute son énergie et chantonnait en se dirigeant vers le Bunker. Peu d'employés étaient présents, seuls les agents de sécurité ou les accrocs au travail erraient encore dans les couloirs : Largo avait offert un jour de congé à la majorité du personnel. Elle adorait cette ambiance de calme.
Elle composa le code de sécurité du Bunker, et poussa la porte avec un sourire : ici, elle allait enfin pouvoir être tranquille.

Son sourire se figea comme la porte s'ouvrait. C'était forcément un cauchemar. Une vision satanique. Un mauvais génie qui n'avait rien trouvé d'autre à faire que de s'acharner contre elle. Et qui faisait son sale métier avec amour !

Elle n'en croyait pas ses yeux : cet antre du calme et de la technologie, d'une immuable froideur, était transformé en vitrine de grand magasin. Au milieu de la table des ordinateurs, des couronnes de branchages et de feuilles tressées de rubans, des bougies. Un sapin imposant masquait une partie du mur d'écrans. Des ampoules multicolores qui clignotaient, des guirlandes, une étoile au sommet… rien ne manquait. Mais ce n'était pas fini : tout le Bunker était décoré de branches de houx, de guirlandes, de fausse neige, de… Non, ce n'était pas possible !

Et au milieu de tout cela, Georgi continuait à tapoter imperturbablement sur son clavier, égal à lui-même. C'était à se demander si une bombe nucléaire explosant à proximité pourrait éventuellement lui faire lever le nez de ses recherches.

" Dites-moi que je rêve ! Qu'est-ce qui s'est passé ici ?" Gronda Joy en descendant les marches.
" Pas mal, hein ? J'y ai passé une partie de la nuit, mais je ne suis pas mécontent du résultat. " Répondit Georgi calmement.

Joy tâtonna derrière elle à la recherche de sa chaise, puis s'assit lourdement. Elle ne s'était pas réveillée, c'était bien un cauchemar, pas d'autres explications.
" Tu as décoré le Bunker ? Tu as fait un sapin de Noël ? Toi ? "

Le ton de Joy, entre colère et désespoir, alarma le russe. Il posa ses lunettes, se rejeta en arrière sur son siége, et, croisant les bras, examina la jeune femme. Sous son regard bleu, elle se redressa sur sa chaise, mal à l'aise. En général, il parvenait assez vite à savoir ce qui la tracassait, et elle le savait. Mais là, il calait.
" Tu m'expliques la raison de cette mauvaise humeur ? "
" Je ne suis pas de mauvaise humeur. "
" Ouais, bien sûr ".
" Arrête avec tes " ouais " qui ne veulent rien dire ! "
" D'accord, j'arrête. La trêve de Noël, ça te dis quelque chose ? Tu pourrais profiter de cette époque au lieu de bougonner, non ? "
" J'ai du travail, moi. Je n'ai pas de temps à perdre en futilités ".

Georgi ouvrit la bouche sur un nouveau " ouais ", mais un regard de la jeune femme le fit se taire. De toute évidence, elle était vraiment de très mauvaise humeur, et dans ces moments là il préférait ne pas se frotter à elle inutilement. Elle se calmait en général très vite. Et puis il ne voulait pas gâcher l'ambiance de Noël, cette fête qu'il adorait depuis son enfance dans l'Ohio.

Il se replongea donc dans son travail, faisant semblant d'oublier Joy. Pourtant, il était resté attentif et observa qu'elle se relaxait peu à peu. Ce n'était donc pas un problème trop important. Rien qui était lié à la sécurité en tout cas. Tranquillisé, il cessa de s'occuper de Joy : s'il y avait quelque chose qu'elle voulait cacher, c'était ses affaires. Elle savait qu'elle pourrait lui demander un coup de main au cas où. En attendant, il savait qu'elle tenait à son jardin secret et qu'elle ne supportait pas les inquisiteurs. Il le comprenait : il fonctionnait de la même manière. Ce n'était pas comme…

" Salut la compagnie ! Quoi de neuf ! Ça boome ? Ouaouh, quelle déco ! "

… Simon. Quand on parle du loup… Kerensky le regarda jouer avec les petits bonshommes de neige accrochés sur le sapin comme une mère surveillant son enfant dans le rayon " vaisselle " d'un grand magasin. Prêt à rattraper la catastrophe.

Lorsque Simon s'écarta de l'arbre qu'il avait mis tant de temps à préparer, Georgi respira plus librement. Le sapin avait perdu quelques aiguilles dans l'affrontement, mais aucune perte n'était à déplorer… Il le suivit tout de même du regard, juste au cas où, tandis qu'il prenait son revolver et parlait à Joy.

" Joy, il est temps de partir, l'inauguration nous attend ! Les paquets cadeaux sont chargés, Largo n'attend plus que nous. "
" Paquets-cadeaux ? " Releva Joy
" Ben oui, pour l'arbre de Noël de l'Orphelinat Winch! C'est là bas qu'on doit aller ! Largo ne t'as pas dit ? "

Joy ferma les yeux un instant. Ça continuait : elle allait devoir se plonger dans la fête de Noël jusqu'au cou. Avec un grand sourire un tantinet forcé, elle suivit Simon. Dans quelques heures Noël allait finir, de toutes façons…

Elle ne répondit pas au " Ho ho ho " joyeux de son patron, bien décidée à tout faire pour oublier les publicités qui jalonnaient la route. Elle conduisit Largo et Simon presque sans mot dire, son attention fixée sur arrière de la camionnette qui emmenait les cadeaux. Simon parlait pour deux de toutes façons, ce qui lui évitait de devoir se montrer loquace. De temps à autres, elle écoutait quelques phrases : il racontait un Noël passé au Chili.
" … Imagine ça mon pote : on était à Viña del Mar, juste au dessus de Valparaiso. Une petite maison qui ne payait pas de mine, mais tout confort. On s'était posé là parce qu'on en avait assez de courir les routes. La serrure n'avait pas tenu 4 secondes. Donc, on s'installe, on se prépare un petit dîner de Noël local, et tout à coup Manuela me dit qu'elle veut aller se baigner. A minuit, on était nu comme des vers, et on se baignait dans les eaux chiliennes ! C'était la meilleure messe de minuit que j'ai jamais connu ! "

Joy laissa échapper un sourire : il était vraiment impossible. Un adolescent à perpétuité. Impossible et adorable…
Elle se gara en une manœuvre souple et tous descendirent. Le directeur de l'orphelinat sauta littéralement sur Largo et l'entraîna à sa suite visiter les lieux. Le hall d'entrée et les couloirs étaient bondés de curieux et de journalistes, obligeant Joy et Simon à rester attentifs en permanence. La salle dédiée à l'inauguration leur permit de relâcher un peu leur surveillance : assez modeste, elle avait été interdite au public. Un gigantesque arbre de Noël trônait au milieu de la salle, et les cadeaux étaient en train d'être mis en place. En dehors des enfants, seuls quelques photographes triés sur le volet et un Père Noël engagé pour l'occasion étaient présents.

Les enfants. Une trentaine de gamins de tous âges, qui n'avaient pas eu une existence très rose. Certains avaient été abandonnés, d'autres avaient perdu leurs parents. Mais tous avaient aujourd'hui dans le regard une même lueur de joie et de plaisir en regardant les décorations et les paquets. Joy se sentit soudain un peu honteuse de détester à ce point Noël. Après tout, ce n'était pas un jour comme les autres pour eux. Ce n'était pas parce que Noël ne lui rappelait aucun bon souvenir qu'elle devait gâcher le plaisir des autres…

Elle resta un instant pensive, les yeux dans le vague. Pas de bons souvenirs, et quelques mauvais accessoirement. Les absences de son père, les cadeaux " particuliers " auxquels elle avait droit quand il était là : pistolet automatique et chargeur, tente et kit de survie… La seule fois où sa mère avait voulu lui offrir la poupée qui la faisait rêver depuis des mois, dans la vitrine du magasin de jouets, son père avait fait une colère de tous les diables. La poupée avait fini à la poubelle le soir même. Cette époque de Noël, en théorie celle de la paix et de la réconciliation, était pour elle une corvée synonyme de disputes et pleurs. Elle secoua la tête et essuya rageusement une larme qui menaçait de couler. Une petite fille s'avança vers elle, intriguée par cette grande et jolie dame qui pleurait. Elle la regarda un instant puis tenta un sourire qui dévoilait deux incisives manquantes " T'en fait pas, Madame. Ça va passer. C'est ce que ma sœur me dit toujours ". Joy lui sourit en retour, et la regarda s'éloigner en trottinant vers le Père Noël.

Elle chercha ses amis du regard pour se raccrocher à un terrain connu. Simon avait pris un petit garçon dans ses bras et l'aidait à attraper les confiseries attachées haut dans l'arbre. Naturellement à l'aise avec les enfants, il discutait avec chacun, tout en essayant de les tenir hors de portée des paquets. La tentation était grande d'en ouvrir un ou deux…
Largo quant à lui était toujours escorté du Directeur et écoutait d'une oreille distraite ce qu'il lui disait en surveillant la disposition des cadeaux. Il avait remarqué la mauvaise humeur de Joy lorsqu'elle avait rabroué un peu durement le Père Noël, et avait froncé les sourcils quand elle s'était mise à l'écart. Il n'avait pas eu l'occasion de lui parler, toujours suivi par les journalistes comme autant de sangsues. Il se promettait de lui en toucher deux mots quand ils seraient rentrés, mais pour le moment il y avait plus important. Il fit un bref discours et donna le signal de l'ouverture des paquets.

D'un même mouvement, tous se précipitèrent vers le sapin, et bientôt on n'entendit plus que les bruits du papier déchiré et les cris de joie. Largo et Simon participaient à la mise en pièce des emballages. A les voir, personne n'aurait cru qu'il s'agissait d'un milliardaire et d'un chef de la sécurité. Le directeur semblait d'ailleurs passablement soufflé du comportement du célèbre Largo Winch. Joy pouffa en imaginant les photos du journal du lendemain, et surtout la réaction de Sullivan… " Le milliardaire et son ours en peluche "…

En regardant le visage animé de Largo, elle comprenait maintenant pourquoi cette inauguration lui tenait à cœur, pourquoi il avait tellement tenu à réserver sa matinée. Et à les emmener tous les deux. Ça les ramenait tous les trois à leur enfance… A leur absence d'enfance. L'orphelin, le gamin des rues et le garçon manqué… Quel trio ils formaient !

A nouveau, Joy passait par une phase de tristesse. Elle ne savait plus sur quel pied danser : devait-elle continuer à vouloir rayer cette date de son agenda, faire comme si elle n'existait pas, toute sa vie ? Est-ce qu'elle allait laisser des blessures d'enfance lui gâcher la vie ?

" Allons Joy, tu vas arrêter avec ce vilain cafard ? " La taquina Simon
" Je n'ai pas le cafard, je déteste les fêtes de Noël, c'est tout… "
Simon se détourna en levant les yeux au ciel… " A d'autres. Le vieux réflexe de défense a la vie dure, hein ? Tu as le cafard. Et tu sais quoi ? J'ai le remède idéal ! ".

Joy le regarda avec un mélange d'étonnement et d'inquiétude… Il tenait quelque chose dans son dos. Lorsqu'il lui montra son " cadeau ", elle éclata de rire : c'était une grosse poupée de chiffon, des cheveux bruns coupés au carré, portant une veste rouge qu'elle reconnaissait sans hésitation.
" Il est temps de commencer à jouer à la poupée, non ? "

" Allons, viens jouer avec nous, Joy ! " L'appela Largo.
Elle hésitait. Elle n'était pas habituée à se laisser aller, à jouer avec des enfants… Tout à coup elle eut l'impression que les minutes s'allongeaient, comme pour lui laisser le temps de la réflexion. Tous la regardaient. L'atmosphère était étrange, palpable. Elle avait comme une impression de " déjà-vu ", cette sensation bizarre que la décision que ce que vous allez faire à cet instant précis va changer le cours de votre vie… Elle regardait autour d'elle, désorientée, et croisa le regard pur et clair de Largo. Il lui souriait. Il l'attendait. Elle prit sa décision et se laissa faire.

Tirée par Simon, elle se retrouva bientôt assise par terre. Elle était un peu gênée au milieu de ces enfants, elle n'avait pas appris à s'occuper d'eux à la CIA. Quand ses amies faisaient du baby-sitting, elle s'entraînait à tirer sur des cibles mobiles, avec son père… Mais rapidement gagnée par leur joie naturelle, elle se surprit à expliquer à des gamins comment faire marcher leurs jouets, à leur apprendre des cantiques, et à y prendre du plaisir.

Les vieux démons étaient vaincus…

" Joyeux Noël Joy. Je suis heureuse de t'avoir prés de moi aujourd'hui. Tu sais, c'est important pour moi, Noël, les enfants… "… Elle se tourna vers Largo : Il était là, tout près. Il avait glissé une main derrière sa taille. Une autre derrière sa nuque. Il l'embrassait à présent. Ses lèvres douces caressaient les siennes… Elle sentait la chaleur de son corps à travers son pull… Les enfants applaudissaient en criant " Ouh les amoureux "…

Il se séparèrent… Simon lui aussi applaudissait… A côté de lui, le Père Noël la félicitait… Des yeux bleus qu'il lui semblait reconnaître… Georgi ? Georgi en Père Noël ?? Largo ?


Joy se réveilla en sursaut. Elle s'assit dans son lit et mis quelques secondes avant de réaliser qu'elle était chez elle et que tout ceci n'était qu'un rêve. Elle avait la bouche sèche et chercha son verre sur la table de nuit. Il n'y était pas. Elle avait dû l'oublier, hier soir.

Elle passa une main dans ses cheveux, et ce geste lui remémora son rêve. Largo. Avec un sourire elle se dit qu'il commençait à occuper un peu trop ses nuits, à son insu. Tout à ses pensées, elle sursauta lorsque le radio-réveil se mit en marche.
" …spére que vous avez fini de faire vos achats de Noël : Aujourd'hui c'est la dernière ligne droite ! Alors à tous nos auditeurs, bon réveillon ! Il est 7h30, nous vous souhaitons une bonne journée, et tout de suite le flash d'information… ".

Joy se tourna brusquement vers l'appareil, incrédule. 7h30. La date s'affichait en petits caractères à côté de l'heure : le 24 décembre… Aprés un instant de surprise, elle décida de prendre une douche froide qui lui remettrait les idées en place.

Lorsqu'elle posa le pied par terre, elle resta un instant immobile, sans savoir que penser. Sous ses pieds, le tapis de sol était trempé.

C'était peut-être une belle journée de Noël qui commençait…


FIN