Passé et Avenir

 

Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent pas et c'est bien dommage ! Seul Sarah est à moi, c'est toujours un début J

Auteur : Scilia

Archives : www.bricbrac.fr.st

Résumé : Kerensky se sent responsable de la mort de Marissa et n'arrive pas à tourner la page. Il se décide à demander conseil à une " bonne amie ".

Note de l'auteur : Un grand merci à Raf pour le soutien, les corrections, les rires,... J'aime Kerensky, ce n'est pas nouveau pour ceux qui me connaissent, et surtout le fait de pouvoir jouer avec son passé puisque nous n'en savons quasiment rien. Le voir se dérider dans la 2e saison de Largo Winch n'est pas pour me déplaire mais j'avoue aussi regretter un peu son côté sombre que j'espère vous retrouver un peu dans cette histoire. Bonne lecture !

***

- J'en ai assez, fit une furie rousse en entrant dans le bunker après que Kerensky eut actionné l'ouverture de la porte.
Il regarda la jeune femme descendre les quelques marches jusqu'à la plate-forme et s'asseoir à sa place. Elle était visiblement de mauvaise humeur mais ce qui était inquiétait le plus son compagnon, c'était qu'elle le montrait. Il décida de garder son impassibilité coutumière et de se replonger dans ses recherches, ce qui n'était pas l'attitude à adopter comme le lui prouva la cinglante remarque qu'il s'attira.
- Tu sais que les être humains existent et que tu n'es pas seul sur terre !
Kerensky s'adossa à son siège, enleva lentement ses lunettes tout en l'observant. Elle baissa rapidement les yeux sous le regard inquisiteur du Russe.
- J'imagine que le fait que tu ais oublié ta carte d'accès ici n'est pas seul responsable de ton humeur. Alors qu'y a-t-il ?
- Toi, répondit-elle en le défiant du regard.
- Moi ? Qu'ai-je bien pu faire pour te mettre dans un tel état ?
- Rien, justement.
Il fronça les sourcils essayant de déterminer ce qu'elle attendait de lui. Sarah travaillait avec eux depuis quelques semaines en tant que… il avait oublié le terme inscrit sur sa fiche de paye mais en réalité, elle était détective privé. Enfin, jusqu'à ce que sa dernière enquête se solde par l'explosion de son bureau et qu'elle soit embauchée par Largo. Il avait jugé ses connaissances utiles à l'Intel Unit et voulait surtout la remercier d'avoir sauvé la vie de Simon, en prenant une balle à sa place. Elle revenait d'un court séjour à Dallas où elle avait mis la main sur un homme qui s'amusait à faire le tour des hôtels du groupe en " oubliant " de payer sa note.
- Et j'aurais dû faire…
- Comment me trouves-tu ?
- Il n'y aura jamais rien entre nous, si c'est à cela que tu fais allusion.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est comme cela, dit-il en se penchant sur son écran.
- Et je n'ai rien à dire ?
- Non. D'ailleurs je n'aurais jamais dû t'embrasser, conclu-t-il avant de retomber dans un mutisme qui agaça la jeune femme.
Sa réponse la déstabilisa. Non pas qu'elle tienne énormément à lui mais il l'attirait, ce depuis leur première rencontre, et elle sentait qu'il y avait quelque chose de profond entre eux.
- Pourquoi ?
Kerensky préféra l'ignorer, espérant qu'elle se désintéressait de lui mais c'était mal la connaître. Elle se leva brusquement, s'arrêta près de lui et l'attrapa par le col de sa chemise pour l'embrasser. Il ne résista pas, du moins pas les cinq premières secondes, avant de la repousser doucement.
- Je suis désolé, c'est impossible, murmura-t-il doucement.
Il vit le regard triste de la jeune femme se voiler avant qu'elle ne prenne son sac et ne s'enfuit du bunker, le laissant ruminer de sombres pensées. Elle ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre.

Toutes les femmes qu'il aimait, mouraient inévitablement à l'exception de Anya. Il repensa à sa compatriote russe, se demandant quel aurait été sa vie si elle avait accepté de l'épouser. Mais son esprit, plus pervers, le guida vers Marissa. Le choc d'apprendre qu'elle était la taupe de la commission n'en avait pas moins diminué les sentiments qu'il éprouvait pour elle. La seule femme qu'il avait laissé approcher depuis longtemps était morte par sa faute. Le temps n'avait pas évincé sa culpabilité. Il se revit, l'attirant dans la cave de la nouvelle demeure de Largo, sous le prétexte de vouloir passer un moment avec elle alors qu'en fait, il voulait récupérer son portable, instrument leur permettant de remonter jusqu'aux dirigeants de la commission adriatique. Il n'en avait pas eu le temps, elle avait été tuée avant sans qu'il ne puisse rien faire. Et quand bien même, aurait-il sauvé la vie de cette femme ? Il en doutait, elle les avait trahis, avait aidé Jagger à détruire l'Intel Unit. Il n'aurait jamais de réponse et celles qu'il aurait pu trouver ne lui auraient sans doute pas plu.

Sarah… il n'arrivait pas à expliquer pourquoi il s'était laisser aller à l'embrasser avant qu'elle ne parte pour Dallas. Il était tard, ils avaient travaillé une bonne partie de la soirée, partageant une pizza pour seul repas. Un geste involontaire de la part de la jeune femme. Une broutille, un simple effleurement quand elle avait récupéré le dossier qu'il lui tendait. Les yeux émeraude de Sarah n'avaient réussi à se détacher de ceux du Russe qui s'était approché pour l'embrasser. La chaleur de son corps contre le sien, son odeur, la caresse de ses cheveux sur son visage. Il se souvenait de tout cela mais ne voulait pas, ne pouvait pas, se corrigea-t-il, envisager une liaison avec elle.

Un sentiment de vide prit possession de lui. Il avait cherché depuis toujours à ne pas avoir d'attaches mais cette décision lui pesait depuis quelques temps. Un prénom s'insinua dans son esprit, Marissa. Oui, c'était depuis leur liaison qu'il avait vu son avenir sous un jour différent. Il chassa ces moments de bonheur en secouant la tête, prit sa veste et sortit du bunker. Un seul endroit, une seule personne qu'il n'avait pas revue depuis des années pouvait comprendre.

La rue était sombre, mal éclairée, des poubelles s'entassaient dans un coin, un clochard marmonnait contre cette société dont il avait été mis au ban. Kerensky, contrairement à son habitude, donna un billet de 50$ au pauvre diable qui le remercia avec empressement. Le Russe continua son chemin, le " bar " n'était pas signalé. Il n'y avait que les habitués qui connaissaient les lieux. Il frappa à la porte brune. Trois coups, deux coups suivit de cinq. Le battant s'ouvrit lentement sur un homme à la mine peu engageante.
- Natalia, dit simplement Kerenksy.
Le gorille se poussa et le laissa entrer avant de lui indiquer les escaliers à sa droite. Il grimpa rapidement, faisant abstraction des râles de plaisir qui provenaient de certaines portes devant lesquelles il passait. Il s'arrêta devant la dernière et frappa doucement.
- Entrez, répondit une voix féminine.
Il obtempéra tout en se demandant s'il ne ferait pas mieux de faire demi-tour.
- Aller mon mignon, n'aies pas peur, rajouta la voix en constatant qu'il n'osait pas entrer.
Kerensky se décida enfin et poussa le battant, la femme qui était à l'intérieur fut surprise de le voir. Il observa le lieu ou elle vivait. Misérable, songea-t-il. Une chambre d'une dizaine de mètres carrés, un lavabo crasseux, des images de plages paradisiaques qu'elle devait regarder pendant que ses clients faisaient ce qu'il désirait de son corps.
- Georgi… cela faisait longtemps.
- Je mentirai en disant que tu m'as manqué Natalia.
- Pourtant… tu es là.
Il la regarda, indécis, et elle s'approcha de lui pour lui ôter son long manteau noir. Il se sentit soudainement nu devant cette femme qui avait pris une importance capitale dans sa vie à un certain moment. Elle l'invita à s'asseoir près d'elle, sur le lit.
- Tu n'as pas vraiment changé, constata-t-elle après l'avoir détaillé un long moment.
- Toi non plus.
- Toujours aussi bavard, camarade. Vodka ?
Il hocha la tête et la vit sortir une bouteille d'un placard sous l'évier. Elle lui tendit un verre plein et leva le sien.
- A la mère patrie !
- La Russie n'a jamais été ma patrie.
- Tu y as vécu et tu as travaillé assez longtemps pour eux.
- C'était… un travail comme tu viens de le dire.
- Et que fais-tu maintenant ?
- Mieux vaut que tu l'ignores, j'ai encore des " amis " qui me cherchent.
La prostitué le regarda un long moment en silence. Elle se remémora leurs rencontres, dix ans plus tôt, quand il était encore une jeune recrue du KGB et qu'il se servait d'elle pour faire transiter des informations. Il avait changé, perdu cet éclat de naïveté qu'elle aimait tant dans son regard azur, ses traits s'étaient durcis.
- Ça te va pas mal.
- Quoi ?
- Les cheveux longs, répondit-elle en caressant une mèche rebelle.
- Merci.
Un long silence s'instaura entre eux qu'elle décida de rompre la première. Il n'était pas là pour coucher avec elle, elle le savait. Il n'avait jamais été question de cela quand ils travaillaient ensemble, il ne l'avait jamais touché, contrairement à d'autres agents du KGB qui utilisaient ses services.
- Pourquoi es-tu là, Georgi ?
La question lui sembla juste mais il n'avait pas de réponse à lui donner. Sarah était partie et il avait pensé à Natalia. Les deux femmes se ressemblaient. La même chevelure rousse, un corps attrayant, des yeux verts profonds mais autant Sarah avait un timbre de voix velouté et chaud, autant Natalia avait une voix rauque, résultat de ses nombreuses années à fumer.
- Je ne sais pas, avoua-t-il au bout d'un long moment.
- Tu es marié ?
- Non.
- Pas d'enfants, je suppose.
- Non.
- Comment s'appelle-t-elle ?
- Qui ? Demanda-t-il préférant jouer à l'idiot.
- La fille qui te met dans cet état. La seule fois où je t'ai vu aussi perdu, c'est quand tu as découvert qu'Anya et ton meilleur ami… j'ai oublié son nom, couchaient ensemble.
Elle disait vrai, songea-t-il pourtant la situation était différente, totalement différente. Il était venu, lui semblait-il, en quête d'un conseil.
- Sarah
- Américaine ?
- A moitié.
Pourquoi venait-il de répondre cela ? Elle était américaine de nationalité même si elle n'arrêtait pas de leur rabâcher les oreilles qu'elle était irlando-américaine par sa mère.
- Elle travaille avec toi ?
- Oui.
- C'est pas vraiment bon de mélanger le travail et le plaisir. J'en sais quelque chose, crois-moi.
Il sourit légèrement en se demandant à quel client elle faisait allusion. Il la regarda allumer une cigarette. Elle lui en proposa une mais il refusa d'un signe de tête.
- Expliques-moi.
- Quoi ?
- Ce que tu fais là, s'énerva légèrement Natalia.
- J'avais envie de revoir un visage ami.
- Pfff fais-moi rire Georgi ! Tu n'as pas pensé à moi depuis que tu m'as aidé à m'installer ici et v'la que ce soir… Tu t'es disputé avec elle ?
- Pas vraiment.
- Tu l'aimes, continua Natalia sachant qu'il n'y avait qu'en l'interrogeant qu'elle obtiendrait des réponses.
- …
- Ah, c'est donc ça le problème !
- Non.
- Georgi, si tu ne l'aimais pas un tant soi peu, tu ne serais jamais venu ici mais, te connaissant, il doit y avoir autre chose.
Il l'aimait ? La question se répercuta dans son esprit. Il ne la connaissait que depuis quelques semaines alors pouvait-il vraiment l'aimer ? Et quand bien même l'aimerait-il, avait-il le droit de risquer sa vie en la laissant s'approcher trop près de lui ?
- Je… la dernière femme que…
- Continues, l'aida-t-elle en constatant qu'il ne rajoutait rien.
- Elle m'a trahie et est morte par ma faute.
- Oh… et c'est quelle chose qui te gêne, sa trahison ou sa mort ?
- Bonne question.
Les minutes passaient, Natalia regardait son visage en proie à diverses émotions. Elle aurait voulu l'aider mais savait que la réponse n'était qu'à un seul endroit, au fond de son cœur.
- Et… cette fille, la nouvelle, elle est comment ?
- Parfaite.
- Tu es tombé sur la perle rare on dirait. Tu veux un conseil ?
Kerensky l'observa un long moment sans rien dire.
- Oui, c'est ça. Tu es venu pour avoir mon avis.
Il ne répondit rien et détourna le regard, trouvant soudain les photos de Bali nettement plus intéressantes que Natalia.
- Oh, tu sais, j'y connais pas grand chose en amour. La plupart des types que je vois ne font guère attention à moi mais… j'ai aimé, avoua-t-elle doucement. Je crois qu'il me l'aurait demandé, je l'aurais suivi au bout du monde.
- Il ne l'a pas fait ? S'enquit Georgi.
- Non, jamais. Il ne venait me voir que pour son travail, murmura-t-elle doucement.
Il comprit immédiatement à qui elle faisait allusion et s'étonna de ne s'être jamais aperçu des sentiments de Natalia pour lui.
- Je suis désolé.
- Tu n'as pas à l'être. On aurait formé un drôle de couple, la putain et l'agent Russe, mais je vais te dire une chose. Tu dois pas laisser ton passé venir gâcher ton avenir. T'as fait des trucs pas clairs mais tu suivais les ordres et elle doit pas savoir tout ça.
- Non, elle ne sait pas grand chose.
- Libre à toi de lui dire ou pas mais, un truc qu'est clair, c'est qu'on rajeunit pas Georgi. Tu devrais déjà avoir des gamins à ton age !
- Tu sais très bien que…
- Taratata ! Que des gens t'en veulent ? Oui, je le sais mais ça fait quoi… cinq ans que tu es aux Etats-Unis, y'en a combien qui te sont tombés dessus ?
Peu en effet, il devait le reconnaître même s'il ne répondit pas. Natalia remplit leurs verres de nouveau et continua.
- J'ai qu'un seul regret dans ma vie… non, deux, poursuivi-t-elle. De pas avoir eu de gamin, et de pas avoir couché avec toi à l'époque.
La phrase le fit sourire et il se demanda comment il avait fait pour ne pas céder à ses charmes. Anya… il avait Anya à cette époque et rien n'aurait pu le détourner du colonel Koplova même la plus belle des prostitués.
- Si tu sens qu'il y a quelque chose avec cette fille, tu dois pas le laisser passer. T'es pas aussi cynique que t'en as l'air et t'as bien mérité d'avoir un peu de bonheur toi aussi. Maintenant file, j'ai un client qui va pas tarder.
- Natalia…
- Je t'ai assez vu, répondit-elle en lui tendant son manteau. Va la voir, c'est tout ce que j'ai à rajouter.
Kerensky hocha la tête et sortit rapidement dans la rue. Il repensa à tout ce que Natalia lui avait dit. Amoureuse de lui… cette révélation lui semblait étrange de la part de la prostitué.

Tu dois pas laisser ton passé venir gâcher ton avenir. La voix de Natalia tournait dans sa tête. Et si son avenir était aussi chaotique que son passé ? Marissa. Il en revenait toujours à elle. Il lui avait fait confiance, elle avait trahi sauf que… elle n'est pas comme cela. Pouvait-il faire confiance de nouveau ? C'était cette question qui lui tenait le plus à cœur. Il avait baissé sa garde une fois, montré ce qu'il était vraiment et on lui avait enfoncé un couteau dans le cœur. La commission l'avait sans doute aidé en quelque sorte, il aurait eu du mal à l'accuser de trahison et à appliquer le châtiment nécessaire. Il ne l'aurait sans doute pas tuer, elle lui aurait sorti le vieux refrain selon lequel elle était tombée amoureuse de lui après l'avoir approché. Il ne l'aurait pas cru et après ? Il n'en savait rien, il devait bien se l'avouer.

Il s'aperçut que ses pas l'avaient guidé à quelques pâtés de maison de l'immeuble de Sarah. Il était venu une fois, la chercher en limousine avec l'Intel Unit pour aller à une réception. Il se laissa guider par son intuition et arriva rapidement devant l'immeuble de la jeune femme. Il y avait de la lumière à sa fenêtre et pour cause, il n'était que 22h apprit-il en consultant sa montre. Une ombre passa sur le plafond et s'approcha de la fenêtre. Kerensky ne bougea pas, il doutait qu'elle le remarque parmi les quelques piétons qui venaient d'émerger du métro. Il contempla sa silhouette avant de la voir s'éloigner et d'éteindre la lumière. Elle allait se coucher, pensa-t-il.

Il allait faire demi-tour quand la porte de l'immeuble s'ouvrit brusquement, attirant son attention. Elle était là, le dévisageant avec appréhension, vêtu d'un débardeur et d'un caleçon qui ne devait pas lui tenir chaud en cette glaciale soirée de décembre. Ni l'un ni l'autre ne bougèrent pendant un long moment. Sarah, réalisant soudain qu'il faisait froid, serra ses bras contre elle. La voyant faire et constatant qu'elle attendait quelque chose, Georgi s'avança jusqu'à elle. Il ne lui dit rien, caressa son visage du bout des doigts avant de l'embrasser tendrement. Sarah se blottit contre lui et s'enivra de son odeur. Il se séparèrent haletants au bout d'un long moment. Elle lui donna la main, il la prit, se laissant conduire à son appartement. Natalia avait raison, songea-t-il en refermant la porte derrière lui. Il ne laisserait plus son passé gâcher son avenir. Cet avenir avait un nom dorénavant, il s'appelait Sarah.

FIN