THOM

par Angelène

***

Elle s'appelait Joy. Je n'ai jamais rien su d'autre. Je m'en fichais. Ce n'était pas ce que je voulais d'elle. Elle était belle. Douce, mystérieuse. J'avais envie d'elle. Je voulais son corps, je voulais m'unir à cette femme si triste dont je lisais au plus profond des yeux, la même lueur de désespoir que celle que je pouvais discerner lorsque je me regardais dans un miroir.
Je voyage beaucoup. C'est pour mon travail, mais cela non plus n'a pas d'importance. Je l'ai rencontrée à New York, dans une Tour, haute, vertigineuse, à l'image de la mégalomanie patente de son instigateur. Une nouvelle ère était arrivée et pouvait presque se ressentir par chacun des pores de cet endroit. Je marchais, sûr de moi, comme toujours, n'ayant pas vraiment en tête le contrat que je devais négocier. Je n'ai jamais la tête à mes affaires, mais je les mène toujours à leur terme, parce qu'on me paie pour ça, et c'est presque inné chez moi. J'ignore ce qu'il se passe après généralement. Je ne suis qu'un intermédiaire, personne de très important, un technicien qui se charge des détails que les grands de ce monde ont en horreur.
Je fus reçu par un homme d'une cinquantaine d'années bien tassées, le bras droit du grand patron. Sérieux et efficace. Tant mieux, plus les affaires seraient réglées rapidement, plus vite je pourrais reprendre l'avion pour rentrer chez moi, traiter un nouveau dossier, et surtout commencer à rêvasser. Je suis un rêveur.
Je n'aime pas venir à New York. Trop d'agitation. Je pouvais entendre des pales d'hélicoptères, de là où je me trouvais, survoler la ville, frôler l'immense Tour d'Ivoire. Cela m'a déconcentré, mon regard a obliqué vers la baie vitrée, espérant apercevoir le turbulent appareil. Nulle trace de lui. Le bras droit réclama mon attention dissipée. Lui avait l'habitude, il ne comprenait pas l'égarement passager de son interlocuteur. Je me suis repris et nous avons conclu l'affaire. Puis il m'a proposé de me reconduire hors de l'immeuble.
Dans le couloir, le bras droit a hélé un jeune homme, bien habillé, décontracté, en pleine discussion avec deux personnes. Un autre homme, petit, brun, visiblement enjoué, amical et turbulent. L'autre personne, c'était elle. Je la dévorais des yeux, et j'en avais presque honte. Mon cœur était déjà pris par une Autre, une femme merveilleuse, que j'adore en silence depuis quelques temps déjà. Elle va se marier. Mon cœur est brisé, et pourtant j'ai le sentiment de la tromper en la regardant. Elle est si belle, gracieuse, sereine. Une aura étrange se dégage d'elle. Je la regarde sans me soucier du jeune homme aux cheveux ébouriffés que le bras droit me présente. C'est quelqu'un d'important, je le connais à travers ce qu'en dit la presse. Mais elle me captive.
Gênée par mon regard insistant, elle détourne les yeux, et avale un soupir d'impatience après avoir échangé un regard sombre avec le petit brun aux allures sympathiques. Celui-ci me désigne discrètement, goguenard. Elle semble s'énerver contre lui, d'une colère fictive, comme s'il s'agissait d'un jeu entre eux. Je souris à mon tour et je consens enfin à reporter mon attention sur le jeune homme si important. Je lui serre la main et échange avec lui quelques banalités sur la société que je représente et sur le projet que nous avons conclu quelques instants plus tôt avec son bras droit. Il s'excuse de ne pouvoir rester plus longtemps, mais il a beaucoup de rendez-vous urgents. Il fait signe à ses compagnons de le suivre. Galamment, il fait passer la jeune femme devant lui et garde son bras autour de sa taille. Le petit brun leur emboîte le pas, souriant, dynamique et lance tout de suite une nouvelle conversation. Ils arrivent à l'ascenseur et s'y engouffrent.
La femme a senti que mon regard lui pesait, elle se retourne et me fixe droit dans les yeux en attendant que les portes de l'ascenseur se referment devant elle. Elle me détaille intensément, avec curiosité. Je lui souris, d'un air distrait et conquis. Elle a un petit mouvement de tête, une moue embarrassée. Moi qui pensait qu'elle devait rencontrer tous les jours de bien plus séduisants que moi subjugués par elle. Mais au contraire elle semble surprise, agréablement surprise. Peut-être que je lui plais. Les portes se referment sur son regard perçant et charmeur. Je soupire. Son image se grave dans mes rétines et le bras droit me conduit vers un autre ascenseur. Je peux partir maintenant.
Je crois que le soir est tombé. Je n'ai plus la notion du temps. Je devais prendre le premier avion, mais j'ai dû mal à quitter cette ville qui renferme en son sein cette créature, cette fée qui a illuminé ma journée. Je n'aime toujours pas New York, mais chez moi, si j'y retourne maintenant, je reverrai l'Autre, celle qui me torture depuis si longtemps. Celle qui ne partagera jamais mes sentiments. Mon cœur devient froid quand je pense à elle. Mais la ravissante créature de New York me ravit les sens, elle m'emporte, tourbillonne dans mes pensées. Là-bas tout est si froid. Je voudrais bien la revoir.
J'ai laissé tomber l'aéroport. Après tout mon patron m'a conseillé de rester ici, pour visiter la ville quelques jours, " pour une fois ". Il n'aime pas me voir trop traîner chez nous, dans nos bureaux. Ce n'est pas pour rien que mon travail m'amène à voyager souvent. C'est avec mon patron qu'Elle va se marier. Je me fais baiser dans tous les sens. J'en ai marre de tout et je vais dans un bar pour boire quelque chose de fort, de très fort. Il n'y a que l'alcool qui peut réchauffer mon cœur. Ou la délicieuse créature. Je songe à retourner dans l'immense Tour. Je pourrais l'y revoir.
J'étouffe un rire dans mon verre. Elle me prendrait pour un cinglé. Je ne suis qu'un pauvre fou. Je n'ai jamais vraiment eu les pieds sur Terre, contrairement à ce qu'ils pensent tous. Je me sens prisonnier de ma propre vie. Pourquoi est-ce que je me suis amusé à la gâcher entièrement alors que j'avais toutes les chances de mon côté ? Je pense que je ferais bien mieux d'entrer dans n'importe lequel de ces innombrables gratte-ciels, de le grimper jusqu'au toit, et de me balancer dans le vide.
Mon cœur ne serait plus aussi froid. Il s'arrêterait tout simplement et j'aurais enfin la paix. Peut-être est-ce un signe, que je vienne ici. Avec tous ces gratte-ciels, passeports pour l'enfer ou clés du Paradis. J'ai dû trop boire. Le temps passe et le barman me jette des regards suspicieux. Il n'a sûrement pas envie que j'aille me jeter sous une voiture en sortant de sa bicoque. Il reconnaît à ma mine défaite qu'il y a un immense gouffre en moi. Des pauvres types, il en voit tous les soirs, il en fait son fonds de commerce.
Un jour je finirai par toucher le fond. Je sais que je pourrais être plus malheureux, mais je n'ai plus envie de rien. Je ne trouve aucune raison d'être heureux à part celle que d'autres sont plus malheureux que moi. Je fais un signe au barman pour qu'il me donne un autre verre. Je lève la tête et remarque le miroir devant lequel je suis assis. Il me renvoie une image étrange. Il y a moi, la mine fatiguée, mes cheveux bruns en bataille, mon beau costume d'un grand tailleur italien quelque peu défait, ma cravate n'étant plus serrée que par l'ombre d'un nœud. Assise à mes côtés, raide et droite sur son tabouret de bar, une magnifique jeune femme. La créature de la Tour d'Ivoire. Je ne sais pas quand elle est arrivée, je ne l'ai même pas entendue s'asseoir à côté de moi.
Je commence à me dire que je rêve, qu'elle n'est pas réelle. Fantomatique, elle se serait assise près de moi, tout près de moi, sans même que je l'entende ? Non je rêve. Je fantasme, je vois son image apparaître dans le miroir parce que je sens qu'elle seule pourrait réchauffer mon cœur endolori. Elle est belle. Ma vision est encore plus belle que celle que j'ai eue, réelle, à l'intérieur de la Tour. Je souris à son reflet dans le miroir, réconforté par mon hallucination. Le reflet sourit également. Elle a un merveilleux sourire, parce qu'on le devine rare. Je dois vraiment arrêter de boire. Bientôt je vais m'imaginer qu'elle me parle.
Une chaleur m'anime. Un parfum subtile chatouille mes narines. Quelques froissements discrets de tissu. Je ne rêve pas. Il y a vraiment quelqu'un assis à côté de moi. Je me retourne lentement, de crainte de me faire de faux espoirs. Elle tourne la tête en même temps que moi, soulagée de croiser enfin mon regard ailleurs qu'à travers le reflet du miroir. Elle me sourit à nouveau, furtivement. Je lui murmure qu'elle est tellement belle qu'elle me semble irréelle. Son sourire disparaît. Son regard se fait intense. On doit rarement lui dire des choses comme ça. Si j'avais pu la toucher à ce moment-là, j'aurais bien volontiers cru qu'elle avait frissonné de tout son être.
Je lui demande ce qu'elle fait là.
Elle me répond en haussant légèrement les épaules qu'elle avait besoin d'un verre, à cause d'une journée plutôt difficile. Et elle m'avait reconnu en entrant.
Je m'en enorgueillis furtivement. Elle m'a reconnu. Elle a retenu mon visage. Elle m'a gravé dans sa mémoire. Je l'ai marquée. Je me sens pris d'un élan d'audace et d'enthousiasme inconsidéré et je lui demande directement si je lui plais. Je n'ai pas envie de sombrer encore une fois dans le fantasme, ce serait trop. Je veux que tout soit réel.
Elle ne sait pas comment réagir à ma question. Elle semble s'être habituée à entretenir des relations floues et ambiguës avec les hommes. On ne lui a pas posé cette question depuis bien longtemps, peut-être même qu'on ne la lui a jamais posée. En y songeant je trouve qu'il se dégage d'elle une forme de distance, d'autorité qui doit effrayer certains hommes. Non, personne n'a osé le lui demander. Mais l'alcool ne réchauffe plus mon cœur depuis un moment déjà, je n'ai plus rien à perdre, j'ai besoin d'une réanimation d'urgence.
Elle finit par sourire. Après une lutte intérieure, elle a dû décider que je lui plaisais, sans toutefois s'abaisser à me répondre que c'était le cas. Le barman lui apporte un verre. Elle boit quelques gorgées, lentement, le regard perdu dans son reflet dans le miroir. Elle doit se demander ce qu'elle fait là, qui est cette personne qui boit ce verre et se laisse volontairement approcher par un parfait inconnu. Elle lutte intérieurement. Je ne sais pas quoi faire pour regagner son attention, alors je lui dis mon nom. Elle me répond par le sien. Joy. Un prénom incandescent. Je suis sur la voie de la guérison.
Je lui demande si elle veut qu'on parle. Et je lis dans ses lèvres scellées, dans sa voix rare et étouffée, qu'elle n'aime pas ça. Son regard perçant luit d'une certaine tristesse. Et de beaucoup de fatigue. Elle ressentait, là, au même instant que moi, exactement la même chose. La créature de la Tour d'Ivoire appelait désespérément à l'aide, pour qu'à elle aussi un peu de chaleur soit insufflée. Son cœur se refroidissait à vue d'œil, il n'y avait plus personne pour en ranimer la braise de moins en moins incandescente.
Deux âmes esseulées s'étaient trouvées.
Je lui prends la main et ses doigts tièdes glissent contre les miens. Je les embrasse, lentement, précautionneusement, comme si j'avais peur de les briser. Sans la regarder, je lui murmure que je la désire. Je sens un mouvement, imperceptible, comme si son sang dans ses veines prenait une allure folle soudainement. Elle aurait pu s'enfuir, brusquée par cette déclaration. Elle ne fit rien. J'en conclus qu'elle me désirait aussi.
Je me suis levé de mon tabouret de bar, sans lâcher sa main, et j'ai laissé quelques dollars sur le comptoir pour nos boissons. Je l'ai interrogée du regard une dernière fois. Elle hésitait encore. Une forme de vieille pudeur, caractéristique des américains et dont nous souffrons moins en Europe, paraissait la tourmenter. Je l'ai laissée décider, sans l'influencer, me contentant de garder sa main dans la mienne. Elle a fini par quitter son tabouret à son tour et s'est mise debout devant moi, me frôlant entièrement. Son parfum enivrant devint entêtant et m'envahit de toutes parts. Elle a mis sa main sur mon épaule et m'a soufflé à l'oreille " Tu peux les entendre ? Les hélicoptères ? On est à New York. " . J'ai souri en reconnaissant cette chanson que j'adorais. Mon cœur ne fonctionnait plus que par vagues de chaleurs. Je ne pensais plus à l'Autre. Je n'étais plus qu'avec la jolie créature de la Tour d'Ivoire.
Je l'ai emmenée dans une chambre d'hôtel. Elle disait que son appartement était trop loin, mais je savais qu'elle mentait. Elle ne voulait pas de témoins, pas de souvenirs, juste elle et moi. La chambre était simple, peu décorée, pas luxueuse, pas médiocre. J'ai ouvert la fenêtre, il faisait chaud. Lorsque je me suis tourné vers elle, elle avait déjà retiré ses chaussures et sa veste. Elle s'attaquait aux boutons de sa chemise, mais je lui ai fait comprendre d'un regard d'arrêter. Je l'ai rejointe lentement. Ses yeux sombres brillaient dans l'obscurité. Je l'ai prise par la main et je l'ai conduite vers le lit. Nous nous sommes assis sur le rebord, en silence. Nous n'avions plus besoin de parler.
J'ai glissé mes doigts dans ses cheveux. Ma main découvrit ensuite sa nuque. Elle souriait d'un air serein, tranquille. J'ai déboutonné sa chemise et j'ai fait glisser le tissu sur ses épaules fines. Sa poitrine était mise en valeur par de la lingerie en dentelle noire. J'ai touché un de ses seins, frôlant le tissu, tandis qu'elle m'attrapait par la nuque et portait mon visage au sien pour m'embrasser. Sa langue caressa la mienne, lentement, langoureusement. Elle était tiède et douce. Le métro passait près de notre hôtel, faisant légèrement trembler les murs de notre chambre. Le bruit des rames, pourtant étouffé, nous parvint aux oreilles et couvrait nos soupirs. Mon cœur commençait à brûler.
Il brûlait, il m'ébouillantait. Je l'ai allongée contre le lit d'un élan incontrôlable que je ne m'expliquais pas. Nos vêtements ont volé à travers la pièce. Je la touchais sans arrêt, sans pouvoir m'arrêter, et je l'embrassais. Sa peau tiède commençait à s'enfiévrer sous la mienne, le sang dans mes veines tambourinait contre mes tempes. Mon excitation me fit perdre mes esprits. Je l'embrassais avec tant de vigueur que je ne me laissais plus le temps pour respirer. J'ai cherché tous les recoins de son corps, j'ai parcouru chacun des centimètres de sa peau satinée. Je l'ai découverte totalement, avide d'elle. Elle m'a rendu une jouissance qui dépassait tous les sommets. Je l'ai aimée de tout mon corps, je l'ai aimée, je l'ai aimée jusqu'à n'en plus pouvoir.
Elle était heureuse. J'ai vu son visage. J'ai vu son sourire. Elle m'a remercié, plusieurs fois. Je n'étais pas censé savoir de quoi, mais au fond, je m'en doutais. Bien sûr que je le savais, je ressentais la même chose. Nos cœurs étaient vides, asséchés. Nous les avons ranimés. Je l'ai embrassée, encore une fois. Rien qu'une fois avant que je n'affronte mon Autre, le cœur aguerri, plein de volonté. Rien qu'une fois avant qu'elle ne fasse de même.
Je ne pouvais pas détacher mes lèvres des siennes, elles avaient si bon goût, elles étaient si réconfortantes. En l'embrassant, je songeais que j'aimerais lui faire encore l'amour. Que j'aimerais lui faire l'amour nuit et jour, nuit et jour, pour que ma douleur s'arrête. Elle aimerait aussi. Je vais encore penser à elle, dans la chambre vide, dans l'avion, dans mon appartement, devant l'Autre. Nuit et jour pour ne plus sentir que moi en elle.
Rêve impossible.
J'accepte enfin de me retirer d'elle. Elle s'habille. Elle part.
Je regarde le soleil à l'horizon, je l'imagine se lever au-dessus de la rivière. Je suis déjà en train de me remémorer cette nuit. Un délicieux désordre, un vertige. Je pense à son corps. Je sais que lui n'a jamais pu le découvrir comme moi je viens de le faire. Je le trouve stupide. Je ne saurais jamais rien d'autre sur elle que son prénom, Joy. Mon cœur est rempli d'elle et je ne sais rien de sa vie, de ses aspirations, de ce qu'elle pensait. Que voulait-elle ?
Je l'aime comme elle est, ou plutôt comme je l'ai perçue. Même si je sens que ce que j'ai connu d'elle n'est qu'une infime partie de ce qu'elle est, je sais aussi que c'est la plus intime. J'ai lu en elle. Si elle était devant moi, je le lui dirais, je lui dirais de ne jamais changer. Elle est sûrement imparfaite, humaine, confuse. C'est ce qui la rend si parfaite à mes yeux.
Je regrette de ne pas l'avoir remerciée quand elle l'a fait. Je ne pense pas qu'on se reverra. Je vais rentrer chez moi, loin de New York. Même après tout ça, je déteste toujours cette ville. Mais je penserai toujours à elle, loin des gratte-ciels, loin du soleil couchant, je penserai à notre péché. Et mon cœur se remplira de chaleur.
Je l'aime.

FIN

Voilà, l'histoire m'a été inspirée par une de mes chansons préférées " This Mess We're In " de PJ Harvey en duo avec Thom Yorke de Radiohead, la chanson est un petit chef-d'œuvre, si un jour vous avez l'occasion de l'entendre, vous comprendrez pourquoi je l'aime autant, pourquoi elle m'a inspirée, et en écoutant les paroles, que je joins ici, vous y reconnaîtrez des allusions dans mon texte.


Can you hear them ?
The helicopters
I'm in New York
No need for words now
We sit in silence
You look me
In the eye directly
You met me
I thinks it's wednesday
The evening
This mess we're in and

The city sun sets over me

Night and day
I dream of
Making-love
To you now baby
Love making
On-screen
Impossible dream
And I have seen the sunrise
over the river
The freeway
Reminding of
This mess we're in and

The city sun sets over me

What were you wanting ?
I just want to say
Don't ever change now Baby
And thank you
I don't think we will meet again
And you must leave now
Before the sunrise
Above skyscrapers
The sin and
This mess we're in and

The city sun sets over me