Too late
Auteur : Scilia Classement : kleenex Archives : www.bricbrac.fr.st Résumé : Le passé de Kerensky se retrouve mêlé à son avenir d'une étrange manière.
Il faisait froid malgré le pâle soleil de cette journée d'hiver. Il avait l'impression de renouer avec son passé, d'être revenu des années en arrière. Sentiment étrange mais dont il n'arrivait pas à se débarrasser. Ses pas s'arrêtèrent à quelques mètres d'un platane sous lequel attendait une femme. Ses pensées n'avaient cessé d'aller vers elle depuis qu'elle l'avait appelée, une semaine plus tôt, à New York. Il avait pris le premier avion en partance, après brièvement avoir expliqué son absence aux autres, ne précisant pas de date de retour car il n'était pas certain de revenir. Non seulement à cause d'elle, peut-être y avait-il encore de l'espoir - il n'y croyait pas trop mais les circonstances de leur séparation n'avaient jamais pu être éclaircies - mais surtout à cause d'eux. Il chassa rapidement ces pensées pour se concentrer sur elle. Dix ans avaient passé mais elle était aussi belle que lorsqu'il l'avait rencontrée la première fois. Son visage était sombre et ses yeux rougis par les larmes, elle serrait machinalement un mouchoir entre ses mains gantées. Une légère brise souffla, balayant quelques mèches de la jeune femme qui ne parut même pas s'en apercevoir. Il franchit, d'un pas lourd, les quelques mètres qui les séparaient et s'arrêta à ses cotés. Il n'avait pas pour habitude de chercher ses mots mais, dans le cas présent, il ne sut que dire. Après un long silence, elle prit la parole d'une voix enrouée. - Tu n'étais pas obligé de venir. Elle garda le silence un long moment. A quoi bon revenir sur le passé
? Il était parti, du jour au lendemain, sans un mot, sans une lettre.
Oui, si elle avait pensé une seule seconde qu'il ne pourrait pas sauver leur fils, elle ne le lui aurait jamais avoué. Nikolaï. Son fils. Sa chair et son sang atteint d'une leucémie à l'age de 7 ans. Une greffe de moelle aurait pu le sauver mais Svetlana n'était pas compatible et lui non plus. Il ne ressentait plus rien depuis longtemps mais savoir que son fils allait mourir à cause de lui, car il était incapable de l'aider, l'avait empli de désespoir. Son seul réconfort avait été de passer un peu de temps avec lui. Nikolaï était un enfant merveilleux, intelligent et si mature pour son jeune age. Il en avait voulu à Svetlana de lui avoir caché son existence, peut-être qu'en le ramenant aux USA - Cela n'aurait rien changé, murmura la jeune femme comme si elle
avait pu lire dans ses pensées. Il se revit, dix ans plus tôt, agent du KGB incapable d'arrêter le traître Grichenko. Il avait lu, dans le regard d'Anya, tout le dégoût qu'elle ressentait pour lui parce qu'elle l'accusait de la mort de son meilleur ami, ami avec lequel elle l'avait trompée quelques semaines plus tôt et qui avait marqué le début de sa liaison avec Svetlana. Les choses avaient été si vites, il avait dû choisir ses priorités, faire des choix. Il savait pertinemment en quittant la Russie qu'il détruirait le cur de la jeune femme mais il avait cru, dans l'ignorance de la jeunesse, qu'elle s'en sortirait mieux sans lui. - Ils ne sont venus, reprit-elle lentement. Ils s'en sont pris à ta famille, à tous ceux qui te connaissaient. J'ai vu ta mère supplier, agenouillée dans la boue, j'ai vu ton père recevoir des coups parce qu'ils n'obtenaient aucune information sur toi. Comment as-tu pu , demanda-t-elle d'une voix enrouée. Comment as-tu pu les abandonner ? Il eut besoin de toute sa maîtrise de soi pour sembler rester impassible. Il s'était douté que le KGB ne laisserait pas ses parents tranquilles mais il l'avait espéré de toutes ses forces et s'étaient juré de revenir les chercher. - Quand ils sont morts
j'ai cru que tu viendrais à leurs
enterrements mais
Malgré un certain malaise, Georgi l'attira contre lui et tenta de la réconforter avec des mots quelques peu maladroits. Il n'avait pas l'habitude de ce genre d'étreinte, il avait tendance à repousser les gens, à ne pas se lier cela lui évitait la souffrance indubitablement liée aux êtres aimés. Svetlana se laissa aller contre lui. Il y avait tellement longtemps qu'elle n'avait pas senti son odeur, entendu le timbre de sa voix. Combien de fois avait-elle voulu le joindre après la mort de son mari ? Combien de fois avait-elle espéré son retour au pays ? Il était là. Maintenant il était avec elle devant la tombe de leur fils. Elle releva son visage ravagé et croisa le regard océan de Georgi qui la dévisageait gravement. Ils étaient trop vieux pour recommencer. Il y avait eu trop de non-dits entre eux. Avec douceur, il joignit ses lèvres à celles de la jeune femme pour un baiser lourd de sens, profond et doux à la fois mais surtout plein de promesses. Elle se laissa enivrer par les sensations si lointaines et pourtant familières avant de mettre fin à leur baiser. - Tu seras toujours dans mon cur, Georgi. Tu es mon premier et mon seul amour mais je n'ai pas le droit de reprendre ma vie où je l'ai laissée il y a dix ans. J'ai changé. Tu as changé. Je t'aime Adieu. Il ne prononça pas un mot, ne fit pas un geste. Il la regarda partir après avoir posé la fleur qu'elle tenait sur la tombe fraîchement creusée de leur enfant. Il aurait voulu lui dire qu'elle se trompait, il aurait voulu lui dire qu'ils avaient encore un avenir possible mais il savait que le fantôme de Nikolaï se dresserait toujours entre eux. Il la regarda sortir du cimetière sans qu'elle ne lui jette un dernier regard. Il se baissa pour passer la main sur les inscriptions gravées dans la pierre. Elle n'avait pas fait mettre le nom de son mari mais le sien. Nikolaï Georgi Kerensky. The end |