Voyage dans le passé

 

Auteur : Kazy, obligée de mettre Merinaz parce que son Gérard déconne… (ouais j'lai r'batisé, Popol, ça lui allait pas…)

Disclaimer : Ben c'est pas à moi, même si j'aimerai bien… Comme ça je pourrais continuer la série… Mais bon… C'est comme ça !

Résumé : Cahiers de texte pour la semaine prochaine… Oui, Oriane, pour jeudi ! Résumé de chaque partie en un maximum de vingt lignes. Non Emilie, pas des lignes comme les tiennes, puisqu'on ne peut y placer que trois mots. Donc pour toi, tu comptes le triple. J'suis pas prof de maths moi ! (z'avez vu la superbe imitation de ma prof ? Ok, j'ai fait ça en plus calme, mais si tout le monde se tait, je crois que ça donne ça…)

Note de l'auteur (c moi !) : Cette fic, j'ai mis trois plombes à l'écrire, alors j'espère qu'elle vous plaira… J'ai un peu copié l'intro sur Helen, mais c'est parce que je trouvais ça un peu plus différent des autres, et plus sympa aussi… Vous n'avez qu'à penser que cette fic est un épisode extra-long dont vous aurez la suite tous les jours, sauf le dimanche. Je remercie Cibard pour sa patience, et sachez (mauvaises langues) que j'ai compris tout ce qu'elle m'a dit ! Et voui ! Donc, je la remercie beaucoup, et j'espère qu'elle acceptera de continuer ce boulot ô combien difficile, puisque je ne suis pas quelqu'un de très régulière dans mes envois de suite…
Valavalavala !!!
Biz et bonne lecture,
Kazy

***

Ils sont beaux et très connus.

" Un blond à la belle gueule qui commence par Win, un brun sexy qui commence par O, et un soviétique plutôt baraqué qui parle bien l'anglais ? "

Mais eux, sont si dangereux.

" Il la tuerait ce soir. "

Ils ont un plan, et nos héros sont obligés de les suivre…

" Ou ils changent le monde et tout espoir sera réduit à néant, ou on les suit grâce aux informations que nous avons, pour préserver notre monde suffisamment pourri comme ça… Vous m'accompagnez ? "

Mais vont-ils arriver à la sauver ?

" - Je n'ai pas fait tout ce chemin pour la voir se faire tuer sans rien faire ! "

Quel est son passé ?

" Finalement, ils ne savaient même pas la moitié du tiers du quart de la moitié de la vie de la jeune femme. "

Car un jour il la rattrape…

" Passé dont ils ne savaient rien. Que dalle ! "

Et les autres se posent des questions…

" - De quoi nous dérouter, et se poser pas mal de questions auxquelles tu as plus ou moins répondu lorsque tu avais 15 ans…"

Auxquelles elle ne veut pas répondre.

" Elle n'avait jamais voulu leur en parler, et les seules fois où elle leur avait répondu, c'était par un " ça ne vous regarde pas ! " Suffisamment explicite pour ne pas leur donner envie de continuer. "

Car pour sauver la femme qu'il aime,

"- Ames sœur, ok…"

il ira jusqu'au bout…

" - Et ce n'est pas parce que dans le passé -et même dans le futur- elle ne veut pas de mon aide que je la laisserai tomber ! "

Même si elle ne le croit pas…

" Tu dis ça parce que je vais mourir…"

Il ira là où elle ne l'attendait pas.

"- Vous êtes allés dans mon passé ? "

De l'action…

" Mais dès qu'il la reposa, il se prit le genoux de l'adolescente dans des parties qui auraient pu servir pour plus tard, et qui avait déjà pas mal servies… "

De l'amour…

" Il la prit par les hanches, et la fit basculer dans ses bras, où il l'embrassa fougueusement. "

Des révélations…

" Ainsi, si elle était restée lorsque Largo lui avait clairement indiqué la porte, c'était pour ne pas faillir à sa promesse ? "

De l'humour…

" Et l'histoire de PFUIT le dinosaure ? "

Dans ce monde sans foi ni loi, où règne l'obligation de survie, nos amis devront faire, un

VOYAGE DANS LE PASSE

***

- Vite ! Vite ! Emmenez-là en bloc 3 ! ordonna le chirurgien
- Que se passe-t-il ? questionna l'infirmière
- Femme de 27 ans, balle logée dans le dos, évanouie depuis dix minutes…
- Elle a tenu aussi longtemps ?
- J'ai été étonné moi aussi, et c'est pour ça qu'il ne faudrait pas gâcher tous ces efforts !
- Messieurs, je vais vous demander de bien vouloir attendre ici, vous n'êtes pas autorisé à passer cette porte.
- Sauvez-la, je vous en supplie, j'ai les moyens, je veux les meilleurs soins… supplia un des trois garçons qui accompagnaient la jeune femme
- Ne vous inquiétez pas, mais laissez-nous faire notre travail, s'il vous plaît… Attendez dans la salle d'attente !
- Oui… Oui… J'y vais…
- Allez, viens Largo, on ne peut plus rien faire pour le moment…
- Tu es sûr ?
- Mais oui, ne t'inquiète pas…

Largo s'assit sur le premier siège qu'il aperçut, suivi de près par Simon et Kerensky. Joy était entre la vie et la mort, et ils n'avaient rien pu faire. Mais pour mieux comprendre ce qu'il se passe, nous allons revenir une semaine auparavant…

Largo avait appris que sa société de recherche avait trouvé un moyen d'aller dans le passé. Au début, il les avait pris pour des mythomanes sortis d'un hôpital psychiatrique, mais lorsque le technicien lui avait montré -non sans réticences- un disque vinyle introuvable à notre époque, il y avait cru, même si Joy et Kerensky le prenait pour un dingue de supposer que " ce genre d'idioties pour gamins de maternelle… " soit vraies. Il n'y avait qu'un seul plan de la machine conçue, qui elle, avait été créée en deux exemplaires. Et le technicien avait vendu les plans à une personne qui l'avait payée le triple que ce que Largo lui offrait. C'était à un certain Timothée Pitot, qui leur avait donné rendez-vous dans l'usine de Largo. Joy lui avait dit que c'était une mauvaise idée, et lui avait déconseillé de le faire, mais il avait préféré ignorer la remarque de son ex, et lui avait demandé de l'accompagner quand même. Finalement, elle avait accepté. Mais comme Joy l'avait prévu, c'était un piège, et le Timothée Pitot en question, était en fait mort depuis deux jours. Le type s'appelait réellement Fred Cherry, et était un tueur à gage très réputé, qui savait qu'il n'aurait pas la paix tant que Largo serait en vie. Il l'avait menacé, mais Largo n'avait pas cédé. Et Cherry avait tiré. Mais pas assez rapidement, puisque Joy avait eu le temps de le désarmer, et de l'assommer. Mais elle n'avait pas prévu que Cherry aurait pu avoir un complice…

- Mais non, Joy, tu deviens parano, ce type ne peut pas être un tueur ! dit Joy ironiquement
- Et là, elle n'avait pas tort, tu t'es trompé en beauté mon gars ! ajouta Simon par le biais de la radio
- C'est bon, c'est bon, j'ai compris, pas la peine d'en rajouter ! se plaignit le milliardaire

Il tenait Joy par la main, qui n'eut pas le temps de la retirer puisqu'il l'embrassa rapidement sans lui laisser le temps de faire quoi que ce soit. Et puis elle avait pris le parti d'en rire. Mais son rire s'arrêta lorsqu'ils entendirent un bruit sourd. Les yeux de Joy se figèrent, et elle serra brièvement, mais puissamment, la main de Largo, qui la regarda et lui demanda :

- C'était quoi ça ?
- Largo…
- Joy ?
- Largo…

Sa voix était faible, et semblait venir de loin. Elle posa sa main sur son ventre, et la regarda : du sang dégoulinait. Elle lâcha la main de Largo et tomba à genoux. Et soudain il le vit. L'homme qui lui avait tiré dessus, de dos en plus. Il fuyait. Mais Largo n'y fit pas plus attention, et regarda Joy. Elle était étendue par terre, et tremblait. Il n'entendait pas non plus les cris de Simon et de Kerensky qui lui demandaient ce qui se passait :

- Quoi ? Largo, qu'est-ce qui se passe ? Joy ? Largo ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Joy… ; suppliait Largo ; Joy, réponds ! Je t'en supplie !
- Lar… go…
- Mais qu'est-ce qui se passe ?
- Appelez une ambulance ! Vite ! Elle… On… On lui a tiré dessus ! Vite ! Joy, il faut que tu tiennes, tu entends ?
- Lar… go… Je… J'ai… mal…
- Je suis désolé ! C'est de ma faute, j'aurai dû t'écouter… Pardonne-moi…
- Je… Il faut… que… je te dise…
- Quoi ?
- Je… Je…
- Non, ne dis rien, tu auras le temps quand tu me hurleras dessus parce que je ne t'ai pas prévenu que je sortais…

Il n'aimait pas ça. Pas ça du tout. Cette scène lui rappelait Montréal, et il n'avait pas la moindre envie que ça finisse mal. Il fallait qu'elle s'en sorte.

- Je… Je ne… tiendrai pas…
- Mais si ! Ce n'est qu'une toute petite égratignure de rien du tout…
- Je…
- Chut ! Il ne faut pas que tu dormes, mais il ne faut pas non plus que tu parles…
- J'ai… froid…

Il retira sa veste et la mit sur Joy. Il avait peur. Peur que tout recommence comme avant. Peur des heures d'attentes dans des salles déprimantes, peur des diagnostiques des médecins plus pessimistes les uns que les autres… Il ne voulait pas que tout recommence, la douleur, la peine, la peur de la perdre, que sa vie n'ait plus aucun sens si elle mourait, de devoir aller la voir à l'hôpital où il avait déjà accompagné Simon lors de sa greffe. Peur de la perdre. Il ne voulait pas. Il fallait qu'elle tienne.
Les autres aussi étaient effrayés, et, après avoir appelé une ambulance et pris les micros, étaient montés dans la voiture.

- Joy, t'as pas le droit de m'abandonner…
- Largo…

Et ils entendirent une phrase qu'ils espéraient que Largo dise à Joy depuis longtemps :

- Non, t'as pas le droit de mourir, parce que je t'aime…
- Tu… dis ça… parce que je vais mourir…
- Non, je te dis ça parce que je le pense…

Les ambulances arrivaient, et Joy commençait à sombrer dans un état léthargique, signe qu'elle s'affaiblissait, et qu'elle approchait encore une fois de la mort. Chose qui fit encore plus peur à Largo, qui se pencha vers elle et déposa un baiser sur ses lèvres.

- Je t'en prie, ne m'abandonne pas… Qui remettra Simon à sa place sinon ?
- Kerensky…
- Et qui embêtera Kerensky ?
- Simon…
- Et qui m'empêchera de n'en faire qu'à ma tête ?
- Personne… n'a jamais… réussi…
- Joy !
- Monsieur, poussez vous s'il vous plaît ! lui demanda un infirmier
- Largo ! JOY ! criaient Simon et Kerensky en courant
- Bats-toi, Joy ! la supplia Largo

Mais elle ne répondit pas. Ses yeux étaient fermés, et les médecins lui demandaient s'il voulait monter avec eux.

Voilà comment tout s'était passé. Tout était de sa faute. Il aurait dû l'écouter. Mais comme d'habitude, il n'en avait fait qu'à sa tête… Et elle se retrouvait dans un bloc opératoire. Encore. Ils attendirent deux heures, entre soupirs, cafés et coups de pieds dans le pauvre percolateur qui n'avait pourtant rien fait pour mériter un tel acharnement. Si Kerensky soupirait toutes les deux minutes, et si Simon s'excitait sur la machine à café, Largo, lui, demeurait plongé dans ses pensées, plus noires les unes que les autres. Lorsque le chirurgien arriva. Il retira ses gants tâchés, ou plutôt recouverts de sang :

- Vous êtes de la famille ?
- Oui, mentirent-ils à l'unisson
- Alors ? demanda Largo anxieux de connaître la réponse
- Alors votre amie s'en tire sans grand dommage. Elle dort pour le moment, et je peux vous dire qu'elle a eu beaucoup de chance. Elle est sous analgésiques pour le moment, et elle dort.
- Mais… continua Kerensky qui pensait que c'était trop beau pour être vrai
- Mais elle a perdu beaucoup de sang…
- Et… poursuivit Simon
- Et il lui faut une transfusion sanguine.
- Attendez… Vous n'avez pas de sang en réserve ? s'enquit Kerensky, atterré
- Il y a eu un gigantesque accident il y a quelques jours. Nous sommes en " pénurie " entre guillemets. Et comme de moins en moins de gens font des dons de sang, c'est dur de remplir les réserves… L'un de vous est-il du groupe B- ?
- Je suis du groupe O-. Ca marche ? demanda Largo
- Il faut faire des examens, mais sinon ça devrait aller.
- Est-ce que ses jours sont en dangers ? demanda Simon
- Non, sauf si elle ne reçoit pas de sang dans les prochains jours…
- Faites moi les examens maintenant, s'il vous plaît…
- Etes vous malade ? Consommez vous de la drogue ? De l'alcool ? Une allergie particulière ?
- Non, non, non, et non.
- Alors nous pouvons commencer. Suivez moi.
- Euh… commença Largo. Est-ce qu'on peut la voir avant, s'il vous plaît ?
- Un seul à la fois. Et je pense que je vais vous faire vos examens avant… Qui veut y aller ?
- Largo, vas-y, elle a besoin de toi.
- Merci Simon. T'es vraiment un pote !

Après les examens, les prises de sang, et le branchement de la perfusion, il entra dans la chambre de son amie. Amie ? Ce n'était pas exactement le mot qui convenait, mais il n'avait pas le temps d'y penser. Il s'assit sur la chaise la plus proche, et remit la mèche " rebelle " derrière son oreille. Elle était pâle, et semblait paisible, comme à chaque fois qu'elle dormait. Oui, elle dormait. Il était rassuré. Elle n'allait pas mourir, grâce à son sang. Quoi ?! Il fallait déjà qu'il sorte !? Largo se leva à contre cœur et, avant de sortir, déposa un baiser sur les lèvres de sa garde du corps et quitta la pièce. Il se dirigea vers Simon et Kerensky :

- Il faut faire des recherches sur ce type. Sur ces types.
- Oh m***e, Largo ! s'exclama Simon
- QUOI ?
- Ils étaient deux ?
- Oui.
- Et le deuxième, il était assommé ?
- Oui.
- Et qu'est il est advenu de lui ?
- Oh m***e ! On l'a complètement oublié ! Tu crois qu'il… ?
- Il s'appelait Fred Cherry… dit Kerensky
- Et le type qui a tiré sur Joy s'appelait Tom Bouter, continua Simon
- Comment le sais-tu ? interrogeât Largo
- C'est un employé du groupe depuis deux semaines…
- Deux semaines ? Seulement ?
- Oh non ! Qui était le recruteur ? s'inquiéta le russe
- Aucune idée !
- Tu pourras me faire des recherches sur lui, s'il te plaît Kerensky ?
- Oui.
- Attends… reprit Largo
- Quoi ?
- Ils ont les plans des machines à remonter dans le temps ?
- Oui. Alors ils savent comment la faire fonctionner ?!
- Tu crois qu'ils vont aller dans le passé ? Mais pour quoi faire ?
- Je sais pas… Faire tourner le futur à leur avantage…
- Alors le temps nous est compté ! Direction l'usine !

Les deux autres hommes avaient réussi à se retrouver dans l'immeuble abandonné qui leur servait de repaire. Ils discutaient :

- Nous n'arriverons à rien si Winch est en vie, déclara Bouter
- Oui mais Arden est bien trop forte pour qu'on puisse atteindre Winch, répondit Cherry
- Mais elle est à l'hosto en ce moment, grâce à mon coup de maître !
- Il ne faut pas la sous-estimer. Et la sécurité de Winch sera encore plus renforcée. Non, ce qu'il faut, c'est tuer sa garde du corps…
- Mais elle sera protégée à l'hôpital.
- Il faut l'abattre lorsqu'elle ne peut pas se battre contre nous…
- Dans son passé ? Ses parents ? Tu veux qu'on tue ses parents pour ne pas qu'elle vienne au monde ?
- Non. C'est bien trop compliqué, et nous ne savons pas en quelle année ses parents se sont rencontrés. Non. J'ai une bien meilleure idée…
- Développe…
- Puisque nous connaissons sa date de naissance… Nous allons dans le passé, et nous la tuons pendant qu'elle a… disons… 15 ans. Ça devrait être suffisant…
- Mais pour ça il faut aller à l'usine…
- Voyons Tom, elle ne doit pas être trop surveillée, et Winch et ses amis doivent être au chevet de leur miss CIA préférée…
- Donc pas de problème… On y va ?
- Tout de suite. Tu as les plans ?
- Oui. Ils n'auront même pas le temps de comprendre ce qui leur arrive…

*

Ils étaient arrivés à l'usine le plus vite qu'ils avaient pu, puisqu'il fallait préparer la machine. Les plans en main, ils avaient pris leurs armes et étaient descendus à la voiture. L'usine était bien gardée, et après avoir assommé quelques hommes en faction, ils purent accéder à la salle de la Machine X1, avec celle juste à côté X2. Elles n'étaient pas très grandes. Juste la place pour trois personnes. C'était une sorte de grande bulle avec un tableau de commande à cinq boutons : jour, mois, année, lieu et lancement. Trois sièges uniquement.

- Laquelle on prend ? demanda Cherry
- X1, elle est plus confortable, et en plus, le technicien qui m'a filé les plans avait installé des super sièges de haute technologie… Si tu veux, on peux aussi prendre des canettes de coca, parce que là bas…
- La ferme Tom ! Bon, le temps que je prépare la date de notre arrivée dans le passé, et on part. T'as qu'à charger X1 de nos armes.

La préparation fut assez rapide, grâce aux plans ; mais ils n'avaient pas prévu que le milliardaire et ses amis auraient compris les idées des tueurs.

- Ils sont là ! cria Largo
- Empêche les de partir ! rajouta Kerensky
- Tom ! Monte, vite ! ordonna Cherry
- Ouais, ouais ! Attends ! Les plans !
- J'ai tout dans ma tête ! Allez, monte !

Bouter monta dans la machine lorsque Cherry appuya sur le bouton de lancement. Il y eut un éclair aveuglant, et puis plus rien. Il n'y avait pas eu un seul bruit. Et de toutes manières, s'il y en avait eu ne serait-ce qu'un seul, il aurait été couvert par le cri de désespoir des trois autres :

- NOOOOOOOOOOOOOOOOOON !!!!!!!!!!!!!!
- C'est pas possible !? s'exclama Simon
- Notre monde… déjà pas terrible, va devenir pire qu'il ne l'est maintenant… resta interdit Kerensky
- Il faut qu'on aille les rejoindre ! déclara le milliardaire
- Et comment ?
- J'ai vu la date à laquelle ils allaient, et ils ont oublié les plans…
- Mais… Largo, il n'y a que deux places… remarqua Kerensky
- On se serrera. Ecoutez, on a pas vraiment le choix. Ou ils changent le monde et tout espoir sera réduit à néant, ou on les suit grâce aux informations que nous avons pour préserver notre monde suffisamment pourri comme ça… Et de toutes façons, que vous soyez d'accord ou pas, j'irai quand même. Vous m'accompagnez ?

Le russe et l'ex-voleur se regardèrent un moment, puis se tournèrent vers Largo. Il y avait tant de détermination dans ses yeux qu'ils savaient que rien ne le ferait changer d'avis. Simon prit en premier la parole :

- Eh, tu vas pas aller t'amuser sans moi ?!
- Et qui va veiller sur toi pendant que Joy est à l'hosto ?
- Merci les gars, je me voyais mal aller me battre tout seul contre des " michants ! "… Attendez…
- Quoi encore ? s'inquiéta le suisse
- J'ai pu voir l'année et le lieu où ils se rendaient : Washington, enfin tout près… en janvier 1991…
- Et alors ?
- Qui habitait près de Washington en 1991 ?
- Joy… comprit le russe
- Mais qu'est-ce qu'ils auraient à gagner à aller voir Joy ? demanda Simon
- Aucune idée…, lui répondit son meilleur ami
- Moi je sais…, commença Kerensky. Largo, ils voulaient te tuer, non ?
- Ben, ouais…
- Mais qui les en a empêché ?
- Ben… Joy, répondit l'intéressé.

Il attendit quelques secondes, puis une sorte d'éclair de frayeur passa dans ses yeux. Ça y est, il a compris, se dit Kerensky.

- Tu crois qu'ils veulent la tuer dans le passé pour ne pas qu'elle me sauve dans le présent ?
- C'est une solution, et la plus plausible… Surtout qu'en 91, elle n'a que… 15 ans, donc elle n'est pas dangereuse !
- Euh… Je sais pas trop moi… reprit Simon
- Quoi ?
- Ben… Si son père l'entraîne, je suis pas sûr qu'elle soit moins forte… Et puis, vous imaginez si on l'aide, les répercussions que cela peut avoir sur le présent ? continua-t-il
- Sauf si…
- Sauf si quoi, Kerenksy ?
- Sauf si Joy nous connaissait avant de nous rencontrer, si ça devait se passer…

Il regarda ses amis. Vu leur regard, ils n'avaient pas compris… Il allait encore falloir jouer les profs… Surtout que le temps leur était compté si ce qu'ils redoutaient était vrai !

- Imaginez que ce qui se passe maintenant, devait se passer…
- Oui…
- Ça voudrait dire que c'était prévu qu'ils aillent dans le passé ; donc nous par la même occasion…
- Oui…
- Or, si nous allons dans le passé sauver Joy, ça veut dire que nous allons la rencontrer. Et si nous la rencontrons alors qu'elle a 15 ans, elle se souviendra de nous. Mais comme lorsqu'elle nous rencontrera lorsque Nério sera mort, elle saura qui nous sommes…
- C'est compliqué mais je comprends… Tu veux dire qu'elle savait qui on était dès le début ?
- Peut-être. Sauf si on l'a forcée à oublier, ou si elle l'a oublié tout court…
- Eh ben… soupira Simon. Elle l'a bien caché, alors…
- Bon, les gars, les deux autres ont déjà de l'avance, on n'a pas le temps de tergiverser sur des détails ! On verra tout sur le tas… Georgi, tu connais les plans ?
- Je sais les lire, oui. Laissez moi cinq minutes…

Il se dirigea vers le rouleau et se pencha dessus. Pendant ce temps, Largo réfléchissait. Ils allaient aller dans le passé de Joy. Passé dont ils ne savaient rien. Que dalle ! Elle n'avait jamais voulu leur en parler, et les seules fois où elle leur avait répondu, c'était par un " ça ne vous regarde pas ! " suffisamment explicite pour ne pas leur donner envie de continuer. Pas brillant, quoi. Elle leur en voudrait sûrement. Et qu'est-ce qu'ils allaient bien pouvoir lui raconter dans le passé ? La vérité ? Non, elle les prendrait pour des tarés sortis tout droit d'un asile. Lui mentir ? Oui, mais lui dire quoi ? Elle n'était pas si naïve que ça tout de même… Apparemment, Simon suivait le même raisonnement que lui, car, lorsqu'il croisa son regard, il y vit ce qu'il devait sûrement y avoir dans le sien : de l'excitation mêlée à une nervosité intense. Mais le russe coupa leurs pensées… :

- On peut y aller les gars… J'ai tout compris.
- Euh… On devrait peut-être prévenir l'hôpital si Joy se réveille, non ? demanda Simon
- Ne t'inquiète pas Simon. Avec les changements d'espace temps, nous ne partirons qu'une dizaine de minutes… si ce n'est des secondes.
- Quoi ?
- T'as jamais vu de films de science-fiction à la télé, où les héros remontent dans le temps, et où quand ils reviennent, c'est à peine quelques secondes après ? demanda Kerensky, ironique
- Ben… Si ! répondit Simon
- Eh ben c'est exactement la même chose, d'après ce que m'avait raconté le technicien. Donc, pas la peine d'appeler l'hôpital, et de toutes manières, ils nous prendraient pour des fous, puisque personne d'autre n'est au courant…
- Ah !!

Kerensky prit un ordinateur portable et un chargeur, puis rejoignit les deux autres. Ils montèrent dans X2.

- Bon, on y va ? s'impatienta Largo
- Oui. Retour vers le passé !!!!!!!! s'enthousiasma Simon
- Euh… désolé de te casser ton… enthousiasme, mais non seulement ce sera pas facile, mais en plus, c'est " retour vers le futur qu'on dit ", d'habitude… ; répliqua son meilleur ami
- Mais non ! On va vers le passé, là, mon cher Largo… Donc c'est " Retour vers le passé " qu'il faut dire !
- Ben oui, mais ça fait un peu pitié comme expression…

La réplique cinglante qui traversa à ce moment là les lèvres de Simon disparut en même temps que la Machine dans laquelle ils étaient montés, et que Kerensky avait réussi à mettre en marche, malgré les imbécillités de ses amis, qui n'avaient pas trouvé un autre moyen de décompresser. Et si ses doutes et ses renseignements sur le passé de Joy étaient fondés, ils en auraient bien besoin…

*

DRIIIIIIIIIIIIIIIIING BOUM !!!! Maudit réveil ! Un de ces jours, il serait irrécupérable si elle continuait à s'énerver dessus comme ça. Mais il était cinq heures du mat', et elle s'était couché tard la veille. Et il y avait cet entraînement de… -mot que la décence ne lui permettait pas de prononcer- qu'elle allait devoir faire. Elle se ménagea un peu, et émergea de son lit douillet. Elle sortit de sa chambre bleue, longea le long couloir, glissa un œil dans l'entrebâillement d'une porte, et descendit les escaliers dans un soupir à fendre l'âme. Il était encore absent, et elle avait été bien naïve de penser qu'il soit rentré pendant la nuit… Arrivée dans l'entrée, elle alla dans la cuisine, et alluma la radio. Un dur choix se présentait à elle : faire son entraînement et se préparer pour aller faire un contrôle de maths qu'elle n'avait pas révisé du tout et donc, par la même occasion, avoir une sale note ; ou faire son entraînement et s'éclater toute la journée avec son meilleur ami ? La deuxième solution, puisque lui non plus n'avait pas révisé son interro de maths. Il fallait qu'elle aille le voir quand même pour lui poser la question. Ils allaient se faire tuer, mais au point où ils en étaient tous les deux, ça valait la peine… Surtout pour son avenir. Il était déjà tout tracé, donc pas la peine de se prendre la tête à étudier des idioties sorties d'un bouquin qu'un pauvre type qui s'emmerdait avait pu écrire lors d'une nuit blanche… Soudain, elle se rendit compte qu'il ne fallait pas qu'elle déjeune avant l'entraînement, parce que sinon, elle risquait de terminer la matinée dans les toilettes. Elle éteignit la radio, remonta dans sa chambre, ouvrit la fenêtre, monta sur la grosse branche qui s'offrait à elle, et rampa jusqu'à la fenêtre d'à côté, puis elle y toqua. Elle attendit un bon moment qu'un garçon châtain aux cheveux ébouriffés et en pyjama vert vienne lui ouvrir la fenêtre.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il en baillant
- Bonjour Joy, ça va ? Oh oui, Matthew, c'est gentil de t'en inquiéter et toi, ça va ? monologua-t-elle. Bien sûr ! Dès que tu es là tout va bien ! Mais que viens-tu faire ici à une heure si tôt ?
- Désolé Joy. Je ne te demande plus si ça va, je le sais. Bon, qu'est-ce que tu viens faire ici ?
- On va en cours aujourd'hui ?
- Ben… Pourquoi on irait pas ?
- Parce qu'il y a un contrôle de maths prévu depuis une semaine qu'on n'a pas révisé.
- Ah… Ben alors on n'y va pas. Ta tante est malade ?
- Oh, non. Elle l'était déjà le mois dernier. Ils vont la prendre pour une hypocondriaque. Euh… Tu vas voir ta grand-mère à la maison de retraite, et moi je vais rendre visite à mon oncle en prison… ?

Ils pouffèrent.

- Ouais, pas con comme idée… ! reprit le garçon
- Alors on fait comme ça ?
- Ouais ! Tu veux entrer ?
- Non, j'ai entraînement là.
- A cinq heures et demi du mat' ?
- Je tiens à te signaler que tu es censé en avoir un tous les matins, toi aussi !
- Oui, mais mon père croit que je le fais avec toi… Et de toutes façons, avec toutes les attaques qu'on subit par mois, on est suffisamment entraînés !
- Ouais, mais je veux quand même garder la forme. Et puis, mon père peut rentrer à tout moment. Au fait, ça marche toujours pour ce soir ?
- Ben… Oui. On se retrouve dans la forêt ?
- Pas de problème ! Tu m'attends devant chez moi dans… disons deux heures, ça te va ?
- Ouais ! Euh… Non ! Joy !
- Quoi ?
- Tu es sûre que tu ne peux pas réviser vite fait, parce que…
- Jen ?
- Oui. Je dois l'emmener à la maternelle, et si on me voit…
- Bon, ok. Je comprends. T'inquiète pas, j'ai déjà fait pire. Et puis une sale note de plus ou une de moins…
- Tu m'en veux ?
- Bien sûr que non ! C'est pas grave, on se vengera sur la prof ! Tu passes me chercher à huit heures ?
- Ok. A tout' !

Elle sourit, se retourna sur la branche, et fit le chemin inverse, tandis que Matthew refermait la fenêtre dans un bâillement sonore. Elle rentra dans sa chambre, s'habilla en tenue de sport, coiffa ses cheveux mi-longs en queue de cheval, et descendit à la cave. Elle repoussa une étagère, qui laissa découvrir une porte, attrapa une clé cachée sous un vieux bureau poussiéreux et abîmé, et la glissa dans la serrure. Joy ouvrit la porte et traversa le salon, puis sortit jusqu'au jardin de devant. Personne ne la verrait, puisque personne ne passait par là. La forêt était juste à côté de chez elle. Elle pouvait s'enfuir de sa maison comme elle le voulait, et rejoindre son ami d'enfance Matthew qui la connaissait mieux que personne. L'adolescente se dirigea vers la forêt en courant et alla jusqu'au fin fond du bois, où il y avait ce grand lac où personne n'allait, mais qui restait le lieu préféré de Joy, malgré le fait qu'elle y ait de mauvais souvenirs… Arrivée là-bas, elle courut le plus vite qu'elle put, esquivant les arbres, les ronces, les racines, et feuilles encore glissantes par la rosée du matin. Le soleil commençait à peine à se lever, et Joy courait toujours avec autant de rapidité et d'endurance.

Une demi-heure qu'elle cavalait dans les chemins plus ou moins sinueux sans faiblir. Elle arrivait en vue de chez elle, accéléra et entra dans sa maison. La jeune fille descendit les escaliers jusqu'à la cave, et, sans allumer la lumière s'approcha d'une espèce de table, attrapa une arme, et sans mettre de casque, tira tout droit. Puis elle posa le revolver sur la même table, et alla allumer la lumière. Une gigantesque salle s'offrait à elle. Une table avec une dizaines d'armes plus ou moins puissantes, une espèce de baie vitrée protégeait une cible placée loin d'elle, mais personne n'aurait pu dire à quelle distance. A l'autre bout de la salle, un punching-ball et un sac de combat, ainsi que plusieurs mannequins placés à différents endroits stratégiques, des barres fixes, asymétriques, et parallèles, et enfin une poutre haute. Tout un programme qui coûtait cher. Mais ça ne l'impressionnait plus. Elle n'était plus la petite fille naïve qui rêvait du prince charmant, et qui pensait que la vie était une sorte de paradis. Dès l'âge de huit ans, elle avait arrêté de rêver : elle avait perdu ce stupide concours de beauté qu'elle n'avait fait que pour faire plaisir à sa mère, et son père avait commencé à l'entraîner. Mais maintenant tout avait changé, plus rien n'était pareil, et plus rien ne serait jamais comme avant. Elle se " battit " contre le sac de combat pendant une petite demi-heure. Puis, au bord de l'épuisement, elle ferma la porte et remonta dans la cuisine, alluma la radio comme elle l'avait fait avant, et se prépara un petit déjeuner bien rempli. Ensuite, elle monta dans la salle de bain, prit une douche, se r-habilla et sortit ses notes -peu nombreuses- de maths, pour réviser un peu. Il lui restait une heure et demi pour apprendre son cours.

*

Dans un immeuble abandonné à l'autre bout de la ville, une lumière aveuglante s'éteignit au bout de quelques secondes, laissant place à l'ombre d'une sorte de grande bulle de verre qui fumait un peu, et d'où sortirent deux hommes : un blond assez grand et baraqué, et un homme encore jeune aux cheveux blancs avec le visage ravagé par des cicatrices. Le deuxième homme toussa :

- Keuf ! Keuf ! Ah ! Fichue machine de… !
- Pas de gros mot ! Bon, on est où, et quelle heure est-il ? lui répondit son ami
- On est… dans un immeuble abandonné apparemment… et il est six heures du mat' ! Eh ben…
- On peut dormir alors, ça va, on n'est pas pressés ! proposa Bouter
- Si justement, nous sommes pressés ! Winch et les deux autres doivent être sur notre piste.
- Mais ils ne savent pas ce que l'on compte faire, et encore moins où nous allons. Nous avons tout notre temps !
- Oui, mais Arden ne sera pas facile à atteindre ! A quelle heure commencent les cours à ton avis ?
- Ben… A neuf heures, je crois ! Et ils se terminent à… Cinq heures s'ils n'ont pas de colles !
- Ok. On les cueillera à la sortie.
- Devant tout le monde ? Non. Trop dangereux ! Ce soir, c'est plus sûr !
- Mais… On ne sait pas où elle habite !
- On demandera à des gens !
- Et se faire griller ? Tu fais chier Tom ! Réfléchis trente secondes ! s'énerva Cherry. Non. On ira à la mairie faire nos recherches. Ça prendra le temps qu'il faudra, mais nous la tuerons !
- Et pour le moment, on fait quoi ?
- J'suis crevé à force de réfléchir. On va dormir…

La lumière s'évanouit comme elle s'était allumée. Plus rien qu'une forêt. Des arbres à perte de vue. Rien que des arbres et un petit lac que tout le monde semblait ignorer. Il était sept heures et demi du matin, alors qu'ils avaient quittés 2003 à sept heures du soir. Etrange, mais ils n'avaient pas le temps d'y réfléchir. Kerensky observa les alentours pour voir si Cherry et Bouter étaient dans le coin. Mais rien. Que dalle ! Nada ! Simon fut le premier à réagir :

- Euh… On est où ?
- Dans une forêt, répondit son meilleur ami
- Merci Largo, ton sens inouï de l'observation va nous être très utile ! répliqua le suisse
- C'est près de chez Joy, et personne ne semble connaître -ou aller- à cet endroit… remarqua le russe
- A sept heures du mat', je comprends…
- On fait quoi ? demanda Largo
- Aucune idée, répliqua l'ex-voleur
- On fait confiance à Joy, répondit le génie de l'informatique. On l'observe toute la journée, et si jamais à un moment elle a besoin d'aide, on y va. Il faut qu'on agisse le moins possible dans le passé. Je crois qu'il y a des caméras de surveillance chez elle, on pourra l'observer…
- Et comment ? interrogea Largo
- J'ai pris mon ordinateur portable, et des micros avant de partir, raconta Kerensky
- Mais il n'y a pas encore Internet à cette époque…
- C'est pour ça que je vais le faire grâce à un logiciel que j'ai piqué avant de partir. Et arrête de m'embêter. Vous n'avez qu'à aller voir les environs, et là où est Joy. Après tout, peut-être qu'elle n'aura pas besoin de nous, si elle est aussi forte dans le passé que dans le futur… Tenez, un micro chacun. Et vous vous débrouillerez pour en mettre un sur Joy.
- Ouais. J'y vais ! proposa Largo
- Et faire du voyeurisme ? Non mais t'es malade ? Je viens avec toi ! A tout' Kerensky !

Ils partirent tous les deux se promener dans les bois, redoutant quelque peu ce qu'ils allaient voir… Ils se perdirent un bon moment, et se retrouvèrent devant la maison blanche une vingtaine de minutes plus tard. Une jeune fille brune sortait de chez elle en pantalon et doudoune, les cheveux lâchés. Quelques minutes plus tard, un garçon châtain arriva et ils se firent la bise. Une petite fille aux cheveux blonds bouclés les accompagnait. L'adolescente se pencha vers la petite et lui dit :

- Salut Jen, ça va ?
- Oui Joy ! Tu nous accompagnes à la maternelle ? lui répondit la petite fille
- Ben ouais parce que ton frère est tellement nul qu'il pourrait se perdre !
- L'écoute pas, Jen, elle dit ça pour m'embêter ! se vexa Matthew
- Bon, allez, je t'accompagne à la maternelle, nous on a un contrôle de maths que j'ai réussi à réviser en une demi-heure !
- Ah bon ? Moi j'ai mis deux heures et j'ai pas encore tout saisi… expliqua-t-il
- Oui, mais toi tu ne comprends jamais rien. Je suis habituée maintenant ! se moqua sa meilleure amie
- Moi, je vais faire des bôôôôô dessins avec la maîtresse aujourd'hui ! raconta Jennifer
- Jen, c'est Chloé qui viendra te chercher ce soir. Moi je termine trop tard, expliqua l'adolescent à sa soeur
- Ah bon ? s'étonna-t-elle. Et qui me gardera ce soir ?
- Chloé. Tu seras sage, hein ?
- Promis. Mais je préfère quand c'est Joy qui me garde.
- Ecoute… lui confia la jeune fille. Je ne peux pas te garder pour le moment, parce que j'ai cours, et beaucoup de travail…
- Et elle doit trouver des moyens plus rigolos de rembarrer les mecs qui viennent la draguer ! intervint Matt
- Oh oui ! J'aime bien quand tu rembarres les garçons, Joy ! C'est marrant !
- Je t'apprendrais, si tu veux quand tu seras plus grande ! proposa-t-elle
- Euh… C'est pas que c'est une mauvaise idée, mais j'ai pas envie que ma sœur devienne la destructrice des cœurs de pauvres garçons…
- …Qui ne pensent qu'à la mettre dans leur lit ! coupa son amie. Matt, tu es mieux placé que n'importe qui pour dire ça !
- Bon, ok, ok, on parle d'autre chose !

Ils se dirigèrent dans les rues de la ville, et accompagnèrent la petite Jen à la maternelle, puis ensuite allèrent au lycée ; toujours suivis par Simon et Largo, qui l'avait bousculée discrètement et avait mis le micro en place, en liaison avec Kerensky qui avait réussi à se connecter aux caméras de surveillances de chez Joy. Après être certains qu'elle ne craignait plus rien pour le moment, ils rebroussèrent chemin et retournèrent au bois. Mais leur estomac leur rappela qu'ils n'avaient pas mangé depuis un bon moment…

- J'ai faim ! se plaignit Simon
- Je dois avoir de l'argent sur moi… mais j'ai laissé ma carte bleue à l'hôpital… ; répondit Largo
- Vous réfléchissez des fois ? Regardez vos dollars : ils sont datés d'après 1991 ! Si on les utilise, on peut se faire arrêter pour faux monnayage ! intervint Kerensky
- Donc on est fauchés !?
- Tu as un sens de la déduction très présent, Simon !
- Comment on va faire ?
- Comme quand on était à la rue : voler ou travailler…
- Mais nous n'avons pas les papiers. Donc on va devoir voler. Chez Joy ? Il n'y a personne, et je brouillerai les caméras. Quand elle saura qui nous sommes, elle comprendra.
- Alors on fait comme ça ? Tu as le matos, Simon ?
- Toujours !

*

Ils se mirent tous les deux en route, et s'approchèrent de la maison de leur amie. Simon crocheta la serrure, et entra dans la maison. Tout était plus ou moins rangé. Rangé, mais poussiéreux. Ils se promenèrent un peu, et trouvèrent la cuisine qu'ils dévalisèrent à moitié. Ou plutôt Simon dévalisait la cuisine, tandis que Largo ; qui n'avait jamais vu la maison de Joy en entier ; montait les escaliers et allait dans la chambre de son amie. Elle était plutôt grande. Juste à droite, un lit deux places, et de l'autre, un vieux secrétaire encore bien conservé. Un dressing était à côté du lit, et un pouf trônait au milieu de la chambre. Quelques fringues traînaient ici et là, son bureau était plein de petits papiers, et les seules photos qu'il y avaient étaient celles d'une femme brune aux longs cheveux bouclés -probablement sa mère-, et le garçon brun qui l'avait accompagné avec sa petite sœur. De toute évidence, la photo était récente. Celle de la jeune femme semblait plus " vieille " de deux ans, mais Largo n'aurait su dire comment il le savait. Rien de son père. Quelques posters de différents groupes de rock et de rap recouvraient les murs bleus, mais rien de choquant, rien qui montrait que Joy était fan de quelque chose. Toujours simple. Exactement comme Largo l'avait imaginé. Au niveau des goût, elle n'avait pas tant changé que ça. Surtout lorsqu'il regarda les CD qui étaient éparpillés sur son bureau. Plusieurs livres étaient rangés sur une étagère. Le milliardaire observa les couvertures : que des livres policiers, ou à l'eau de rose dont elle devait sûrement se moquer avec son ami. Ami dont elle semblait proche. Il avait senti son cœur se serrer lorsqu'il l'avait vue lui faire la bise avec tellement d'amour. Non. Ce n'était pas de l'amour… Amour quoi ! Elle ne semblait pas amoureuse de ce garçon, elle devait plutôt le considérer comme un frère, mais pas plus… Un ami d'enfance, quoi. Mais elle ne semblait pas amoureuse de lui. Il fut sorti de ses pensées par son meilleur ami :

- C'est sa chambre ?
- Oui, je crois…
- Tout à fait comme je l'avais imaginé ! En un peu moins rangé peut-être…
- Ouais. T'as fait des provisions ? demanda le milliardaire
- Ouais. Et je peux te dire que le frigo est bien plein… Enfin, était plein ! Je l'ai presque vidé !
- Simon, le strict nécessaire, on a dit !
- T'as vu la chambre de Charles ?
- Non. Et à dire vrai, je m'en fous un peu ! On y va ?
- Après toi…

Le milliardaire attrapa un paquet de gâteau dans les nombreuses choses que son ami avait volées. Empruntées. De toutes façons, Joy ne s'en rendrait pas compte. Ou plutôt elle n'aurait pas de preuves, et elle ne les connaissait pas. Parce que si elle n'avait pas changé durant tout ce temps, ils allaient se faire sérieusement enguirlander. Et encore ce n'était que de la nourriture. Simon n'imaginait pas trop l'idée qu'une ado de 15 ans lui fasse la morale. Quand elle en a 12 de plus, ok, mais avant non. Et pourtant, il sentait que, si elle l'enguirlandait pour une raison ou pour une autre, il aurait peur de son regard noir. S'il était déjà noir à cette époque. Et pour tout dire, il n'avait pas non plus envie de le vérifier.

Kerensky se demandait ce qu'ils faisaient à regarder la chambre de la garde du corps, le regard vide. Mais qu'est-ce qu'ils foutaient ? Charles Arden pouvait revenir à tout moment, et eux demeuraient dans la chambre, sans aucune raison apparente à fixer désespérément les murs. En fait, le Russe savait qu'ils avaient une raison, parce qu'il pensait la même chose. Quel était son passé ? Durant toutes ses recherches, pourtant poussées, il n'avait pas pu apprendre beaucoup de chose. Quelques anecdotes inintéressantes d'adolescent comme quoi elle séchait les cours presque tous les mois, mais il avait quand même appris un détail important, dont Joy n'avait jamais parlé. Peut-être se sentait-elle coupable. Mais coupable de quoi ? De n'avoir rien pu faire devant un accident idiot ? Après ce genre de chose, on se sent toujours coupable. Il faudrait qu'il lui parle maintenant, pour être fixé.
Mais il ne savait pas un tiers d'une vérité dont la Joy du futur -et même du passé- n'osait parler, de peur d'être jugée. Une seule personne était au courant de la vérité vraie. Mais cette personne, ils ne la connaissaient pas dans le futur…

Ils avaient dormi toute la journée. Trop de tension, d'ennuis, de violence -quoi que ça ne les avait pas empêchés de dormir !- et de changement de programme en si peu de temps. Ils avaient réfléchi à la façon de tuer la future garde du corps du milliardaire. Ils allaient sûrement la suivre. Juste cette soirée. Après tout, ils étaient des professionnels. Ils avaient le choix. Ou la tuer ce soir, et c'était fini. Ou la tuer plus tard, et tout serait plus compliqué. Fred était réveillé depuis assez longtemps, et réfléchissait. Pas besoin de faire tout un tralala, puisqu'elle ne saurait même pas pourquoi ils voulaient la tuer. Donc ce soir. Il se souvint tout à coup de l'adresse d'Arden. Enfin, pas de l'adresse, mais d'un lieu tout proche. Une forêt. Oui. Lorsqu'il avait interrogé un garçon dans le futur, il lui avait dit qu'elle habitait près d'une forêt. Il n'y avait pas pensé tout de suite, parce qu'il l'avait pris pour un imbécile. D'ailleurs il avait tué ce type. Pas de témoin. Tom ronflait à côté. Cherry soupira et se prit à envier l'innocence… non, pas l'innocence, puisque lui aussi avait tué. Mais la détente. Jamais nerveux, toujours le moyen de détendre. Mais quels imbéciles ! Ils auraient dû faire des recherches ! Juste pour être sûrs ! Ça pourrait leur être fatal ! Non. Elle n'avait que 15 ans, et même si on est la fille d'un dirigeant de la CIA, on ne sait pas se battre, et on n'est pas agent soi-même à 15 ans. Ça allait être quand même dur de tuer une adolescente. Pour un adulte, il ne faisait aucun état d'âme, mais là… Elle ne saurait même pas pourquoi elle mourrait. Après tout, elle ne lui avait encore rien fait. Et voilà ! Il commençait à faire du sentimentalisme. Mauvais pour son métier. Il la tuerait ce soir. Lorsqu'elle sortirait dans la forêt. Mais à la réflexion, il n'était même pas sûr qu'elle sorte dans la forêt. Il faudrait plutôt qu'il aille voir où elle habitait. Et pour savoir, il n'y a qu'un lieu : les bars. Là-bas, il n'y a que des malheureux qui se saoulent et qui, par conséquent, balancent des informations qu'il était facile de récolter. Il n'aurait qu'à y aller. Que ce soit dans le présent ou dans le passé, c'était et ce serait toujours pareil : pathétique.

*

Les garçons étaient retournés dans la forêt et avaient mangé à leur faim, puis avaient écouté comment se passaient les cours de Joy. Un bordel monstre. Et encore, le mot était faible. Elle semblait dormir en classe, et lorsqu'on la réveillait, elle envoyait les profs bouler à l'autre bout de la planète. Jamais ils n'auraient imaginé que la Joy légèrement coincée, ou en tout cas fort discrète, pouvait être aussi… chiante. Oui. Chiante était le mot juste. Grossier, mais juste. Cependant, Kerensky sentait qu'elle le faisait exprès. Il en fit part aux autres qui comprirent eux aussi : elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour qu'on lui fiche une paix royale. Et la plupart du temps ça marchait. Mais ils n'avaient pas non plus imaginé que Joy se fasse autant draguer. Ils avaient surpris une conversation entre Joy et Matthew qui lui reprochait d'être trop brutale avec les pauvres garçons. Alors qu'elle se défendait en lui disant que ce n'était pas violent, il lui rappela sa façon de les envoyer paître : elle les laissait faire un bon moment, et lorsque le prétendant lui demandait de sortir avec elle, elle refusait, lui sortant quelle avait rendez-vous avec quelqu'un de très important. En général, ils lui demandaient qui c'était, et elle lui répondait " ma glace au chocolat, et un bon vieux navet à la télé… Ce sera pour une autre fois ! ". Autre fois qui n'arrivait jamais la plupart du temps… Et puis elle les plantait là. Et finalement les trois hommes avaient coupé, et avaient discuté de la manière dont ils allaient apprendre à leur amie la raison de leur présence… Dans tous les cas, ou elle les prenait pour des dingues et appelait l'asile le plus proche, ou elle les tuait… En gros, rien de concluant. Et puis les cours s'étaient achevés, et Kerensky avait rebranché le micro :

- J'en ai marre, marre, marre ! vociférait Joy ; Il est hors de question que je fasse ça !
- Tu n'as pas vraiment le choix ! rétorqua Matthew ; Et puis je ne vois pas de quoi tu te plains ! Le rôle de Juliette, toutes les filles en rêvent… Surtout quand Roméo est le mec le plus désiré du lycée !
- Le type le plus désiré du lycée c'est toi ! Et sûrement pas cet imbécile heureux de Drew, qui ne pense qu'à faire de faux espoirs aux pauvres filles désespérément seules, pour les oublier juste après et leur faire de la peine ! Et en plus, je sais pas comment on peut être beau avec un nom pareil !
- Moi j'aime bien Drew comme nom !
- Ça fait bourge !
- Et alors ? Allez, arrête de faire la tête !
- Non mais tu te rends compte que je vais devoir embrasser ce bouseux !? Beurk ! Rien que cette idée me donne la nausée ! Et puis il n'est pas capable d'aligner trois mots ! C'est un de ces enfants de riches pourris gâtés complètement à la masse !
- Ça y est, t'es calmée ?
- NON ! J'en ai marre que ça tombe toujours sur moi ! J'aurais préféré le rôle de la nourrice ! Même de… de… de rien du tout ! La prochaine fois que tu voudras emmener ta sœur à la maternelle alors qu'on a un contrôle de maths -qu'en plus j'ai raté- promets moi de m'oublier dans ton programme ! Laisse-moi faire des conneries ou aller me balader… c'est plus instructif et plus marrant que de devoir apprendre plein de lignes du genre : " O Roméo pourquoi t'appelles-tu Roméo ? Renie ton père et rejette ton nom… " je sais plus la suite ! Si elle avait un minimum de matière grise dans son cerveau cette conne qui doit sûrement être blonde, elle saurait que c'est pas lui qu'a choisi son nom !
- Ce n'est même pas ça, les paroles !
- M'en fous, ça revient au même : c'est une blonde !
- Joy, tu connais l'histoire de PAF le chien ? demanda Matt avec un calme olympien
- Quoi ? Mais de quoi tu parles ?
- Tu connais l'histoire de PAF le chien ? réitéra son ami
- Ben… Non… Mais je vois pas le rapport entre " l'histoire de PAF le chien " et Roméo et Juliette à apprendre pour le mois prochain…
- C'est l'histoire d'un chien qui se balade dans la rue. Il traverse la route, et là y a un camion qui passe, et ça fait PAF le chien !

Joy s'arrêta de marcher, regarda son ami, le prenant pour un illuminé, et soudain éclata de rire :

- Mais c'est nul !
- Ben tu t'attendais à quoi ? demanda Matt qui riait lui aussi aux éclats, ravi d'avoir calmé sa meilleure amie
- Je sais pas… A un truc un peu plus… philosophique ! Plus intellectuel quoi !
- Et tu connais l'histoire de FLOP FLOP la girafe ?
- Vas-y…
- C'est une girafe qui se balade dans la savane, y a un hélicoptère qui passe, et ça fait FLOP FLOP la girafe !

Elle rit de nouveau.

- Mais c'est débile ! Qui t'a appris ça ?
- C'est Jen. Elle m'a dit qu'elle avait appris ça à la maternelle ! Et tu peux en inventer d'autres !
- Attends, j'essaie… Et SWIP le chat, tu connais ?
- Non…
- C'est l'histoire d'un chat qui va dans la cuisine. Il voit pas la flaque d'eau, marche dessus, glisse, et ça fait SWIP le chat !
- Tu vois !? Sinon, y a aussi PAN l'oiseau : c'est un oiseau qui vole dans le ciel, y a un chasseur qui le voit, il vise, et ça fait PAN l'oiseau !

Ils riaient tous les deux de la stupidité de leurs propos. Kerensky, Simon et Largo n'en revenaient pas. C'était aussi intelligent que les blagues carambars !! Joy avait vraiment changé ! Au moins ça la détendait ! Et les deux autres continuaient :

- Et PFUIT le dinosaure ? poursuivait Joy. C'est un dinosaure qui se balade dans la jungle et il se dispute avec un magicien qui lui lance un sort, et ça fait PFUIT le dinosaure !
- Et SCHPROUIT la fourmi ? C'est une fourmi qui se promène dans la forêt. Y a un randonneur qui passe et qui lui marche dessus, et ça fait SCHPROUIT la fourmi !

Le rire de Joy se stoppa net.

- Ben quoi, elle est pas drôle ma blague ?
- Matt… souffla-t-elle

Il suivit son regard : elle fixait la maison, et plus particulièrement une voiture qui venait de se garer dans l'allée. Elle jura et se tourna vers son ami :

- Je viens quand même ce soir…
- Mais… ton père ne voudra jamais !
- Mon père repartira sûrement dans quelques heures. Et puis je m'en fous. Il a qu'à dégager de ma vie. Il n'est jamais là quand j'ai besoin de lui, mais dès que je veux prendre l'air, il s'accroche. Il m'énerve, et je ne l'aime pas. Il pourrait mourir que ça ne me ferait rien.
- Tu ne le penses pas !
- Non… C'est vrai, mais par contre, je préfèrerais ne plus le voir !
- Un jour tu seras heureuse de l'avoir…
- Ton père n'est pas le même que le mien je te signale ! Toi tu peux lui mentir comme tu veux. Moi j'ai beau m'entraîner à lui raconter n'importe quoi, il sait quand je lui mens. Et je n'ai pas envie de rentrer chez moi si c'est pour me disputer avec lui.
- Fais-le enrager si tu veux…
- Ouais ! Je vais jouer du piano. Quand je joue fort, et qu'il revient de mission, il déteste que je fasse ça. Je suis peut-être une fille ingrate, mais je m'en fous, c'est sa faute…
- Quoi ? La mort de ta mère ?
- Non… Le… truc, tu sais…
- Mais quoi ? Dis-le, bon sang !
- Je dois y aller !

Elle commença à partir, mais les trois garçons entendirent clairement la phrase que Matthew prononça :

- Tant que tu ne le diras pas, tu ne seras pas guérie, et ta reconnaissance infinie ne fera pas tout…

La porte claqua, et laissa apparaître l'adolescente. Kerensky, Simon et Largo suivirent tout le cheminement : Joy montait dans sa chambre sans répondre aux questions de son père, qui le lui reprochait. Lorsqu'il lui demanda si elle avait commencé à étudier le violon, la jeune fille lui répondit non et il lui dit qu'elle devait en faire tous les jours. Elle se redescendit les escaliers et alla dans le salon, attrapa le violon et commença à jouer n'importe quoi avec énervement : les notes étaient fausses et le son insupportable. Elle y mettait vraiment de la mauvaise foi, la garce ! Son père lui ordonna d'arrêter, et la miss reposa l'instrument, un sourire faussement angélique aux lèvres, pour remonter dans sa chambre où son père alla la rejoindre. Et tout s'envenima à cause de cette remarque :

- Quand vas-tu cesser de me faire la tête ? demanda Charles
- Euh… Jamais, ça te va ou tu veux que j'allonge encore un peu ?
- Joy… Je t'ai sauvé la vie !
- Nério m'a sauvé la vie ! Pas toi !

Nério ? A son nom, Largo pâlit. Elle le connaissait ? Mais… Pourquoi n'avait-elle rien dit ?

- Ce type n'a fait que me donner un flingue, et a tiré sur le bocal ! continua son père
- Tu n'accepteras jamais ça ! Jamais qu'un autre que toi me sauve. Et encore moins Nério, et je sais pourquoi !
- Ah oui ?
- Tu crois que je ne vous entendais pas vous engueuler tous les soirs ? Elle couchait avec lui, alors tu le détestes ! Mais moi je l'aime bien, et de toutes façons, j'irai le voir à New York !
- Tu ne sortiras pas !
- J'aimerai bien voir ça ! Maintenant sors de MA chambre et fous-moi la paix, comme tu le fais d'habitude ! C'est beaucoup mieux comme ça ! Je comprends pourquoi les agents de KGB t'appellent " le fantôme " ! Je suis bien placée pour le savoir !

Charles Arden se calma, puis reprit :

- As-tu subi une attaque, aujourd'hui ?
- Tu veux savoir si tes efforts pour me garder en vie ont été vains ou non ?

Il la gifla.

- Tu vois, tu ne te contrôles pas. Je comprends que maman soit allée voir ailleurs… Et non, on ne m'a pas attaquée ! Mais ne t'inquiète pas, la journée n'est pas terminée !

Elle sortit de sa chambre en courant et claqua la porte, puis s'en alla à toutes jambes. Elle le haïssait à cet instant présent. Elle cavalait toujours sans s'arrêter. Elle courait. Sans se rendre compte de là où elle allait. Et puis d'un coup, elle se retrouva en face du lac. Elle ne pleurait pas. Elle était en colère, mais ne pleurait pas. Joy Arden ne pleure pas. Joy Arden ne doit pas montrer ses sentiments. Et puis m***e elle était humaine ! Pleurer était normal ! Les larmes ne venaient pas, mais la colère restait.

- Et m***e ! J'en ai marre ! Tout ça c'est de sa faute ! Jamais tu n'aurais dû tomber enceinte de moi, maman, tu m'entends ? Je sais que j'étais un accident, et ça je ne te le pardonnerai jamais ! Tu n'as pas agi comme une mère ! Protection de m***e ! Et tes soit-disant dons de voyance ! Non mais j'étais vraiment trop naïve !

Elle shootait dans les branches d'arbres mortes, tout en regardant le ciel.

- De toutes façons, je les attends ces s******s ! Qu'ils viennent, et je leur ferai leur fête !

Elle se calma et regarda le lac. L'eau du lac était gelée, mais la glace pourrait sûrement tenir si elle montait dessus. Elle avait froid. Elle était en pull, mais sans doudoune, et il devait faire au moins -10°C. Pas de gants, pas d'écharpe, rien. Elle avançait sans s'en rendre compte sur la glace. Elle adorait ça. La glace et elle se ressemblaient beaucoup : une carapace d'abord que l'on pense infranchissable, mais si on creusait un peu, c'était faible. Le regard dans le vide, elle évoluait sur la banquise, sans voir ses trois " futurs " amis qui, eux, l'observaient…

*

Mais que faisait-elle ? Elle continuait d'avancer sur la glace, et puis d'un coup, elle se mit à danser dessus : comme si ses chaussures étaient des claquettes, puis elle dansait n'importe comment, même du classique. Apparemment ça la calmait. Et d'un coup elle s'arrêta et souffla : " tu es aussi coupable que lui… Je ne ferai pas la même erreur, moi… " et puis il y eut un craquement. Joy sembla s'en rendre compte, mais elle resta sur le verglas. Elle souriait. Et puis d'un coup, la glace se brisa, et un de ses pieds glissa dans l'eau glacée. Elle poussa un cri et jura. Mais elle se releva en tremblant. Dieu qu'elle avait froid ! Les trois autres étaient nerveux, et tiraillés entre l'envie d'aller l'aider, et l'obligation d'éviter Joy. Elle commença à faire le chemin inverse, mais il y eut une nouvelle craquelure. Et une partie de la glace se coupa de la partie principale. Le seul moyen de retourner sur la terre ferme, c'était de sauter de l'autre côté. Mais le froid allait l'en empêcher. Et Matthew arriva.

- JOY !
- Ah ! Matt ! Ça va bien ?
- Mais qu'est-ce que tu fais ?
- Je me les gèle, et je m'engueule avec ma mère !
- C'est dangereux ! Arrête, et reviens !
- Pourquoi faire ? Vivre la même chose que tous les autres jours ? Je voudrais être normale, Matt ! NORMALE ! C'est trop demandé de ne pas avoir une vie de dingue avec un père qui ne fait jamais attention à vous, et une mère assassinée par ta faute ?
- Ce n'est pas ta faute ! Je sais ce que tu ressens, je suis passé par là en même temps que toi, Joy. Et on s'était promis de ne pas craquer. Reviens s'il te plaît !

Elle scruta le regard de son ami, comme si elle voulait voir s'il était vraiment sincère, et finalement sauta sur l'autre partie. Puis elle retourna sur la rive, et continua tout droit, laissant son ami sur la paille. Il la suivit, et elle lui dit :

- Ce soir, changement de programme. On va faire un truc que j'ai envie de faire depuis un bon moment…
- C'est quoi ?
- Tu verras ce soir…

Kerensky, Largo et Simon n'en revenaient pas. Qu'avait-elle voulu dire par " et une mère assassinée par ta faute " ? Et qu'est-ce que c'était que cette histoire avec Nério qui lui aurait sauvé la vie ? Car Nério, c'est pas un nom très répandu, il y avait donc toutes les chances que ce soit lui. Et Joy avait dit que sa mère et lui avaient couché ensemble. Se pourrait-il que Mme Arden soit… sa mère ? Les autres avaient dû suivre le même cheminement que lui à voir leur regard. Kerensky n'en revenait pas. Ça ne pouvait pas être de sa faute ! C'était un accident ! Personne n'aurait pu l'aider ! Même Superman ! Et puis Nério ! Simon et Largo semblaient penser comme lui : si Mme Arden et Nério Winch -pour peu que ce soit Nério Winch- avaient eut une liaison… elle pouvait être la mère de Largo ? Euh… ça faisait un peu gros, mais pourquoi pas ? Et Joy l'aurait su ? Depuis le début, elle saurait qui est la mère de Largo et elle n'aurait rien dit ? Et elle serait la demi-sœur du mec dont elle est amoureuse ? Mais si elle connaissait Nério, elle devait aussi connaître Alan Smythe ! Alors elle jouait drôlement bien la comédie… Toutes ces questions ! Finalement, ils ne savaient même pas la moitié du tiers du quart de la moitié de la vie de Joy. Lui même n'avait pas bien compris quelle part cela faisait, mais à dire vrai, il n'avait pas non plus le temps d'y réfléchir…

- Elle connaissait Nério, énuméra Georgi. Sa mère est morte, soit-disant par sa faute, et son copain est passé par là lui aussi.
- Mais… pourquoi n'aurait-elle rien dit ? demanda Simon. Non. Ça ne colle pas. Je ne pense pas que Largo soit le frère de Joy. Physiquement, ils ne se ressemblent pas du tout ! Même pas UN truc en commun ! Et je ne vois pas ce que Joy avait à gagner à ne pas dire qui elle était, et…
- Elle ne peut pas être ma sœur ! Mon âme-sœur, ok ! Mais ma sœur ! Ah non, pas question ! P****n de m***e de Nério !
- Euh… Attendez les gars… reprit Kerensky. Peut-être qu'on se trompe sur un point : Joy est la plus jeune de nous quatre, alors c'est possible, qu'ELLE, soit la fille de Nério aussi. Mais la fille illégitime ou un truc comme ça !
- Ou alors on se trompe complet, continua Simon. On arrête de se torturer l'esprit et on attend de rencontrer Joy -dans le passé ou dans le futur, ça on s'en fout- pour lui poser toutes nos questions.
- Simon a raison Georgi. On verra tout cela plus tard. Pour le moment, on va attendre la nuit pour voir ce qu'ils vont faire…

Son père était encore là quand elle rentrait. Bon sang mais elle n'avait pas demander à naître, elle ! Pourquoi est-ce qu'on la jugeait à chaque fois comme ça ! Joy monta dans sa chambre, frigorifiée, et se changea. Puis elle mit de la musique Hard Rock à fond et lut.

Il était déjà 20 heures, et Joy n'était pas descendue dîner, tandis que le trio infernal " crevait la dalle ! " comme disait Simon devant leur amie qui s'énervait à mettre de la musique à fond juste pour le plaisir d'entendre son père lui faire des reproches. Elle agissait comme une vraie garce et le revendiquait à son père " adoré ". Il fallait qu'elle sorte, elle en avait assez, assez de cette vie de fou ! Marre qu'on la traite comme une gamine ou comme une adulte quand ça arrangeait, sans jamais savoir, sans jamais être sûre… Seul Matt arrivait à l'aider, à survivre dans son malheur. Ils se l'étaient promis.

Ce bar était le plus minable qu'il avait jamais côtoyé ! Non seulement les hommes -et les femmes- étaient ivres morts, mais en plus ils ne savaient rien d'une gamine brune d'environ 15-16 ans. Seul un homme de 50 ans à moitié conscient lui avait répondu. Enfin répondu… c'était un bien grand mot. Il lui avait plutôt balbutié un truc incompréhensible que Cherry avait mis trois verres de rhum à assimiler : " C'est p'têt' la gamine vachement bien foutue qui chante le vendredi soir avec son copain ! ". Rien de concluant quoi ! Mais bon, ce trou était tellement ennuyeux qu'il pourrait quand même aller faire un tour, histoire de voir comment ça se passe… Et puis apparemment, d'après ce qu'il avait difficilement saisi des explications fort peu claires, elle était vraiment jolie, et avait une voix ! Il était 20 heures, et il n'avait rien pour régler… Bof, pas grave ! Il partit sans payer et rentra dans l'immeuble abandonné.

- Mais où étais-tu ? l'assaillit Bouter
- Je récoltais des infos. Et toi ?
- Je me suis baladé pour voir un peu comment c'était ici… Je peux te dire que les écolières… Eh ben elles sont bonnes ! Bon, ok, c'est pas des Jennifer Lopez, mais bon, le silicone, c'est pas encore très répandu à cette époque… Et toi, où t'es allé pour récolter des infos ?
- Dans un bar. C'est pire que dans le futur ! Enfin… je crois ! J'en sais rien, et je m'en fous. Y a une télé ici ?
- Ça marche pas bien, mais c'est déjà ça !
- Y a quoi ce soir ?
- Que du déjà vu…

*

22 heures. Enfin ! Elle allait pouvoir sortir ! Elle se leva de son lit, balança son bouquin à l'autre bout de la chambre. Les trois autres ayant compris qu'elle allait sortir, coururent jusqu'à l'orée du bois. Elle cherchait des fringues qui la grandiraient. Les talons, le haut assez décolleté, la jupe longue, un peu de maquillage, et n'importe qui croirait qu'elle avait 16 ou 17 ans faciles. Le maquillage se fit hâtivement : à peine 10 minutes, et l'habillage encore plus rapide. Puis elle se dirigea vers son bureau, ouvrit un tiroir secret, et sortit un paquet de cigarettes, un briquet, deux cartes d'identité qu'elle fourra dans la poche de sa grosse doudoune noire, et son Beretta qu'elle attacha à sa ceinture, bien caché sous sa veste en laine. L'adolescente alla éteindre sa chaîne et fit semblant d'aller se coucher. Puis elle ouvrit la fenêtre et regarda derrière elle avec un peu d'appréhension. Ses amis la voyaient. On aurait dit qu'elle avait fait ça toute sa vie !

Elle hésita un bon moment, et puis finalement se lança. Elle se mit sur le rebord de la fenêtre, et sauta pour se réceptionner en se tordant à moitié la cheville. C'était tout de même haut ! Mais personne ne pouvait entendre. Pas même M. Arden, trop occupé dans la cave. Et tout s'enchaîna : Joy courut -sans pour autant croiser Largo et les autres- jusqu'à un gigantesque arbre où une ombre attendait :

- Tu as pu sortir ? demanda l'ombre de Matthew
- Qu'est-ce que tu crois que je fais ici ? De la planche à voile ?
- Bon, qu'est-ce qu'on fait si on ne va pas se balader ?
- Une connerie que j'ai envie de faire depuis la mort de nos mères, mais qui n'est pas marrante à faire toute seule…
- On a déjà fait toutes les conneries possibles !
- Non non non ! Là, on va faire un truc super !
- Qu'est-ce qu'on va faire ?
- On va se bourrer la gueule !
- Mais… On n'a pas 16 ans ! Personne ne peut nous vendre de l'alcool !

Elle sortit de sa poche les deux cartes qu'elle avait prises dans son tiroir, et en donna une à Matthew :

- Maintenant, on les a !
- On va où ?
- Dans un bar où personne nous a jamais vu : Le Bunker… Personne ne nous connaît, et il est à l'autre bout de la ville. J'ai économisé toute l'année pour me payer cette soirée ! On va bien s'amuser !
- Ok.

Ils se mirent en chemin, à pied, toujours suivis par le trio qui était abasourdi par la Joy de cette époque. Dans le futur, elle n'aurait jamais proposer d'aller se saouler dans un bar qui devait probablement présenter un spectacle désolant…

Ça faisait deux heures que les deux amis se saoulaient, testant tous les alcools que le bar proposait, en faisant leurs commentaires : " celui-là est pas assez alcoolisé ", " Waouh ! Il arrache celui-là ! J'peux avoir un autre verre s'iou plaît ? ". Si bien que les paroles que le couple échangeaient n'étaient plus très cohérentes :

- Tu sais, je crois qu'on a de la chance ! balbutia Matt
- Ah oui, tu… penses, trouves ? demanda Joy le regard hagard
- Ben oui ! Regarde, on est amis, on s'engueule pô, on s'marre bien tous les deux, et on connaît tout le passé de nous !
- Ouais, on peut dire ça comme ça. En attendant, je suis en train de te battre ! J'en suis à 11 verres !
- Pfu ! T'es pas drôle ! Toi… t'es pas encore complètement ivre ! Moi, je suis sûr que tu a pris de l'anti-alcool avant de partir !
- Ça existe ? Matt, j'ai une question…
- Ah ouais ? Ben écoute, vas-y, je pense que je pourrais te répondre tellement chuis ivre !
- Tu crois que dans le futur je suis lesbienne ?

Il manqua de s'étouffer, et recracha tout le whisky qu'il avait dans la bouche, avant de demander à son amie :

- Mais pourquoi voudrais-tu être lesbienne ?
- Ben… Mon dernier copain… Pierre… non, Paul ! Non… enfin on s'en fout mon dernier copain… eh ben ça fait… longtemps que je l'ai quitté !
- C'est toi qui l'avais quitté ? Ah bon ? Mais tu m'avais dis le…troncaire, le cairton, enfin tu m'avais pas dit ça quoi !
- Ben ouais, j'avais pitié d'lui ! Il avait quand même 20 ans ! Si j'aurais dit que JE l'avais quitté, ben il aurait eu la hooooooooooonte ! Alors que moi, je m'en fous de ce qu'on pense de moi !
- Et pourquoi tu l'as quitté ?
- Je sais p'us ! Attends ! Je suis comtlèpment bourrée ! Comment tu veux que j'm'en souvienne ? J'crois qu'c'est pac'qu'il m'attirait p'us… Mais t'auras qu'à me le medander demain, je serai sûre de moi, enfin j'espère !
- J'crois que j'vais aller me coucher, moi !
- Oh non ! S'to plaît, Matt !!!!!!!!!!! M'abandonne pas !!!!
- T'as qu'à rentrer avec moi ! Il est deux heures du mat' et on a cours demain !
- Mais non, Matt, on est déjà demain ! Et pis moi, j'ai encore envie de m'amuser ! T'as qu'à rentrer !
- Tu te sens bien, tu tomberas pas ?
- Je me suis pas sentie aussi bien depuis longtemps ! Allez ! File ! Moi, je pourrais me faire adorber sans que tu rembarres ces garçons si… attentionnés !
- J' t'aime boucou, tu sais, Joy ?
- Viiiiii ! Vavar !

Elle lui fit au revoir de la main, et attendit qu'il sorte après qu'il eut payé la somme ô combien coûteuse de leur petite virée. Une fois hors du bar, Joy prit une cigarette, l'alluma avec son briquet, et tira un bon coup dessus, en commandant un nouveau " truc qui saoule bien " et le but tranquillement, tout en se faisant draguer -pour changer- par le premier pauvre type venu. Type qui se fit rapidement jeter par la belle.

Simon, Largo et Kerensky attendaient plus ou moins patiemment que Matthew et Joy sortent de ce bar glauque. Ils avaient été étonnés que le barman n'ait pas remarqué que la carte d'identité était fausse, et ils avaient regardé Joy et son ami se saouler. Jamais ils ne l'avaient vue comme ça. Elle était vraiment habillée sexy, et en aucun cas elle ne se serait habillée comme ça dans le futur ! Quoi que… si c'est pas une sortie professionnelle… Pourquoi pas ?
Et puis Matt était sorti, laissant là sa meilleure amie. Pas très gentleman, le copain. Il titubait comme s'il voulait éviter le " sniper " ! Encore eut-il fallu qu'il y en eut un ! Mais il n'y avait aucun danger pour lui ! Le seul truc qui pouvait lui arriver serait de se cogner contre un lampadaire et de finir sa nuit dans la rue, pour se réveiller avec le mal de crâne obligatoire après chaque cuite ! Et Joy se faisait draguer. C'était reparti ! Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous à être sur elle ? se demandait Largo, avec jalousie. Probablement la même raison que la sienne : elle était parfaite ! Mais il fut étonné de la voir fumer. Sûrement de la provocation, pour changer !

Et au bout d'une heure de " couturière " (ben ouais, elle a pas arrêté de foutre des vestes aux garçons !) elle se décida à rentrer. Elle régla l'addition -aussi salée que celle de Matt- et sortit du pub. Elle avançait plus droit que l'adolescent, mais ce n'était pas encore ça ! Les trois autres la suivirent à bonne distance, de manière à ne pas se faire remarquer ; car la nuit était encore plus dangereuse que le jour. Surtout lorsqu'on doit traverser une forêt fort peu fréquentée, pour rentrer chez soi. D'ailleurs ils la perdirent de vue. Oh juste un instant, parce que l'instant d'après, Kerensky se prit un pied dans la figure, Simon un coude dans le ventre, et Largo alla faire plus ample connaissance avec un hêtre. Joy leur faisait face, son Beretta à la main :

*

- Hêtre ou ne pas hêtre ? Lui il doit connaître la réponse ! plaisanta-t-elle ; Ah ! je savais bien que la journée n'était pas terminée ! Je me disais aussi, il me manque une attaque !

Elle avait à moitié dessaoulé, et les tenait en joue avec difficulté. On voyait bien qu'elle avait du mal à garder les yeux ouverts... Kerensky se massait la mâchoire, tout en se maudissant intérieurement : mais comment avait-il pu se faire prendre par une gamine de 15 ans, à moitié ivre ? Il commençait à se faire sérieusement vieux ! Et elle ne l'avait pas loupé la garce !

- Ça m'étonne, d'habitude, j'ai plus de mal à vous mettre mon poing dans la figure… Et vous ne me suivez pas toute la journée, vous m'attaquez directement !

Elle les prenait pour les ennemis !? Oh non, là c'était le comble !? Ils venaient du futur où elle était blessée pour lui sauver la vie, et elle, elle les remerciait en leur mettant son pied -et pas que son pied, d'ailleurs- à la figure !?

- Mais t'es pas bien ou quoi ? s'énerva Simon
- Moi je suis pas bien ? Bon, ok, je suis bourrée, mais c'est vous qui m'avez suivie et qui voulez me tuer ! rétorqua la jeune fille ; vous êtes beaucoup plus discret d'habitude ! Alors, je voudrais vos noms, s'il vous plaît ! Et pas les faux, j'en ai rien à foutre !
- Joy… ; commença Largo
- Comment connaissez vous mon nom ? D'habitude, vous m'appelez mademoiselle, ou vous ne m'appelez pas du tout !
- On est là pour t'aider !
- J'ai pas besoin d'un psy ! J'ai dit vos noms ! Et toi, là ; cria-t-elle à Simon ; tu fais un pas de plus, et tu rendras visite aux vers de terre…
- Sans façon merci ! Eh ben ! Je savais que t'étais pas facile en affaires, mais là…
- J'AI DIT VOS NOMS !
- Très bien, je m'appelle Georgi Kerensky, celui qui pourrait rendre visite aux vers de terre, c'est Simon Ovronnaz, et le dernier, là, c'est Largo… Winczlav.

Il avait dit Winczlav parce que si Joy connaissait Nério -ce qui était sûrement le cas- elle saurait que Largo WINCH, n'était pas son cousin issu de germain, et donc se poser des questions qu'ils préfèreraient éviter pour le moment…

- Attendez… Un blond à la belle gueule qui commence par Win, un brun sexy qui commence par O, et un soviétique plutôt baraqué qui parle bien l'anglais ? Ce ne serait pas un de ses délires ? se demanda-t-elle, soudain pensive en baissant son arme
- Quoi ? demandèrent les trois autres à l'unisson
- Pourquoi venez vous ici, avez-vous dit ?
- Pour te sauver, répondit Largo, interloqué
- De quelle année venez vous ? demanda-t-elle

Mais… comment savait-elle ? Oh la la ! Mais quelle galère ! A peine deux minutes avant elle les considérait comme des ennemis super dangereux, et là, elle les prenait de court en leur demandant de quelle époque ils venaient !? On nageait en pleine folie, là ! Mais ce fut Kerensky qui se reprit le plus vite :

- On vient de 2003, pourquoi ?
- Très bien, suivez-moi ! ordonna-t-elle. Allez ! Venez !
- Alors là je comprends plus rien du tout ! s'apitoya Simon
- T'inquiète pas, moi c'est pareil ! lui expliqua son meilleur ami

Joy était déjà devant et ne marchait pas super droit, mais pour une fille qui avait ingurgité pas mal d'alcool -et visiblement pour la première fois- elle se débrouillait plutôt bien !

- Mais… euh… Et ton père ? s'enquit Largo
- Sûrement reparti à une de ces missions ultra-secrètes auxquelles je devrais m'habituer si je veux aller travailler à la CIA ! Sauf que je ne veux PAS aller à la CIA… Enfin bon, ça vous devez sûrement le savoir !

Il traversèrent la forêt plus ou moins silencieusement et entrèrent chez Joy. Elle alla dans la cuisine, et les rejoignit dans le salon avec deux sacs de glaçons. Salon où Kerensky était assis sur une chaise, et les deux autres sur le sofa. Elle posa le premier sac sur la mâchoire de Kerensky et le deuxième sur la tempe de Largo qui n'avait apparemment pas plu à l'hêtre. Mais elle laissa Simon sans rien :

- Et moi ?
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
- Ben… Je sais pas, moi !
- Donc rien. Je suis désolée. J'aurais dû savoir que vous n'étiez pas des agents de la CIA !
- Comment ça des agents de la CIA ? demanda Largo
- Mon père m'entraîne en m'envoyant des agents à éviter. Alors, à quelle dure réalité vais-je encore être confrontée lors du nouveau millénaire ?
- Comment savais-tu qu'on venait du futur ? interrogea Kerensky
- J'ai posé la question en première ! Alors ? Qui veut me tuer, pour changer un peu !?
- Très bien, on va te dire la vérité. Dans le futur, tu es la garde du corps de Largo ici présent (il le désigne, et Largo sourit), mais en fait, tu as empêché deux types de le tuer, et ils veulent donc te supprimer dans le passé pour ne pas que tu le sauves dans l'avenir.
- Et pourquoi je ne suis pas là ? demanda Joy
- Euh… commença Simon
- Parce que tu as pris une balle à ma place, Joy.

Ils la fixèrent tous les trois pour voir comment elle allait réagir :

- C'est pas la première. Et comment je vais ?
- Ben… Bien, ça va, tu dors à l'hôpital pour le moment, répondit Simon
- Ah. Et… vous êtes qui dans le futur, pour moi ?
- Ben… comprends nous, il ne faut pas que tu le saches. On doit t'en dire le moins possible.
- Oui, je comprends. Ouh ma tête !
- Alors, comment savais-tu que nous venions du futur ?
- Ma mère. Elle faisait des rêves prémonitoires, soit-disant. Je ne l'ai jamais vraiment crue, mais bon… Finalement, votre description était assez fidèle. Au fait, à quoi ressemblent ces types ?
- Bof, tu les reconnaîtras va ! T'inquiète pas !
- Ils sont de la Commission ?

Le trio la dévisagea :

- Oh ! Désolée, vous ne savez peut-être pas ce qu'est la Commission Adriatique ?!
- Euh… En fait si, mais on est étonnés que toi tu saches ce que c'est à 15 ans… avoua Largo. Parce que nous nous battons souvent contre elle. Et non, ils ne font pas partie de la Commission, nous avons vérifié. Ce sont des tueurs professionnels.
- Ne vous inquiétez pas, la maison est sécurisée. Enfin, je veux dire que mon père a tout prévu. J'ai plein d'autres questions, mais j'ai beau faire des efforts, l'alcool va bientôt avoir raison de moi, et je ne vais pas tarder à m'endormir… Vous devez être fatigués, vous aussi… je vais vous montrer vos chambres. Suivez-moi !
- Attends ! l'interpella Kerensky. Et la sécurité ?
- Vous devez savoir vous battre, non ? Bon, alors ça ira. Moi, je vais à la cave mettre l'alarme. Ne vous inquiétez pas, le système de sécurité de mon père en a dissuadé plus d'un !
- Euh… C'est peut-être dangereux que tu descendes les escaliers dans ton état…
- Qu'est-ce qu'il a mon état ?
- Ben… il est un peu… comment dire ? léthargique. Nos efforts seraient vains si tu te brisais la nuque dans les escaliers, chez toi…
- Mais je suis la seule personne à savoir où est le bouton avec écrit " sécurité de la maison force 7 " avec mon père, évidemment !
- Et il est où ce bouton ? demanda Kerensky
- Dans la cave. J'y vais !
- Je t'accompagne ! déclara Largo

Ils descendirent les escaliers en laissant les deux autres au rez-de-chaussée. La cave était très grande, mais Joy semblait la connaître par cœur. Elle se dirigea vers une étagère à côté d'un… quelque chose indescriptible qui ne semblait servir à rien, et appuya sur un bouton situé derrière un pot de peinture qui semblait bien passée. Immédiatement, des bruits mécaniques envahirent la maison, surprenant les trois hommes peu habitués à ce genre d'accueil. Puis Joy remonta dans le salon et invita ses amis à la suivre. Elle monta les escaliers, et ouvrit plusieurs portes, en les répartissant entre les trois hommes :

- Euh… Vous êtes tant que ça à habiter dans cette maison ? demanda Largo
- Non. Mais on héberge souvent des témoins protégés par la CIA, alors il faut des chambres. Ça fait pas mal de boulot, mais je suis habituée. Euh… ben je vais me coucher. La salle de bain est en face de ta chambre Largo, et les toilettes sont juste à côté. Bon, eh ben, bonne nuit.
- T'as pas cours demain ? demanda Simon
- Normalement si, mais je pense que je ne serai pas en état d'aller à l'école… Mais c'est pas grave, j'ai une excuse : je vais rendre visite à ma grand-mère dans sa maison de retraite et les visites ne sont qu'en pleine journée, et je suis en France ce week-end…
- Euh… c'est pas un peu gros ?
- J'leur ai déjà fait avalé que j'avais rendez-vous avec ma mère pour aller faire du ski, il y a deux mois…
- Et alors ? C'est pas si gros que ça…
- Ma mère est morte il y a trois ans… Bon, eh ben bonne nuit !

Elle rentra dans sa chambre, et ne prit même pas la peine de se déshabiller : elle s'endormit immédiatement, tandis que les autres s'allongeaient en pensant à la journée de folie qu'ils venaient de passer…

*

Un orchestre symphonique horriblement mal accordé. C'est la première pensée qu'elle eut en se réveillant. Maudits oiseaux de malheur ! Pouvaient pas se taire ? Joy comprit pourquoi l'alcool était interdit aux moins de 16 ans… même si après 16 ans, c'est pareil : on a la langue pâteuse, envie de vomir et un mal de crâne indescriptible ! Quelle heure était-il ? 11 heures ? Oh non, c'est trop tôt ! Et elle avait fait un rêve bizarre… Le rêve que sa mère lui avait raconté, c'était comme s'il s'était réalisé ! Joy se décida quand même à sortir de son lit. Elle avait apparemment oublié de se déshabiller… Une aspirine ! C'était la seule chose dont elle avait besoin pour le moment. Au diable l'entraînement, aujourd'hui, c'était congé ! Elle se changea rapidement, descendit prendre une aspirine et, si elle ne crachait pas ses tripes avant, peut-être un petit dej'…

Et là, ô surprise, il y avait trois hommes dans le salon, ce qui veut d'abord dire que son rêve n'en était pas un, et ensuite que quelqu'un en voulait -pour changer un peu- à sa peau… Elle eut une moue fatiguée et lança un " salut " un peu… pâteux, auquel les trois autres répondirent un peu plus sûrs d'eux :

- Salut !
- Vous avez déjeuné ?
- Non. On t'attendait.
- Trop aimable ! Matt est venu, ce matin ?
- Le petit brun ? demanda Largo avec un peu de jalousie ; Non.
- Il doit sûrement être en train de dormir ! Il n'a pas fait son entraînement depuis une semaine, il va se faire tuer par son père, et la Commission n'y sera pour rien pour une fois ! Bon, vous n'avez qu'à aller dans la cuisine, moi je vais chercher une aspirine.
- Ok !

Elle revint quelques minutes plus tard, un cachet dans la main, qu'elle avala d'un coup.

- Bon, il est onze heures, pas la peine de petit-déjeuner, si c'est pour déjeuner dans une heure. On va grignoter. Simon, il doit y avoir des biscuits dans le placard. Largo, la confiture est dans le frigo et Georgi le Nutella est dans l'autre placard ! Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Le russe la regardait bizarrement. Largo comprit tout de suite pourquoi…

- D'habitude, tu l'appelles par son nom de famille…
- Parce qu'il était du KGB ? demanda l'adolescente
- Comment tu le sais ? interrogea Simon
- Parce qu'un agent du KGB est plutôt habitué au terrain, jamais il n'aurait pu se prendre un coup comme ça, quoi que tu pourrais être secrétaire… De plus il a le type soviétique et les yeux explosés par un ordinateur. Ordinateur que tu n'avais pas sur toi hier, d'ailleurs…
- Je suis allé le chercher là où nous étions. Tu as un très bon sens de l'observation pour une gamine de 15 ans…
- En tout cas chapeau ! J'ai failli me faire prendre une fois… Tu dois être un ex du KGB pour dire ça. Jamais ils ne font de compliment. Mais je te remercie, je me donne assez de mal pour ça ! Et en plus, je doute que Largo et Simon travaillent pour le KGB.
- Ben évidemment puisqu'il n'existe plus ! gaffa Simon
- Sérieux ? Y a p'us de KGB dans le futur ? Ben ils font quoi alors à la CIA ?

Elle se tartinait une tranche de pain au Nutella. Il y avait plus de Nutella que de pain, mais ça ne semblait pas la déranger plus que ça…

- Sais pas… T'auras qu'à demander à ton père ! répondit Kerensky en lançant un regard glacial à Simon
- Si je lui parle encore ! Je lui parle encore ?
- Et toi, tu n'as pas entraînement aujourd'hui ? éluda Simon, qui se gavait de tartines au Nutella lui aussi, sans ressentir la moindre gêne à cause de la monstrueuse gaffe qu'il avait faite…
- C'est jour de congé aujourd'hui, ça me saoule, et en plus j'ai mal à la tête. Et puis si ce que vous m'avez rapporté hier est vrai, alors j'aurai mon entraînement bientôt… Pas la peine de stresser, vous, vous n'êtes pas des pros !

Elle sortit de la cuisine, alla dans le salon, s'installa sur le canapé et saisit la télécommande qui était sur l'accoudoir.

- Qu'est ce que tu fais ? demanda le russe
- Ça ne se voit pas ? Je regarde la télé.
- Euh… On t'annonce que quelqu'un veut te tuer, et toi tu regardes une stupidité qui est passée des milliards de fois ? demanda Simon, sidéré
- Je te signale que ce n'est pas encore passé à mon époque ! Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Que je pleure sur mon triste sort ? Très peu pour moi. J'ai été bercée aux flingues et aux tentatives de meurtres, alors c'est pas deux pauvres types qui ne connaissent rien à cette ville et qui ne savent rien de mon passé -donc de mon présent- qui vont me démonter !

Simon allait répliquer, mais une voix le devança :

- Joy ? Où t'es ?
- Dans le salon Matt !

L'adolescent descendit les escaliers et entra dans le salon :

- C'est qui eux ?
- Eux… Ce sont les gens du rêve de maman !
- Tu ne vas pas me dire que tu les crois, quand même ?
- Et pourquoi ?
- Mais parce que ta mère était à moitié folle ! Enfin non ! Pas folle, mais disons qu'aucun de ses rêves soit-disant prémonitoires ne se sont réalisés…
- Sauf celui-là !
- Ah ! Alors qui veut te tuer cette fois-ci ? Une poule enragée, un rat pervers ? Arrête ton délire Joy, tu rêves ! Ils ne sont pas le messie !
- Je n'ai pas dit qu'ils l'étaient !
- Je croyais que tu ne devais pas t'attacher ?
- Matt ! Je pensais que tu serais content !
- Mais ça pourrait être eux, les tueurs !
- Mais non ! Sinon je serais déjà morte à l'heure qu'il est !
- Je sais très bien pourquoi tu les crois ! Ça ne la ramènera pas, Joy ! Quoi que tu fasses, elle ne reviendra jamais ! Il faudra bien qu'un jour tu l'acceptes !
- Et si j'en avais pas envie, hein ?
- Tu sais que quand tu y mets de la mauvaise foi, tu es vraiment exaspérante ?
- Si tu es venu pour m'insulter tu peux rentrer chez toi ! Parce que si c'est pour entendre ça, à la limite, j'aurais préféré rester sourde !
- Tu dis ça mais tu ne le penses pas ! Et puis ton père a déboursé pour cette opération !
- Pour que ses efforts à faire de moi un soldat bien docile ne soient pas vains !
- D'accord ! Très bien ! Fais ce qu'il te plaît, moi j'en ai marre de n'être que le sous-fifre ! Je ne suis pas là que pour te consoler Joy, merde ! Tu pourrais prêter un minimum d'attention à ce que je te dis tout de même…
- Mais je t'écoute ! Néanmoins je fais ce qu'il me plaît ! Et si tu es réellement mon ami tu me suivras !
- … ; se tut l'adolescent
- Alors ça y est, t'es calmé ? lui demanda-t-elle
- Non ! J'en ai marre, en plus, je me fais toujours avoir !
- Sans rancune ?
- T'es pas possible… Et en plus j'ai mal à la tête à cause d'hier !
- Bah… On s'est bien amusés !
- Alors, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Matt aux trois autres avec une pointe d'ironie dans la voix. Qu'est-ce qui vous fait revenir dans le passé pour sauver Joy ?
- Deux types de 2003 sont venus à cette époque pour la tuer. Alors, comme Joy fait partie de notre " petite famille ", on est venu l'aider ! répondit Simon
- Et qu'est-ce qu'elle a fait ?
- Je suis la garde du corps de Largo, et j'ai pris une balle qui lui était destinée à sa place.
- Et les méchants pas beaux ne peuvent pas t'achever dans le futur ?
- J'aime la manière que tu as d'être rassurant, Matthew !
- On ne sait pas vraiment pourquoi ils sont partis dans le passé ; répondit le russe ; Peut-être parce qu'ils estiment que tu es moins dangereuse à cette époque que dans la nôtre.
- Et c'est vrai ? demanda Joy
- Ben… Si ce qu'on a vu hier est ce dont tu es capable, tu es presque aussi forte dans ce présent que dans le nôtre.
- Cool ! s'exclama la future garde du corps
- Comment vous appelez vous ? interrogea Matt
- Moi, c'est Simon Ovronnaz, lui c'est Georgi Kerensky, et le troisième, c'est Largo Winch ! gaffa une nouvelle fois le suisse
- Largo Winch ? demanda Joy
- Non non non non non ! Je m'appelle Winzclav, Largo Winzclav ! Pas Winch !
- Tu mens très mal Largo ! s'énerva Joy ; Tu es son fils ? Avec l'âge que tu as, tu ne peut que être son fils ! Nério a un fils ? Et je bosse pour toi ? Il est mort ? Comment ça se fait qu'il ne m'ait jamais parlé de toi ? Et si je bosse pour toi, je ne travaillerai pas à la CIA ? Au moins j'ai la réponse à deux de mes questions. Je sais pourquoi il a quitté la Commission. Et je sais pourquoi vous vous battez contre elle…
- Tu le connais ? demanda Kerensky
- Je ne vous l'ai pas dit ?
- Ben non.
- Ah. Il m'a sauvé la vie. Je vais l'appeler sur le champ pour l'engueuler !
- NON ! cria Largo. On ne doit pas intervenir dans le passé. Il faudra que tu oublies tout ce qu'on te racontera !
- T'es malade ? C'est beaucoup trop important ! Je ne peux pas oublier ça !
- Si le futur ne doit pas changer, si. Il le faut.
- Mais je ne peux pas !
- Le produit de ton père, Joy, intervint Matt. Tu n'auras qu'à l'utiliser. Moi aussi je m'arrangerai pour oublier. Je comprends l'importance que ça a. Et je veillerai personnellement à ce qu'elle ait tout oublié. Largo, j'ai une dette envers ton père : il l'a sauvée.
- Matt ! Tu es censé m'aider ! protesta la jeune fille
- Oui. Et c'est ce que je fais !

Elle bouillait de l'intérieur, ça se voyait. Mais elle se calma. Elle aviserait en temps voulu.

- Très bien. Alors qu'est-ce qu'on fait pour les " ennemis " ?
- On attend. Il y a des endroits que tu fréquentes souvent ? demanda le génie de l'informatique
- Un bar.
- Quoi ? Je croyais que c'était la première fois que tu y allais ?
- Oh mais on ne va pas dans ce bar là ! intervint Matthew. On va dans celui de la ville pour se faire de la thune. On chante là-bas. Ça rapporte pas mal et on s'amuse bien !
- Alors s'ils sont au courant, il ne faut pas que tu y ailles. C'est quand ?
- Ce soir.
- Alors tu n'iras pas !
- Mais alors comment va-t-on les empêcher de me tuer ?
- Nous allons y aller, et toi tu resteras là-bas.
- C'est hors de question ! Vous n'allez pas prendre tous ces risques alors que je peux le faire toute seule !
- T'es aussi chiante là dessus dans le passé que dans le futur ! se plaignit Simon
- Ecoutez, c'est vraiment très sympa à vous d'être venus, mais… je m'en sortirai bien toute seule. Et puis je suis censée protéger Largo, pas le tuer !
- Et même l'esprit professionnel avec ça !
- Ecoute Simon ! Tu as dit tout à l'heure que nous formions une famille, non ? Hors moi, les gens de ma famille, ils me quittent tous prématurément : ou ils meurent, ou ils partent, ou ils fuient, alors j'ai pas envie que ça reste comme ça dans le futur ! Et si je suis aussi " chiante " comme tu dis, c'est que je n'ai aucune envie de vous voir mourir comme…

Elle se stoppa. Lança un regard noir à Simon et monta dans sa chambre, énervée comme pas dieu possible.

- Ben… Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Simon, incrédule
- Tu as retourné le couteau dans une plaie encore bien ouverte… répondit Matt

*

Des notes de musique s'élevèrent alors. Et des paroles. C'était " I will always love you " de Whitney Houston, mais ce n'était pas la voix de la chanteuse. Voyant les regards interrogateurs et surpris des trois " intrus ", Matt leur expliqua :

- Mary lui chantait toujours cette chanson lorsque Joy se sentait mal, ou n'arrivait pas à s'endormir. Elle lui a enregistré la chanson avant de mourir. Joy l'a trouvée sur son lit le jour de sa mort. Elle a assez mal réagi et s'est mise en colère contre le monde entier. C'est la Commission Adriatique qui a tout fait. Mais ce nom ne doit rien vous dire…
- Si. Comme tu as dû le comprendre, Largo est le fils de Nério, répondit Kerensky. Et à cette époque il l'a quittée. Donc elle veut le tuer. Mais ce que Joy ne sait pas, c'est qu'elle a réussi il y a deux ans. Largo se bat donc toujours contre la Commission.
- Et Joy ne vous a pas dit qu'elle avait affaire à elle ? demanda l'adolescent
- On se sait quasiment rien d'elle. Elle est très secrète.
- Je ne sais pas si j'ai le droit de tout vous raconter…
- Ce n'était pas un accident de voiture, comme la police l'a conclu ? demanda le russe
- Comment… ? demandèrent les trois autres
- J'ai fait des recherches poussées sur Joy, et j'ai découvert que sa mère était morte dans l'explosion de sa voiture. Un accident. Mais si la Commission est derrière tout ça…
- Ce n'était pas un accident ; intervint une voix féminine dans leur dos

Les quatre garçons se retournèrent, et la virent descendre calmement les escaliers.

- Ce n'était pas un accident de voiture ; répéta-t-elle ; et la mère de Matthew ne s'est pas tirée une balle dans la tête de la main droite puisqu'elle était gauchère. Et il aurait déjà fallu qu'elle batte sa peur des armes…
- Tu vas leur dire ? questionna Matt
- De toutes façons ils l'auraient découvert tôt ou tard dans le futur. Et puis… je l'aurais oublié alors ce n'est pas grave !
- Tu n'es pas obligée, tu sais… ; commença Simon
- Si, je le suis. Et puis… Je crois que Largo a besoin de réponses. Mais je ne pourrai pas répondre à toutes tes questions…
- Je sais.

Elle s'assit sur le canapé, et commença :

- Mes parents se sont rencontrés à la CIA. Ma mère était l'une des meilleures. Un jour, une organisation appelée la Commission Adriatique est venue lui proposer d'en faire partie. Elle était assez jeune et la CIA ne payait pas beaucoup, alors elle a accepté. Elle s'est vite rendu compte que ce n'était pas un lieu très fréquentable, et elle avait rencontré un homme qui voulait quitter la Commission pour protéger quelqu'un qu'il aimait beaucoup. Cet homme s'appelait Nério Winch, et très vite, ils sont tombés amoureux. Mais ma mère est tombée enceinte de mon père. J'étais un accident, mais ma mère ne voulait pas contrarier papa alors elle m'a gardée. Je ne dis pas qu'elle ne m'a pas aimée. Non. Elle m'a aimée, mais bon… Lorsque mon père a su qu'elle faisait partie de la Commission, il lui a demandé de la quitter. Etant enceinte de moi, elle a préféré abandonner cette organisation. Nério l'a suivie. Pendant 12 ans, ma mère a réussi à échapper aux attentas multiples, et moi j'ai réussi à m'échapper, chaque fois qu'on m'enlevait. La plupart du temps, Matt était avec moi et…
- Je ne t'ai pas autorisée à parler de ma vie, Joy ! intervint celui-ci
- Très bien, concéda l'intéressée. Alors nous réussissions à échapper à tout. Et puis un jour mon père s'est vu proposer un poste à la Commission lui aussi. Mais il a refusé, évidemment. Chose que la Commission n'a pas vraiment appréciée. Alors… ; les mots commençaient à devenir difficiles à prononcer pour leur amie. Alors ils nous ont menacées de mort, ma mère et moi. Ça ne nous a pas vraiment fait peur, ça faisait 12 ans qu'on se battait contre la Commission, on ne se voilait pas la face : ça n'allait pas s'arrêter d'un coup de baguette magique ! Et puis un jour, alors que j'avais 12 ans, ma mère devait m'emmener à l'école. J'étais encore une bonne élève à cette époque là, mais j'étais très affectée par la mort de Betty, la mère de Matthew et de Jenifer. Il y avait un réparateur de voiture sous la voiture, lequel avait un flingue juste à côté de lui. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit qu'il lui en fallait un sur lui au cas où. Ça m'a un peu étonnée, et j'aillais lui poser des questions un peu plus indiscrètes pour vérifier s'il était bien ce qu'il disait être, mais maman m'a appelée, et je n'ai pas pu chercher plus loin. Ma mère est rentrée dans la voiture, et au moment où je l'ai rejointe, elle m'a dit qu'elle avait oublié mon déjeuner dans la cuisine. Je suis allée le chercher, et quand je suis revenue…

Elle inspira un grand coup, mais ne réussit pas à contenir les larmes qu'elle retenait depuis si longtemps. Elle tenta de se calmer et reprit :

- Et quand je suis revenue, la voiture explosait. J'ai eu beau crier, hurler, jurer, m'énerver, rien n'y a fait. Ma mère était morte par ma faute, et elle savait qu'elle allait y passer. Elle m'a abandonnée alors que j'avais besoin d'elle. Et tout est de ma faute. J'aurai dû savoir que le " réparateur " était un agent de la Commission… Il n'était pas parano, il était un monstre. Jamais je ne leur pardonnerai. Et à cause de l'explosion, j'ai été sourde pendant deux semaines. Ensuite, mon père m'a fait subir une opération qui m'a guérie. Voilà ce qui s'est passé.
- Tu oublies quelque chose un an après, Joy ; rappela son meilleur ami
- Non. Là dessus il n'y a rien à dire.
- Tu ne l'as toujours pas accepté ? demanda-t-il. Pourtant pour le reprocher à ton père, là ça marche bien, tu pourrais le reconnaître. Et encore, c'est bien crypté ! Faut savoir de quoi tu parles. Mais ce qui me fait le plus mal, c'est que tu n'as jamais rien voulu me dire !
- Parce qu'il n'y a rien à dire ! s'énerva l'adolescente
- Mais bon sang ça ne sert à rien de le nier ! Il y a des médecins pour ça ! Y a des médecins pour t'aider à l'accepter, ou à comprendre…
- Oh oui ! Bonjour docteur, on m'a enfermée dans un bocal pour me noyer afin de faire céder mon père quand j'avais 13 ans, mais le pire ennemi de mon père qui couchait avec ma mère est intervenu et m'a sauvé la vie. Depuis je n'arrête pas de faire des cauchemars la nuit, dites-moi docteur, il est où le problème ? ironisa-t-elle

Elle remonta dans sa chambre et ils entendirent la porte claquer. Alors c'était ça qu'elle leur cachait ? pensait Largo. Que la Commission lui avait fait plus de mal qu'aux quatre autres garçons réunis ? Et Nério l'avait sauvée ? Alors il n'était pas si méchant que ce qu'on avait accepté de lui dire sur son père. Largo réagit au quart de tour, monta les escaliers quatre à quatre, et frappa à la porte. Un faible " entrez " lui répondit. Sans une seule hésitation, il poussa la porte.

Simon, Kerensky et Matthew n'en revenaient pas. Lui, son propre meilleur ami, elle ne lui avait rien dit. Et pourtant, il avait fait tout son possible pour lui faire avouer ce qu'il s'était passé cet automne 1989 lorsqu'elle avait été absente un week-end entier, plus trois jours d'hôpital et le reste de la semaine sans sortir de chez elle. Alors c'était à cause de la Commission que Joy était si… perturbée ? Ils sentirent tous trois une colère noire les envahir. C'était une telle haine envers la Commission qu'ils avaient désormais, plus qu'envie de la détruire une bonne fois pour toutes. Ce n'était pas juste ! Elle était innocente, et n'avait rien demandé. Mais ça, la Commission n'en avait strictement rien à faire ! Tout ce qu'elle voulait, c'était le pouvoir. Et quelque soit le prix à payer… Puis tout redevint normal. Simon s'assit sur le canapé jusqu'à ce que Matt lui propose de préparer le déjeuner pour se changer les idées ; et Kerensky reprit ses recherches sur Cherry et Bouter à cette époque. Il se demandait où ils pouvaient bien être. Si Joy devait sortir chanter ce soir et que toute la ville -ou presque- était au courant, alors il n'y aurait pas trop à attendre pour l'attaque des deux ennemis. Il n'avait jamais imaginé que cet accident de voiture dans laquelle Mary était morte, puisse être autre chose qu'un accident. Après tout, ça pouvait arriver à tout le monde ! Il lança une partie d'échec sur le net, et entama la première manche. La partie avait à peine commencée, mais il sut tout de suite qu'elle allait être difficile. Mais au moins, ça allait lui occuper l'esprit pendant un bon moment…

*

Il poussa la porte et entra dans la chambre de son amie. La musique était basse, et Joy était adossée à l'embrasure de sa fenêtre, un pied pendouillant lamentablement à l'intérieur, l'autre étant rabattu contre son buste. Son regard semblait perdu, tandis que ses yeux laissaient s'échapper des larmes trop longtemps contenues. Elle avait une cigarette à la main. Largo alla s'asseoir en face de Joy lui retira la cigarette, l'écrasa contre le rebord de la fenêtre, la jeta et lui dit :
- C'est mauvais pour la santé…
- Bof ! Au point où j'en suis, ma santé peut bien faire avec…
- Je suis désolé.
- Ce n'est pas ta faute, Largo. Tu n'y peux rien. Personne ne pouvait rien faire. La seule personne qui pouvait agir, c'était moi, et je n'ai pas su le faire.
- Que ce soit dans le présent ou dans le passé, tu es toujours aussi dure avec toi-même ! Tu ne peux pas tout contrôler.
Il attendit un moment et reprit en souriant :
- C'est étrange, d'habitude, c'est toujours toi qui me dit ça.
- Tu veux toujours tout contrôler ?
- Disons plutôt que j'ai tendance à… penser que l'argent peut résoudre beaucoup de choses. Et quand il ne le fait pas pour certaines autres choses… J'ai l'impression de ne servir à rien… Enfin je veux dire… Là, avec tout ce que j'ai sur mon compte en banque, je n'ai rien pu faire. Il n'y avait rien que je puisse faire… Ce qui prouve que je me suis trompé maintes et maintes fois. Et à chaque fois, tu étais là pour me résonner !

Il attendit quelques instants.

- Joy… reprit-il plus sérieusement
- Je sais. Tu veux que je te raconte tout, n'est-ce pas ?
- Peut-être pas tout, mais un minimum sur mon père. Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
- Ça, je ne peux pas te répondre pour l'instant. Demande-le moi dans 12 ans. Je pourrai sûrement te répondre. Pour ce qui s'est passé… Je rentrais du lycée. Matt ne m'avait pas raccompagnée parce qu'il avait Jen à aller chercher. Et ils sont arrivés. J'ai lâché mon sac, j'ai sorti mon arme et j'ai couru dans la forêt pour ne pas me faire attraper. Peine perdue. Dix minutes après, j'étais assommée. Quand je me suis réveillée, j'étais dans un espèce de bocal, et il y avait une caméra en face de moi. Un voix résonnait et disait à mon père que s'il ne voulait pas me voir mourir tragiquement d'une noyade dans la rivière, il aurait tout intérêt à accepter leur offre. Surtout que je serai déjà supprimée… Il avait 24h pour se décider. Toutes les heures, quelqu'un remplissait le bocal d'eau. Et au bout de 24h, tu t'en doutes, je serais morte noyée. Ça faisait une éternité que je moisissais dans ce foutu bocal, et l'eau -qu'ils n'avaient pas pris le soin de chauffer- m'arrivait jusqu'au cou. J'étais transie de froid, et j'avais du mal à garder la tête hors de l'eau. En plus, la fatigue commençait à se faire sentir… Je ne savais pas si papa allait craquer, mais je lui répétais qu'il ne devait pas céder. Il a refusé leur offre. Le type a alors rempli le bocal. J'ai eu à peine le temps de prendre une bouffée d'air que déjà l'eau me dépassait. Et puis ton père est arrivé. Il avait une grande voiture et plein d'hommes. Il a lancé une arme à mon père et a tiré sur tous les hommes qui l'empêchaient de m'atteindre. Ensuite, d'après ce qu'il m'a raconté à l'hôpital, il a tiré dans le bocal et je suis tombée. J'étais en arrêt cardiaque. Ton père m'a fait un massage cardiaque et du bouche-à-bouche et l'ambulance est arrivée. La Commission ne nous a plus cherché des noises et nous a laissés tranquilles.
- Je suis désolé. Mais… tu nous as pris pour des agents de la Commission au début ?
- Non. De la CIA. C'est pour mon entraînement. Mon père m'envoie certains de ses agents à perfectionner, je crois… Et je dois les battre. La plupart du temps, j'y arrive, mais bon. Ils ont le double de mon âge. Je dois avouer que j'en suis plutôt fière, d'ailleurs !

Elle pleurait quand même. Le milliardaire s'approcha d'elle et la serra dans ses bras. En temps normal, elle ne l'aurait jamais laissé faire.

- Je suis désolé…
- Tu l'as déjà dit. Je pense que si je suis ta garde du corps, c'est parce que j'ai une dette envers Nério. Et c'est sûrement ma faute si Nério est mort. J'aurai dû savoir le protéger.
- Mais bien sûr ! Tu aurais aussi pu éviter que Kennedy ne soit assassiné d'un coup de fusil à la place d'un autre, que Al Quaïda ne fasse exploser les Twins Towers, que Caïn tue Abel, que la bibliothèque d'Alexandrie ne brûle, tu aurais aussi dû empêcher la deuxième guerre mondiale…

Ils se sourirent. La jeune fille ne tilta même pas lorsque Largo lui annonça que les Twins Towers avaient explosé… Un ange passa. Et Joy regarda Largo dans les yeux.

- Pourquoi tu me fixes comme ça ? demanda-t-elle
- Tout est de ma faute.
- Pourquoi ? Toi aussi tu aurais dû empêcher Caïn de tuer Abel, et tout le toutim ?
- Non… C'est à cause de moi si nous sommes venus dans le passé. Je n'aurais jamais dû demander à ce qu'on invente une machine à remonter le temps…
- Ce qui s'est passé devait se passer. On appelle ça le destin.
- Tu y crois ? demanda Largo, interdit
- Pas du tout ! Mais ma mère répétait ça tout le temps. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu me caches quelque chose ?
- Joy… Dans le futur… Je te fais souffrir ; avoua-t-il
- Comment ça ?
- Ben… Tu es amoureuse de moi. Et… ben en fait… Pour être clair, pendant un an on s'est tourné autour. Je n'étais pas sûr de tes sentiments pour moi, et encore moins des miens à ton égard. Et l'année dernière, j'ai enfin osé. Bon, ok, tu m'avais bien allumé, et j'étais sûr que tu ne me repousserais pas.
- Je ne vois pas en quoi tu m'as fait souffrir…
- Pendant toute cette année où on se tournait autour. Et à un moment je me suis bien rendu compte que tu m'aimais. Mais comme tu ne voulais pas mélanger la vie professionnelle et la vie privée et qu'à chaque fois tu reprenais tes distances, j'ai préféré aller vers d'autres filles. Et je sais que tu en as beaucoup souffert…
- Largo, je n'ai pas besoin de ta pitié. De plus, ce n'est pas maintenant que tu dois me faire des excuses. Pour le moment, tu ne m'as rien fait.
- Tu m'as quitté.
- Quoi ?
- On est sortis ensemble uniquement trois semaines et ensuite tu m'as quitté parce que tu voulais reprendre le travail. Joy… Je suis vraiment amoureux de toi dans le futur, mais quand tu as 27 ans, tu ne me crois pas et tu ne nous as laissé aucune chance…
- Largo, tous les gens que j'aime meurent prématurément. Pas une seule personne de ma famille n'est morte de façon naturelle depuis trois générations. Ils faisaient tous partie de l'armée et décédaient toujours de façon tragique. Je pense que je ne veux pas perdre les personnes que j'aime en mélangeant la vie privée et la vie professionnelle. Mais je suis sûre que je suis amoureuse de toi dans le futur.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Tu as déjà de l'effet sur moi. Et si tu n'avais pas 14 ans de plus que moi pour le moment, je crois que je t'aurais déjà sauté dessus !! Enfin… façon de parler, quoi !

Ils rirent. Et Joy reprit :

- J'ai pris la mauvaise habitude de fuir depuis mon enfance. Il faudrait que tu me mettes devant le fait accompli. Tu n'auras qu'à me dire vraiment ce que tu penses, et je pense que ça ira mieux entre nous.
- Ça fait bizarre d'avoir ce genre de conversation… Tu sais, ça ne m'a pas étonné que tu sois à la fenêtre.
- Ah bon ? Pourquoi ?
- A chaque fois que tu es énervée, tu vas sur la terrasse de mon appartement. Alors je me suis dit que c'était une habitude que tu avais prise il y a longtemps. Allez, on redescend ?
- Ouais. Je commence à avoir faim.

Ils se levèrent, et avant de passer la porte, Joy retint Largo :

- Merci.
- C'était le moins que je puisse faire…

Ils descendirent au salon et virent Kerensky seul sur une chaise à s'énerver contre son ordinateur :

- Bien joué l'enfoiré ! Ah… L'erreur fatale ! Georgi Kerensky, tu es le meilleur !
- Où sont Simon et Matthew ? demanda Joy
- Partis faire la cuisine… répondit l'ex-agent du KGB sans quitter son écran du regard
- Oh non ! s'exclama Joy ; MATT !

Elle entra en trombe dans la cuisine, suivie de près par Largo qui ne semblait pas comprendre.

- MATT PARKER !! Je t'avais dit de ne plus jamais toucher à MA cuisine !
- Depuis quand ? s'informa l'intéressé
- Depuis que tu y as foutu le feu en voulant faire des crêpes le mois dernier !
- Mais je ne l'avais pas fait exprès !
- Justement, tu sors ! Et Simon aussi ! Je ne veux personne dans ma cuisine ! Ouste !
- Je ne peux pas rester ? demanda Largo
- Non ! J'ai dit personne ! Il va falloir que je rattrape tout ce gâchis… Matt, la prochaine fois que tu veux faire la cuisine, fais-la chez toi ou ne la fais pas du tout !

Elle s'enferma dans la cuisine et commença à " réparer " les défauts culinaires de ses amis. Ceux-ci regardaient la télé quand Matt annonça qu'il devait aller chercher sa sœur. Il leur demanda de prévenir Joy pour qu'elle mette un couvert de plus, et il partit, laissant les trois " futuristes " seuls avec des programmes déjà vus des milliards de fois…

*

La future garde du corps sortit de la cuisine une demi-heure plus tard. Il en sortait une délicieuse odeur qui laissait présager un repas exquis. Le suisse fit le messager en expliquant où était Matthew. La jeune fille demanda alors aux trois garçons de dresser la table. Largo et Simon s'exécutèrent, mais Kerensky ronchonna quelque peu :

- Non seulement on vient te sauver la vie, mais en plus on doit mettre la table ! Y'a pas écrit bobonne !
- Et tu crois que c'est aussi écrit sur mon front ? répliqua Joy ; T'es pas un mec pour rien ! Si je ne craignais pas que tu fasses de ma cuisine un chantier plus gros que celui de la construction du Winch Building, je t'enverrais bien aux fourneaux…

Une dizaine de minutes plus tard, la porte claqua et une petite fille criait :

- JOY ? T'es là ?
- Oui Jen, dans le salon !

Une petite fillette blonde passa la tête, tout sourire et sauta dans les bras de l'adolescente :

- Oh lala ! Tu sais quoi ? demanda les boucles blondes
- Non, vas-y raconte moi ! l'encouragea la future agent de la CIA
- Eh ben Teddy m'a demandée en mariage !
- Tu lui as dit non, j'espère ?!
- Ben oui, j'ui ai dit : " ç'aurait été avec plaisir mais j'ai un rendez-vous avec mon pot de glace au chocolat et un vieux navet à la télé ! " ! Il m'a demandé comment j'avais fait pour avoir la chaîne de la cuisine sur ma télé…

Joy éclata de rire, tandis que les trois adultes souriaient de la naïveté de la petite sœur de Matthew. Matthew qui entra deux minutes après et qui lança :

- Non mais quelle idée de faire ce genre de proposition à une gamine de cinq ans !? Non mais elle t'a raconté sa réponse ? Joy, je ne veux plus que tu racontes ce genre de balourdises à ma sœur, c'est clair ?
- Eh ! C'est toi qui veux toujours qu'elle soit avec nous ! répliqua l'intéressée. Et puis de toutes façons, moi je n'aurais pas répondu ça…
- T'aurais dit quoi ? demanda Simon
- Ça dépend du type qui me le demande… Si ça avait été Teddy, je lui aurais dit de manger de la soupe et que c'était beau de rêver…, mais si c'était Drew…
- Tu l'aurais tué ? s'inquiéta Matt
- Oh non ! J'aurais fait durer le plaisir : je lui aurais foutu une honte magistrale devant tout le lycée. Ça lui apprendra à vouloir que je joue Juliette alors qu'il est Roméo… !
- Bon, on passe à table ? s'impatienta Simon qui commençait avoir sérieusement faim
- Ouais, je voudrais pas que tu donnes de mauvaises idées à Jen, Joy…
- 'faut bien que quelqu'un fasse de la prévention ! C'est sûrement pas toi qui la feras !
- Dire à une gamine que les mecs sont tous des cons qui foutent les femmes enceintes et les larguent dès qu'ils le savent parce qu'ils ne veulent pas voir la vérité en face, et encore moins assumer les conséquences de leurs actes ; c'est franchement pas ce que j'appelle de la prévention. Surtout que Jenifer n'a que cinq ans, et que la dernière fois qu'elle a raconté ça à sa prof, elle m'a réellement pris pour un taré qui ne s'assumait pas… Alors désormais, Joy, ce genre d'explications à la con, t'éviteras, c'est clair ?
- Bon, on passe à table ? éluda-t-elle

Le sourire des trois autres s'agrandit encore, et ils s'assirent chacun à leur place. Joy reposa la petite par terre qui s'assit sur la chaise la plus proche de la jeune fille, laquelle alla dans la cuisine pour rapporter le repas. Il était délectable, et Georgi fut content de savoir que Joy ne mentait pas lorsqu'elle lui avait dit -indirectement- qu'elle faisait très bien la cuisine, lors de leur dîner en tête-à-tête à Noël dernier. Ils s'en mirent plein la panse, et les deux heures de l'après-midi sonnèrent bien vite.

- Jen, c'est l'heure de la sieste maintenant ! annonça Matt
- Oh non ! protesta la petite fille. C'est pô drôle ! Et p'is Simon a pô fini son histoire !
- Pas de mais ! Tu vas te coucher tout de suite !
- Joy… supplia Jen. Aide-moi !
- Ah non Jen ! Pas cette fois !
- Mais j'ai pas sommeil ! affirma-t-elle en se frottant les yeux
- Allez Miss ! Si tu veux, tu peux dormir dans mon lit… accepta tout de même Joy
- Alors tu peux venir me raconter une histoire ? implora-t-elle avec un regard de biche auquel même Kerensky n'aurait pas résisté
- Bon, d'accord, je t'accompagne. Allez, va dire " bonne sieste " à tout le monde.

La fillette descendit de sa chaise, et alla embrasser tout le monde. Puis elle attrapa la main tendue de Joy qui monta les escaliers.

- Eh ben ! Joy est un vrai cordon bleu ! complimenta Simon, bien que la jeune fille soit déjà montée coucher Jenifer
- Dis-moi, Matt, commença Largo. Joy, c'est un peu la mère de Jen, non ?
- Elle me la garde quand je ne suis pas là, ou lorsqu'il y a un problème. Ma mère étant décédée quelques jours avant la sienne…, Joy la remplace un peu. Et Jen l'adore. Elle lui voue une véritable vénération. A la maison, c'est toujours : " Matt, où est Joy ? ", " Matt, quand est-ce qu'elle arrive, Joy ? ", " Matt, dis-moi, elle m'aime bien, Joy ? ". Elle fait absolument tout pour que Joy la remarque. C'est hallucinant. J'espère quand même que ça va se calmer un peu, parce que des fois, Jen est vraiment collante et j'en viens parfois à me demander comment elle fait pour tenir à ça… Elle a vachement de patience vous savez, et je crois qu'elle la considère un peu comme sa petite sœur, et même comme sa propre fille. C'est elle qui l'a mise au monde ! Je vous promets !
- Comment ça ? questionna Kerensky
- J'étais en voyage scolaire, et mon père en mission. Les parents de Joy étaient je ne sais où, et ma mère était enceinte de neuf mois. Joy avait dix ans, et elle dormait à la maison au cas où il y aurait un problème quelconque avec la Commission ou autre… Et ma mère a eu ses premières contractions ! D'après ce que maman m'a raconté, elle lui a piqué une crise en lui disant que jamais ce bébé ne naîtrait devant elle. Joy a appelé une ambulance, mais manque de bol, il y a eu un crash et l'ambulance a été déviée pour aller aider ces blessés, et Joy a dû mettre ma sœur au monde. La miss m'a dit qu'elle avait tout fait pour empêcher que ma mère accouche devant elle, et elle a failli tomber dans les pommes lorsqu'il y avait du sang partout et que maman hurlait des noms d'oiseaux puisque Jen ne voulait pas sortir ! D'après maman, Joy avait les larmes aux yeux, et heureusement que l'ambulance est arrivée à ce moment là parce que notre future garde du corps est tombée dans les pommes juste après ! D'après ce qu'elle m'a dit, c'était dégueulasse, et ça lui a pas donné envie d'accoucher ! Mais je suis sûr que le jour où elle sera enceinte, elle sera contente. C'est maman et Mary qui disaient ça.

Ils rirent, mais Joy arriva et les garçons tentèrent de dissimuler leur sourire.

- Ça y est, elle dort, annonça-t-elle
- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Simon
- Ben, Matt et moi n'avons rien à faire de spécial et je n'ai pas la moindre envie d'aller à l'école ! Et vous… Ben vous, vous allez faire la vaisselle ! Et au moindre bruit de vaisselle cassée, je vous tue ! C'est clair ?
- Et toi ? Tu vas faire quoi ?
- Moi, je vais faire de la gymnastique ! informa Joy. Et après, j'ai mon rôle de Juliette à apprendre… Ça me saoule !
- Et moi je vais vérifier la maison et faire le devoir de maths ! annonça Matt en commençant à monter les escaliers
- Tt tt tt tt tt ! contredit Joy. Tu passes par la porte, je n'ai pas envie que tu réveilles Jenifer !
- Pff ! Ok, je reviens dans deux heures !

Il sortit de la maison, Kerensky ne bougea pas, Simon et Largo débarrassèrent la table et Joy descendit à la cave.

*

Des coups de feu résonnèrent. Ce n'était pas fort, mais suffisant pour que Kerensky l'entende du salon. Sans attendre une seconde, il courut jusqu'à la porte de la cave, et y descendit. Il chercha Joy du regard. Une porte était ouverte, et les coups de feu continuaient. Il saisit la poignée et poussa la porte. C'était elle ! C'était elle qui tirait sur une cible. Elle pleurait, mais visait juste. Elle se tourna vers lui, lâcha son arme et se laissa tomber contre la vitre, en larmes. Kerensky était sidéré. Elle visait à la perfection, mais jamais la Joy Arden qu'il connaissait n'aurait pleuré devant quelqu'un. Il ne savait pas trop comment réagir. Finalement, il avait raison : Joy faisait la forte, mais elle n'en pouvait plus. Le russe était déjà étonné qu'elle ait tenu aussi longtemps. Son amie avait beaucoup trop de pression pour une adolescente de son âge : un entraînement difficile, une épée de Damoclès perpétuellement au-dessus de sa tête, la mort de sa mère devant ses yeux, un manque d'attention et d'amour, et enfin l'éducation de la petite sœur de son meilleur ami. Beaucoup trop de choses qu'une adolescente de 15 ans ne peut pas maîtriser. Il maudit Charles et la vie qu'il avait offerte à Joy. Il aurait pu être là pour l'aider au moins, au lieu de fuir ! Sans vraiment s'en rendre compte, il s'était approché de Joy. L'ex-agent du KGB avait mis de côté la limite CIA-KGB et prit Joy dans ses bras en la berçant. Après tout, elle ne faisait pas encore partie de la CIA ! Ils restèrent un instant dans les bras l'un de l'autre, sans échanger un mot. Il n'aurait jamais imaginé que Joy ait pu avoir un passé aussi difficile. Ce n'était pas de la pitié, c'était de la compassion. Il n'était pas passé par là, mais il savait que ce n'était pas facile, puisque lui aussi n'avait pas eu l'enfance heureuse de beaucoup d'enfants ont la chance d'avoir sans même s'en rendre compte. Et puis au bout de quelques minutes, Joy se dégagea et demanda :

- Je fais pitié, n'est-ce pas ?
- Non.
- Je ne suis qu'une faiblarde ! se morigéna-t-elle en séchant ses larmes d'un coup de main rageur ; Je ne devrais pas pleurer ! Et puis, de toutes manières, qu'est-ce que ça changera ? Rien du tout.
- Si. Ça montre que tu es humaine. Et puis, pleurer, ça ne veut pas dire qu'on est faible. Ça veut dire que tu as besoin de décompresser. Joy, tu as beaucoup trop de pression pour une fille de ton âge…
- C'est parce que je suis une fille que tu dis ça ? s'énerva-t-elle
- C'est pour éviter de t'attacher que tu es aussi horripilante ? répliqua-t-il sur le même ton
- Excuse-moi. Seulement, je ne suis pas habituée à ce qu'on me comprenne, alors en général, je ne prends pas la peine de m'expliquer, je fais ma chieuse et on me fout la paix. Mais je pense qu'avec toi, ce sera plus difficile !
- Tu sais Joy, tu fais toujours tout pour être distante, mais tu n'y arrives pas. Dans le futur du moins. Au début, ça marchait. Et puis au fur et à mesure, tu as commencé à te détendre -comme moi d'ailleurs, même si jamais je ne le reconnaîtrai-, et là, je suis sûr que c'était la vraie Joy. Pas celle qui veut prouver qu'elle existe ou qu'elle est capable, celle qui sait vivre, et qui sait qu'elle peut compter sur ses amis. Parce que tu n'as rien à nous prouver, et encore moins que tu es capable de sauver quelqu'un, parce que ça, nous le savons tous. Tu n'as rien à nous prouver ; répéta-t-il ; Ni à Largo, ni à Simon, ni à moi, et encore moins à ton père. Tu es quelqu'un de bien, et même si dans le futur je ne te le dirais jamais, je te considère comme une grande amie. Et je suis sûr que c'est réciproque, même si tu préfèrerais passer la nuit dehors avec Drew pour seule compagnie que de me l'avouer.

Elle sourit. Il avait probablement raison.

- Tu sais, nous nous sommes affrontés dans le futur, avoua-t-il
- Ben si tu es du KGB et moi de la CIA, ça ne m'étonne pas vraiment…
- Non non, tu n'as pas compris. J'avais déjà quitté le KGB, et je travaillais pour la personne qui payait le mieux. C'est à dire la mafia russe. Et toi, tu devais m'en empêcher, pour la CIA. Déjà, une femme chef d'un commando, ça m'a étonné, mais le pire c'est que tu m'as couru après pendant plus de trois kilomètres pour récupérer le missile que mes " collègues " avaient récupérés. Moi, j'ai fuit, mais tu m'as vu, et tu as cavalé derrière pendant au moins deux kilomètres. Et là, j'ai remercié Dame Nature d'avoir inventé la forêt puisque j'ai pu t'échapper.
- Alors je n'ai pas réussi ?
- Pas à récupérer le missile, mais à m'impressionner, ça oui ! Et crois moi, il en faut pour m'impressionner !
- Pourquoi me raconter ça alors que je suis censée l'ignorer ?
- Pour que tu te convainques une bonne fois pour toutes que tu vaux mieux que ce que ton père te dit. Tu vaudras ce que tu décideras de valoir, Joy. Pas ce que ton père dit que tu vaux, puisque, j'en suis sûr, il ne te connaît pas. Il ne sait pas qui tu es vraiment. Et je peux te dire que tu es quelqu'un de formidable qui ne se permet pas le bonheur…
- Merci Georgi. Oups ! Merci Kerensky !
- Georgi, ça ne me dérange pas. Seulement il faudra que je m'y fasse…
- Tu y arriveras ?
- Je pense que oui.

Il se releva et regarda autour de lui. Elle s'entraînait avec tout ça ? Eh ben… Chapeau ! Ça ne devait pas être facile de faire de l'exercice avec un matériel qui date de Charlemagne ! Il regarda son amie avec un air de défi :

- Tu vises bien, tu tires bien, mais est-ce que tu te bats bien ?
- Je croyais que ma petite démonstration d'hier t'avait suffi, mais tu veux vérifier ?
- C'est demandé si gentiment…

Elle lui montra le cheminement à faire pour réussir, et celui qui le ferai le plus rapidement aurait gagné. Kerensky fit tout le trajet en 3 min 06 sec, mais Joy le devança : 2 min 59 sec.

- J'ai gagné ! s'exclama-t-elle
- Oui mais toi tu es plus jeune que moi, alors tu as plus d'endurance !
- Oh la belle excuse ! Bon, allez, je vais faire celle qui te croit : Tu as raison, Kerensky tu es un vieux croûton qui n'est même plus capable de tenir un revolver…
- Tu paries que je fais un carton ?
- J'tiens le pari !
- Oh la oh la oh la, les amis ! intervint une voix bien connue derrière eux

Les deux intéressés se retournèrent et se retrouvèrent face à Simon et Largo :

- Mais qu'est-ce que vous faîtes là ? demanda Joy
- Ben la vaisselle est finie, et on s'ennuyait, expliqua le suisse. Et comme on entendait des bruits de combat, on est descendus voir ce que vous faisiez, puisque Kerensky avait subitement disparu…
- J'aidais Joy à s'entraîner…
- Oh ! fit Largo. Et là, c'était de l'exercice, peut-être ?
- Non Largo, là, Georgi m'apprenait à m'entraîner quand on est un vieux croûton ! Il me pariait qu'il ferait un carton. Mais je suis sûre que je ferai mieux que lui…
- Très bien Madame je-suis-la-meilleure-en-tout, allez-y, montrez-nous de quoi vous êtes capable…! se moqua le Russe
- Mais c'est ce que j'allais faire. Avec quelle arme ?
- Qu'as-tu à nous proposer ? demanda-t-il sur le même ton de plaisanterie

Elle tourna les talons et se dirigea vers une armoire qu'elle ouvrit.

- Ça. Je sais, c'est pas beaucoup, mais bon… La CIA, ça paye pas beaucoup…

Il y avait toutes sortes d'armes : du plus petit revolver au bazooka, en passant par le lance-grenade… Toute l'artillerie quoi !

- Wouah ! s'exclama Kerensky
- Ça c'est de l'artillerie ! renchérit Simon
- Eh ben… ajouta Largo
- Tu choisis quoi, Georgi ? demanda Joy, pas du tout étonnée par ce que proposait l'armoire
- Ce revolver 9 millimètres.
- Bon choix… 12 balles à cadence de tir de 500 mètres par seconde ! Un connaisseur…
- Amateur à mes heures perdues…
- Tu parles ! intervint Simon. A ses heures perdues, il fait des parties d'échecs sur le net… Chuis troiz' !
- Toi aussi tu tiens le pari, Largo ? s'enquit Joy
- Pourquoi pas…
- Tu commences, Georgi ?
- Honneur aux femmes…
- Trop aimable…

Largo était content de voir que la Joy du passé ne se lassait pas des joutes verbales… Elle alla changer la cible, revint vers les trois autres, arracha le revolver des mains du russe, mit le casque et les lunettes, se posta devant la cible, visa, et tira 12 fois. Puis elle baissa les bras avec ce petit sourire en coin qui exaspérait tant Georgi, et s'écarta. Les trois hommes se penchèrent et regardèrent la cible : il n'y avait qu'un seul trou, avec quelques irrégularités certes, mais il n'y avait qu'un seul trou, et juste au niveau de l'estomac. Ils étaient stupéfiés ! Elle tirait à la perfection !

- J'vais chercher du Maalox, c'est pour les brûlures d'estomac ! se moqua-t-elle en allant changer la cible. Tu attends quoi, Kerensky pour tirer ?
- Que tu te taises ! riposta celui-ci

Il s'installa, visa, et tira lui aussi 12 balles, après que Joy ait rempli le chargeur. Il se retira et les trois autres regardèrent :

- Lui, je dirais plutôt qu'il veut ressembler à une passoire… commenta Joy. Perso, ça me plairait pas trop. Ça doit être assez chiant… Simon ? T'y vas ?
- Ok princesse ! Mets des lunettes, tu risques d'être éblouie par ma prestance !

Elle ne répliqua pas, et remplit une nouvelle fois le chargeur. Simon mit le casque et les lunettes, visa et tira : résultat assez bon.

- Eblouie par ta prestance ? Tu voulais dire par ta facilité à exploser l'épaule d'un gars ouais… Ah c'est sûr, Simon, ton mec, il est mort : il a plus d'épaule et il se vide de son sang. Mais s'il est résistant, et gaucher, tu peux être dans le même état que lui. Et je suis pas sûre que ça te tenterait vraiment… Largo ?
- J'y vais.

Elle refit les même gestes que pour Simon et Kerensky. Le milliardaire se mit en place, visa lui aussi et tira les 12 balles du chargeur : le type n'avait plus de tête…

- Waouh ! Eh ben… Tu pensais à qui quand tu as tiré ? demanda Joy
- Au type qui t'a tiré dans le dos.

*

Il reposa l'arme et remonta dans le salon.

- Fais pas attention princesse… la rassura Simon. Il ne s'y est pas encore fait…
- C'est de ma faute ?
- Non ! Mais c'est un peu la sienne. Tu lui avais dit que c'était une mauvaise idée d'aller dans cet entrepôt… Et môssieur n'en a fait qu'à sa tête, comme d'hab' !
- Alors je n'y suis pour rien ?
- Mais non ! Ça va pas la tête ? Allez arrête un peu de culpabiliser, tu n'y es pour rien, et nous savons tous que tu es une battante ! Et tu l'as dit toi même hier : ce n'est pas deux pauvres types qui ne savent rien de toi qui te feront peur et qui changeront quelque chose !
- Merci Simon.
- Au fait, tu ne devais pas jouer du violon tous les jours ?
- Si. Mais je devrais aussi aller à l'école, faire mon entraînement tous les matins, ne pas manger trop de chocolat, ne pas raconter de bobards, et ne pas appeler Kerensky " Georgi " ! Je devrais même jouer du piano. Mais pour le moment, je vais aller voir si Jen dort toujours. Vous n'avez qu'à continuer à faire mumuse avec mes joujoux… ! A plus !

Elle sortit de la pièce secrète et remonta dans le salon.

- Quelque chose me dit qu'elle ne va pas tout de suite vérifier si Jenifer est réveillée… lâcha Simon

Il était assis sur le canapé. Elle s'approcha de lui et lui souffla :

- Ce n'est pas ta faute…
- Si. J'aurais dû t'écouter, Joy. Et comme d'habitude tu avais raison.
- Mais je suis en vie dans le futur, tu l'as dit toi même !
- Mais si je t'avais écoutée, tu ne serais pas sur un lit d'hôpital !
- Et si tu m'avais écoutée, jamais tu n'aurais su ce que maintenant tu sais. Parce que je suis sûre que je ne te l'aurais jamais dit. Mais il y a encore plein de questions auxquelles je te donnerai des réponses. Je pense aussi que c'est de ma faute ! J'aurais dû te dire la vérité, j'aurais dû t'avouer que je connais Nério. Enfin connaître… Disons que je vais le voir de temps à autre, et qu'il s'arrange pour me protéger. Allez ! Arrête de faire la gueule ! Viens avec moi, Miss " pot de glue " est sûrement réveillée…
- C'est qui Miss " pot de glue " ? demanda une petite voix encore ensommeillée derrière eux

Ils se retournèrent :

- Qui veux-tu que ce soit princesse ? Tu as bien dormi ?
- Oui. J'ai rêvé de maman. C'était un ange…

Kerensky et Simon remontèrent, et s'installèrent sur le canapé.

- Tu crois que c'est vrai ? interrogea la tête blonde
- De quoi ?
- Que maman était un ange ! Tu crois que c'est vrai ?
- Evidemment ! Ta maman, c'était le plus bel ange de la Terre, alors dans le ciel, t'imagines ? Enfin, c'était le plus bel ange de la Terre, sauf quand elle nous criait dessus parce que Matt écrasait ses pétunias. Là, Matt lui faisait les yeux doux, et elle devenait toute gentille…
- T'avais peur d'elle ?
- Mais non ! Tu sais bien que Joy Arden n'a peur de rien !
- Sauf des rats ! rigola la petite fille
- Ouais ! Mais les rats, y a plein de monde qui les aime pas…
- Moi, je les aime bien ! Tu te souviens quand Matt en avait mis un dans le tiroir de ton bureau ? Je t'avais jamais entendu crier aussi fort ! Pire que moi quand Matt m'embête ! J'ai bien aimé comment tu t'es vengée !
- Qu'est-ce que tu lui as fait ? demanda Simon
- Oh… Trois fois rien !
- Elle lui a mis du miel dans ses chaussettes, elle a programmé son réveil pour qu'il sonne à deux heures du matin, et elle a dit à papa qu'il avait oublié de faire son entraînement toute la semaine. En plus c'était même pas vrai, pour une fois !
- C'est qui ton père ? demanda Kerensky
- Josh Parker, major à l'armée de Terre des Etats-Unis. Mais je le vois jamais. De toutes façons il m'aime pas !
- Jenifer ! Ton père t'aime, mais à sa manière. C'est pas de sa faute si il ne peut pas être là pour veiller sur toi…
- Tu mens ! Il m'aime pas je le sais ! Mais pourquoi il ne m'aime pas ? Hein ? Pourquoi il m'aime pas ?
- Jen !
- Pourquoi il m'aime pas ?

Elle enfouit sa tête dans le cou de Joy et laissa ses larmes couler, tandis que la jeune fille tentait désespérément de lui expliquer :

- Je ne sais pas, Jen… Je ne sais pas…
- Tu sens maman… murmura la fillette. C'est son parfum
- C'est Matt qui me l'a offert pour mon anniversaire. Il m'a dit que ça me servirait plus qu'à elle. Mais si tu veux je te donnerai le flacon…
- Oui… Joy… Tu m'abandonneras jamais ? Et Matt non plus ? Tu me jures ?

Elle la regarda, sans même se rendre compte que les trois hommes les observaient. Le regard bleu de Jenifer était embué de larmes, et Joy ne se sentait pas le courage de briser l'espoir de Jenifer, si petit soit-il, comme on avait brisé les siens. Au fond, elles se ressemblaient : plus de mère, un père constamment absent, sauf que Jen avait une chance de plus : un frère qui l'aimait. La jeune fille, elle, n'avait pas cette chance. Matt était très proche d'elle, et ils faisaient toutes les bêtises possibles ensemble, mais Joy savait pertinemment qu'il y avait certaines choses qu'il ne pourrait pas comprendre. Ils avaient le même entraînement, mais Joy avait toujours cette menace de mort qui l'entourait. Et elle ne pouvait pas entraîner une petite de cinq ans dans ses emmerdes. Mais elle ne pouvait pas dire " non " à ce regard. Il y avait trop d'amour dedans. Plus qu'elle n'en avait jamais reçu. Elle chercha tout le courage qu'elle avait, et tenta d'expliquer à Jen :

- Jenifer… C'est beaucoup plus compliqué que ça, je ne peux pas te promettre de toujours être près de toi… Il y a des choses que tu ne peux pas encore comprendre, ce sont des problèmes auxquels je ne veux pas que tu sois confrontée.
- Mais… Tes amis disent que tu es en vie plus tard…
- Oui, mais il y aura peut-être des imprévus dont ils ne sont pas au courant et que je ne connais pas encore. Et je ne veux pas te faire une promesse que je ne pourrais pas tenir. Mais je peux te promettre quelque chose : je serai toujours là pour toi, et je veillerai sur toi. Peut-être pas parce que je suis prêt de toi, mais là (elle désignait son cœur et sa tête) je serai toujours là… C'est ta maman qui a dit ça à Matt. Et tu sais, Jen, ta maman ne t'a pas abandonnée. Je suis sûre qu'elle veille sur toi.
- Tu me jures que tu seras toujours là ?
- Juré ! Allez, il va être l'heure de retourner à l'école, maintenant.

Un sourire éclaira le visage de la petite fille. Mais dès qu'elle entendit la dernière phrase, elle fit la moue typiquement enfantine :

- Oh non ! C'est pas drôle !
- Si, allez j't'emmène !
- Non Joy ! C'est bon, je l'accompagne, surgit Simon. Y'a aucun problème. En plus, je devais finir mon histoire, n'est-ce pas Jen ?
- Oh oui ! Chouette ! Ben alors je vais à l'école ! C'est Chloé qui me ramène ?
- Oui. Je préviendrai ton frère ! Tu fais gaffe, hein Simon ?
- Promis, je veillerai sur elle comme sur ma propre sœur…
- Alors je ne suis pas certain que se soit une bonne idée, intervint Kerensky. Je vais t'accompagner, c'est plus prudent…
- Je vais chercher ma doudoune, fit Jen en courant chercher son manteau dans la chambre de Joy
- Merci les gars… Moi j'ai le rôle de Juliette à apprendre par cœur !
- Et comme tu as besoin d'un Roméo, forcément ton choix c'est porté sur Largo… la taquina Simon
- Et oui, qu'est-ce que tu veux ?! Je suis folle de lui ! plaisanta-t-elle en levant les yeux au ciel
- Moi je préfère quand t'es comme ça que quand tu me lances un regard noir qui veut souvent dire : " Ta gueule Simon, tu vas encore dire une connerie !
- C'est bon je suis prête ! A tout à l'heure ! cria Jen, empêchant Joy d'envoyer une vanne à Simon

Elle s'approcha de Joy se mit sur la pointe des pieds, et lui colla un baiser sonore. Mais au moment où Joy se releva, la petite lui agrippa le cou et lui souffla à l'oreille :

- Je t'aime Joy… T'es encore mieux qu'une maman !

Elle attrapa la main que Simon lui tendait et sortit de la maison, suivit par Kerensky ; laissant les deux " amoureux " ensemble…

*

- Alors, on fait quoi ? demanda Largo
- On va commencer à apprendre Roméo et Juliette. T'auras qu'à faire les autres rôles. On aura qu'à faire ça dans ma chambre… Si ça ne t'ennuie pas, évidemment…
- Non non, ça va, ça nous occupera en attendant !

Ils montèrent dans la chambre, et commencèrent à faire le rôle, alors que Kerensky et Simon traînaient en chemin, et étaient retournés dans la forêt vérifier si la Machine fonctionnait toujours, et s'il n'y avait pas de problème.

Ils répétaient depuis une heure, et Joy ne faisait aucun effort. Ça l'ennuyait, et elle le montrait. Au bout d'un moment, Largo lui demanda, passablement agacé :

- Mais pourquoi tu ne refuses pas le rôle si ça t'embête tant de le jouer ?
- Parce que c'est ce qu'ils veulent : que je refuse. Et je ne veux pas leur donner ce plaisir. Et puis elle aurait pu donner une pièce plus gaie tout de même !? Non mais c'est quoi cette histoire à la " mors-moi l'os " où tout le monde meurt ?! Et puis pourquoi ils ne veulent pas qu'ils vivent leur amour ? Hein ? Qu'est-ce que ça peut bien leur foutre ? C'est la vie de Roméo et Juliette, pas celle de leurs parents ! Pourquoi les histoires d'amour finissent-elle toujours aussi mal ? Pourrait-pas se finir par un " ils vécurent heureux et eurent un petit Victor quelques années plus tard ", hein ? Font chier !

Largo se mit à rire :

- Victor ?
- C'est le premier prénom qui m'est venu à l'esprit… Faut pas chercher ! Et puis, t'es pas d'accord ?
- C'est une tragédie, Joy. C'est normal que ça se termine mal…
- Ben ils z'ont qu'à pas écrire des trucs qui finissent mal, s' ils veulent avoir du public ado…
- T'es bête !
- Non ! Réaliste, c'est différent.
- Si tu le dis…
- Pourquoi vous riez ? demanda une voix masculine derrière eux
- Joy m'exposait son amour pour les tragédies… répliqua Largo
- Oh non ! Joy, t'es reloue avec ça ! se plaignit Matt. Tu peux pas nous laisser en paix ? C'est énervant à la fin !
- Vous n'êtes que des misogynes !
- Je ne vois pas le rapport… avoua le milliardaire
- Si t'en avais vu un, tu m'aurais surprise : y'en a pas ! riposta la jeune fille en sortant de la chambre
- Elle est impossible… s'apitoya Matthew. Rassure-moi, elle n'est plus comme ça dans le futur ?
- Un peu quand même… Enfin, moins, c'est sûr ! Mais y'a des fois où je me demande… T'as fini tes maths ?
- Ouais ! Enfin, je l'ai vite fait. J'ai acheté la correction des annales. C'est plus rapide !
- Tricheur ! Au fait, elle est partie où ?
- Sais pas. Sûrement dans le salon pour jouer du piano. Ça l'occupe quand elle s'ennuie. Et où est ma sœur ?
- Simon et Georgi l'ont accompagnée à l'école. Et c'est une certaine Chloé qui va la ramener… Tu crois qu'on peut descendre ? Elle ne nous tuera pas ?
- Non. T'inquiète pas, elle n'est pas énervée. Elle est juste butée, bornée, agaçante, exaspérante, énervante…
- Mais c'est ce qui fait tout son charme !
- Tu trouves aussi ?
- Et oui ! Bon, allez, on descend, sinon elle va se douter qu'on parle d'elle ! Et ça lui ferait trop plaisir !!

Ils sortirent de la chambre et descendirent dans le salon. Leur amie jouait une valse lente mais joyeuse. C'était plutôt étrange. Les notes montaient plus haut dans les aigus, le rythme s'accélérait, mais au moment de faire l'accord final, la sonnerie du téléphone retentit. Joy se leva lentement et décrocha, tout sourire :

- Allô ?

Son sourire s'effaça, et elle serra les dents. Matt et Largo se demandèrent qui était au téléphone, mais la réponse se fit bien vite :

- Oui, j'ai fait mes devoirs. Oui j'ai fait mon entraînement ! Non je ne suis pas calmée ! Et je ne le serais jamais si tu continues à me traiter comme tu traites tes soldats !
- …
- Quoi ? Non mais pour qui tu me prends ? NON ! Bien sûr ! T'as de l'espoir !
- …
- Je disais : il faut que j'aille boire ! Mais non ! Jamais je n'oserais me moquer de mon père préféré !
- …
- Oh ça va, hein ! Tu ne m'as pas appelée pour ce me dire ce genre de choses ! Tu es surpris ? Ta fille chérie n'est pas aussi bête que ce que tu pensais ?
- …
- C'est bon, calme ! Papa ! Oui. C'est bon, je ne suis plus à ça près ! Encore heureux que je sache faire mon repas ! Sinon je serais déjà morte de faim !
- …
- C'est ça, au revoir !

Elle raccrocha, et soupira :

- Ce qu'il m'énerve !
- Il ne rentre pas, c'est ça ? demanda Matthew
- J'aimerais tellement qu'on passe une soirée tranquille, normale pour une fois… Mais jamais ça n'arrivera… Faudrait que j'arrête de me leurrer, un peu…
- Hey ! lança Largo ; Tu sais très bien que de toutes façons, une vie normale t'ennuierait à mourir… Pas assez d'action pour toi !
- T'as pas tort…
- Ça me rappelle la fois où… commença Matthew

L'adolescent commença à lui raconter quelques anecdotes de l'enfance de Joy, et ils rirent de bon cœur, lorsque Simon et Kerensky rentrèrent.

- Qu'est-ce qui se passe ?
- Matthew nous raconte les bêtises que Joy et lui ont fait ! répondit Largo ; Et je peux te dire qu'il y en a un paquet ! Elle a plus intérêts à nous faire la morale !!! J'ai de quoi la faire chanter!
- Elle va nous tuer! Fit Simon ; Vas-y, raconte, Matt !

Matt raconta une autre histoire, et ils rigolèrent encore, lorsque la sonnette retentit. Joy se dirigea vers l'entrée, gardant son sourire, qui s'effaça presque instantanément lorsqu'elle vit qui était sur le palier :

- Drew Valentine…

*

- Qu'est ce que tu fais ici, Drew ? demanda une Joy pas du tout sympathique
- Moi aussi, ça va très bien ! Et ta grand-mère ? Ça c'est bien passé à la maison de retraite ? demanda le brun à l'allure prétentieuse
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Ce que je veux ? Mais réviser mon rôle de Roméo avec Juliette.

Les quatre garçons apparurent derrière Joy.

- Je sais que tu es folle de mon corps, et que tu essaies vainement de cacher ton attirance pour moi…

Il la prit par les hanches, et la fit basculer dans ses bras, où il l'embrassa fougueusement. Surprise, Joy ne put rien faire. Mais dès qu'il la reposa, il se prit le genoux de Joy dans des parties qui auraient pu servir pour plus tard, et qui avait déjà pas mal servies…

- La seule partie de mon corps irrésistiblement attirée par toi, c'est mon genou, et c'est le seul endroit auquel il s'abaissera à te toucher. Quant à notre rôle, Drew… Compte sur moi pour te remettre en place à chaque fois que je jugerai cela nécessaire… Je ne suis pas une de ces poupées qui se retrouvent dans ton lit. Qu'est-ce que tu veux ? Dieu a donné un sexe et un cerveau à l'homme, mais pas assez de sang pour irriguer les deux en même temps. J'ai résolu l'équation ! Quoi qu'elle était facile : tu n'as pas de cerveau. La seule chose avec laquelle tu réfléchis, elle ne fonctionnera plus du tout si tu continues sur cette voie là. Ai-je été suffisamment claire ?
- Ou… oui… haleta-t-il plié en deux à cause du coup sous les regards à la fois compatissants et contents des quatre autres, Simon Kerensky et Largo ayant compris qui était ce type
- Très bien ! Ah oui… Une dernière chose : ne reviens jamais sur ce palier, ça pourrait mal se finir… Mais si tu tiens si peu à la vie, je veux bien avoir le plaisir d'achever ta sale gueule de prétentieux pourri gâté. Car en dehors de ta petite vie de bourge qui a tout pour lui, tu n'es pas le chef ! Et ce n'est sûrement pas moi qui ferais la soumise !

Elle claqua la porte et se nettoya la bouche en se passant le bras dessus :

- Pouah ! Non mais pour qui il se prend celui-là ?
- Je crois que tu lui plais et que ça le rend malade que tu le repousses ; lui expliqua son meilleur ami, les autres étant encore abasourdis par la prestance avec laquelle Joy avait rembarré Drew ; Il est habitué à avoir toutes les filles à ses pieds, alors toi…
- Je fais partie de ses fantasmes ? demanda-t-elle, dégoûtée
- J'en sais rien, et j'ai pas envie de le savoir ! reconnut Matthew
- Moi non plus. Et je préfèrerais ne pas en faire partie…


Ils attendaient depuis une heure l'arrivée de " la gamine vachement bien foutue qui chante le vendredi soir avec son copain ", mais sans succès puisqu'elle n'apparaissait toujours pas. Encore eut-il fallu que ce fut elle, pensait Cherry. Mais le spectacle était plutôt bon. Et ils avaient de quoi payer, avec les deux pauvres types que Bouter et lui avaient détroussés facilement. Il ne leur restait plus qu'à la tuer, et ils pouvaient repartir dans le futur. Vivement la fin !

Le bruit des talons sur le trottoir. C'était bizarre, mais ça la rassurait, cette solitude. Ça voulait aussi dire que s'il n'y avait pas de bruit, elle ne craignait pas de se faire attaquer puisqu'elle l'aurait entendu. Les faibles lueurs que dessinaient les lampadaires la tranquillisaient aussi. Elle adorait la rue et la ville. Il était 20h30, quand elle était entrée dans le bar. Elle s'en était voulu de leur avoir fait ça. Mais elle était assez grande pour se débrouiller toute seule, elle n'avait pas besoin de leur aide. Quand elle était arrivée, il y avait déjà pas mal de monde, mais elle les avait remarqués tout de suite. Lui, le balafré aux cheveux blancs et le grand blond plutôt pas mal. Ils avaient bien dissimulé leurs armes, mais pas suffisamment pour que l'œil d'observatrice habituée de Joy ne les voit pas. Ils semblaient l'attendre, comme pour lui faire une petite surprise. Ah ça, pour une surprise, ça allait être une surprise ! Quelque chose de bien ! Ils ne tenteraient rien devant tout le monde, ils attendraient que le spectacle soit fini. Elle n'avait pas tout son temps, les autres allaient se rendre compte de sa disparition, et Matthew n'était pas stupide, il saurait tout de suite où elle était. Elle était allée vers la gérante :

- Salut Stella ! Du boulot pour moi ce soir ?
- Ah ! Joy ! Tu vas bien ma puce ? T'as encore séché les cours aujourd'hui d'après Drew… lui répondit-elle
- Depuis quand écoutes-tu les conneries de Valentine ? Stella… J'étais chez ma grand-mère à la maison de retraite. Tu le sais très bien ! Bon, alors ? Je chante quoi ?
- Ce que tu veux, ma puce.
- Combien ?
- 15 $ par chanson.
- 20 $. Et tu sais très bien que je remplis tes poches. Alors fais pas la radine !
- Et Matt ? Il est où ?
- En retard. Mais rassure-toi, il arrivera dans la soirée, et y'aura du spectacle, crois-moi ! Je monte quand ?
- Maintenant, ça te va ?
- Le temps que je me change !

Mais qu'est-ce qu'elle fait ? pensait Largo ; Ça fait une heure qu'elle est montée, et elle n'est pas descendue depuis. Bon, ok, elle avait dit qu'elle était fatiguée, mais bon… Il n'est que 20h25, et ça m'étonne qu'elle soit allée se coucher aussi tôt.

En tous cas, il était content qu'elle ait accepté de faire ce que Simon, Kerensky et lui-même lui avaient conseillé : ne pas aller chanter, car c'était trop dangereux. Et au fond, ça ne lui ressemblait pas beaucoup. D'accord, Joy avait changé, mais pas à ce point là… Un doute commençait à s'insinuer en lui. Et si… ? Non… C'était pour sa sécurité, elle ne pouvait tout de même pas partir, comme ça alors que sa vie se jouait!? Finalement, le doute devint une quasi-certitude : Joy avait dit qu'elle était fatiguée, mais elle n'en avait pas l'air du tout lorsqu'elle avait mis Simon au sol pour lui prouver qu'elle avait la même force dans le passé que dans le futur. Il monta les escaliers, laissant Matthew et Simon devant la télé et Kerensky à faire une partie d'échec virtuelle. Il poussa la porte. La chambre était plongée dans le noir. Largo tourna les yeux vers le lit de Joy, où un relief irrégulier lui tournait le dos. Finalement, il sourit : il devenait fou. Elle savait que c'était pour sa sécurité qu'ils faisaient tout ça. Pris d'une soudaine impulsion, il alla vers le lit, pour admirer son amie, comme il le faisait à la dérobée lorsqu'elle dormait dans le jet.

Simon s'ennuyait. Il avait déjà vu ce film un bon milliard de fois, si ce n'est un million deux mille trois cent quatre vingt treize fois de plus. Au début, c'était marrant, mais à la longue, ça saoulait. Et Joy qui était allée se coucher après lui avoir brisée la colonne vertébrale ! Aucune pitié celle-là ! Mais il l'avait cherchée, et il le savait. Il n'avait eu que ce qu'il méritait.

- Et m***e ! cria Largo
- Quoi ? sursauta Simon

Largo descendit les escaliers, hors de lui :

- Elle n'est pas dans son lit !
- Quoi ? réitéra le suisse
- Elle n'est même pas dans sa chambre ! pesta Largo
- Tu crois qu'elle serait sortie comme hier ? demanda Simon
- Ça ne m'étonnerait pas… lâcha Matthew
- Attendez, je regarde sur les caméras de surveillance ; expliqua Kerensky

Ils la virent -à travers la caméra- ouvrir la fenêtre, et se glisser dehors, après avoir pris et caché son Beretta comme la veille.

- C'est pas possible ! Mais elle veut mourir ou quoi ? demanda Simon
- Non, mais vous savez très bien que Joy déteste qu'on se mêle de ses affaires, répondit Matthew
- Tu étais au courant ! s'emporta Largo. Tu savais qu'elle allait s'enfuir, et tu ne l'en as pas empêchée !
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je me doutais que Joy partirait, mais je vous signale qu'elle a déjà eu affaire à des agents de la Commission ! Or ces types ne sont rien par rapport à la Commission ! Pas la peine de faire une crise de nerfs pour ça ! Elle ne craint rien du tout ! Et en plus elle a pris son Beretta, alors ça risque rien ! Vous êtes paranos…
- Ecoute petit ! répondit Largo. Je dois la vie à Joy. Et ce n'est pas parce que dans le passé -et même dans le futur- elle ne veut pas de mon aide que je la laisserai tomber ! Alors donne-moi l'adresse de ce bar, il faut aller l'aider. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour la voir se faire tuer sans rien faire !

Matthew regarda Largo. Dans son regard, il y vit tout ce que Mary lui avait dit : de la colère, de la peur, mais le plus important : de l'amour. Alors ce n'était pas un de ces délires ; concéda Matt ; C'est vraiment Lui. Alors il se décida :

- Suivez-moi. Le temps que j'aille chercher les armes, et on y va.

*

Elle était prête depuis un bon quart d'heure, et elle attendait son tour. Sa robe était noire avec de fines bretelles, et ouverte jusqu'au milieu de la cuisse. Et les talons était plutôt hauts pour son âge. Mais elle était habituée. Son père lui avait apprit à se battre dans des tenues encore plus serrées. Et elle s'en était sortie, alors pourquoi pas maintenant ? Ça y était ! C'était à son tour de chanter ! Alors, maintenant, comment s'en sortir ? Elle leur faisait son numéro d'allumeuse en premier, et ensuite elle les attirait dans la 2ème partie du bar pour les renvoyer d'où ils venaient ? Ou leur montrer sa présence, et ensuite attendre Largo et compagnie ? Même pas à réfléchir, la première solution était beaucoup plus marrante ! Et sa tenue -qui la grandissait de deux bonnes années- l'aiderait sûrement à leur faire faire ce qu'elle voulait ! Les notes de musiques se mirent à résonner dans la salle, signe que Joy devait monter sur la scène. Et c'est sans aucune appréhension qu'elle s'orienta d'une démarche chaloupée sur les planches, en se mettant à chanter à la Marylin Monroe. Au bout de la première minute, elle descendit les petites marches, et se dirigea vers les deux hommes en les allumant… disons… bien.

Elle s'avançait près de lui. Bouter lui aurait bien sauté dessus si elle n'avait pas quinze ans -quoi qu'elle en faisait beaucoup plus, vêtue ainsi-, si elle n'était pas Joy Arden, et surtout si il n'avait pas à la tuer ! Cherry, lui, restait stoïque : professionnel avant tout. Il jeta quand même un regard intéressé au décolleté de la jeune fille, mais il n'alla pas plus loin. PRO-FE-SSIO-NEL avant tout !!! Au moins, ils étaient sûrs que c'était elle : même classe, même visage -en plus angélique tout de même- et surtout : même démarche ! Démarche de tigresse s'apprêtant à se jeter sur sa proie ! Donc, c'était bien Joy Arden, mais en plus jeune. Il ne resterait plus qu'à la suivre dans sa loge, et c'était bon, son compte était réglé, et basta, ils rentraient faire fortune dans le futur !

- Ah ! s'exclama Stella. Te voilà Mat ! Joy m'avait prévenue que tu serais en retard !
- Où est-elle ? demanda Matt, anxieux ; Vite !
- Là ! Elle chante ! Elle est amoureuse de l'un de ces types, là-bas ?
- Pourquoi ? s'enquit Largo
- Elle n'arrête pas de les regarder et de les draguer en leur passant devant !
- C'est Bouter et Cherry, Largo ! dit Kerensky
- Mais… Qu'est-ce qu'elle fait ? demanda Largo
- Elle veut se débrouiller seule ! répondit Matthew
- En tous cas, elle chante super bien ! (se reprenant) On va l'aider ! Simon ?

Il attrapa le suisse par la manche, qui avait reprit sa passion : la drague !

- Euh… Largo !
- Tu dragueras plus tard ! On n'a pas le temps, elle vient de finir sa chanson ! Merde ! Ils la suivent ! Matt ! Qu'est-ce qu'il y a de l'autre côté ?
- C'est une autre salle totalement insonorisée où personne ne va ! Et la salle est super grande !
- Pourquoi le spectacle ne se fait dans cette salle ?
- Les lumières ne fonctionnent pas, la clim' non plus et la salle est en rénovation… Le lieu rêvé pour commettre un meurtre, surtout lorsqu'on peut ressortir par la porte de derrière !
- Et je suppose qu'elle le sait…
- Evidemment !
- Elle m'énerve, mais elle m'énerve ! s'énerva Largo ; Je lui ai dit qu'elle pouvait compter sur nous ! Mais non ! Môdame ne nous écoute pas !

Elle les attirait comme des aimants. La rescousse était là. Flûte ! Elle aurait pu se débrouiller seule ! Ce n'était pas la peine de se déranger ! Bon, pas 'rav, il lui restait du temps. Joy entra dans la salle noire, et se cacha derrière la porte, attendant ceux qui devaient la tuer.

Cherry poussa la porte après avoir jeté un dernier regard vers l'assistance, qui n'avait pas fait attention à la disparition de Joy.

- Où est-elle ? demanda Bouter en s'avançant dans le milieu de la salle, accompagné par Cherry

Ils entendirent la porte se fermer, et une barre de fer se glisser entre les poignées. Plus d'échappatoire ! C'était l'un, ou l'autre, puisque seule Joy était au courant de la porte de sortie par derrière.

- Ici, répondit-elle calmement

Cherry se retourna et tira. Mais Joy avait prévu cette réaction, aussi elle l'esquiva facilement. Largo était devant, et Simon en dernier. Il essaya d'ouvrir la porte, mais elle était fermée. " M***E ! pensa Largo ; elle s'est enfermée ! On aurait jamais dû lui dire la vérité ! ".

- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Simon
- Matt… Tu as parlé d'une porte par derrière, non ? s'informa Largo
- Oui… Mais elle est fermée à clé !
- J'ai le meilleur passe-partout du monde, rassure-toi ! répondit le milliardaire en sortant un peu le 9 millimètre que Matt lui avait proposé.
- Alors suivez-moi !

Un deuxième coup de feu résonna. Bouter était touché, et gisait, inconscient -ou mort, elle n'aurait su le dire- par terre.

- Comment as-tu su ? demanda Cherry, caché derrière une table
- Que vous vouliez me tuer ? Tu connais Largo Winch ?
- Il t'a prévenue l'en… -ce mot pourrait choquer la sensibilité de certains esprits fragiles- !
- Ta mère t'a jamais dit que c'était pas bien de dire des gros mots ?
- Si… Mais j'l'ai jamais écoutée !
- T'aurais p'têt' dû…
- P'têt'…
- Sûrement !

Il se retourna, mais c'était trop tard, il eut droit à un gros plan du talon de Joy. Il se ressaisit vite, et lui renvoya son coup. Le combat avait commencé.

*

- Tu te dépêches, oui ? s'impatienta Simon. Elle est où cette porte ?
- Là ! indiqua Matthew

Une porte bien cachée était dressée devant eux. Largo sortit son revolver et tira sur la serrure, avant d'entrer.

Tout était noir, mais des bruits de coups se firent entendre à leur droite. Sans une seule hésitation, ils se dirigèrent vers le boucan. Leurs yeux s'habituant peu à peu à l'obscurité, ils purent distinguer Joy se battre contre Cherry. Coups de pieds retournés, poings dans la figure ou dans le ventre, l'assassin avait droit à la totale. Mais il ne se débattait pas mal non-plus.

- Joy ! cria Largo

Cherry détourna le regard. Erreur : il eut droit à un revers de main gauche en pleine figure, suivi d'un coup de genoux là-où-ça-fait-mal, et d'un coup de pied dans la tête, qu'elle n'eut pas de mal à atteindre, puisque Fred était plié en deux. Il n'en fallut pas plus pour sa pauvre tête : il s'affaissa, assommé. Joy soupira, et souffla un bon coup.

- Vachement bien entraîné le gars ! J'ai failli ne pas réussir à le battre. Heureusement que tu l'as distrait ! Merci.
- Et l'autre ? demanda Kerensky
- L'éponge ? Il est derrière, en train de dormir. Il n'a pas aimé mon Beretta. C'était réciproque… Vous en faites quoi ?
- On ne peut pas les laisser ici. La police les trouverait, et il pourrait y avoir des problèmes… commença le russe. Ils seront jugés, et condamnés pour tentative de meurtre dans le futur seulement… Et pour cela, la seule chose à faire c'est que nous repartions avec eux ce soir.
- Si tôt ? fit Joy, déçue. Mais vous venez à peine d'arriver !
- Joy ! la reprit Matt. Ils n'ont pas le choix. Et puis tu les reverras, ne t'inquiète pas !
- Tu parles ! Je m'en souviendrai même pas !
- Joy…
- Ok. C'est bon…

Largo, Simon, Matt et Kerensky portèrent les deux pseudo-assassins, jusqu'à la voiture. Car ils n'étaient pas venus à pieds, eux ! Ils les jetèrent dans le coffre, et Simon prit le volant, laissant Largo échanger un peu les rôles : engueuler Joy pour sa folie. Mais Matt en eut rapidement assez de voir sa meilleure amie se faire disputer, aussi il intervint :

- Hey, c'est bon Largo ! Elle a eu son compte ! Et puis pour ce genre de chose, son père est là ! En plus, elle leur a mis une pâtée ultra facilement ! Ça se voit qu'ils n'étaient pas de la Commission…
- C'est pas une raison ! On a pas fait tout ce chemin pour qu'elle se fasse tuer !

Il s'arrêta, tandis que Joy fixait désespérément la route. Et Largo se posa une question…

- Au fait, Matthew… Comment connais-tu la Commission ?
- Tu crois que ma mère s'est tuée comment ? En jouant avec un flingue en croyant que c'était un pistolet à eau ? répondit-il amèrement
- Matt ! le réprimanda Joy
- Quoi ? Tu lui as dit ce matin que ma mère était morte d'une balle dans la tête ! Joy, laisse-moi te dire que tu bosses avec des incapables dans le futur.

La jeune fille se retourna vers son ami, et le gifla.

- Je t'interdit de dire ça, d'accord ? Tu ne les connais pas, alors tu ne dis rien !
- Ah parce que tu les connais, toi ?
- Matt ! Ils viennent du futur pour me sauver la vie, et toi tu ne leur fais pas confiance ?
- Mais ils ne te disent rien ! Tu ne sais pas ce que tu vas devenir !
- De toutes façons dans quelques heures, j'aurai tout oublié, alors ça ne sert à rien qu'ils me le disent !
- Hey ! s'immisça Simon. Du calme !
- Heu… Pourquoi la Commission a-t-elle tué ta mère ? Et pourquoi ton père t'entraîne-t-il comme celui de Joy ?
- Ça te regarde ?
- Matthew ! s'insurgea Joy
- Je suis désolé, ça ne regarde que moi !

Joy haussa les épaules, et fit des signes de la main à Kerensky, qui sourit.

- Qu'est-ce qu'elle dit ? chuchota Largo
- Qu'elle nous l'expliquera dans le futur !
- Joy… J'ai aussi une question, pour toi…
- Eh ! C'est pas " Question pour un champion " ici ! Fous-lui un peu la paix ! s'énerva Matthew
- Laquelle ? ignora Joy
- Comment as-tu su que ta mère et Nério étaient ensemble ? Depuis combien de temps ? Et comment peux-tu être sûre que tu n'es pas sa fille ?
- Disons que les voir s'embrasser dans le salon a été très clair pour moi lorsque j'ai eu dix ans. Je ne me suis pas trop posé la question, et je n'ai rien dit à mon père. Il l'a découvert tout seul. Enfin… Maman lui a dit. Je ne sais pas depuis combien de temps ils étaient ensemble, mais je crois que c'est depuis quelques mois avant ma naissance. Mais rassure-toi, Largo, je ne suis pas la fille de Nério, j'ai fouillé dans les affaires de mon père, l'année dernière. Je fais souvent ça, pendant qu'il est absent. Et je suis tombée sur les papiers. Comme mon père savait que ma mère et Nério couchaient ensemble, il s'est posé la question. Alors il a fait des analyses sanguines. J'ai trouvé la feuille, et je l'ai lue. Voilà. Vous savez tout.
- Alors tu n'es pas ma sœur… ?
- Sauf si ma mère est tombée enceinte de Nério avant de tomber enceinte de mon père. Mais bon, ça, je crois que mon père s'en serait rendu compte… Il faudra quand même faire des analyses.
- Merci Joy.
- De rien. Au fait, comment ils sont venus, les deux imbéciles, à côté ?
- Ben… Comme nous, je crois ! répondit Simon
- Matt, réveilles-en un, et demande-lui où ils créchaient, s'il te plaît…
- Ok.

Il s'exécuta, et réveilla Bouter, qui lui avoua que la Machine était dans un immeuble désaffecté. Ils s'y rendirent, et détruisirent la Machine, après avoir assommé une nouvelle fois Bouter, qui commençait à devenir sérieusement gênant et lourdement saoulant. Puis ils continuèrent le chemin, Simon entra dans la forêt, et se gara à côté de leur Machine. Largo rangea les affaires, et Simon attacha les deux zozos. Il râlait, parce qu'à cause d'eux, ils allaient devoir se serrer ! Kerensky, lui, prépara la date et le lieu où ils devaient arriver. Joy et Matthew, eux, attendaient, et s'émerveillaient de voir les créations du futur. Le moment des adieux arriva bien vite.

- Tu prends soin d'elle, hein ? demanda Largo à Matthew
- Je ferai ce que je pourrais. Mais je veillerai sur elle, promis.
- Et toi, pas de folies, hein !
- Tu me connais !
- Justement !
- Vous allez me manquer ! lâcha Joy
- Mais non ! On te revoit dans… Allez, une heure à tout casser ! plaisanta Simon
- Je crois que ce sera plus long pour moi !
- T'inquiète pas, tu nous oublieras dans quelques minutes…
- Je suis obligée ?
- Oui. Il le faut, c'est important. On vous fait confiance.
- Allez, filez avant qu'on vous attache vous aussi pour ne pas que vous partiez !

Ils montèrent tous les cinq dans la Machine, et, après un dernier regard, Kerensky appuya sur le bouton. Comme pour leur arrivée la veille au matin, une lumière aveuglante éclaira le visage des deux adolescents, sur un dernier " au revoir… ". Matt prit la main de Joy, et il la tira vers chez elle. Puis, arrivé, il disparut dans la salle de bain, pour en ressortir avec une seringue, et deux doses d'un produit rose. Il mit la première dose, et, après un regard à Joy, il l'injecta dans le bras de la jeune fille :

- Il le faut, Joy.
- Je sais.

Puis il fit le même geste pour lui, et, avant que le produit ne fasse effet, alla ranger le tout dans la salle de bain. Et quelques minutes plus tard, le couple d'adolescent s'endormit, pour oublier ces deux jours de liberté…

*

Il était 7h03. C'est à dire trois minutes après leur départ pour le passé. La lumière s'éteignit, et Largo sortit de la Machine, pour pénétrer dans l'entrepôt où cette histoire avait commencée. Car oui, tout avait commencé ici, le jour où Largo avait vu comment fonctionnait la Machine. Et il avait compris avec toute cette histoire que c'était une mauvaise idée de construire ce genre de chose. Car la Commission, qui avait des espions et des sbires partout, pouvait s'en servir à de mauvaises fins, et changer la face de ce monde plutôt pourri dans lequel nous vivons avec plus ou moins d'aisance… Il en discuta avec Simon et Georgi, et pesa le pour et le contre. Finalement, ils décidèrent de brûler les plans, et la Machine, afin que personne d'autre qu'eux ne puisse se servir de ces machines. Ils décidèrent aussi de s'arranger pour faire taire les scientifiques. Ce qui ne devrait pas être trop dur avec les quelques milliards de dollars que Largo avait sur son compte. Puis ils appelèrent la police, et allèrent faire leur rapport, lorsque le téléphone portable de Largo sonna : c'était le médecin. Joy était réveillée, et les réclamait… Visiblement, rien n'avait changé. Ils plantèrent les policiers là, et se rendirent, légèrement anxieux, vers l'hôpital où la grande Joy les attendait. Ils allèrent vers l'infirmière qui leur expliqua que Joy allait mieux, mais qu'elle avait quand même besoin de sommeil. Elle était allongée, et avait les yeux fermés. Ils se sourirent pour se donner courage, et entrèrent dans la chambre.
Aussitôt, Joy ouvrit les yeux, et leur offrit son plus beau sourire :

- Ça va ? demanda-t-elle
- C'est pas plutôt à nous de te poser la question, je crois… répondit Simon
- Comment tu te sens ? interrogea Largo en s'asseyant sur le coin du lit et en lui prenant la main
- J'ai vécu pire… avoua l'intéressée. Que s'est-il passé ?

Simon s'assit sur le siège tout près du lit, tandis que Kerensky resta debout. Les trois hommes se regardèrent, se demandant ce qu'ils lui avouaient, et ce qu'ils ne lui avouaient pas. Finalement, Largo prit la parole :

- Bouter et Cherry sont en prison.
- Génial ! Mais comment avez vous fait ? Bouter s'est enfui, non ?

Largo inspira profondément.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, Largo ? réitéra-t-elle
- En fait, quand nous t'avons emmenée à l'hôpital, nous avons oublié la présence de Cherry, tandis que Bouter avait déjà pris la poudre d'escampette…

Joy secoua la tête. Quels idiots ! Comment avaient-ils pu oublier un assassin ? Y'avait du relâchement dans les troupes ! Ça se voyait qu'elle était hors service ! Mais elle le laissa continuer.

- Et puis Simon s'est souvenu qu'on les avait oubliés, et que le pire, ben… C'est qu'ils avaient les plans. Alors on est repartis à l'usine pour les en empêcher…
- Ne me dis pas que…
- Ben si… On n'a pas réussi à les empêcher de partir. Alors on a dû les suivre…
- Mais… Vous connaissiez le lieu et la date ?
- Largo a pu le voir ; intervint Simon
- Et… ?
- C'était en 1991. Près de Washington.
- Qu'est-ce qu'ils allaient faire là-bas ? demanda-t-elle

Le regard des trois autres fut suffisamment éloquent.

- Me tuer ?
- Oui.
- Dans le passé ? Mais… Alors… Vous êtes allés dans mon passé ?
- Oui.
- QUOI ???????
- Joy… S'il te plaît… la supplia Simon. Ne t'énerve pas !
- Ne pas m'énerver ? Non mais… Je… J'aurai pu me débrouiller toute seule !
- Peut-être, mais on n'avait pas le choix. Alors on est aller t'aider. Tu ne te souviens pas ?
- Pourquoi je devrais m'en souvenir ?
- Au moins, on est sûrs que tu as pris du produit qui fait oublier… souffla Simon
- On t'a rencontrée dans le passé, et on a appris pas mal de trucs intéressants… lâcha Largo, une pointe de rancœur et d'incompréhension dans la voix
- Comme…
- La mort de ta mère, sa liaison avec Nério, le fait qu'il t'ait sauvée lorsque tu avais 13 ans, l'existence de Jenifer et de Matthew, et le fait que tu connaissais la Commission avant même qu'on en entende parler ! Le fait aussi que tu détestais la CIA alors que tu y as travaillé… De quoi nous dérouter, et se poser pas mal de questions auxquelles tu as plus ou moins répondu lorsque tu avais 15 ans…
- Qu'est-ce que je vous ai dit, au juste ?
- Que la Commission avait assassiné ta mère presque 12 ans après qu'elle l'ait quittée, que Nério et elle entretenaient une relation depuis bien avant que tu ne naisses, qu'à 13 ans, la Commission t'a enlevée pour te noyer dans un bocal afin de faire chanter ton père, et que Nério t'a sauvé la vie. Enfin, avec plus de détails, mais je te les passe, tu les connais ! Du coup, j'aimerai savoir quelques choses…
- Lesquelles ?
- Est-ce que je suis ton frère ?
- Non. Non, tu n'es pas mon frère, Largo. C'est la première question que j'ai posé à Nério. Mais je ne connais pas ta mère. Il ne m'en a jamais parlé, et les seules fois où j'ai essayé d'aborder le sujet… Il changeait de conversation. Alors je n'insistais pas. Chacun ses petits secrets.
- Pourquoi ne pas nous en avoir parlé ? Pourquoi tu ne nous as pas dit que tu le connaissais ? Et depuis quand est-ce que tu connais mon existence ? On est tes amis, merde ! s'énerva-t-il
- Je n'ai été au courant de ton existence que lorsque Nério me l'a dit, c'est-à-dire quelques mois avant sa mort. Et je ne vous l'ai pas dit, tout d'abord parce que vous ne me l'aviez pas demandé, mais aussi parce que Nério m'avait ordonné de ne rien vous dire. Pourquoi, je n'en sais rien, mais il m'a fait promettre de ne rien vous dire. Et je l'ai fait. De plus, il m'a fait promettre de veiller sur toi quoi qu'il arrive. Même si tu me virais, ou si tu m'en menaçais… insinua-t-elle.

Ainsi si elle était restée lorsque Largo lui avait clairement indiqué la porte, c'était pour ne pas faillir à sa promesse ? Largo accusa le coup, alors que Joy s'en voulait un peu de lui avoir avoué ça. Car oui, s'il n'y avait pas eu sa promesse envers Nério, elle serait partie, mais elle omit de lui dire qu'elle espérait aussi que Largo envoie Diana balader au bout de quelques jours… Voyant Largo se démonter peu à peu, son meilleur ami reprit le flambeau :

- Alors tu connaissais Alan Smythe ?
- Non. Nério avait " oublié " de me le dire… ! Mais je vous aurais tout dit si ça avait été nécessaire !
- Et quand nous aurais-tu dit que tu connaissais Nério ? éclata Simon
- Je ne sais pas… J'en sais rien…

Un ange passa. Visiblement, ils n'avaient rien à ajouter sur le sujet. Ni le camps des garçons, ni Joy.

- Est-ce qu'on sait tout, maintenant ? demanda Largo
- Normalement oui. Sauf si j'ai oublié de vous dire des choses dans le passé ! Et… Vous avez rencontré les autres ? Matthew et Jenifer ?
- Oui.
- Alors elle ne délirait pas !? sourit Joy. Elle nous parlait sans cesse des " messieurs qui étaient venus me sauver "… Matt et moi l'avons prise pour une folle pendant plus de dix ans !
- Vous avez dû oublier de lui donner de ce médicament à effet LSD… ; expliqua Simon
- Et ils sont devenus quoi ? Tu as aussi " oublié " de nous parler d'eux ? demanda Largo
- Matthew est devenu avocat au JAG. Mais je les vois rarement, lui et sa femme.
- Il est marié ? demanda Simon
- Depuis bientôt six ans je crois.
- Et Jen ? demanda Largo
- Jen termine ses études de stylisme à Harvard. Elle a dix-sept ans, maintenant. Je la vois de temps en temps les week-ends et les vacances.
- Joy…, pourquoi la Commission a-t-elle tué sa mère ? intervint pour la première fois Kerensky

*

Joy leva les yeux vers le Russe, étonnée. Comment savait-il que la Commission avait tué Betty ? Matthew ne le lui avait quand même pas dit ? Ben non. Sinon, Kerensky ne lui poserait pas la question… Elle inspira, et commença :
- Ma mère et elle étaient très amies. Alors pour faire chanter maman, puisqu'ils n'arrivaient pas à nous attraper, ils l'ont tuée elle. Ma mère s'en est beaucoup voulu. Alors pour le protéger, Matt avait un entraînement comme le mien.
- Et Jen ?
- On s'est arrangé pour qu'elle en ait un plus facile. On a réussi, d'ailleurs !
- Elle va bien ?
- Oui.

Elle arrêta de parler, puis reprit :

- Je n'arrive toujours pas à croire que vous soyez allés dans mon passé… !
- Tu ne nous avais pas dit que la Commission avait tué ta mère. Et qu'elle en avait fait partie ! Tu as dû aussi omettre de nous dire que ton père en avait eu la proposition… ; reprocha Largo
- Et tu aurais fait quoi, Largo ? Hein ? C'est ma vie ! Et tu ne t'en es jamais plaint que je sache : je n'ai jamais fait de vengeance personnelle ! Et je te le répète, Largo, c'est ma vie, et aucun de vous trois n'a à s'en mêler !
- Tu cherches à prouver quoi ? Que tu es capable de te débrouiller seule ? Bravo Joy, tu y arrives très bien, on est tous fiers de toi, tu sais !
- Arrête d'ironiser ça ! Tu n'as pas vécu ce que j'ai vécu ! Tu ne sais pas…
- On ne demande que ça : savoir; coupa Largo ; Mais tu ne veux pas ! Cependant, on en sait une partie et nous savons que nous n'avons vu que la grande partie du sommet de l'iceberg.

Il s'interrompit quelques secondes, et lui posa une question qu'il se posait depuis pas mal de temps :

- Joy, tu nous as dit que tu détestais la CIA… Alors pourquoi y être entrée ? Et pourquoi la haïr autant ?
- Je vous ai dit ça ? Qu'est-ce que je pouvais être bête ! J'aurais mieux fait de me taire ! Je déteste la CIA parce qu'elle a détruit ce qui semblait être une famille, et que c'est à cause d'elle que ma mère est entrée à la Commission. A cause de l'argent. Entre autres… Et j'y suis entrée… J'avais 19 ans. J'étais à peine majeure, que déjà je m'enrôlais à la CIA… Bizarre, hein ? Oui, j'exècre la CIA, mais oui, j'y suis entrée, et j'y ai bossé pendant presque trois ans. Parce que je venais à peine de divorcer avec David, et j'étais perdue. Et je n'étais encore qu'une gamine qui voulait plaire à son pôpa chéri que, en fait, je n'aimais pas beaucoup si ce n'était pas de la haine… J'y suis entrée pour lui prouver que je pouvais faire aussi bien qu'un autre, et que je pouvais être aussi forte que lui. Voire meilleure. Quelle gamine j'ai été ! Il m'a tendu un piège, et j'y ai sauté à pieds joints ! Au moins, je n'ai plus fait l'erreur ! Il a été vert de rage quand il a su que je bossais pour Nério !
- J'imagine… accorda Largo
- Ecoutez, je suis fatiguée, et je crois avoir répondu à toutes vos questions pour le moment… Alors laissez-moi tranquille !
- Est-ce que tu te souviens de ce que tu as fait le 17 et le 18 janvier 1991 ? demanda quand même Simon
- Oh oui ! ironisa la jeune femme. Je me souviens m'être brossé les dents à exactement 7h34, avec une interro d'histoire à… Attends, laisse-moi me souvenir… 14h26 le départ… Mais ma mémoire doit me faire défaut… Ta demande n'est pas assez précise…
- Bon, ok, est-ce que tu te souviens t'être saoulée au mois de janvier de cette même année ?

La garde du corps fronça les sourcils. Oui, elle se souvenait vaguement s'être saoulée pendant ce mois… Mais elle l'avait fait plusieurs fois ! Et bizarrement, ce que Simon et Largo lui disaient lui rappelait quelque chose…

- Oui. Peut-être… Je ne sais plus ! Ça s'est passé il y a 12 ans, Simon ! Tu m'excuseras, je ne ressasse pas ma vie entière toutes les nuits !
- Excuse-moi… Enfin bon…
- Ecoutez les gars… Ça me fait beaucoup de nouvelles à assimiler d'un coup. Et je suis fatiguée. Vous pouvez me laisser ? A moins que vous n'ayez d'autres questions sur ma journée du 17 janvier 1991…
- Joy… commença Simon
- Alors bonne nuit les gars !

Elle ferma les yeux, et attendit qu'ils sortent. Après un regard entre eux, les garçons allèrent chacun embrasser leur amie sur le front, puis ils sortirent. Dès que la porte se referma, Joy tenta de se souvenir de ce qui avait bien pu se passer pendant ces deux jours. Et pour cela, il fallait qu'elle voit la seule personne à s'en souvenir. Ou plutôt elle devait l'appeler. Aussi, elle décrocha immédiatement le téléphone qui était à côté d'elle, et tapa le numéro du portable de Jenifer…

*

- Allô ? demanda une voix
- Jen ?
- Joy ? C'est toi Joy ?
- Oui. Tu vas bien ?
- Et toi ?
- Oui, oui. Ça va ça va ! Mais j'ai besoin de ton aide sur un coup, là !
- Vas-y ma poule, tu sais bien que tu peux tout me demander !
- Que s'est-il passé les 17 et 18 janvier 1991, Jen ?
- Les 17 et 18 janvier 1991, tu dis ? répéta-t-elle ; Comment veux-tu que je… Ah oui ! Tu parles des étrangers ? Joy, t'es pas drôle ! Je te jure que je me souviens très bien t'avoir vue parler avec trois beaux gars ! J'avais cinq ans, mais j'étais pas folle !
- Oui. Je sais, Jenifer, je te crois, et c'est pour ça que je te demande : que c'est-il passé ces deux jours là ? A quoi ressemblaient ces trois hommes ?
- Attends… L'un ressemblait vachement à Largo Winch, ton patron. D'ailleurs, je me souviens que vous aviez discuté de Nério… Un autre, c'était un petit brun plutôt marrant qui m'avait accompagnée à l'école, pour terminer de me raconter une histoire. Et le dernier… Il était… Blond je crois. Je suis pas sûre. Il était plutôt froid, et rembarrait le brun à chaque fois. Je vous en ai parlé plusieurs fois, tu te souviens ?
- Oui ! Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi étaient-ils venus ?
- Je crois que… Non, c'est sûr, des hommes voulaient te tuer. Et ils étaient venus du futur. Quand on y repense, c'est vrai que j'aurai pu avoir fumé un pêt ! Non mais ! Mais… Tu sais, je m'en souviens très bien parce que tu m'avais fait la promesse de ne jamais m'abandonner, ce jour là ! Les trois autres ont trouvé une super admiration à leurs pompes, à ce moment-là !
- J'ai fait ça ?
- Tu ne t'en souviens pas ?

Joy ferma les yeux, et tenta de se souvenir, mais rien ne venait. Et d'un coup, elle revit le visage de Jenifer, triste et aimant à la fois, s'éclairer au fur et à mesure que Joy lui promettait d'être toujours là dans son cœur. Mais elle était bien trop absorbée par sa déclaration à Jen pour voir ce que faisaient ses amis.

- Si. Si, maintenant je me souviens. Ecoute Jen, je dois te laisser, je suis fatiguée, mais je te remercie de m'avoir dit tout ça. Si jamais un truc te revenait, t'hésite pas, tu m'appelles sur mon portable (censé être éteint !). Et continue de bosser, hein ! Qui sait, peut-être que le Groupe W fusionnera avec ta future boîte, un jour !?
- Arrête ! C'est mon rêve ! Au fait, il faudrait que je vienne à New York pour te montrer la gamme de fringues que j'ai faite exprès pour toi ! Tu feras le mannequin parfait ! Surtout avec ce que je t'ai fait !
- Je crains le pire, mais ce sera avec plaisir ! Je dois te laisser. A plus !
- A plus !

Elle raccrocha, et s'endormit quelques minutes plus tard.


Le lendemain, Largo entra dans la chambre de son amie, et la trouva endormie. Il s'assit sur le siège, et la regarda tendrement. Quelques minutes plus tard, la garde du corps se réveilla, se demandant si elle n'était finalement pas morte, en voyant le sourire angélique de son patron :

- Hey ! fit-il simplement. Ça va ?
- Mes yeux se ferment tous seuls, mais ça va quand même. Et toi ?
- A part le fait que je n'ai pas dormi de la nuit à cause d'hier, ça va aussi…
- Qu'est-ce qu'il y a, Largo ?
- Ben… On a peut-être été un peu brutaux, Simon, Georgi et moi. Tu venais à peine de te réveiller, et nous, on te balance ça d'un coup… Je suis désolé.
- C'est pas grave. J'ai discuté avec Jenifer, hier soir, après votre départ, et elle m'a confirmé se souvenir d'un type qui ressemblait vachement à Largo Winch…
- C'est pratique, que je me ressemble !
- Oui, tant qu'à faire !

Un ange passa, puis Largo décida de se jeter à l'eau.

- Joy, à propos d'hier, tu sais quand je t'ai dit…
- C'est bon, Largo ! le coupa l'intéressée. Tu pensais que j'allais mourir, c'est normal d'avoir dit ça sans réfléchir, et je sais que tu ne le pensais pas… Ce n'est pas la peine de te fondre en excuses ! Ce n'est pas grave !
- Non, tu n'as pas compris, Joy ! Je le pensais vraiment, ce que je te disais ! Ce n'était pas à cause de cette balle… Enfin si ! Je ne te l'aurais pas dit si je n'avais pas cru te perdre, mais je te l'ai dit parce que… Enfin je voulais dire que si je l'ai dit, c'est parce que je ne voulais pas que tu meures sans savoir ce que je ressentais pour toi. Alors je sais, tu vas me dire : " Tu n'es pas prêt à te lancer dans une relation stable " Bon sang, Joy ! Ça fait six mois que tu m'as posé cet ultimatum ! J'ai mûri pendant tout ce temps !
- En couchant avec d'autres filles ?
- Moi je crois que tu étais morte de trouille ! Alors je t'ai laissé le temps. Ok, c'est vrai, je ne t'ai pas montré non plus que je t'attendais, mais tu n'avais qu'un geste à faire, qu'un mot à dire et c'était bon, je laissais tout tomber et je ne te quittais plus. Quant au " La peur que notre amour soit étouffé par la routine " excuse-moi, mais ça, j'étais trop fatigué pour voir que ce n'était pas un argument valable ! Jamais, tu m'entends, jamais, je ne me lasserais de toi ! Alors arrête un peu de psychoter, et lance-toi !
- Tu oublies une chose, Largo : je ne mélange pas la vie privée et la vie professionnelle…
- Alors tu es virée, répondit le milliardaire
- QUOI ? Tu plaisantes, j'espère !? cria-t-elle en se redressant complètement
- Pas du tout.

Elle le regarda dans les yeux, et comprit qu'il était réellement sérieux.

- Mais j'adore mon boulot !
- Très bien, alors si ce n'est pas toi qui démissionne, c'est moi. Je laisse tomber le Groupe, comme ça je ne serais plus ton patron, et toi l'employée. Tu n'auras qu'à être la garde du corps de mon successeur.
- QUOI ? explosa Joy ; Mais… Réfléchis trente secondes, Largo, d'abord, si tu démissionnes, ça voudrait dire que tu laisserais tomber tout ce pourquoi tu t'es battu ces deux dernières années ? Mais c'est de la folie pure !? Tu t'es battu pour le garder, ce foutu Groupe ! Et si tu démissionnes, imagine si c'est Cardignac qui se retrouve le grand patron !? Ou pire ! La Commission ! Tout cela serait réduit à néant !
- Je m'en moque si je peux être avec toi.

Elle le regarda une nouvelle fois, et lut dans ses yeux plus de détermination qu'il n'y en avait jamais eu. Il avait suivi le conseil de la petite Joy : la mettre devant le fait accompli. En réalité, il n'avait pas dormi en grande partie parce qu'il cherchait les bons arguments pour retenir sa garde du corps. Quant à Joy, elle ne savait que faire. Là, elle n'avait plus d'idées pour le repousser en stock. Elle avait beau fouiller au plus profond de sa mémoire, et utiliser toute l'inventivité qu'elle possédait, elle ne trouvait pas. Tout ses beaux arguments valables six mois auparavant venaient de voler en fumée en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Finalement, Largo avait raison. Elle psychotait un max. à l'idée de se lancer dans une vraie relation, sous prétexte -fort valable, d'ailleurs- que les autres fois s'étaient mal passées… Et elle voyait bien que son patron -car pour le moment il n'avait pas encore démissionné- ne la laisserait pas partir comme la première fois.

Le milliardaire, lui, était un peu nerveux. Il fallait qu'elle dise oui. Quoi qu'il arrive, il la suivrait. Même s'il aimerait bien garder le Groupe malgré tout… Il voyait bien qu'un véritable combat se déroulait dans la tête de sa garde du corps.

- Alors ? demanda-t-il au bout de quelques minutes

Alors, alors ? Non mais quelle question ! Comme si c'était le genre de question auxquelles on pouvait répondre en deux minutes !? Mais Joy avait beau chercher, elle n'avait rien de valable pour ne pas se lancer dans cette aventure. Sauf sa peur. Mais bon, ça Largo lui répondrait un truc qui lui balaierait tous ses doutes. De plus, il se disait capable de laisser tomber ses 360 milliards de dollars pour elle ! Donc il ne lui restait qu'une solution : accepter. Car ce serait bête qu'à cause d'une peur de tous les diables de cette relation stable avec le mec le plus désiré de la planète vienne gâcher tous les efforts mis en place par celui-ci…

- Oui, souffla-t-elle. C'est bon, c'est d'accord, je m'y mets pour de vrai cette fois. Mais au premier faux-pas, Largo je te jure que tu en pâtiras ! Et ce n'est pas la peine de menacer de laisser tomber le Groupe. Je n'aimerais pas être la garde du corps de Sullivan. Pas assez d'action. Et le pire serait Cardignac. Ce serait trop risqué, pour lui je parle ! Je pourrais oublier de le protéger… Ce serait dommage, non ?

Le jeune homme se mit à rire, et embrassa Joy. Et, après qu'une infirmière venue changer le pansement de Joy se fut raclé la gorge trois bonnes fois pour signaler sa présence, Largo sortit à sa demande. Mais juste avant de partir, l'héritier Winch se tourna vers sa garde du corps :
- Au fait, Joy… Tu connais l'histoire de PLOUF Cardignac ?


FIN