ALL THE LOVE IN THE WORLD


DISCLAIMER : les persos m'appartiennent pas, ni la chanson (elle est aux corrs, sur l'album " in blue " pour ceux que ça intéresse.) Bref, y'a rien à moi ! Bouhou !
NOTE DE L'AUTEUR : ben comme d'hab, je me suis laissée emportée, ce qui fait qu'au lieu d'une petite fic basée uniquement sur une chanson comme c'était prévu au début je me retrouve avec une intrigue et tout, elle est passée de cinq pages à vingt, si bien que j'ai fini par moi-même me demander ce que cette chanson faisait là au milieu… Ce qui nous donne au début cinq pages de pure romance, et le reste romance, action, enquête, intrigue, passé,… bref, un truc compliqué qui était pas du tout prévu au départ.
Et comme d'habitude, y peut y avoir des longueurs, mais j'y peux rien : Je suis comme ça, je décris. Enfin… vous verrez bien. Bonne lecture et n'oubliez pas que ma BAL accueille à bras ouverts les messages même pour des critiques ( tpretender@caramail.com )
SITE DE L'AUTEUR : http://perso.wanadoo.fr/thotlibis
RESUME : Ca vous dérange si à la place du résumé je vous mets les paroles de la chanson avec la traduction ? Non ? Merci, c'est sympa, comme ça, ça m'évitera d'avoir à traduire au fur et à mesure dans la fic, parce que je trouve que ça casse la lecture. Il faut me pardonner les erreurs de traduction s'il y en a : je ne parle pas couramment anglais, j'ai fait ce que je pouvais!


I'm not looking for someone to talk to:
Je ne cherche pas quelqu'un pour parler :
I've got my friends, I'm more than ok.
J'ai mes amis, je suis plus que bien.
I've got more than a girl could wish for,
J'ai plus qu'une fille pourrait souhaiter,
I live my dreams but it's not all they say.
Je vis mes rêves, mais ce n'est pas tout ce qu'ils disent.
Still I believe I'm missing something real:
Je crois toujours que je passe à côté de quelque chose de réel:
I need someone who really sees me…
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
Don't wanna wake up alone any more
Je ne veux plus me réveiller seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
All I need is to know it's for sure,
Tout ce dont j'ai besoin est de savoir que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.

I've often wondered if love's an illusion
Je me suis souvent demandée si l'amour est une illusion
Just to get you through the loneliest days.
Juste pour te faire traverser les jours les plus solitaires.
I can't criticise it, I have no hesitation,
Je ne peux pas le critiquer, je n'ai pas d'hésitation,
My imagination just stole me away.
Mon imagination m'a juste éloignée.
Still I believe I'm missing something real:
Je crois toujours que je passe à côté de quelque chose de réel:
I need someone who really sees me
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
Don't wanna wake up alone any more
Je ne veux plus me réveiller seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
All I need is to know it's for sure,
Tout ce dont j'ai besoin est de savoir que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.

Love's for a lifetime, not for a moment,
L'amour c'est pour la vie, pas pour un moment,
So how could I throw it away?
Alors comment pourrais-je le rejeter?
I'm only human, and nights grow colder
Je suis juste humaine, et les nuits sont de plus en plus froides
With no one to love me that way.
Sans personne pour m'aimer de cette façon.
I need someone who really sees me…
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
And I won't wake up alone any more
Et je ne me réveillerai plus seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Tu tendras la main vers moi et je saurai que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.


W W W W W


Joy ouvrit la porte de son appartement, la claqua derrière elle, puis se maudit aussitôt de cette démonstration de faiblesse. Car montrer ses sentiments était bien une faiblesse, n'est-ce pas ? En tout cas, c'est ce que son père lui avait toujours appris. Enfin… avait tenté de lui apprendre. Et jusqu'à ce qu'elle commence à travailler pour Largo, elle avait cru qu'il y était parvenu. Elle inspira profondément pour tenter d'apaiser les battements de son cœur. Celui-ci avait tendance à se rappeler à elle avec une surprenante violence dès qu'elle était en colère contre son patron, ou au contraire quand une situation inhabituelle la forçait à entretenir avec lui une proximité qu'elle avait peur de rechercher. Ce soir, les deux cas s'étaient produits, et c'était trop pour ses nerfs. Elle renonça à l'idée de se calmer, balança ses clefs sur la table basse du salon, parcouru la salle à manger en enlevant ses chaussures, abandonnant celles-ci au milieu du chemin, jeta sa veste sur le canapé et alluma la chaîne. Une douce musique envahit l'appartement alors qu'elle laissait son regard errer à la recherche de quelque chose qui pourrait la distraire. La télé ? Inutile d'y songer. Son ordinateur ? Si elle se mettait dessus, ça serait pour travailler, et elle n'en avait pas envie. Un livre ? Elle parcouru les étagères de son immense bibliothèque, tentant vainement d'en trouver un qu'elle n'aurait pas encore lu. Alors qu'elle laissait toujours son regard vagabonder au hasard, il se posa sur une photo. L'unique photo de la pièce. Elle saisit le cadre pour l'approcher et mieux en contempler les moindres détails, qu'elle connaissait pourtant par cœur. Le visage souriant de Simon, son grand frère, le regard glacial de Kerensky, son plus fidèle ami, le bras possesseur de Largo autour de sa taille, et au milieu, elle. Elle qui riait aux éclats, heureuse de fêter son anniversaire avec ceux qu'elle considérait comme sa famille. Elle eut un sourire nostalgique devant ce souvenir, hésitant un moment entre la joie d'avoir vécu ces moments et la tristesse de les avoir perdus. Où donc était passée cette belle entente ? Lorsque entre Largo et elle, elle ne se posait pas de questions, lorsqu'elle savait qu'ils étaient amis et que cela durerait ? Oh, bien sûr, ils s'entendaient toujours aussi bien, et même de mieux en mieux, mais c'était justement ça le problème. Depuis qu'elle avait compris qu'elle était attirée par lui, elle ne répondait plus de ses actes, elle savait qu'un jour elle craquerait et lui sauterait dessus. Et ce jour-là, son sacro-saint professionnalisme en prendrait un coup ! Elle n'osait plus le regarder dans les yeux, de peur d'y lire une invitation d'une nuit à laquelle elle ne pourrait résister. Elle évitait de se retrouver seule avec lui et trouvait toujours une échappatoire pour éviter les sujets qui ne touchaient pas au travail, les invitations à dîner avec lui, Simon et Kerensky, les remarques sur les moments partagés, bref, dès que la conversation devenait personnelle, elle fuyait. Ce qui n'empêchait pas Largo d'être toujours aussi adorable avec elle, attentionné comme il l'avait toujours été, présent comme il le serait toujours. Et elle lui en voulait pour ça. Tout aurait été tellement simple s'il avait juste été un homme séduisant avec lequel elle avait eu envie de passer une bonne soirée. Mais voilà, depuis qu'elle s'était surprise à penser qu'elle ferait volontiers un bout de chemin dans la vie avec lui, qu'il était plus qu'une aventure, ce qui n'aurait pas été un problème en soi s'il n'avait été également un coureur de jupons invétéré, elle avait peur. Bien sûr, elle savait qu'il la désirait. Elle reconnaissait être attirante, elle avait toujours détesté la fausse modestie. Mais ce n'était pas de ça qu'elle avait envie. Là où il y avait un problème dans leur groupe, c'était qu'apparemment, son humeur s'étendait à Simon, qui semblait depuis quelques temps avoir des relations assez tendues avec son meilleur ami. Pourquoi ? Mystère. Elle poussa un soupir de frustration et reposa le cadre, espérant sincèrement que les deux amis allaient mettre à profit la soirée en boîte qu'ils avaient programmé ce soir pour se réconcilier. Elle ignorait qu'à cet instant…

W W W W W

_Allez, Largo !
_Arrête ça, Simon !
Cela faisait près d'un quart d'heure que Simon était passé à l'appartement de son ami, comme convenu, pour qu'ils se fassent une virée nocturne. Jusque là, tout allait bien. Oui, sauf que Simon avait décidé que ce soir serait celui où Largo comprendrait enfin ce qu'il éprouvait pour sa garde du corps. Car cela crevait les yeux. La preuve, même Kerensky avait dit à Simon qu'il faudrait qu'ils se décident. Un quart d'heure que Largo subissait un interrogatoire dans les règles, genre " pourquoi t'as pas eu de copine depuis un mois ? " ou " pourquoi tu étais de si mauvaise humeur quand tu ne l'as pas vu pendant une journée la semaine dernière parce qu'elle était malade ? " En réalité, cela faisait plusieurs mois que Simon avait remarqué le manège de ses deux amis. Au début, il avait juste décidé d'attendre : Largo était un homme à femmes, il saurait quoi faire. Ouais, mais ce qui n'était pas prévu dans son plan, c'était que Largo soit réellement amoureux de la jeune femme. Bien sûr, il avait pensé depuis le début que ces deux-là finiraient par avoir une liaison, il aurait fallu être stupide pour ne pas y penser. Mais quand il s'était aperçu à quel point c'était sérieux, il avait été tellement heureux pour son meilleur ami qu'il avait décidé de laisser faire les choses, persuadé que celui-ci ouvrirait enfin les yeux. Puis il avait décidé que s'en était trop, qu'il ne voulait plus voir Joy détourner le regard quand Largo était dans les bras d'une autre fille, que cet imbécile de milliardaire devait arrêter de chercher ailleurs ce qu'il avait sous les yeux. Alors il en avait parlé à Winch. Mais celui qui d'ordinaire lui faisait confiance et suivait ces conseils tête baissée s'était cette fois bouché les oreilles. Alors Simon avait tenté tous les trucs possibles : les inviter tous les deux à dîner puis se dérober au dernier moment pour qu'ils finissent en tête-à-tête, rendre Largo jaloux en lui faisant remarquer qu'ils ignoraient ce que Joy faisait de ses nuits, cuisiner Joy, mettre Sullivan à contribution pour qu'il les envoie signer des contrats à Venise, bref, il avait épuisé tous ses atouts sans résultat. Alors il avait décidé d'en parler directement à Largo, qui l'avait envoyé balader. Et il s'était mis à en vouloir à son ami : son aveuglement aurait pu paraître amusant s'il n'avait pas tellement fait souffrir la garde du corps, si chaque nouvelle conquête n'avait amené une nouvelle lueur de tristesse dans les yeux de la seule femme que Simon respectait trop pour la draguer. Résultat : lorsque Simon avait remarqué que cela faisait une semaine que Largo n'avait pas eu de maîtresse, record, pour lui ! Il avait pensé qu'enfin, celui-ci avait agi. Mais non. Et, contrairement à ce qu'il avait pensé, Joy ne s'était pas précipitée sur l'occasion. Il comprenait désormais quel était le raisonnement de la jeune femme : c'était simple comme bonjour : " même quand il n'a plus d'autre choix, il ne veut pas de moi, je ne dois vraiment pas lui plaire " et Simon souffrait pour elle. D'où les tensions que celle-ci avait remarquées entre eux sans savoir d'où elles venaient : ils s'étaient salement engueulés, et cette soirée était la première qu'ils passaient ensemble depuis trois semaines. Pendant tout le temps qu'il se remémorait ce dernier mois, Largo continuait à lui expliquer sur tous les tons qu'il n'y aurait rien entre lui et Joy pour la simple et bonne raison que…
_Que tu as trop la trouille de la perdre pour bouger !
_Mais non !
Simon décida à cet instant de jouer la toute dernière carte qui lui restait. La plus risquée :
_Bon, ben puisqu'elle est libre, ça te dérange qu'on annule la soirée ? Je vais aller tenter ma chance.
_Tu n'oserais pas…
_Ben pourquoi pas ? En plus je suis sûr qu'elle doit avoir un de ces culs…
Il n'eut pas le temps d'échapper au poing qui s'abattit sur sa joue gauche.
_Ne parle plus jamais d'elle comme ça, c'est clair ?!
Simon ne répondit pas, se contentant de poser délicatement le bout des doigts sur sa joue endolorie pour évaluer les dégâts et d'afficher l'un des plus grands sourires que Largo lui ait jamais vu.

W W W W W

Georgi enleva son T-shirt et, sans prendre la peine d'en faire davantage, s'écroula sur son lit. En quatre jours, il avait dormi… non : dormi était un bien grand mot : il avait sommeillé deux heures. Il avait cru tenir une piste qui les aurait conduit tout droit à la commission, et il n'avait décollé le regard de son ordinateur que pour aller se resservir à la machine à café ou prendre une douche. Entre recherches et coups de téléphone à ses contacts, il en avait appris pas mal, mais les routes tortueuses qu'il avait empruntées l'avait mené à un cul de sac. Ajoutez à cet échec un Largo énervé par ses conseils d'administration, une Joy qui se réfugiait au bunker mais restait inhabituellement silencieuse pendant des heures et un Simon qui, pour une raison inconnue, semblait bouder son meilleur ami et ne trouvait rien d'autre à faire que de questionner le russe sur ses dépenses en matière de logiciel, et vous obtiendrez de quoi mettre hors de lui-même le plus glacial des géants blonds ! Il avait depuis longtemps dépassé le stade de l'épuisement, il était passé par la phase où ses paupières se rabaissaient sans qu'il le leur ordonne, il avait connu le stade délicat de l'hystérie, pour tomber au moment où seuls les litres de café le tenaient éveillé. Et là, il en était à un point tel que son épuisement physique lui paraissait irréel, comme d'ailleurs le reste du monde, et donc n'avait pas besoin d'être soulagé. Pourtant, il avait été dangereux sur la route, frôlant l'accident à plusieurs reprises, mais maintenant qu'il avait enfin l'occasion de se reposer, il savait qu'il n'y parviendrait pas. Il soupira si discrètement qu'un éventuel spectateur de la scène aurait pu croire qu'il avait rêvé ce signe de lassitude, puis il se résigna, se faisant à l'idée qu'il n'arriverait pas à trouver le sommeil avant le lendemain matin. Il se leva, passa une main dans ses épais cheveux blonds, regarda un instant, pensif, les quelques cicatrices qui ornaient son torse, son ventre, ses bras, s'attardant sur le cercle légèrement rougi à quelques centimètres au-dessus de son nombril, souvenir d'un rival de la CIA plus doué qu'il ne l'avait pensé. Un collègue de Joy. Il sourit. Si quelques années plus tôt quelqu'un lui avait dit qu'il pactiserait avec l'ennemi… Mais Joy n'était pas l'ennemi. Pas plus que son capitaliste idéaliste de patron. Pas plus que l'ex-voleur qui lui tenait lieu de chef de la sécurité. Georgi prit son ordinateur portable, se connecta à Internet pour pouvoir se brancher sur un site de radio : cela allait bientôt être l'heure des informations, et il aimait se tenir au courant de ce qui se passait dans le monde. C'était ce qui lui avait permis de rester au top niveau de l'informatique pendant si longtemps, ce qui lui avait appris qui était le jeune homme qui voulait l'engager, le " fils du milliardaire qui s'est prit pour un oiseau ", bref, sans les infos, il n'en serait pas là aujourd'hui. Bonne ou mauvaise chose, il l'ignorait, mais il savait qu'on ne pouvait avancer dans le monde sans savoir ce qui s'y passait. Il l'avait appris à ses dépends. Il alluma le haut-parleur et le poussa au maximum, de façon à pouvoir l'entendre même avec l'eau de la douche.

W W W W W

Un bain. Voilà qui la calmerait ! Elle se dirigea vers la salle de bains pour faire couler de l'eau. Elle se déshabilla et s'apprêtait à pénétrer dans l'eau chaude lorsqu'elle fut prise d'un doute. Elle enfila un peignoir, revint dans son salon et monta le son pour pouvoir entendre la musique depuis la baignoire, et, surtout, débrancha le téléphone. Elle voulait être tranquille une heure. Elle poussa un soupir de soulagement lorsque l'eau enveloppa ses muscles endoloris et se laissa aller à cet instant de détente. Instant de détente qui fut de courte durée puisque après une ou deux minutes de calme complet, une chanson qui passait à la radio attira toute son attention, refusant le repos à son esprit. Une chanson qui parlait tellement bien de la relation qu'elle entretenait avec son patron qu'elle voyait au fur et à mesure que les paroles s'écoulaient les images de sa propre vie défiler dans son esprit :

I'm not looking for someone to talk to:
I've got my friends, I'm more than ok.

Ses amis… Simon, Kerensky, Sullivan…
I've got more than a girl could wish for,
Un boulot qu'elle adorait, un bel appart, des amis…
I live my dreams but it's not all they say.
Simon qui la harcelait avec des questions sur sa vie privée…
Still I believe I'm missing something real:
I need someone who really sees me…

Largo…
Don't wanna wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;

Toutes ses nuits où elle se réveillait en nage dans son lit, après un rêve où Largo venait la rejoindre dans sa chambre pour lui dire qu'il ne la quitterait jamais…
All I need is to know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.

Le doute qui la saisissait et l'empêchait de s'abandonner à ses désirs…
I've often wondered if love's an illusion
Just to get you through the loneliest days.

Ses jours solitaires avant qu'elle ne rencontre ses amis, et aussi les rares hommes qu'elle avait cru aimer…
I can't criticise it, I have no hesitation,
My imagination just stole me away.

Ses fantasmes, et toujours ces images de Largo lorsqu'elle avait cru déceler de la tendresse dans le regard bleu, pendant leurs "vacances" en France, ou pour le cas du projet Arctique…
Still I believe I'm missing something real:
I need someone who really sees me…

Largo…
Don't wanna wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;

Toutes ses nuits où elle se réveillait en nage dans son lit, après un rêve où Largo venait la rejoindre dans sa chambre pour lui dire qu'il ne la quitterait jamais…
All I need is to know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.

Le doute qui la saisissait et l'empêchait de s'abandonner à ses désirs…
Love's for a lifetime, not for a moment,
So how could I throw it away?

Les conquêtes de Largo. Diana, Astrid, cette avocate dont elle avait oublié le nom, l'espèce de cinglée qui avait fini les vertèbres brisées,… et toutes ces fois où elle avait songé à démissionner pour ne plus avoir à subir la torture de le côtoyer sans pouvoir l'embrasser…
I'm only human, and nights grow colder
With no one to love me that way.

Son grand lit vide…
I need someone who really sees me...
Largo…
And I won't wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.

Ce dont elle rêvait tant…


W W W W W

_Ose encore me dire que tu ne ressens rien pour elle !
_Oh mon Dieu, je… je suis désolé, Simon. Je… je ne sais pas ce qui m'a pris…
_Moi, je sais. Je te donne un indice ? Elle est brune, incroyablement sexy, elle te remet à ta place quand tu le mérites, et elle est chargée de te surveiller. Non, tu ne vois toujours pas ? Allez, un autre indice : ça commence par " am " et ça fini par " our " Tu commences à entrevoir où je veux en venir ?
_Mais… je… Non. Ce n'est pas ce que tu crois.
Simon n'eut pas besoin de prononcer un mot pour exprimer son scepticisme : son regard, appuyé par une petite grimace de douleur au moment où il posa les doigts à l'endroit précis où les phalanges avaient atterri, suffit à Largo. Celui-ci s'écroula dans son fauteuil.
_Mais on est en train de parler de Joy, là !
_Il me semble, oui. Tu m'en veux si je t'emprunte de la glace ?
Sans attendre la réponse distraite d'un milliardaire plongé dans ses pensées, il se dirigea vers le frigo, y prit le bac à glaçons, les démoula pour les envelopper dans une serviette et posa le tout sur son visage meurtri. Il s'observa un instant dans le miroir. Il avait pris suffisamment de coups dans son existence pour savoir que l'œil au beurre noir qui résulterait de celui-ci réduirait pendant quelques semaines ses chances de rencards ! Il sourit. Il avait su avant même de prononcer la phrase qui avait déclenché la tempête que ça allait barder pour lui, mais si tel était le prix pour que l'héritier du groupe W ouvre enfin les yeux, alors il ne regrettait pas de l'avoir payé. Entre amis, on se rend service, non ?
_Qu'est-ce que je vais faire ?
_Ben c'te question ! Ton numéro de joli cœur, comme d'hab ! Sauf qu'en plus, tu vas nous la rassurer, notre petite Joy, parce qu'elle a pas l'air comme ça, mais elle a une trouille de tous les diables, et au moindre faux pas, à la moindre gaffe, elle s'enfuira.
_Sympa de me rassurer !
_Y'a pas de quoi. Bon, je suppose que pour la sortie en boîte, je me la joue en solo, du coup !
Il n'attendit pas de réponse, déposa la serviette dans l'évier et se dirigea vers la porte. Mais, à sa grande surprise, le milliardaire le suivit sur un " attends ! " : il n'avait pas envie de rester seul plongé dans ses pensées après la découverte qu'il venait de faire. Demain, il lui parlerait. Demain.

W W W W W

Renonçant à l'idée de comprendre pourquoi la chanson qui venait de s'achever lui avait tellement fait penser à Joy et Largo, Kerensky se replongea dans ses souvenirs. De cette nuit-là, il gardait trois cicatrices : outre la balle qui lui avait perforé le ventre, une longue entaille au niveau de son épaule gauche, résultat d'un éclat de verre projeté par la bombe, resterait à jamais gravée dans sa chair, comme la dernière cicatrice, psychologique celle-là, resterait à jamais gravée dans sa mémoire. Cinq ans. Cinq ans avait passé. Cinq ans qu'il avait juré, par une froide nuit d'hiver française, qu'il aurait la peau de Jonathan MacLane. Et jamais il ne l'avait eue. Jamais il ne l'aurait. Cette mission… cette mission était, à l'exception peut-être de celle où il avait involontairement tué une gamine de huit ans, la pire dont il puisse se souvenir. Georgi Kerensky avait été l'agent du KGB le plus doué pour les langues. Il en parlait couramment et sans accent une dizaine, dont le français. Alors on l'avait envoyé à Paris pour espionner. Normal, après tout, c'était son boulot. Là où cela devenait beaucoup moins normal, c'était qu'en réalité, il avait servi d'appât. La mission consistait à séduire la fille d'un des hauts dirigeants du pays afin de lui soutirer des informations sans éveiller les soupçons de son père. Un jeu d'enfant pour un agent chevronné comme lui. Il connaissait tout de la fille, de ses goûts et de ses habitudes. Il s'agissait d'une mission d'infiltration à long terme, à l'origine. Il y avait eu un hic lorsqu'il était réellement tombé amoureux de Marie Frosse. Encore que… ce n'était pas tellement grave. Il connaissait son boulot. Et il avait beau tenir à cette femme plus que de raison, il savait qu'il n'aurait aucun mal à la quitter à la fin de la mission. Il était fait ainsi, depuis des années on lui avait appris à ne pas s'attacher. Ou en tout cas à ne pas le montrer. Là où les choses se corsaient, c'était qu'en réalité, la politique franco-russe s'était mêlée de l'affaire, se servant de lui. Et Marie était au courant de sa mission. C'était en fait lui qui était piégé. La France et la Russie avaient peur de la puissance des Etats-Unis. Mettant de côté leur différents, les deux pays s'étaient alliés sur cette affaire pour tendre un piège à l'un des plus importants agents de la CIA : Jonathan MacLane, et se débarrasser de ce trop talentueux ennemi. MacLane devait croire que Kerensky avait séduit Frosse pour espionner, et c'était d'ailleurs ce que pensait Georgi. Effrayé par ce que la française pourrait apprendre au russe notamment sur l'armement des Etats-Unis, il allait devoir les tuer tous les deux, faisant d'une pierre deux coups. Seulement, la France avait voulu abuser la Russie. Seulement, la Russie avait voulu abuser la France. Leur plan commun était que les deux agents devaient s'en sortir. Mais leurs plans individuels différaient légèrement : pour la France, MacLane devait parvenir à tuer Georgi, pour la Russie, MacLane devait parvenir à tuer Marie. Diabolique. La mission n'avait finalement duré que trois mois, pour s'achever dans un bain de sang cette veille de Noël : Marie avait découvert les plans de ses chefs et supposé que la Russie avait les mêmes. Excellente supposition. Mais trop tard. Elle avait tout expliqué à Georgi. Quand il avait appris le fin mot de l'histoire, il avait simplement demandé :
_Pourquoi ?
_Parce que je suis tombée amoureuse de toi, moi aussi. C'est pour ça que je te le dis.
Il voyait qu'elle avait de la peine à retenir ses larmes. Alors, il l'avait prise dans ses bras, lui chuchotant des mots tendres dans les cheveux. En s'écartant, il lui avait expliqué qu'ils trouveraient une solution. Confiante, elle s'était abandonnée dans ses bras, ignorant que c'était la dernière chose qu'elle ferait… Alors qu'elle dormait, il s'était levé pour aller chercher des armes. Avec ce qu'il venait d'apprendre, deux précautions valaient mieux qu'une, il préférait ne pas avoir à se contenter de son revolver. En revenant, il avait ouvert la porte… pour découvrir une bombe sur le lit, à côté de Marie ligotée, bâillonnée, affolée. Trois minutes et quatorze secondes avant la détonation. Il se souvenait encore des chiffres rouges défilant beaucoup trop vite. Il s'était précipité sur Marie pour la détacher. A peine avait-il enlevé le bâillon et la corde qui liait les poignets qu'un homme avait surgi de derrière le rideau : Jonathan MacLane.
_Inutile : vous mourrez tous les deux.
Georgi n'avait pas eu le temps d'attraper le revolver dans son dos : une intense brûlure se faisait ressentir juste au-dessus de son nombril. Il s'était écroulé sur le dos, incapable d'articuler un son, incapable de penser à autre chose que " cette fois, c'est fini " MacLane s'était penché vers lui, et, faussement compatissant, avait remarqué :
_Ouille ! Il paraît que ça fait mal, dans le ventre, non ? En plus, c'est très long à finir. Je me demande de quoi tu mourras : la bombe ou la balle ? Je ne le saurai jamais.
A cet instant, il avait jeté un regard sur le cadran lumineux et rit :
_Une minutes trente-sept. Bon, ben c'est pas que je m'ennuie, mais faut que j'y aille, moi.
Il était sorti, attendant probablement en bas de l'immeuble, mais de façon suffisamment éloignée tout de même : la déflagration détruirait probablement tout le bâtiment et les gens qui vivaient dedans avec, pour être sûr que personne ne sortait. Mais il n'avait pas prévu que Marie réussirait à se détacher et se précipiterait chez un voisin. Tout cela, Georgi ne pouvait que le reconstituer d'après des bribes de conversation qui lui revenaient au milieu de la douleur à la limite du supportable et de cette pensée assourdissante : " cette fois, c'est fini. " Marie avait dit au voisin d'amener Georgi à l'hôpital et il avait, bénit soit-il, obéit sans discuter.
_Viens, avait réussi à articuler le géant qui, pour la première fois de sa vie, se sentait affaibli.
_Il faut que je désamorce la bombe, ne t'inquiètes pas, je viens te voir à l'hôpital dès que j'ai fini.
Dans son délire, Kerensky l'avait cru. Il avait voulu la croire. Avec le recul, il n'était même pas persuadé qu'elle ait essayé. Elle s'était probablement assise sur le rebord du lit et avait attendu la mort. Il l'imaginait très bien faire ça. C'était logique, et probablement la meilleure solution : l'un d'eux devait mourir, c'était obligatoire. Pas les deux, parce que sinon, les gouvernements se douteraient de ce qui s'était passé, de ce que l'autre avait planifié derrière son dos, et ça aurait été la guerre. Mais au moins l'un d'eux afin que Jonathan MacLane estime que sa mission était accomplie. Elle s'était donc sacrifiée pour lui sauver la vie et pour sauvegarder la paix entre leur deux pays. Lui, au bord de l'évanouissement, avait suivi sans discuter le voisin qui le portait plus qu'il ne l'aidait à marcher. Ils avaient eu à peine le temps de sortir. Puis, le souffle de l'explosion les avait jetés à terre, sur le dos. Kerensky avait eu le réflexe de se couvrir le visage, mais pas son sauveur. Celui-ci avait pris un éclat de verre au milieu du front et avait été tué sur le coup, tandis que Georgi se contentait heureusement d'une épaule déchirée en deux par une vitre cassée. Lorsque le calme était revenu, Georgi avait eu le temps d'apercevoir la silhouette de celui qui venait de devenir l'objet de ses malédictions s'approcher de lui, probablement pour finir le travail, mais renoncer en entendant les sirènes du SAMU. Georgi Kerensky venait de perdre une femme qu'il avait aimée et, mais il n'apprit cela que plus tard, avec elle l'enfant qu'elle portait depuis un mois et demi. Il sombra dans l'inconscience.
Soudain, Georgi sortit de sa torpeur. Pourquoi pensait-il à ça maintenant ? Cela faisait cinq ans, maintenant, et il avait pratiquement tourné la page. Pas au point de ne pas tuer MacLane si jamais il croisait un jour son chemin, mais assez tout de même pour ne pas se torturer chaque jour avec cette vieille histoire. Il s'enroula dans une serviette et tenta de concentrer son attention sur la voix morne du journaliste. Il se figea.

W W W W W

Elle était toujours en train de fredonner le refrain de cette chanson alors qu'elle était finie depuis plusieurs minutes, réalisa-t-elle ! Elle secoua la tête pour en chasser les idées trop déprimantes. Elle se leva, s'enroula dans une serviette, et tenta de concentrer son attention sur la voix morne du journaliste. Elle se figea.

W W W W W

_Nous apprenons à l'instant que parmi les otages se trouvent le fameux multimilliardaire Largo Winch et son chef de la sécurité, Simon Ovronnaz. Alors cette attaque pour le moins spectaculaire ne serait en réalité qu'une simple demande de rançon pour l'un des hommes les plus riches du monde ?

W W W W W

Joy se précipita sur son téléphone, le rebrancha, et composa le numéro du penthouse, histoire de vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un canular. Lorsque au bout de quinze sonneries, personne ne répondit, elle s'accorda le droit de paniquer.

W W W W W

Kerensky se précipita sur son téléphone et composa le numéro de l'appartement de Joy. Cela sonnait occupé. Elle devait être au courant et tenter de comprendre. Il essaya sur son portable.

W W W W W

Joy raccrocha et resta trois ou quatre secondes à penser. Le cauchemar du garde du corps : être spectateur pendant que le patron joue la scène. Puis, elle prit de nouveau son téléphone et s'apprêtait à appeler Georgi quand son portable sonna. Elle sourit un bref instant, elle savait de qui il s'agissait avant même de décrocher.
_Je suppose que tu as entendu.
_Oui. Comme d'habitude ?
_Ca me va.
Ils raccrochèrent simultanément. Joy s'habilla en quatrième vitesse, prit son arme, sortit de chez elle et appela un taxi, qui fit quelques difficultés quand elle lui annonça où elle voulait aller :
_Mais… c'est dangereux, là-bas, Mademoiselle ! Vous savez qu'il vient d'y avoir une prise d'otages et…
_C'est pour ça que j'y vais.
Il ne protesta pas. En arrivant, elle le remercia d'un gros pourboire.

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Kerensky s'habilla, prit son arme et appela un taxi : trop dangereux de prendre la route dans son état. Fatigue nerveuse et physique, café et déprime due à des souvenirs envahissants ne faisaient pas bon ménage. Sitôt qu'il arriva au groupe, il s'engouffra dans l'ascenseur, sous le regard surpris des agents de sécurité peu habitués à le voir pressé. Arrivé au bunker, il introduisit sa carte et tapa son code d'accès pour enfin se retrouver devant ses chers ordinateurs.
_Allez, mes bébés. Au boulot. Je sais que vous n'avez pas beaucoup eu le temps de vous reposer, mais moi non plus, on est à égalité.
Voilà qu'il parlait à des machines, maintenant ! Il allait bientôt croire aux extraterrestres et voir des éléphants roses s'il continuait à ce rythme !
_Alors, qu'est-ce que tu me racontes, toi ?
Il lança les quatre machines en même temps mais prit tout de même le temps de se servir un café : la nuit promettait d'être longue.

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_Allez, Largo, viens, une petite virée en boîte, ça fait longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion de s'amuser, ça sera bien…
_Ouais, ben je pouvais pas savoir que ça finirait comme ça !
_Mouais.
_Au moins, on aura eu l'occasion d'assister à une opération pas banale !
_C'est le moins qu'on puisse dire.
En effet, une demi-heure plus tôt, le toit était parti en éclats pour laisser apparaître un homme qui était descendu en rappel depuis un hélicoptère, armé d'une mitraillette, et aussitôt suivi d'une dizaine d'hommes pareillement équipés. Bien sûr, Largo avait un poignard accroché à son mollet, bien sûr, Simon avait son neuf millimètres… mais, bien sûr, ils ne pouvaient rien tenter sans risquer des représailles de la part des terroristes. Seuls, peut-être auraient-ils au moins essayé, quitte à y laisser leur peau, mais les quelques centaines de personnes terrifiées qui se tassaient les unes contre les autres les avaient dissuadés, réduisant à néant toute idée héroïque. En une demi-heure, tout ce que les hommes en noir avait fait avait été d'appeler… la police ! Visiblement, il s'agissait d'un coup d'éclat, pas d'une opération discrète. Bien sûr, les médias s'étaient précipités sur cette histoire. Si on ne pouvait plus s'amuser sans risquer une prise d'otage, où allait-on ? Puis, le chef, masqué, s'était assis sur le bar et avait parcouru la foule du regard. Il n'avait pas bougé depuis. Mais là…
_Ah ! Le voilà !
Il désigna du regard Largo à ses hommes, qui l'attrapèrent et l'amenèrent vers lui sans que celui-ci leur oppose la moindre résistance. Simon tenta de s'interposer, il ne récolta qu'un coup de crosse derrière la nuque qui le mit hors jeu pour un moment.
_Largo Winch, le fameux play-boy multimilliardaire, héro,… Aurais-je oublié un de vos nombreux titres ?
_Oui : ennemi juré des méchants.
Il reçu un éclat de rire.
_Je ne suis pas le méchant dans cette histoire !
_Ah non ?
_Non, et je vais vous le prouver.
Sur un signe de tête, l'un de ses gorilles ouvrit la porte de sortie et deux autres commencèrent à pousser les gens dehors.
_Non ! Pas lui.
L'un des hommes mit Simon sur son épaule et le déposa sans ménagement à côté de Largo, qui d'un coup d'œil s'assura qu'il allait bien. Décidément, ça ne devait pas être sa soirée ! Entre un coup de poing et un coup de crosse, il aurait de bons prétextes pour se faire dorloter pendant un ou deux mois ! Bientôt, il ne resta plus dans la grande pièce sombre que Largo, Simon, le chef des terroristes et ses sbires…

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_Mademoiselle ! Mademoiselle, vous ne pouvez pas franchir cette ligne !
Joy regarda durement le policier qui venait de lui adresser la parole, l'un des nombreux présents au milieu des innombrables voitures de police et des caméras des journalistes.
_Mon patron est là-dedans.
_Les seules personnes qui restent à l'intérieur sont les terroristes et Largo Winch.
_C'est bien ce que je dis.
Devant le regard incrédule de l'homme, elle expliqua :
_Joy Arden, je suis sa garde du corps.
L'homme la dévisagea.
_Une femme garde du corps ? Il ne s'emmerde pas, le milliardaire. Et je parie que vous faîtes dans la protection très rapprochée…
Joy se rapprocha de lui, séductrice.
_Je peux même vous montrer deux ou trois de mes trucs…
A la limite de lui sauter dessus, la dévorant des yeux, l'agent avala difficilement sa salive.
_Ben… je ne dirais pas non.
Une main baladeuse se hasarda en direction de ses fesses, Joy sourit dangereusement… attrapa le bras et le tordit dans le dos, arrachant un gémissement de douleur au trop entreprenant policier.
_Bon, maintenant, Don Juan, tu vas me dire tout ce que tu sais des terroristes, de leurs revendications, de leurs armes, et peut-être que tu garderas ton bras.
_Vous êtes cinglée !
_Oui.
_Ils sont dix ou douze. Nous ignorons qui est leur chef, d'après les témoignages, leurs armes sont des AK-47, et ils sont loin de manquer de munitions. Ils sont arrivés par le toit. Nous ne savons rien de leurs motivations.
_L'argent ?
_Probable.
_Bien.
Elle relâcha la pression et sourit en entendant le soupir de soulagement. Elle sortit son portable de sa poche.

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_Bon, plus qu'à attendre.
Kerensky but une gorgée de café brûlant, eut une grimace devant le goût amer, reposa sa tasse. Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour le moment : l'un des ordinateurs affichait sur l'écran géant les images de CNN, tout en diffusant le son de la radio. Un autre était lancé sur un programme de recherche international des criminels, cherchant tous ceux qui pourraient correspondre au profil. Un autre tentait de détourner un satellite pour pouvoir repérer la position exacte et le nombre de personnes dans la boîte, le dernier attendait les appels. Joy devait appeler bientôt, c'était la procédure habituelle : elle sur le terrain, lui au bunker. La sonnerie ne parvint même pas à le faire sursauter. Il appuya sur une touche.
_Joy ?
_Ouais.
_Du nouveau ?
_Pas grand chose. Oh ! Attend.
_Quoi ?
_Simon sort.
_Quoi ?!
_Je te rappelle.

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_Et maintenant ?
_On attend que votre ami se réveille.
_Pourquoi ?
_Pour l'envoyer porter un message au reste de votre équipe de sécurité.
Largo renonça à comprendre.
_C'est de l'argent que vous voulez ?
_Non.
_Vous avez un nom ?
_Trouvez-m'en un.
Le milliardaire ne réfléchit qu'un instant.
_Que diriez-vous de Trinita ?
Winch parvint à distinguer un sourire malgré le masque.
_Ca me va assez.
Trinita, la main droite du Diable. Un surnom parfait.
_Larg' ?
Winch se pencha sur son ami, qui émergeait doucement.
_Comment tu te sens ?
_Comme si on m'avait assommé par derrière.
_Normal.
Simon reçut à cet instant un verre d'eau dans la figure, sans avoir eu le temps de réagir.
_Vous vous sentez mieux, Monsieur Ovronnaz ?
_Disons… un peu plus réveillé mais un peu plus humide. Eh mais… vous connaissez mon nom ?
Le terroriste ignora la remarque.
_Vous pouvez marcher ?
Simon se leva et parvint sans problème à faire quelques pas.
_Parfait. Vous allez sortir et réclamer Joy Arden.
C'est à cet instant que Largo comprit : pour une fois, ce n'était pas à lui ou à son argent qu'on en voulait, mais à Joy.
_Hors de question.
Un fois de plus, Trinita ne répondit pas et s'adressa à Largo :
_Il n'y a qu'une personne de votre entourage dont je n'ai pas trouvé le nom. Mais j'ai ma petite idée là-dessus : je sais qu'il s'agit d'un ex du KGB. Comme vous n'auriez engagé que le meilleur, que penseriez-vous si je vous disais… Pascal Duchène… alias Georgi Kerensky ?
_Je penserais " jamais entendu parler. "
Mais il avait, bien malgré lui, tiqué en entendant le nom de Pascal Duchène associé à celui de l'informaticien. Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? Trinita se tourna de nouveau vers Simon :
_Vous allez donc sortir et demander Joy Arden et Georgi Kerensky. Je veux qu'ils soient devant la porte d'ici une demi-heure. C'est plus qu'il n'en faut pour eux.
Simon fut forcé d'obéir par des coups dans son dos. Décidément, il s'en souviendrait de cette soirée de débauche entre copains !

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_Simon !
_Joy ! Déjà la moitié du boulot de fait.
_Qu'est-ce que tu veux dire ?
_Ils m'ont chargé d'aller vous chercher, toi et Georgi.
_Quoi !
Puis, soudain, elle aperçu sa joue enflée.
_Mon Dieu ! Ils vous ont tabassés ?
D'abord sans comprendre, Simon réalisa qu'elle fixait son visage tuméfié.
_Oh non ! Ca, c'est Largo. Tu sais où est Kerensky ?
_Comment ça c'est Largo ?
Simon sourit. C'était le moment d'insinuer le doute en Joy.
_On s'est un peu disputé à propos de toi : il ne voulait pas admettre qu'il t'aimait, mais il a fini par comprendre. Seulement, si on ne le sort pas de là, il va regretter de ne pas s'en être rendu compte plus tôt, alors dis-moi où est notre russe préféré.
Sous le choc, Joy préféra ne pas répondre. I need someone who really sees me… Elle secoua légèrement la tête et sortit de nouveau son portable de sa poche.
_Georgi, amène-toi ici.
Elle raccrocha sans laisser à l'informaticien le temps de répondre.

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_Dîtes, Trinita, je peux savoir ce que vous voulez à mon équipe de sécurité ?
_Pas à votre équipe de sécurité : seulement à Arden et Kerensky.
_Expliquez-moi, au moins, peut-être que je peux vous aider.
_La vengeance, Winch. C'est la seule chose qui fait tourner le monde, avec l'argent.
_Je ne comprends pas.
Bien sûr, depuis qu'il connaissait Joy, il avait eu affaire à quelques-uns uns de ses anciens ennemis venus pour se venger. Bien sûr, depuis qu'il connaissait Kerensky, il avait eu affaire à quelques-uns uns de ses anciens ennemis venus pour se venger. Mais quelqu'un qui les voulait tous les deux… ça n'était encore jamais arrivé ! Logique : auparavant, ils avaient été ennemis, alors quelqu'un qui en voulait à l'un ne pouvait en vouloir à l'autre : être ennemi avec l'un signifiait être allié avec l'autre. Le tirant de ses pensées, Trinita retira son masque.
_Oh, mon Dieu !
Une longue cicatrice barrait le visage aux yeux verts, aux lèvres minces, aux cheveux noirs.
_C'est Georgi qui vous a fait ça ?
_Non.
_Joy ?
_Oui.
_Bon, ok. Je comprends que vous lui en vouliez. Mais alors pourquoi Kerensky ?
_C'est lié à la même histoire.
A cet instant, on frappa à la porte. Trinita remit son masque.
_Ne leur dîtes pas que vous avez vu mon visage ou ils mourront sur-le-champ.
Winch acquiesça.

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_Joy, qu'est-ce qui se passe ?
_Tout ce que je sais, c'est qu'il nous a réclamés tous les deux.
_Une idée de qui c'est ?
_Aucune.
_Bien. On y va.
_Attends ! On ne peut pas se jeter comme ça dans la gueule du loup !
_Ben… si tu tiens à revoir Largo pour lui dire ce que tu as sur le cœur, on n'a pas vraiment le choix.
_Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !
Un silence. Elle s'inclina.
_Bien. Mais les flics ne nous laisseront pas entrer comme ça. Il faut que Simon les occupe.
_Pas de problème.
Joy vérifia que son arme était bien dans son dos, bien qu'elle sache qu'elle serait fouillée, et Kerensky assura sa prise sur son neuf millimètres.
_Simon, tu as ton arme ?
_Ils l'ont prise, de même que le couteau de Largo.
_Ok. Alors toi, tu restes à l'extérieur et tu empêches les flics d'entrer en force. Nous, on y va.
_C'est parti.
Simon se précipita au-delà du cordon et commença à faire le pitre, à danser devant la porte, à chanter et à sauter dans tous les sens pour attirer l'attention, tandis que Joy et Georgi faisaient dans le discret. Ils frappèrent à la porte, profitant de ce que l'attention des flics était concentrée sur Simon qui se débattait comme un beau diable. C'est un coup dans l'estomac qui eu raison de lui, mais ils étaient déjà entrés.

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Trinita fit un signe à l'un de ses acolytes pour qu'il vérifie qui était à la porte. Lorsque celui-ci aperçu la jeune femme et le géant blond, il les désarma sans rencontrer de résistance et les laissa entrer.
_Joy !
_Largo, ça va ?
_Georgi, pourquoi tu l'as laissée venir.
_Non seulement il m'a laissée venir, mais il m'a aidée !
_Vous êtes cinglés !
_C'est ce qui fait notre charme.
_Oh oh oh oh oh oh oh ! C'est fini, oui. Je vous rappelle que vous êtes trois, sans armes, et que nous sommes onze avec des mitraillettes, alors au lieu de la jouer cool, vous devriez peut-être commencer à paniquer.
Joy et Kerensky se tournèrent enfin vers le chef de la bande. Joy chercha dans sa mémoire pour tenter de trouver à qui appartenait cette voix qu'elle connaissait, mais c'était peine perdue.
_Bon, eh bien vous allez pouvoir nous dire ce qu'on fait ici…
_Toujours aussi direct, hein, Georgi ? Tu es en meilleure forme que la dernière fois que je t'ai vue.
_Qui êtes-vous ?
_Quant à toi, Joy, tu as l'air de t'être bien remise.
Il y eut un trop long silence. Largo ne comprenait plus rien : Trinita semblait bien connaître ses amis, mais eux n'avaient pas la moindre idée de son identité. Qu'est-ce qui se passait, encore ?
_Bon, tu nous expliques, Trinita ?
_Trinita ?
Georgi sourit. Il savait qui avait donné ce surnom au terroriste. Ca lui allait comme un gant. Mais il ignorait encore à quel point… Il n'allait pas tarder à l'apprendre.
_On va jouer aux devinettes. Georgi, si je te dis mission d'infiltration qui a mal tourné, Joy, si je te dis meilleure amie ?
_MacLane !
Les deux ex agents avaient poussé la même exclamation, sur le même ton incrédule, au même moment. Trinita, alias MacLane, enleva son masque pendant que Joy et Kerensky se tournaient l'un vers l'autre de façon à se faire face, sans comprendre.
_Tu le connais ?
_Il est le pire cauchemar de ma vie depuis cinq ans.
_Cinq ans ?
MacLane sourit. C'était exactement ce qu'il avait prévu : aucun des deux ne savait que l'autre avait eu affaire à lui cette même nuit, veille de Noël.
_Je crois que je vais vous laisser vous expliquer.
Mais comme tous restaient obstinément muets, il se décida à prendre la parole.
_Alors, auquel vais-je expliquer l'histoire en premier… A toi, Joy : autant prendre les choses dans l'ordre chronologique.
Mais il savait qu'il n'aurait pas à gaspiller sa salive longtemps : en entendant le nom qu'il allait prononcer dans quelques secondes, Arden réagirait.
_Il était une fois les gouvernements russe et français qui décidaient que les Etats-Unis étaient trop puissants et qu'ils devaient se débarrasser du meilleur agent de ce grand pays, en l'occurrence, moi. Pour ça, ils se servirent de leurs meilleurs agents à eux : Georgi Kerensky pour la Russie, Marie Frosse pour la France.
_Mais Marie n'était pas française…
Comme prévu, Joy s'en mêlait à l'évocation de ce nom. MacLane sourit lorsque Georgi la contredit :
_Bien sûr que si… elle était la fille de Pierre Frosse… et accessoirement la fiancée de Pascal Duchène.
Largo sursauta :
_Mais Pascal Duchène… c'est toi, Georgi.
_Comment tu sais ça, toi ?
Trinita leva la main, comme s'il était en classe :
_J'avoue, M'sieur : c'est moi qu'ai cafté !
_Espèce de salaud ! Elle était enceinte !
Largo, surpris de voir le russe perdre à ce point son sang froid, se leva et lui retint le bras pour l'empêcher de tenter l'impossible.
_Elle ne l'avait dit à personne… Même pas au père. Comment le sais-tu, Kerensky ?
Georgi se tourna vers Joy.
_Je n'y comprends plus rien. Je crois qu'il va falloir tout reprendre depuis le début.
Elle acquiesça silencieusement et s'assit à une table, aussitôt imitée par Largo. C'était tout juste s'ils n'avaient pas oublié la présence des dix hommes armés jusqu'aux dents autour d'eux. Georgi commença :
_Je vous donne ma version, Joy, tu m'expliqueras la tienne ensuite, ça te va ?
Il n'attendit pas la réponse pour continuer :
_Lors d'une mission d'infiltration en France, il y a cinq ans, je suis tombé amoureux de la femme à laquelle j'avais du me fiancer. Marie Frosse. Mais nous avons découvert qu'on nous menait en bateau pour tendre un piège aux américains. Seulement, ça a mal tourné, et Jonathan MacLane m'a tiré dans le ventre et laissé pour mort dans un immeuble sur le point d'exploser. Mais Marie a pu me faire sortir et c'est elle qui y est resté. Elle s'est sacrifiée pour la paix entre nos pays et pour ma survie.
_Alors c'était toi le père ?
_Oui, mais je ne l'ai appris que plus tard, à l'hôpital et…
MacLane lui coupa la parole :
_D'ailleurs, ce n'est pas très joli d'avoir fait croire qu'ils n'avaient pas pu te sauver à l'hosto ! Je te croyais mort, sinon, je t'aurais poursuivit, j'avais trop peur de ce qu'elle t'avait appris.
_Mais elle ne lui avait rien appris, pour la bonne raison qu'elle n'était pas française.
Georgi dévisagea Joy :
_C'est à partir de là que je décroche.
_Pierre et Marie Frosse… Lui s'appelait Eric Smith, et elle Samantha Jonhson. Ils étaient américains. Une quinzaine d'années avant cette nuit, ils avaient eu pour mission d'infiltrer le milieu politique français pour renseigner… la CIA. Elle était ma meilleure amie. I've got my friends, I'm more than ok. La seule, en fait. Je l'avais rencontrée trois ans plus tôt lors d'une mission en France, au cours de laquelle elle m'avait hébergée en tant que cousine anglaise pendant quelques jours. Je la revoyais régulièrement et on s'appelait souvent. Trois mois avant sa mort, elle m'a appelée en me disant qu'enfin la France lui faisait confiance et qu'on lui confiait une mission importante. Elle était heureuse car elle pourrait rapporter des informations sur les relations franco-russe aux Etats-Unis, et elle comptait également utiliser l'homme qui devait la séduire pour lui soutirer des infos sur les armes russes. Deux semaines avant cette nuit maudite, je l'ai appelée pour lui annoncer que je pouvais passer Noël avec elle, elle m'a dit qu'elle était enceinte et que j'étais la seule à être au courant, qu'elle aimait le père alors qu'elle avait prévu de le manipuler. Quatorze jours plus tard, elle avait découvert des informations compromettantes aussi bien pour le gouvernement russe que pour le français et l'américain. Elle voulait rentrer aux USA avec l'homme qu'elle aimait… Toi, Georgi. En apprenant cela, le gouvernement américain a avancé la mission qui n'était prévu que quelques mois plus tard. Je ne connaissais Jonathan MacLane que de réputation, à l'époque, mais lorsque j'ai entendu mon père parler de cette mission et ajouter qu'on ne dirait pas à MacLane que la fille était américaine parce qu'il refuserait d'abattre un agent américain, j'ai compris que je devais faire quelque chose. A l'origine, la France et la Russie l'ignoraient, mais Sam, ou Marie, comme tu veux, devait être épargnée. Mais en voulant sauver ta peau, elle avait trahi. Elle devait payer, d'après les dirigeants. Alors, j'ai essayé de l'appeler. Mais le numéro où j'avais l'habitude de l'appeler ne répondait plus : il avait été trafiqué. Heureusement, mon billet d'avion était prêt, puisqu'il était prévu que je la rejoigne pour Noël. Alors, j'ai sauté dans l'avion pour la prévenir. Et… lorsque je suis arrivée, la seule chose que j'ai vu, c'était un type qui sortait de l'immeuble en en portant un autre, puis l'immeuble qui a explosé.
_Les types, c'était moi et le voisin.
Elle hocha la tête. Elle avait de plus en plus de mal à parler : au fur et à mesure que les souvenirs se faisaient plus précis, ils devenaient plus douloureux également. Largo passa un bras autour de ses épaules pour l'encourager. Elle se reprit et continua :
_J'ai hurlé.

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_NON !!!
Alors que ce cri déchirait sa gorge, Joy aperçu soudain un homme au cheveux noirs s'approcher des deux silhouettes étendues sur le sol, puis renoncer. Elle comprit aussitôt qui il était et ce qu'il venait de faire. Elle le suivit discrètement puis, dès qu'ils furent dans un endroit assez isolé à son goût, elle l'attaqua. Une seule idée l'obsédait : " il a tué Sam, il a tué Sam, il a tué Sam " agrémentés d'une pointe de " il doit payer. " Elle savait qu'elle pouvait le battre en temps normal, mais les larmes brouillaient sa vue et ses coups étaient désordonnés. Il parvint à lui planter un couteau dans la cuisse. Elle pu heureusement récupérer le couteau et, tandis qu'il tentait de l'étrangler, la lame l'atteignit au visage. Il n'avait pu l'éviter, mais il avait tout de même esquivé suffisamment tôt pour que le coup ne soit pas mortel. Il s'était enfui, ignorant toujours qui était cette tigresse qui lui avait sauté dessus. Quant à elle, le SAMU l'avait récupérée en même temps qu'un des deux hommes qu'elle avait vus plutôt.

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_C'est pour ça que je n'ai pas reconnu sa voix tout à l'heure : la seule fois où je l'avais entendue, c'était il y a cinq ans quand il m'a traitée de salope.
MacLane ne répondit pas et acheva l'histoire :
_Moi, je suis allée à l'hôpital pour avoir le nom d'une patiente blessée à la cuisse, après avoir fait soigner ma blessure par un sagouin qui ne mérite pas le nom de docteur et qui m'a laissé cette cicatrice. Là-bas, j'ai appris qu'elle n'était autre que la fille de mon patron. Je ne pouvais pas l'atteindre tant qu'il était influent à ce point à la CIA. Et par la même occasion, j'ai appris que Pascal Duchène était décédé suite à ses blessures… Alors, ça fait quoi, de ressusciter, Georgi ?
_Si c'était pour que tu m'achèves aujourd'hui, j'aurais mieux fait d'y passer cette nuit-là !
_Pourquoi réapparaître maintenant, demanda Joy ? Pourquoi pas nous tuer simplement chacun de notre côté ? Et surtout, pourquoi Kerensky ? Tu n'as plus aucune raison de le tuer.
_Je dois finir ma mission. Pour tes autres questions, c'était tout de même beaucoup plus amusant que vous sachiez toute la vérité avant de mourir. Moi-même, j'ai tout découvert l'année dernière, et apprenant que j'avais tué un agent américain, j'ai démissionné.
_Le pauvre petit chéri ne supportait pas d'avoir mal agi ?
Trinita se tourna vers un Largo ironique :
_Je voulais servir mon pays, et on m'a fait le trahir. A partir de cet instant, je n'ai eu de cesse de me venger. D'abord en tuant Joy pour ce qu'elle m'a fait, et la tuer punirait également son père pour m'avoir fait abattre un de nos agents. Et Kerensky et bien… c'est la cerise sur le gâteau. Il a été facile de retrouver Joy : il est rare qu'elle soit loin de vous, Winch, et lors d'un reportage, j'ai appris que pour vous atteindre, il fallait passer par elle. Alors j'ai décidé de vous utiliser. Vous n'imaginez pas ma joie quand j'ai compris que le membre de votre sécurité que je n'arrivais pas à identifier n'était autre que Pascal Duchène… Une dernière volonté avant que je ne vous tue tous ?
_Oui.
Il se tourna vers l'endroit d'où venait la voix, c'est à dire Joy, et reçu aussitôt un poing dans la figure. Une bataille de courte durée s'engagea. Kerensky et Largo tentèrent d'intervenir, mais ils se retrouvèrent avec chacun une mitraillette sous le menton. A peine quinze secondes s'écoulèrent avant que les gardes du corps de Jonathan MacLane ne réagissent et s'emparent de Joy. Ils durent s'y mettre à cinq pour la maîtriser.
_Wouha ! Tu n'as pas changé, à ce que je vois. Pour te récompenser de cet élan de folie, tu seras la dernière à mourir, ainsi, tu les verras tous les deux s'éteindre sous tes yeux sans pouvoir rien y faire.
Sans plus de cérémonie, il s'empara sur le bar du couteau de Largo et le planta dans le ventre de celui-ci, qui se plia en deux sous le coup.
_NON !!!
Joy parvint à se dégager pour se précipiter sur le multimilliardaire. Still I believe I'm missing something real:I need someone who really sees me… Qui serait cette personne si Largo y restait ? Il n'avait pas le droit de la laisser tomber !
Largo avait sentit la lame s'enfoncer dans sa chair, pointe glacée signant son arrêt de mort. Il s'écroula à terre. Contrairement à ce qu'il aurait cru, il était parfaitement conscient de ce qui l'entourait : Kerensky qui, sage, ne fit pas un mouvement, sachant que cela ne servirait qu'à aggraver les choses bien qu'il en meure d'envie, le sourire froid de MacLane, et Joy qui pleurait, appuyant sur la plaie dans un vain effort pour stopper l'hémorragie. Demain, avait-il dit. Demain, il dirait à Joy ce qu'il ressentait pour elle. Mais il n'y aurait pas de demain pour lui.
_Joy…
Elle se pencha sur lui pour qu'il n'ait pas à parler trop fort et donc à se vider plus vite de son énergie. Il allait lui dire qu'il l'aimait, qu'elle devait faire tout son possible pour tenter de se tirer de là, quitte à l'y abandonner, qu'elle devait survivre, parce qu'il ne supporterait pas l'idée qu'elle y soit restée, mais soudain, il comprit pourquoi il était encore conscient, pourquoi la douleur était grande sans être insupportable : la blessure n'était pas grave. Juste une entaille superficielle. Alors, il ne chuchota que deux mots :
_Ca va.
Incrédule, elle le fixa un instant puis, reportant ses yeux sur la blessure, comprit qu'il ne mentait pas.
_Fais le mort.
Elle espérait avoir parlé assez fort pour qu'il l'entende, mais assez doucement pour que les terroristes n'aient pas compris. Il ferma les yeux et lâcha un " dernier " soupir. Elle se releva, forçant les larmes à continuer de couler pour jouer le jeu. Un regard à Kerensky qui, les yeux beaucoup trop brillants, détaillait le " cadavre " de son patron d'un œil sceptique : on ne mourrait pas si vite d'une blessure au ventre, il était bien placé pour le savoir, à moins qu'un organe vital ait été touché… Ca devait être le cas. Il haussa les épaules, tentant de garder son masque de froide indifférence. Il posa son regard sur Joy pour savoir si elle était en état de choc ou si elle pouvait agir. Elle semblait abattue, mais pas suffisamment pour être hors jeu. A cet instant, Georgi entendit une plainte étouffée et regarda discrètement derrière le dos de MacLane pour apercevoir… Simon qui venait d'empêcher pendant près de trois minutes l'un des terroristes de respirer. Il se retint de sourire : comment le suisse avait-il réussi cet exploit sans que personne ne s'aperçoive de sa présence, cela resterait un mystère pour lui. Il s'aperçut alors que c'était le deuxième homme qui s'écroulait. Neuf contre trois, c'était déjà beaucoup plus raisonnable… Encore que… raisonnable n'était pas vraiment le bon mot, considérant que Simon n'était pas armé et que lui commençait à sérieusement se demander comment il parvenait à ne pas s'écrouler, tant son épuisement était total. Mais il fallait tenter quelque chose. Il mit un léger coup de coude à Joy qui comprit aussitôt. Dans un parfait ensemble, ils jetèrent chacun de leur côté un pied dans la mâchoire de l'homme le plus proche d'eux et parvinrent en moins de deux secondes et demi à se saisir d'une mitraillette chacun. Sept contre trois. A cet instant, Largo se releva d'une superbe roulade arrière qui renversa l'homme derrière lui et lui prit son arme. Georgi n'en cru pas ses yeux ! Six contre quatre. Beaucoup mieux ! Mais il se remit vite de sa surprise. C'était le chef, l'homme à abattre : sans lui, les autres se décourageraient. Et puis… tuer ce monstre n'était pas ce que Georgi avait eu à faire de plus désagréable dans sa vie ! Apparemment, Joy avait tenu le même raisonnement, puis qu'en même temps que lui, elle tira. Quelle balle l'atteignit en premier, ils ne le sauraient sans doute jamais, mais leur vengeance était accomplie ! Cinq ans qu'ils attendaient ça… Georgi se pencha sur le cadavre pour lui murmurer à l'oreille un " cette fois, c'est fini " qui fit penser à Simon qu'il avait du louper quelque chose et qu'il aurait besoin d'un cours de rattrapage ! Largo, lui, venait de tuer deux des autres et Simon un autre : lui était à mains nues ! Deux contre quatre ! Excellent. D'autant qu'à cet instant, la porte vola en éclats et des policiers investirent les lieux, arme au poing : en entendant les coups de feu, ils avaient cessé de s'interroger et foncé dans le tas. Les deux derniers méchants posèrent leurs armes à terre et levèrent les mains. Tout est bien qui finit bien… Sauf que Largo s'effondra : la blessure en elle-même n'était pas catastrophique, mais l'effort qu'il venait de fournir avait beaucoup réduit ses chances de ne pas se vider de son sang. Joy voulu le rejoindre, mais en fut empêchée par les policiers qui lui barraient la route. L'un des deux hommes qui restaient réussi à se dégager et se jeta sur Largo pour l'achever, mais Joy parvint enfin à se frayer un chemin dans cette marée humaine et c'est elle qui reçut le coup de couteau destiné à son patron. C'était son boulot, après tout… Elle retomba lourdement sur Largo, qui gémit et ouvrit les yeux. En voyant que l'homme s'apprêtait à porter le coup fatal, il trouva la force de soulever la mitraillette qu'il n'avait pas lâchée et tira. Puis, ce fut le trou noir.

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_Pourquoi est-ce que tu as le droit de sortir et moi pas ?
_Parce que moi, le couteau n'a pas failli me transpercer le cœur !
_C'est pas juste !
_Je sais. Mais ne t'en fais pas : je ne partirai pas sans toi.
_Quoi ?
_Je vais attendre que tu sortes. Je reste avec toi.
_Menteur : tu détestes les hôpitaux.
_Mais je ne les déteste pas autant que je t'aime.
Ouf ! Ca y était : c'était lâché. Inquiet, il scruta la réaction sur le visage de sa garde du corps.
_Quoi ?
_Je t'aime, Joy.
I need someone who really sees me… Elle n'eut pas le temps de réagir : l'infirmière qui s'occupait d'elle pénétra dans la pièce en balançant les hanches dans le but de séduire le beau milliardaire. Love's for a lifetime, not for a moment Mais lui ne sembla pas lui prêter attention, concentré sur Joy. Elle n'arrivait pas à le croire… L'infirmière partit enfin après avoir vérifié les dosages. Elle aimait Largo, elle en était sûre maintenant, mais elle avait tellement peur de n'être qu'une conquête de plus. Mais elle avait envie d'essayer. So how could I throw it away ? Il se pencha pour l'embrasser, une petite seconde, redoutant de se faire repousser. Il se releva et elle lui sourit. A cet instant, Simon pénétra dans la pièce, juste devant Kerensky. Mais celui-ci comprit aussitôt qu'ils dérangeaient et sortit en tirant Simon par la manche.
_Mais… Qu'est-ce que… ?
_On va chercher un café.
_Quoi ? Mais je ne veux pas de café, je…
_Eh bien tu vas encore me raconter comment tu as réussi à entrer dans la boîte sans qu'on te repère.
_Alors tu vois, c'est simple : j'ai réussi à échapper aux flics, on n'est pas ex-voleur pour rien, et à escalader l'échelle de secours, et puis je suis entré par le toit en me laissant glisser dans l'ombre et j'ai pu…
Le reste de ses exploits se perdit dans le couloir blanc. Joy et Largo partagèrent le même sourire, puis il la regarda si tendrement qu'elle se sentit fondre. Pourtant…
_J'ai peur, Largo.
_Il ne faut pas.
Désormais, elle ne se réveillerait plus seule dans son grand lit froid, et Largo ne viendrait plus la rejoindre uniquement dans ses rêves, mais aussi dans la réalité.

And I won't wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
Il tendit la main vers elle pour lui caresser la joue dans un geste rassurant.
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.

FIN