ALL THE LOVE IN THE WORLD
DISCLAIMER : les persos m'appartiennent pas,
ni la chanson (elle est aux corrs, sur l'album " in blue " pour ceux
que ça intéresse.) Bref, y'a rien à moi ! Bouhou !
NOTE DE L'AUTEUR : ben comme d'hab, je me
suis laissée emportée, ce qui fait qu'au lieu d'une petite fic
basée uniquement sur une chanson comme c'était prévu au
début je me retrouve avec une intrigue et tout, elle est passée
de cinq pages à vingt, si bien que j'ai fini par moi-même me demander
ce que cette chanson faisait là au milieu
Ce qui nous donne au
début cinq pages de pure romance, et le reste romance, action, enquête,
intrigue, passé,
bref, un truc compliqué qui était
pas du tout prévu au départ.
Et comme d'habitude, y peut y avoir des longueurs, mais j'y peux rien : Je suis
comme ça, je décris. Enfin
vous verrez bien. Bonne lecture
et n'oubliez pas que ma BAL accueille à bras ouverts les messages même
pour des critiques ( tpretender@caramail.com
)
SITE DE L'AUTEUR : http://perso.wanadoo.fr/thotlibis
RESUME : Ca vous dérange si à
la place du résumé je vous mets les paroles de la chanson avec
la traduction ? Non ? Merci, c'est sympa, comme ça, ça m'évitera
d'avoir à traduire au fur et à mesure dans la fic, parce que je
trouve que ça casse la lecture. Il faut me pardonner les erreurs de traduction
s'il y en a : je ne parle pas couramment anglais, j'ai fait ce que je pouvais!
I'm not looking for someone to talk to:
Je ne cherche pas quelqu'un pour parler :
I've got my friends, I'm more than ok.
J'ai mes amis, je suis plus que bien.
I've got more than a girl could wish for,
J'ai plus qu'une fille pourrait souhaiter,
I live my dreams but it's not all they say.
Je vis mes rêves, mais ce n'est pas tout ce qu'ils disent.
Still I believe I'm missing something real:
Je crois toujours que je passe à côté de quelque chose de
réel:
I need someone who really sees me
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
Don't wanna wake up alone any more
Je ne veux plus me réveiller seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
All I need is to know it's for sure,
Tout ce dont j'ai besoin est de savoir que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.
I've often wondered if love's an illusion
Je me suis souvent demandée si l'amour est une illusion
Just to get you through the loneliest days.
Juste pour te faire traverser les jours les plus solitaires.
I can't criticise it, I have no hesitation,
Je ne peux pas le critiquer, je n'ai pas d'hésitation,
My imagination just stole me away.
Mon imagination m'a juste éloignée.
Still I believe I'm missing something real:
Je crois toujours que je passe à côté de quelque chose de
réel:
I need someone who really sees me
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
Don't wanna wake up alone any more
Je ne veux plus me réveiller seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
All I need is to know it's for sure,
Tout ce dont j'ai besoin est de savoir que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.
Love's for a lifetime, not for a moment,
L'amour c'est pour la vie, pas pour un moment,
So how could I throw it away?
Alors comment pourrais-je le rejeter?
I'm only human, and nights grow colder
Je suis juste humaine, et les nuits sont de plus en plus froides
With no one to love me that way.
Sans personne pour m'aimer de cette façon.
I need someone who really sees me
J'ai besoin de quelqu'un qui me voit réellement...
And I won't wake up alone any more
Et je ne me réveillerai plus seule
Still believing you'll walk through my door;
Croyant toujours que tu franchiras ma porte;
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Tu tendras la main vers moi et je saurai que c'est sûr,
Then I'll give all the love in the world.
Alors je donnerai tout l'amour du monde.
W W W W W
Joy ouvrit la porte de son appartement, la claqua derrière elle, puis
se maudit aussitôt de cette démonstration de faiblesse. Car montrer
ses sentiments était bien une faiblesse, n'est-ce pas ? En tout cas,
c'est ce que son père lui avait toujours appris. Enfin
avait tenté
de lui apprendre. Et jusqu'à ce qu'elle commence à travailler
pour Largo, elle avait cru qu'il y était parvenu. Elle inspira profondément
pour tenter d'apaiser les battements de son cur. Celui-ci avait tendance
à se rappeler à elle avec une surprenante violence dès
qu'elle était en colère contre son patron, ou au contraire quand
une situation inhabituelle la forçait à entretenir avec lui une
proximité qu'elle avait peur de rechercher. Ce soir, les deux cas s'étaient
produits, et c'était trop pour ses nerfs. Elle renonça à
l'idée de se calmer, balança ses clefs sur la table basse du salon,
parcouru la salle à manger en enlevant ses chaussures, abandonnant celles-ci
au milieu du chemin, jeta sa veste sur le canapé et alluma la chaîne.
Une douce musique envahit l'appartement alors qu'elle laissait son regard errer
à la recherche de quelque chose qui pourrait la distraire. La télé
? Inutile d'y songer. Son ordinateur ? Si elle se mettait dessus, ça
serait pour travailler, et elle n'en avait pas envie. Un livre ? Elle parcouru
les étagères de son immense bibliothèque, tentant vainement
d'en trouver un qu'elle n'aurait pas encore lu. Alors qu'elle laissait toujours
son regard vagabonder au hasard, il se posa sur une photo. L'unique photo de
la pièce. Elle saisit le cadre pour l'approcher et mieux en contempler
les moindres détails, qu'elle connaissait pourtant par cur. Le
visage souriant de Simon, son grand frère, le regard glacial de Kerensky,
son plus fidèle ami, le bras possesseur de Largo autour de sa taille,
et au milieu, elle. Elle qui riait aux éclats, heureuse de fêter
son anniversaire avec ceux qu'elle considérait comme sa famille. Elle
eut un sourire nostalgique devant ce souvenir, hésitant un moment entre
la joie d'avoir vécu ces moments et la tristesse de les avoir perdus.
Où donc était passée cette belle entente ? Lorsque entre
Largo et elle, elle ne se posait pas de questions, lorsqu'elle savait qu'ils
étaient amis et que cela durerait ? Oh, bien sûr, ils s'entendaient
toujours aussi bien, et même de mieux en mieux, mais c'était justement
ça le problème. Depuis qu'elle avait compris qu'elle était
attirée par lui, elle ne répondait plus de ses actes, elle savait
qu'un jour elle craquerait et lui sauterait dessus. Et ce jour-là, son
sacro-saint professionnalisme en prendrait un coup ! Elle n'osait plus le regarder
dans les yeux, de peur d'y lire une invitation d'une nuit à laquelle
elle ne pourrait résister. Elle évitait de se retrouver seule
avec lui et trouvait toujours une échappatoire pour éviter les
sujets qui ne touchaient pas au travail, les invitations à dîner
avec lui, Simon et Kerensky, les remarques sur les moments partagés,
bref, dès que la conversation devenait personnelle, elle fuyait. Ce qui
n'empêchait pas Largo d'être toujours aussi adorable avec elle,
attentionné comme il l'avait toujours été, présent
comme il le serait toujours. Et elle lui en voulait pour ça. Tout aurait
été tellement simple s'il avait juste été un homme
séduisant avec lequel elle avait eu envie de passer une bonne soirée.
Mais voilà, depuis qu'elle s'était surprise à penser qu'elle
ferait volontiers un bout de chemin dans la vie avec lui, qu'il était
plus qu'une aventure, ce qui n'aurait pas été un problème
en soi s'il n'avait été également un coureur de jupons
invétéré, elle avait peur. Bien sûr, elle savait
qu'il la désirait. Elle reconnaissait être attirante, elle avait
toujours détesté la fausse modestie. Mais ce n'était pas
de ça qu'elle avait envie. Là où il y avait un problème
dans leur groupe, c'était qu'apparemment, son humeur s'étendait
à Simon, qui semblait depuis quelques temps avoir des relations assez
tendues avec son meilleur ami. Pourquoi ? Mystère. Elle poussa un soupir
de frustration et reposa le cadre, espérant sincèrement que les
deux amis allaient mettre à profit la soirée en boîte qu'ils
avaient programmé ce soir pour se réconcilier. Elle ignorait qu'à
cet instant
W W W W W
_Allez, Largo !
_Arrête ça, Simon !
Cela faisait près d'un quart d'heure que Simon était passé
à l'appartement de son ami, comme convenu, pour qu'ils se fassent une
virée nocturne. Jusque là, tout allait bien. Oui, sauf que Simon
avait décidé que ce soir serait celui où Largo comprendrait
enfin ce qu'il éprouvait pour sa garde du corps. Car cela crevait les
yeux. La preuve, même Kerensky avait dit à Simon qu'il faudrait
qu'ils se décident. Un quart d'heure que Largo subissait un interrogatoire
dans les règles, genre " pourquoi t'as pas eu de copine depuis un
mois ? " ou " pourquoi tu étais de si mauvaise humeur quand
tu ne l'as pas vu pendant une journée la semaine dernière parce
qu'elle était malade ? " En réalité, cela faisait
plusieurs mois que Simon avait remarqué le manège de ses deux
amis. Au début, il avait juste décidé d'attendre : Largo
était un homme à femmes, il saurait quoi faire. Ouais, mais ce
qui n'était pas prévu dans son plan, c'était que Largo
soit réellement amoureux de la jeune femme. Bien sûr, il avait
pensé depuis le début que ces deux-là finiraient par avoir
une liaison, il aurait fallu être stupide pour ne pas y penser. Mais quand
il s'était aperçu à quel point c'était sérieux,
il avait été tellement heureux pour son meilleur ami qu'il avait
décidé de laisser faire les choses, persuadé que celui-ci
ouvrirait enfin les yeux. Puis il avait décidé que s'en était
trop, qu'il ne voulait plus voir Joy détourner le regard quand Largo
était dans les bras d'une autre fille, que cet imbécile de milliardaire
devait arrêter de chercher ailleurs ce qu'il avait sous les yeux. Alors
il en avait parlé à Winch. Mais celui qui d'ordinaire lui faisait
confiance et suivait ces conseils tête baissée s'était cette
fois bouché les oreilles. Alors Simon avait tenté tous les trucs
possibles : les inviter tous les deux à dîner puis se dérober
au dernier moment pour qu'ils finissent en tête-à-tête, rendre
Largo jaloux en lui faisant remarquer qu'ils ignoraient ce que Joy faisait de
ses nuits, cuisiner Joy, mettre Sullivan à contribution pour qu'il les
envoie signer des contrats à Venise, bref, il avait épuisé
tous ses atouts sans résultat. Alors il avait décidé d'en
parler directement à Largo, qui l'avait envoyé balader. Et il
s'était mis à en vouloir à son ami : son aveuglement aurait
pu paraître amusant s'il n'avait pas tellement fait souffrir la garde
du corps, si chaque nouvelle conquête n'avait amené une nouvelle
lueur de tristesse dans les yeux de la seule femme que Simon respectait trop
pour la draguer. Résultat : lorsque Simon avait remarqué que cela
faisait une semaine que Largo n'avait pas eu de maîtresse, record, pour
lui ! Il avait pensé qu'enfin, celui-ci avait agi. Mais non. Et, contrairement
à ce qu'il avait pensé, Joy ne s'était pas précipitée
sur l'occasion. Il comprenait désormais quel était le raisonnement
de la jeune femme : c'était simple comme bonjour : " même
quand il n'a plus d'autre choix, il ne veut pas de moi, je ne dois vraiment
pas lui plaire " et Simon souffrait pour elle. D'où les tensions
que celle-ci avait remarquées entre eux sans savoir d'où elles
venaient : ils s'étaient salement engueulés, et cette soirée
était la première qu'ils passaient ensemble depuis trois semaines.
Pendant tout le temps qu'il se remémorait ce dernier mois, Largo continuait
à lui expliquer sur tous les tons qu'il n'y aurait rien entre lui et
Joy pour la simple et bonne raison que
_Que tu as trop la trouille de la perdre pour bouger !
_Mais non !
Simon décida à cet instant de jouer la toute dernière carte
qui lui restait. La plus risquée :
_Bon, ben puisqu'elle est libre, ça te dérange qu'on annule la
soirée ? Je vais aller tenter ma chance.
_Tu n'oserais pas
_Ben pourquoi pas ? En plus je suis sûr qu'elle doit avoir un de ces culs
Il n'eut pas le temps d'échapper au poing qui s'abattit sur sa joue gauche.
_Ne parle plus jamais d'elle comme ça, c'est clair ?!
Simon ne répondit pas, se contentant de poser délicatement le
bout des doigts sur sa joue endolorie pour évaluer les dégâts
et d'afficher l'un des plus grands sourires que Largo lui ait jamais vu.
W W W W W
Georgi enleva son T-shirt et, sans prendre la peine d'en faire davantage, s'écroula
sur son lit. En quatre jours, il avait dormi
non : dormi était
un bien grand mot : il avait sommeillé deux heures. Il avait cru tenir
une piste qui les aurait conduit tout droit à la commission, et il n'avait
décollé le regard de son ordinateur que pour aller se resservir
à la machine à café ou prendre une douche. Entre recherches
et coups de téléphone à ses contacts, il en avait appris
pas mal, mais les routes tortueuses qu'il avait empruntées l'avait mené
à un cul de sac. Ajoutez à cet échec un Largo énervé
par ses conseils d'administration, une Joy qui se réfugiait au bunker
mais restait inhabituellement silencieuse pendant des heures et un Simon qui,
pour une raison inconnue, semblait bouder son meilleur ami et ne trouvait rien
d'autre à faire que de questionner le russe sur ses dépenses en
matière de logiciel, et vous obtiendrez de quoi mettre hors de lui-même
le plus glacial des géants blonds ! Il avait depuis longtemps dépassé
le stade de l'épuisement, il était passé par la phase où
ses paupières se rabaissaient sans qu'il le leur ordonne, il avait connu
le stade délicat de l'hystérie, pour tomber au moment où
seuls les litres de café le tenaient éveillé. Et là,
il en était à un point tel que son épuisement physique
lui paraissait irréel, comme d'ailleurs le reste du monde, et donc n'avait
pas besoin d'être soulagé. Pourtant, il avait été
dangereux sur la route, frôlant l'accident à plusieurs reprises,
mais maintenant qu'il avait enfin l'occasion de se reposer, il savait qu'il
n'y parviendrait pas. Il soupira si discrètement qu'un éventuel
spectateur de la scène aurait pu croire qu'il avait rêvé
ce signe de lassitude, puis il se résigna, se faisant à l'idée
qu'il n'arriverait pas à trouver le sommeil avant le lendemain matin.
Il se leva, passa une main dans ses épais cheveux blonds, regarda un
instant, pensif, les quelques cicatrices qui ornaient son torse, son ventre,
ses bras, s'attardant sur le cercle légèrement rougi à
quelques centimètres au-dessus de son nombril, souvenir d'un rival de
la CIA plus doué qu'il ne l'avait pensé. Un collègue de
Joy. Il sourit. Si quelques années plus tôt quelqu'un lui avait
dit qu'il pactiserait avec l'ennemi
Mais Joy n'était pas l'ennemi.
Pas plus que son capitaliste idéaliste de patron. Pas plus que l'ex-voleur
qui lui tenait lieu de chef de la sécurité. Georgi prit son ordinateur
portable, se connecta à Internet pour pouvoir se brancher sur un site
de radio : cela allait bientôt être l'heure des informations, et
il aimait se tenir au courant de ce qui se passait dans le monde. C'était
ce qui lui avait permis de rester au top niveau de l'informatique pendant si
longtemps, ce qui lui avait appris qui était le jeune homme qui voulait
l'engager, le " fils du milliardaire qui s'est prit pour un oiseau ",
bref, sans les infos, il n'en serait pas là aujourd'hui. Bonne ou mauvaise
chose, il l'ignorait, mais il savait qu'on ne pouvait avancer dans le monde
sans savoir ce qui s'y passait. Il l'avait appris à ses dépends.
Il alluma le haut-parleur et le poussa au maximum, de façon à
pouvoir l'entendre même avec l'eau de la douche.
W W W W W
Un bain. Voilà qui la calmerait ! Elle se dirigea vers la salle de bains
pour faire couler de l'eau. Elle se déshabilla et s'apprêtait à
pénétrer dans l'eau chaude lorsqu'elle fut prise d'un doute. Elle
enfila un peignoir, revint dans son salon et monta le son pour pouvoir entendre
la musique depuis la baignoire, et, surtout, débrancha le téléphone.
Elle voulait être tranquille une heure. Elle poussa un soupir de soulagement
lorsque l'eau enveloppa ses muscles endoloris et se laissa aller à cet
instant de détente. Instant de détente qui fut de courte durée
puisque après une ou deux minutes de calme complet, une chanson qui passait
à la radio attira toute son attention, refusant le repos à son
esprit. Une chanson qui parlait tellement bien de la relation qu'elle entretenait
avec son patron qu'elle voyait au fur et à mesure que les paroles s'écoulaient
les images de sa propre vie défiler dans son esprit :
I'm not looking for someone to talk to:
I've got my friends, I'm more than ok.
Ses amis
Simon, Kerensky, Sullivan
I've got more than a girl could wish for,
Un boulot qu'elle adorait, un bel appart, des amis
I live my dreams but it's not all they say.
Simon qui la harcelait avec des questions sur sa vie privée
Still I believe I'm missing something real:
I need someone who really sees me
Largo
Don't wanna wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
Toutes ses nuits où elle se réveillait en nage dans son lit, après
un rêve où Largo venait la rejoindre dans sa chambre pour lui dire
qu'il ne la quitterait jamais
All I need is to know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.
Le doute qui la saisissait et l'empêchait de s'abandonner à ses
désirs
I've often wondered if love's an illusion
Just to get you through the loneliest days.
Ses jours solitaires avant qu'elle ne rencontre ses amis, et aussi les rares
hommes qu'elle avait cru aimer
I can't criticise it, I have no hesitation,
My imagination just stole me away.
Ses fantasmes, et toujours ces images de Largo lorsqu'elle avait cru déceler
de la tendresse dans le regard bleu, pendant leurs "vacances" en France,
ou pour le cas du projet Arctique
Still I believe I'm missing something real:
I need someone who really sees me
Largo
Don't wanna wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
Toutes ses nuits où elle se réveillait en nage dans son lit, après
un rêve où Largo venait la rejoindre dans sa chambre pour lui dire
qu'il ne la quitterait jamais
All I need is to know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.
Le doute qui la saisissait et l'empêchait de s'abandonner à ses
désirs
Love's for a lifetime, not for a moment,
So how could I throw it away?
Les conquêtes de Largo. Diana, Astrid, cette avocate dont elle avait oublié
le nom, l'espèce de cinglée qui avait fini les vertèbres
brisées,
et toutes ces fois où elle avait songé à
démissionner pour ne plus avoir à subir la torture de le côtoyer
sans pouvoir l'embrasser
I'm only human, and nights grow colder
With no one to love me that way.
Son grand lit vide
I need someone who really sees me...
Largo
And I won't wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.
Ce dont elle rêvait tant
W W W W W
_Ose encore me dire que tu ne ressens rien pour elle !
_Oh mon Dieu, je
je suis désolé, Simon. Je
je ne sais
pas ce qui m'a pris
_Moi, je sais. Je te donne un indice ? Elle est brune, incroyablement sexy,
elle te remet à ta place quand tu le mérites, et elle est chargée
de te surveiller. Non, tu ne vois toujours pas ? Allez, un autre indice : ça
commence par " am " et ça fini par " our " Tu commences
à entrevoir où je veux en venir ?
_Mais
je
Non. Ce n'est pas ce que tu crois.
Simon n'eut pas besoin de prononcer un mot pour exprimer son scepticisme : son
regard, appuyé par une petite grimace de douleur au moment où
il posa les doigts à l'endroit précis où les phalanges
avaient atterri, suffit à Largo. Celui-ci s'écroula dans son fauteuil.
_Mais on est en train de parler de Joy, là !
_Il me semble, oui. Tu m'en veux si je t'emprunte de la glace ?
Sans attendre la réponse distraite d'un milliardaire plongé dans
ses pensées, il se dirigea vers le frigo, y prit le bac à glaçons,
les démoula pour les envelopper dans une serviette et posa le tout sur
son visage meurtri. Il s'observa un instant dans le miroir. Il avait pris suffisamment
de coups dans son existence pour savoir que l'il au beurre noir qui résulterait
de celui-ci réduirait pendant quelques semaines ses chances de rencards
! Il sourit. Il avait su avant même de prononcer la phrase qui avait déclenché
la tempête que ça allait barder pour lui, mais si tel était
le prix pour que l'héritier du groupe W ouvre enfin les yeux, alors il
ne regrettait pas de l'avoir payé. Entre amis, on se rend service, non
?
_Qu'est-ce que je vais faire ?
_Ben c'te question ! Ton numéro de joli cur, comme d'hab ! Sauf
qu'en plus, tu vas nous la rassurer, notre petite Joy, parce qu'elle a pas l'air
comme ça, mais elle a une trouille de tous les diables, et au moindre
faux pas, à la moindre gaffe, elle s'enfuira.
_Sympa de me rassurer !
_Y'a pas de quoi. Bon, je suppose que pour la sortie en boîte, je me la
joue en solo, du coup !
Il n'attendit pas de réponse, déposa la serviette dans l'évier
et se dirigea vers la porte. Mais, à sa grande surprise, le milliardaire
le suivit sur un " attends ! " : il n'avait pas envie de rester seul
plongé dans ses pensées après la découverte qu'il
venait de faire. Demain, il lui parlerait. Demain.
W W W W W
Renonçant à l'idée de comprendre pourquoi la chanson qui
venait de s'achever lui avait tellement fait penser à Joy et Largo, Kerensky
se replongea dans ses souvenirs. De cette nuit-là, il gardait trois cicatrices
: outre la balle qui lui avait perforé le ventre, une longue entaille
au niveau de son épaule gauche, résultat d'un éclat de
verre projeté par la bombe, resterait à jamais gravée dans
sa chair, comme la dernière cicatrice, psychologique celle-là,
resterait à jamais gravée dans sa mémoire. Cinq ans. Cinq
ans avait passé. Cinq ans qu'il avait juré, par une froide nuit
d'hiver française, qu'il aurait la peau de Jonathan MacLane. Et jamais
il ne l'avait eue. Jamais il ne l'aurait. Cette mission
cette mission
était, à l'exception peut-être de celle où il avait
involontairement tué une gamine de huit ans, la pire dont il puisse se
souvenir. Georgi Kerensky avait été l'agent du KGB le plus doué
pour les langues. Il en parlait couramment et sans accent une dizaine, dont
le français. Alors on l'avait envoyé à Paris pour espionner.
Normal, après tout, c'était son boulot. Là où cela
devenait beaucoup moins normal, c'était qu'en réalité,
il avait servi d'appât. La mission consistait à séduire
la fille d'un des hauts dirigeants du pays afin de lui soutirer des informations
sans éveiller les soupçons de son père. Un jeu d'enfant
pour un agent chevronné comme lui. Il connaissait tout de la fille, de
ses goûts et de ses habitudes. Il s'agissait d'une mission d'infiltration
à long terme, à l'origine. Il y avait eu un hic lorsqu'il était
réellement tombé amoureux de Marie Frosse. Encore que
ce
n'était pas tellement grave. Il connaissait son boulot. Et il avait beau
tenir à cette femme plus que de raison, il savait qu'il n'aurait aucun
mal à la quitter à la fin de la mission. Il était fait
ainsi, depuis des années on lui avait appris à ne pas s'attacher.
Ou en tout cas à ne pas le montrer. Là où les choses se
corsaient, c'était qu'en réalité, la politique franco-russe
s'était mêlée de l'affaire, se servant de lui. Et Marie
était au courant de sa mission. C'était en fait lui qui était
piégé. La France et la Russie avaient peur de la puissance des
Etats-Unis. Mettant de côté leur différents, les deux pays
s'étaient alliés sur cette affaire pour tendre un piège
à l'un des plus importants agents de la CIA : Jonathan MacLane, et se
débarrasser de ce trop talentueux ennemi. MacLane devait croire que Kerensky
avait séduit Frosse pour espionner, et c'était d'ailleurs ce que
pensait Georgi. Effrayé par ce que la française pourrait apprendre
au russe notamment sur l'armement des Etats-Unis, il allait devoir les tuer
tous les deux, faisant d'une pierre deux coups. Seulement, la France avait voulu
abuser la Russie. Seulement, la Russie avait voulu abuser la France. Leur plan
commun était que les deux agents devaient s'en sortir. Mais leurs plans
individuels différaient légèrement : pour la France, MacLane
devait parvenir à tuer Georgi, pour la Russie, MacLane devait parvenir
à tuer Marie. Diabolique. La mission n'avait finalement duré que
trois mois, pour s'achever dans un bain de sang cette veille de Noël :
Marie avait découvert les plans de ses chefs et supposé que la
Russie avait les mêmes. Excellente supposition. Mais trop tard. Elle avait
tout expliqué à Georgi. Quand il avait appris le fin mot de l'histoire,
il avait simplement demandé :
_Pourquoi ?
_Parce que je suis tombée amoureuse de toi, moi aussi. C'est pour ça
que je te le dis.
Il voyait qu'elle avait de la peine à retenir ses larmes. Alors, il l'avait
prise dans ses bras, lui chuchotant des mots tendres dans les cheveux. En s'écartant,
il lui avait expliqué qu'ils trouveraient une solution. Confiante, elle
s'était abandonnée dans ses bras, ignorant que c'était
la dernière chose qu'elle ferait
Alors qu'elle dormait, il s'était
levé pour aller chercher des armes. Avec ce qu'il venait d'apprendre,
deux précautions valaient mieux qu'une, il préférait ne
pas avoir à se contenter de son revolver. En revenant, il avait ouvert
la porte
pour découvrir une bombe sur le lit, à côté
de Marie ligotée, bâillonnée, affolée. Trois minutes
et quatorze secondes avant la détonation. Il se souvenait encore des
chiffres rouges défilant beaucoup trop vite. Il s'était précipité
sur Marie pour la détacher. A peine avait-il enlevé le bâillon
et la corde qui liait les poignets qu'un homme avait surgi de derrière
le rideau : Jonathan MacLane.
_Inutile : vous mourrez tous les deux.
Georgi n'avait pas eu le temps d'attraper le revolver dans son dos : une intense
brûlure se faisait ressentir juste au-dessus de son nombril. Il s'était
écroulé sur le dos, incapable d'articuler un son, incapable de
penser à autre chose que " cette fois, c'est fini " MacLane
s'était penché vers lui, et, faussement compatissant, avait remarqué
:
_Ouille ! Il paraît que ça fait mal, dans le ventre, non ? En plus,
c'est très long à finir. Je me demande de quoi tu mourras : la
bombe ou la balle ? Je ne le saurai jamais.
A cet instant, il avait jeté un regard sur le cadran lumineux et rit
:
_Une minutes trente-sept. Bon, ben c'est pas que je m'ennuie, mais faut que
j'y aille, moi.
Il était sorti, attendant probablement en bas de l'immeuble, mais de
façon suffisamment éloignée tout de même : la déflagration
détruirait probablement tout le bâtiment et les gens qui vivaient
dedans avec, pour être sûr que personne ne sortait. Mais il n'avait
pas prévu que Marie réussirait à se détacher et
se précipiterait chez un voisin. Tout cela, Georgi ne pouvait que le
reconstituer d'après des bribes de conversation qui lui revenaient au
milieu de la douleur à la limite du supportable et de cette pensée
assourdissante : " cette fois, c'est fini. " Marie avait dit au voisin
d'amener Georgi à l'hôpital et il avait, bénit soit-il,
obéit sans discuter.
_Viens, avait réussi à articuler le géant qui, pour la
première fois de sa vie, se sentait affaibli.
_Il faut que je désamorce la bombe, ne t'inquiètes pas, je viens
te voir à l'hôpital dès que j'ai fini.
Dans son délire, Kerensky l'avait cru. Il avait voulu la croire. Avec
le recul, il n'était même pas persuadé qu'elle ait essayé.
Elle s'était probablement assise sur le rebord du lit et avait attendu
la mort. Il l'imaginait très bien faire ça. C'était logique,
et probablement la meilleure solution : l'un d'eux devait mourir, c'était
obligatoire. Pas les deux, parce que sinon, les gouvernements se douteraient
de ce qui s'était passé, de ce que l'autre avait planifié
derrière son dos, et ça aurait été la guerre. Mais
au moins l'un d'eux afin que Jonathan MacLane estime que sa mission était
accomplie. Elle s'était donc sacrifiée pour lui sauver la vie
et pour sauvegarder la paix entre leur deux pays. Lui, au bord de l'évanouissement,
avait suivi sans discuter le voisin qui le portait plus qu'il ne l'aidait à
marcher. Ils avaient eu à peine le temps de sortir. Puis, le souffle
de l'explosion les avait jetés à terre, sur le dos. Kerensky avait
eu le réflexe de se couvrir le visage, mais pas son sauveur. Celui-ci
avait pris un éclat de verre au milieu du front et avait été
tué sur le coup, tandis que Georgi se contentait heureusement d'une épaule
déchirée en deux par une vitre cassée. Lorsque le calme
était revenu, Georgi avait eu le temps d'apercevoir la silhouette de
celui qui venait de devenir l'objet de ses malédictions s'approcher de
lui, probablement pour finir le travail, mais renoncer en entendant les sirènes
du SAMU. Georgi Kerensky venait de perdre une femme qu'il avait aimée
et, mais il n'apprit cela que plus tard, avec elle l'enfant qu'elle portait
depuis un mois et demi. Il sombra dans l'inconscience.
Soudain, Georgi sortit de sa torpeur. Pourquoi pensait-il à ça
maintenant ? Cela faisait cinq ans, maintenant, et il avait pratiquement tourné
la page. Pas au point de ne pas tuer MacLane si jamais il croisait un jour son
chemin, mais assez tout de même pour ne pas se torturer chaque jour avec
cette vieille histoire. Il s'enroula dans une serviette et tenta de concentrer
son attention sur la voix morne du journaliste. Il se figea.
W W W W W
Elle était toujours en train de fredonner le refrain de cette chanson
alors qu'elle était finie depuis plusieurs minutes, réalisa-t-elle
! Elle secoua la tête pour en chasser les idées trop déprimantes.
Elle se leva, s'enroula dans une serviette, et tenta de concentrer son attention
sur la voix morne du journaliste. Elle se figea.
W W W W W
_Nous apprenons à l'instant que parmi les otages se trouvent le fameux
multimilliardaire Largo Winch et son chef de la sécurité, Simon
Ovronnaz. Alors cette attaque pour le moins spectaculaire ne serait en réalité
qu'une simple demande de rançon pour l'un des hommes les plus riches
du monde ?
W W W W W
Joy se précipita sur son téléphone, le rebrancha, et composa
le numéro du penthouse, histoire de vérifier qu'il ne s'agissait
pas d'un canular. Lorsque au bout de quinze sonneries, personne ne répondit,
elle s'accorda le droit de paniquer.
W W W W W
Kerensky se précipita sur son téléphone et composa le numéro
de l'appartement de Joy. Cela sonnait occupé. Elle devait être
au courant et tenter de comprendre. Il essaya sur son portable.
W W W W W
Joy raccrocha et resta trois ou quatre secondes à penser. Le cauchemar
du garde du corps : être spectateur pendant que le patron joue la scène.
Puis, elle prit de nouveau son téléphone et s'apprêtait
à appeler Georgi quand son portable sonna. Elle sourit un bref instant,
elle savait de qui il s'agissait avant même de décrocher.
_Je suppose que tu as entendu.
_Oui. Comme d'habitude ?
_Ca me va.
Ils raccrochèrent simultanément. Joy s'habilla en quatrième
vitesse, prit son arme, sortit de chez elle et appela un taxi, qui fit quelques
difficultés quand elle lui annonça où elle voulait aller
:
_Mais
c'est dangereux, là-bas, Mademoiselle ! Vous savez qu'il
vient d'y avoir une prise d'otages et
_C'est pour ça que j'y vais.
Il ne protesta pas. En arrivant, elle le remercia d'un gros pourboire.
W W W W W
Kerensky s'habilla, prit son arme et appela un taxi : trop dangereux de prendre
la route dans son état. Fatigue nerveuse et physique, café et
déprime due à des souvenirs envahissants ne faisaient pas bon
ménage. Sitôt qu'il arriva au groupe, il s'engouffra dans l'ascenseur,
sous le regard surpris des agents de sécurité peu habitués
à le voir pressé. Arrivé au bunker, il introduisit sa carte
et tapa son code d'accès pour enfin se retrouver devant ses chers ordinateurs.
_Allez, mes bébés. Au boulot. Je sais que vous n'avez pas beaucoup
eu le temps de vous reposer, mais moi non plus, on est à égalité.
Voilà qu'il parlait à des machines, maintenant ! Il allait bientôt
croire aux extraterrestres et voir des éléphants roses s'il continuait
à ce rythme !
_Alors, qu'est-ce que tu me racontes, toi ?
Il lança les quatre machines en même temps mais prit tout de même
le temps de se servir un café : la nuit promettait d'être longue.
W W W W W
_Allez, Largo, viens, une petite virée en boîte, ça fait
longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion de s'amuser, ça sera bien
_Ouais, ben je pouvais pas savoir que ça finirait comme ça !
_Mouais.
_Au moins, on aura eu l'occasion d'assister à une opération pas
banale !
_C'est le moins qu'on puisse dire.
En effet, une demi-heure plus tôt, le toit était parti en éclats
pour laisser apparaître un homme qui était descendu en rappel depuis
un hélicoptère, armé d'une mitraillette, et aussitôt
suivi d'une dizaine d'hommes pareillement équipés. Bien sûr,
Largo avait un poignard accroché à son mollet, bien sûr,
Simon avait son neuf millimètres
mais, bien sûr, ils ne pouvaient
rien tenter sans risquer des représailles de la part des terroristes.
Seuls, peut-être auraient-ils au moins essayé, quitte à
y laisser leur peau, mais les quelques centaines de personnes terrifiées
qui se tassaient les unes contre les autres les avaient dissuadés, réduisant
à néant toute idée héroïque. En une demi-heure,
tout ce que les hommes en noir avait fait avait été d'appeler
la police ! Visiblement, il s'agissait d'un coup d'éclat, pas d'une opération
discrète. Bien sûr, les médias s'étaient précipités
sur cette histoire. Si on ne pouvait plus s'amuser sans risquer une prise d'otage,
où allait-on ? Puis, le chef, masqué, s'était assis sur
le bar et avait parcouru la foule du regard. Il n'avait pas bougé depuis.
Mais là
_Ah ! Le voilà !
Il désigna du regard Largo à ses hommes, qui l'attrapèrent
et l'amenèrent vers lui sans que celui-ci leur oppose la moindre résistance.
Simon tenta de s'interposer, il ne récolta qu'un coup de crosse derrière
la nuque qui le mit hors jeu pour un moment.
_Largo Winch, le fameux play-boy multimilliardaire, héro,
Aurais-je
oublié un de vos nombreux titres ?
_Oui : ennemi juré des méchants.
Il reçu un éclat de rire.
_Je ne suis pas le méchant dans cette histoire !
_Ah non ?
_Non, et je vais vous le prouver.
Sur un signe de tête, l'un de ses gorilles ouvrit la porte de sortie et
deux autres commencèrent à pousser les gens dehors.
_Non ! Pas lui.
L'un des hommes mit Simon sur son épaule et le déposa sans ménagement
à côté de Largo, qui d'un coup d'il s'assura qu'il
allait bien. Décidément, ça ne devait pas être sa
soirée ! Entre un coup de poing et un coup de crosse, il aurait de bons
prétextes pour se faire dorloter pendant un ou deux mois ! Bientôt,
il ne resta plus dans la grande pièce sombre que Largo, Simon, le chef
des terroristes et ses sbires
W W W W W
_Mademoiselle ! Mademoiselle, vous ne pouvez pas franchir cette ligne !
Joy regarda durement le policier qui venait de lui adresser la parole, l'un
des nombreux présents au milieu des innombrables voitures de police et
des caméras des journalistes.
_Mon patron est là-dedans.
_Les seules personnes qui restent à l'intérieur sont les terroristes
et Largo Winch.
_C'est bien ce que je dis.
Devant le regard incrédule de l'homme, elle expliqua :
_Joy Arden, je suis sa garde du corps.
L'homme la dévisagea.
_Une femme garde du corps ? Il ne s'emmerde pas, le milliardaire. Et je parie
que vous faîtes dans la protection très rapprochée
Joy se rapprocha de lui, séductrice.
_Je peux même vous montrer deux ou trois de mes trucs
A la limite de lui sauter dessus, la dévorant des yeux, l'agent avala
difficilement sa salive.
_Ben
je ne dirais pas non.
Une main baladeuse se hasarda en direction de ses fesses, Joy sourit dangereusement
attrapa le bras et le tordit dans le dos, arrachant un gémissement de
douleur au trop entreprenant policier.
_Bon, maintenant, Don Juan, tu vas me dire tout ce que tu sais des terroristes,
de leurs revendications, de leurs armes, et peut-être que tu garderas
ton bras.
_Vous êtes cinglée !
_Oui.
_Ils sont dix ou douze. Nous ignorons qui est leur chef, d'après les
témoignages, leurs armes sont des AK-47, et ils sont loin de manquer
de munitions. Ils sont arrivés par le toit. Nous ne savons rien de leurs
motivations.
_L'argent ?
_Probable.
_Bien.
Elle relâcha la pression et sourit en entendant le soupir de soulagement.
Elle sortit son portable de sa poche.
W W W W W
_Bon, plus qu'à attendre.
Kerensky but une gorgée de café brûlant, eut une grimace
devant le goût amer, reposa sa tasse. Il avait fait tout ce qu'il pouvait
pour le moment : l'un des ordinateurs affichait sur l'écran géant
les images de CNN, tout en diffusant le son de la radio. Un autre était
lancé sur un programme de recherche international des criminels, cherchant
tous ceux qui pourraient correspondre au profil. Un autre tentait de détourner
un satellite pour pouvoir repérer la position exacte et le nombre de
personnes dans la boîte, le dernier attendait les appels. Joy devait appeler
bientôt, c'était la procédure habituelle : elle sur le terrain,
lui au bunker. La sonnerie ne parvint même pas à le faire sursauter.
Il appuya sur une touche.
_Joy ?
_Ouais.
_Du nouveau ?
_Pas grand chose. Oh ! Attend.
_Quoi ?
_Simon sort.
_Quoi ?!
_Je te rappelle.
W W W W W
_Et maintenant ?
_On attend que votre ami se réveille.
_Pourquoi ?
_Pour l'envoyer porter un message au reste de votre équipe de sécurité.
Largo renonça à comprendre.
_C'est de l'argent que vous voulez ?
_Non.
_Vous avez un nom ?
_Trouvez-m'en un.
Le milliardaire ne réfléchit qu'un instant.
_Que diriez-vous de Trinita ?
Winch parvint à distinguer un sourire malgré le masque.
_Ca me va assez.
Trinita, la main droite du Diable. Un surnom parfait.
_Larg' ?
Winch se pencha sur son ami, qui émergeait doucement.
_Comment tu te sens ?
_Comme si on m'avait assommé par derrière.
_Normal.
Simon reçut à cet instant un verre d'eau dans la figure, sans
avoir eu le temps de réagir.
_Vous vous sentez mieux, Monsieur Ovronnaz ?
_Disons
un peu plus réveillé mais un peu plus humide. Eh
mais
vous connaissez mon nom ?
Le terroriste ignora la remarque.
_Vous pouvez marcher ?
Simon se leva et parvint sans problème à faire quelques pas.
_Parfait. Vous allez sortir et réclamer Joy Arden.
C'est à cet instant que Largo comprit : pour une fois, ce n'était
pas à lui ou à son argent qu'on en voulait, mais à Joy.
_Hors de question.
Un fois de plus, Trinita ne répondit pas et s'adressa à Largo
:
_Il n'y a qu'une personne de votre entourage dont je n'ai pas trouvé
le nom. Mais j'ai ma petite idée là-dessus : je sais qu'il s'agit
d'un ex du KGB. Comme vous n'auriez engagé que le meilleur, que penseriez-vous
si je vous disais
Pascal Duchène
alias Georgi Kerensky ?
_Je penserais " jamais entendu parler. "
Mais il avait, bien malgré lui, tiqué en entendant le nom de Pascal
Duchène associé à celui de l'informaticien. Qu'est-ce que
c'était encore que cette histoire ? Trinita se tourna de nouveau vers
Simon :
_Vous allez donc sortir et demander Joy Arden et Georgi Kerensky. Je veux qu'ils
soient devant la porte d'ici une demi-heure. C'est plus qu'il n'en faut pour
eux.
Simon fut forcé d'obéir par des coups dans son dos. Décidément,
il s'en souviendrait de cette soirée de débauche entre copains
!
W W W W W
_Simon !
_Joy ! Déjà la moitié du boulot de fait.
_Qu'est-ce que tu veux dire ?
_Ils m'ont chargé d'aller vous chercher, toi et Georgi.
_Quoi !
Puis, soudain, elle aperçu sa joue enflée.
_Mon Dieu ! Ils vous ont tabassés ?
D'abord sans comprendre, Simon réalisa qu'elle fixait son visage tuméfié.
_Oh non ! Ca, c'est Largo. Tu sais où est Kerensky ?
_Comment ça c'est Largo ?
Simon sourit. C'était le moment d'insinuer le doute en Joy.
_On s'est un peu disputé à propos de toi : il ne voulait pas admettre
qu'il t'aimait, mais il a fini par comprendre. Seulement, si on ne le sort pas
de là, il va regretter de ne pas s'en être rendu compte plus tôt,
alors dis-moi où est notre russe préféré.
Sous le choc, Joy préféra ne pas répondre. I need someone
who really sees me
Elle secoua légèrement la tête
et sortit de nouveau son portable de sa poche.
_Georgi, amène-toi ici.
Elle raccrocha sans laisser à l'informaticien le temps de répondre.
W W W W W
_Dîtes, Trinita, je peux savoir ce que vous voulez à mon équipe
de sécurité ?
_Pas à votre équipe de sécurité : seulement à
Arden et Kerensky.
_Expliquez-moi, au moins, peut-être que je peux vous aider.
_La vengeance, Winch. C'est la seule chose qui fait tourner le monde, avec l'argent.
_Je ne comprends pas.
Bien sûr, depuis qu'il connaissait Joy, il avait eu affaire à quelques-uns
uns de ses anciens ennemis venus pour se venger. Bien sûr, depuis qu'il
connaissait Kerensky, il avait eu affaire à quelques-uns uns de ses anciens
ennemis venus pour se venger. Mais quelqu'un qui les voulait tous les deux
ça n'était encore jamais arrivé ! Logique : auparavant,
ils avaient été ennemis, alors quelqu'un qui en voulait à
l'un ne pouvait en vouloir à l'autre : être ennemi avec l'un signifiait
être allié avec l'autre. Le tirant de ses pensées, Trinita
retira son masque.
_Oh, mon Dieu !
Une longue cicatrice barrait le visage aux yeux verts, aux lèvres minces,
aux cheveux noirs.
_C'est Georgi qui vous a fait ça ?
_Non.
_Joy ?
_Oui.
_Bon, ok. Je comprends que vous lui en vouliez. Mais alors pourquoi Kerensky
?
_C'est lié à la même histoire.
A cet instant, on frappa à la porte. Trinita remit son masque.
_Ne leur dîtes pas que vous avez vu mon visage ou ils mourront sur-le-champ.
Winch acquiesça.
W W W W W
_Joy, qu'est-ce qui se passe ?
_Tout ce que je sais, c'est qu'il nous a réclamés tous les deux.
_Une idée de qui c'est ?
_Aucune.
_Bien. On y va.
_Attends ! On ne peut pas se jeter comme ça dans la gueule du loup !
_Ben
si tu tiens à revoir Largo pour lui dire ce que tu as sur
le cur, on n'a pas vraiment le choix.
_Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !
Un silence. Elle s'inclina.
_Bien. Mais les flics ne nous laisseront pas entrer comme ça. Il faut
que Simon les occupe.
_Pas de problème.
Joy vérifia que son arme était bien dans son dos, bien qu'elle
sache qu'elle serait fouillée, et Kerensky assura sa prise sur son neuf
millimètres.
_Simon, tu as ton arme ?
_Ils l'ont prise, de même que le couteau de Largo.
_Ok. Alors toi, tu restes à l'extérieur et tu empêches les
flics d'entrer en force. Nous, on y va.
_C'est parti.
Simon se précipita au-delà du cordon et commença à
faire le pitre, à danser devant la porte, à chanter et à
sauter dans tous les sens pour attirer l'attention, tandis que Joy et Georgi
faisaient dans le discret. Ils frappèrent à la porte, profitant
de ce que l'attention des flics était concentrée sur Simon qui
se débattait comme un beau diable. C'est un coup dans l'estomac qui eu
raison de lui, mais ils étaient déjà entrés.
W W W W W
Trinita fit un signe à l'un de ses acolytes pour qu'il vérifie
qui était à la porte. Lorsque celui-ci aperçu la jeune
femme et le géant blond, il les désarma sans rencontrer de résistance
et les laissa entrer.
_Joy !
_Largo, ça va ?
_Georgi, pourquoi tu l'as laissée venir.
_Non seulement il m'a laissée venir, mais il m'a aidée !
_Vous êtes cinglés !
_C'est ce qui fait notre charme.
_Oh oh oh oh oh oh oh ! C'est fini, oui. Je vous rappelle que vous êtes
trois, sans armes, et que nous sommes onze avec des mitraillettes, alors au
lieu de la jouer cool, vous devriez peut-être commencer à paniquer.
Joy et Kerensky se tournèrent enfin vers le chef de la bande. Joy chercha
dans sa mémoire pour tenter de trouver à qui appartenait cette
voix qu'elle connaissait, mais c'était peine perdue.
_Bon, eh bien vous allez pouvoir nous dire ce qu'on fait ici
_Toujours aussi direct, hein, Georgi ? Tu es en meilleure forme que la dernière
fois que je t'ai vue.
_Qui êtes-vous ?
_Quant à toi, Joy, tu as l'air de t'être bien remise.
Il y eut un trop long silence. Largo ne comprenait plus rien : Trinita semblait
bien connaître ses amis, mais eux n'avaient pas la moindre idée
de son identité. Qu'est-ce qui se passait, encore ?
_Bon, tu nous expliques, Trinita ?
_Trinita ?
Georgi sourit. Il savait qui avait donné ce surnom au terroriste. Ca
lui allait comme un gant. Mais il ignorait encore à quel point
Il n'allait pas tarder à l'apprendre.
_On va jouer aux devinettes. Georgi, si je te dis mission d'infiltration qui
a mal tourné, Joy, si je te dis meilleure amie ?
_MacLane !
Les deux ex agents avaient poussé la même exclamation, sur le même
ton incrédule, au même moment. Trinita, alias MacLane, enleva son
masque pendant que Joy et Kerensky se tournaient l'un vers l'autre de façon
à se faire face, sans comprendre.
_Tu le connais ?
_Il est le pire cauchemar de ma vie depuis cinq ans.
_Cinq ans ?
MacLane sourit. C'était exactement ce qu'il avait prévu : aucun
des deux ne savait que l'autre avait eu affaire à lui cette même
nuit, veille de Noël.
_Je crois que je vais vous laisser vous expliquer.
Mais comme tous restaient obstinément muets, il se décida à
prendre la parole.
_Alors, auquel vais-je expliquer l'histoire en premier
A toi, Joy : autant
prendre les choses dans l'ordre chronologique.
Mais il savait qu'il n'aurait pas à gaspiller sa salive longtemps : en
entendant le nom qu'il allait prononcer dans quelques secondes, Arden réagirait.
_Il était une fois les gouvernements russe et français qui décidaient
que les Etats-Unis étaient trop puissants et qu'ils devaient se débarrasser
du meilleur agent de ce grand pays, en l'occurrence, moi. Pour ça, ils
se servirent de leurs meilleurs agents à eux : Georgi Kerensky pour la
Russie, Marie Frosse pour la France.
_Mais Marie n'était pas française
Comme prévu, Joy s'en mêlait à l'évocation de ce
nom. MacLane sourit lorsque Georgi la contredit :
_Bien sûr que si
elle était la fille de Pierre Frosse
et accessoirement la fiancée de Pascal Duchène.
Largo sursauta :
_Mais Pascal Duchène
c'est toi, Georgi.
_Comment tu sais ça, toi ?
Trinita leva la main, comme s'il était en classe :
_J'avoue, M'sieur : c'est moi qu'ai cafté !
_Espèce de salaud ! Elle était enceinte !
Largo, surpris de voir le russe perdre à ce point son sang froid, se
leva et lui retint le bras pour l'empêcher de tenter l'impossible.
_Elle ne l'avait dit à personne
Même pas au père.
Comment le sais-tu, Kerensky ?
Georgi se tourna vers Joy.
_Je n'y comprends plus rien. Je crois qu'il va falloir tout reprendre depuis
le début.
Elle acquiesça silencieusement et s'assit à une table, aussitôt
imitée par Largo. C'était tout juste s'ils n'avaient pas oublié
la présence des dix hommes armés jusqu'aux dents autour d'eux.
Georgi commença :
_Je vous donne ma version, Joy, tu m'expliqueras la tienne ensuite, ça
te va ?
Il n'attendit pas la réponse pour continuer :
_Lors d'une mission d'infiltration en France, il y a cinq ans, je suis tombé
amoureux de la femme à laquelle j'avais du me fiancer. Marie Frosse.
Mais nous avons découvert qu'on nous menait en bateau pour tendre un
piège aux américains. Seulement, ça a mal tourné,
et Jonathan MacLane m'a tiré dans le ventre et laissé pour mort
dans un immeuble sur le point d'exploser. Mais Marie a pu me faire sortir et
c'est elle qui y est resté. Elle s'est sacrifiée pour la paix
entre nos pays et pour ma survie.
_Alors c'était toi le père ?
_Oui, mais je ne l'ai appris que plus tard, à l'hôpital et
MacLane lui coupa la parole :
_D'ailleurs, ce n'est pas très joli d'avoir fait croire qu'ils n'avaient
pas pu te sauver à l'hosto ! Je te croyais mort, sinon, je t'aurais poursuivit,
j'avais trop peur de ce qu'elle t'avait appris.
_Mais elle ne lui avait rien appris, pour la bonne raison qu'elle n'était
pas française.
Georgi dévisagea Joy :
_C'est à partir de là que je décroche.
_Pierre et Marie Frosse
Lui s'appelait Eric Smith, et elle Samantha Jonhson.
Ils étaient américains. Une quinzaine d'années avant cette
nuit, ils avaient eu pour mission d'infiltrer le milieu politique français
pour renseigner
la CIA. Elle était ma meilleure amie. I've got
my friends, I'm more than ok. La seule, en fait. Je l'avais rencontrée
trois ans plus tôt lors d'une mission en France, au cours de laquelle
elle m'avait hébergée en tant que cousine anglaise pendant quelques
jours. Je la revoyais régulièrement et on s'appelait souvent.
Trois mois avant sa mort, elle m'a appelée en me disant qu'enfin la France
lui faisait confiance et qu'on lui confiait une mission importante. Elle était
heureuse car elle pourrait rapporter des informations sur les relations franco-russe
aux Etats-Unis, et elle comptait également utiliser l'homme qui devait
la séduire pour lui soutirer des infos sur les armes russes. Deux semaines
avant cette nuit maudite, je l'ai appelée pour lui annoncer que je pouvais
passer Noël avec elle, elle m'a dit qu'elle était enceinte et que
j'étais la seule à être au courant, qu'elle aimait le père
alors qu'elle avait prévu de le manipuler. Quatorze jours plus tard,
elle avait découvert des informations compromettantes aussi bien pour
le gouvernement russe que pour le français et l'américain. Elle
voulait rentrer aux USA avec l'homme qu'elle aimait
Toi, Georgi. En apprenant
cela, le gouvernement américain a avancé la mission qui n'était
prévu que quelques mois plus tard. Je ne connaissais Jonathan MacLane
que de réputation, à l'époque, mais lorsque j'ai entendu
mon père parler de cette mission et ajouter qu'on ne dirait pas à
MacLane que la fille était américaine parce qu'il refuserait d'abattre
un agent américain, j'ai compris que je devais faire quelque chose. A
l'origine, la France et la Russie l'ignoraient, mais Sam, ou Marie, comme tu
veux, devait être épargnée. Mais en voulant sauver ta peau,
elle avait trahi. Elle devait payer, d'après les dirigeants. Alors, j'ai
essayé de l'appeler. Mais le numéro où j'avais l'habitude
de l'appeler ne répondait plus : il avait été trafiqué.
Heureusement, mon billet d'avion était prêt, puisqu'il était
prévu que je la rejoigne pour Noël. Alors, j'ai sauté dans
l'avion pour la prévenir. Et
lorsque je suis arrivée, la
seule chose que j'ai vu, c'était un type qui sortait de l'immeuble en
en portant un autre, puis l'immeuble qui a explosé.
_Les types, c'était moi et le voisin.
Elle hocha la tête. Elle avait de plus en plus de mal à parler
: au fur et à mesure que les souvenirs se faisaient plus précis,
ils devenaient plus douloureux également. Largo passa un bras autour
de ses épaules pour l'encourager. Elle se reprit et continua :
_J'ai hurlé.
W W W W W
_NON !!!
Alors que ce cri déchirait sa gorge, Joy aperçu soudain un homme
au cheveux noirs s'approcher des deux silhouettes étendues sur le sol,
puis renoncer. Elle comprit aussitôt qui il était et ce qu'il venait
de faire. Elle le suivit discrètement puis, dès qu'ils furent
dans un endroit assez isolé à son goût, elle l'attaqua.
Une seule idée l'obsédait : " il a tué Sam, il a tué
Sam, il a tué Sam " agrémentés d'une pointe de "
il doit payer. " Elle savait qu'elle pouvait le battre en temps normal,
mais les larmes brouillaient sa vue et ses coups étaient désordonnés.
Il parvint à lui planter un couteau dans la cuisse. Elle pu heureusement
récupérer le couteau et, tandis qu'il tentait de l'étrangler,
la lame l'atteignit au visage. Il n'avait pu l'éviter, mais il avait
tout de même esquivé suffisamment tôt pour que le coup ne
soit pas mortel. Il s'était enfui, ignorant toujours qui était
cette tigresse qui lui avait sauté dessus. Quant à elle, le SAMU
l'avait récupérée en même temps qu'un des deux hommes
qu'elle avait vus plutôt.
W W W W W
_C'est pour ça que je n'ai pas reconnu sa voix tout à l'heure
: la seule fois où je l'avais entendue, c'était il y a cinq ans
quand il m'a traitée de salope.
MacLane ne répondit pas et acheva l'histoire :
_Moi, je suis allée à l'hôpital pour avoir le nom d'une
patiente blessée à la cuisse, après avoir fait soigner
ma blessure par un sagouin qui ne mérite pas le nom de docteur et qui
m'a laissé cette cicatrice. Là-bas, j'ai appris qu'elle n'était
autre que la fille de mon patron. Je ne pouvais pas l'atteindre tant qu'il était
influent à ce point à la CIA. Et par la même occasion, j'ai
appris que Pascal Duchène était décédé suite
à ses blessures
Alors, ça fait quoi, de ressusciter, Georgi
?
_Si c'était pour que tu m'achèves aujourd'hui, j'aurais mieux
fait d'y passer cette nuit-là !
_Pourquoi réapparaître maintenant, demanda Joy ? Pourquoi pas nous
tuer simplement chacun de notre côté ? Et surtout, pourquoi Kerensky
? Tu n'as plus aucune raison de le tuer.
_Je dois finir ma mission. Pour tes autres questions, c'était tout de
même beaucoup plus amusant que vous sachiez toute la vérité
avant de mourir. Moi-même, j'ai tout découvert l'année dernière,
et apprenant que j'avais tué un agent américain, j'ai démissionné.
_Le pauvre petit chéri ne supportait pas d'avoir mal agi ?
Trinita se tourna vers un Largo ironique :
_Je voulais servir mon pays, et on m'a fait le trahir. A partir de cet instant,
je n'ai eu de cesse de me venger. D'abord en tuant Joy pour ce qu'elle m'a fait,
et la tuer punirait également son père pour m'avoir fait abattre
un de nos agents. Et Kerensky et bien
c'est la cerise sur le gâteau.
Il a été facile de retrouver Joy : il est rare qu'elle soit loin
de vous, Winch, et lors d'un reportage, j'ai appris que pour vous atteindre,
il fallait passer par elle. Alors j'ai décidé de vous utiliser.
Vous n'imaginez pas ma joie quand j'ai compris que le membre de votre sécurité
que je n'arrivais pas à identifier n'était autre que Pascal Duchène
Une dernière volonté avant que je ne vous tue tous ?
_Oui.
Il se tourna vers l'endroit d'où venait la voix, c'est à dire
Joy, et reçu aussitôt un poing dans la figure. Une bataille de
courte durée s'engagea. Kerensky et Largo tentèrent d'intervenir,
mais ils se retrouvèrent avec chacun une mitraillette sous le menton.
A peine quinze secondes s'écoulèrent avant que les gardes du corps
de Jonathan MacLane ne réagissent et s'emparent de Joy. Ils durent s'y
mettre à cinq pour la maîtriser.
_Wouha ! Tu n'as pas changé, à ce que je vois. Pour te récompenser
de cet élan de folie, tu seras la dernière à mourir, ainsi,
tu les verras tous les deux s'éteindre sous tes yeux sans pouvoir rien
y faire.
Sans plus de cérémonie, il s'empara sur le bar du couteau de Largo
et le planta dans le ventre de celui-ci, qui se plia en deux sous le coup.
_NON !!!
Joy parvint à se dégager pour se précipiter sur le multimilliardaire.
Still I believe I'm missing something real:I need someone who really sees me
Qui serait cette personne si Largo y restait ? Il n'avait pas le droit de la
laisser tomber !
Largo avait sentit la lame s'enfoncer dans sa chair, pointe glacée signant
son arrêt de mort. Il s'écroula à terre. Contrairement à
ce qu'il aurait cru, il était parfaitement conscient de ce qui l'entourait
: Kerensky qui, sage, ne fit pas un mouvement, sachant que cela ne servirait
qu'à aggraver les choses bien qu'il en meure d'envie, le sourire froid
de MacLane, et Joy qui pleurait, appuyant sur la plaie dans un vain effort pour
stopper l'hémorragie. Demain, avait-il dit. Demain, il dirait à
Joy ce qu'il ressentait pour elle. Mais il n'y aurait pas de demain pour lui.
_Joy
Elle se pencha sur lui pour qu'il n'ait pas à parler trop fort et donc
à se vider plus vite de son énergie. Il allait lui dire qu'il
l'aimait, qu'elle devait faire tout son possible pour tenter de se tirer de
là, quitte à l'y abandonner, qu'elle devait survivre, parce qu'il
ne supporterait pas l'idée qu'elle y soit restée, mais soudain,
il comprit pourquoi il était encore conscient, pourquoi la douleur était
grande sans être insupportable : la blessure n'était pas grave.
Juste une entaille superficielle. Alors, il ne chuchota que deux mots :
_Ca va.
Incrédule, elle le fixa un instant puis, reportant ses yeux sur la blessure,
comprit qu'il ne mentait pas.
_Fais le mort.
Elle espérait avoir parlé assez fort pour qu'il l'entende, mais
assez doucement pour que les terroristes n'aient pas compris. Il ferma les yeux
et lâcha un " dernier " soupir. Elle se releva, forçant
les larmes à continuer de couler pour jouer le jeu. Un regard à
Kerensky qui, les yeux beaucoup trop brillants, détaillait le "
cadavre " de son patron d'un il sceptique : on ne mourrait pas si
vite d'une blessure au ventre, il était bien placé pour le savoir,
à moins qu'un organe vital ait été touché
Ca devait être le cas. Il haussa les épaules, tentant de garder
son masque de froide indifférence. Il posa son regard sur Joy pour savoir
si elle était en état de choc ou si elle pouvait agir. Elle semblait
abattue, mais pas suffisamment pour être hors jeu. A cet instant, Georgi
entendit une plainte étouffée et regarda discrètement derrière
le dos de MacLane pour apercevoir
Simon qui venait d'empêcher pendant
près de trois minutes l'un des terroristes de respirer. Il se retint
de sourire : comment le suisse avait-il réussi cet exploit sans que personne
ne s'aperçoive de sa présence, cela resterait un mystère
pour lui. Il s'aperçut alors que c'était le deuxième homme
qui s'écroulait. Neuf contre trois, c'était déjà
beaucoup plus raisonnable
Encore que
raisonnable n'était
pas vraiment le bon mot, considérant que Simon n'était pas armé
et que lui commençait à sérieusement se demander comment
il parvenait à ne pas s'écrouler, tant son épuisement était
total. Mais il fallait tenter quelque chose. Il mit un léger coup de
coude à Joy qui comprit aussitôt. Dans un parfait ensemble, ils
jetèrent chacun de leur côté un pied dans la mâchoire
de l'homme le plus proche d'eux et parvinrent en moins de deux secondes et demi
à se saisir d'une mitraillette chacun. Sept contre trois. A cet instant,
Largo se releva d'une superbe roulade arrière qui renversa l'homme derrière
lui et lui prit son arme. Georgi n'en cru pas ses yeux ! Six contre quatre.
Beaucoup mieux ! Mais il se remit vite de sa surprise. C'était le chef,
l'homme à abattre : sans lui, les autres se décourageraient. Et
puis
tuer ce monstre n'était pas ce que Georgi avait eu à
faire de plus désagréable dans sa vie ! Apparemment, Joy avait
tenu le même raisonnement, puis qu'en même temps que lui, elle tira.
Quelle balle l'atteignit en premier, ils ne le sauraient sans doute jamais,
mais leur vengeance était accomplie ! Cinq ans qu'ils attendaient ça
Georgi se pencha sur le cadavre pour lui murmurer à l'oreille un "
cette fois, c'est fini " qui fit penser à Simon qu'il avait du louper
quelque chose et qu'il aurait besoin d'un cours de rattrapage ! Largo, lui,
venait de tuer deux des autres et Simon un autre : lui était à
mains nues ! Deux contre quatre ! Excellent. D'autant qu'à cet instant,
la porte vola en éclats et des policiers investirent les lieux, arme
au poing : en entendant les coups de feu, ils avaient cessé de s'interroger
et foncé dans le tas. Les deux derniers méchants posèrent
leurs armes à terre et levèrent les mains. Tout est bien qui finit
bien
Sauf que Largo s'effondra : la blessure en elle-même n'était
pas catastrophique, mais l'effort qu'il venait de fournir avait beaucoup réduit
ses chances de ne pas se vider de son sang. Joy voulu le rejoindre, mais en
fut empêchée par les policiers qui lui barraient la route. L'un
des deux hommes qui restaient réussi à se dégager et se
jeta sur Largo pour l'achever, mais Joy parvint enfin à se frayer un
chemin dans cette marée humaine et c'est elle qui reçut le coup
de couteau destiné à son patron. C'était son boulot, après
tout
Elle retomba lourdement sur Largo, qui gémit et ouvrit les
yeux. En voyant que l'homme s'apprêtait à porter le coup fatal,
il trouva la force de soulever la mitraillette qu'il n'avait pas lâchée
et tira. Puis, ce fut le trou noir.
W W W W W
_Pourquoi est-ce que tu as le droit de sortir et moi pas ?
_Parce que moi, le couteau n'a pas failli me transpercer le cur !
_C'est pas juste !
_Je sais. Mais ne t'en fais pas : je ne partirai pas sans toi.
_Quoi ?
_Je vais attendre que tu sortes. Je reste avec toi.
_Menteur : tu détestes les hôpitaux.
_Mais je ne les déteste pas autant que je t'aime.
Ouf ! Ca y était : c'était lâché. Inquiet, il scruta
la réaction sur le visage de sa garde du corps.
_Quoi ?
_Je t'aime, Joy.
I need someone who really sees me
Elle n'eut pas le temps de réagir
: l'infirmière qui s'occupait d'elle pénétra dans la pièce
en balançant les hanches dans le but de séduire le beau milliardaire.
Love's for a lifetime, not for a moment Mais lui ne sembla pas lui prêter
attention, concentré sur Joy. Elle n'arrivait pas à le croire
L'infirmière partit enfin après avoir vérifié les
dosages. Elle aimait Largo, elle en était sûre maintenant, mais
elle avait tellement peur de n'être qu'une conquête de plus. Mais
elle avait envie d'essayer. So how could I throw it away ? Il se pencha
pour l'embrasser, une petite seconde, redoutant de se faire repousser. Il se
releva et elle lui sourit. A cet instant, Simon pénétra dans la
pièce, juste devant Kerensky. Mais celui-ci comprit aussitôt qu'ils
dérangeaient et sortit en tirant Simon par la manche.
_Mais
Qu'est-ce que
?
_On va chercher un café.
_Quoi ? Mais je ne veux pas de café, je
_Eh bien tu vas encore me raconter comment tu as réussi à entrer
dans la boîte sans qu'on te repère.
_Alors tu vois, c'est simple : j'ai réussi à échapper aux
flics, on n'est pas ex-voleur pour rien, et à escalader l'échelle
de secours, et puis je suis entré par le toit en me laissant glisser
dans l'ombre et j'ai pu
Le reste de ses exploits se perdit dans le couloir blanc. Joy et Largo partagèrent
le même sourire, puis il la regarda si tendrement qu'elle se sentit fondre.
Pourtant
_J'ai peur, Largo.
_Il ne faut pas.
Désormais, elle ne se réveillerait plus seule dans son grand lit
froid, et Largo ne viendrait plus la rejoindre uniquement dans ses rêves,
mais aussi dans la réalité.
And I won't wake up alone any more
Still believing you'll walk through my door;
Il tendit la main vers elle pour lui caresser la joue dans un geste rassurant.
You'll reach for me and I'll know it's for sure,
Then I'll give all the love in the world.
FIN